dimanche, 24 mai 2009
Lenz
Le 20 janvier Lenz marchait dans la montagne. Sommets et hautes pentes sous la neige, dévalant les combes, pierraille grise, pentes verdoyantes, rochers et sapins.
Il faisait un froid humide ; l’eau ruisselait des rochers et bondissait sur le chemin. Les branches des sapins pendaient lourdement dans l’air mouillé. Des nuages gris filaient dans le ciel, mais tout si opaque - et le brouillard d’en bas s’épanchant en vapeurs lourdes et humides à travers les frondaisons, si paresseux, si pesant.
Il avançait, indifférent, sans se soucier du chemin, tantôt en montée, tantôt en descente. Il n’éprouvait aucune fatigue, la seule chose qu’il trouvait désagréable par moments, c’était de ne pouvoir marcher sur la tête.
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lenz, büchner, jacki maréchal
samedi, 16 mai 2009
L'art imite la nature
"L'art imite la nature non pas dans ses effets tels quels, mais dans ses causes, dans sa "manière", dans ses procédés qui ne sont qu'une participation etune dérivation dans les choses de l'art divin lui-même"
Paul Claudel
huile sur toile, 33 x 41 cm,
Musée d'Orsay, Paris.
08:20 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : art, millet, paul claudel
vendredi, 15 mai 2009
Cent solitudes profondes

22:08 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : venise, nietzsche, whistler
lundi, 11 mai 2009
J'ai tout mon temps
La rivière se love et sinue à fleur des prés couverts de gelée blanche. Elle est bordée de saules et de moutons couchés qui font deviner son cours imprévisible comme il doit l'être: un méandre de plus est ce qu'une rivière peut faire de mieux; c'est d'ailleurs ce qu'on en attend. La route, elle aussi, étroite, bleue, brillante de glace, tourne sans rime ni raison là où elle pourrait filer droit et prend par la plus forte pente les tertres qu'elle devrait éviter. Elle n'en fait qu'à sa tête. Le ciel, gouverné par vent d'ouest, vient de faire sa toilette, il est d'un bleu dur. Le froid - moins quinze degrés - tient tout le paysage comme dans un poing fermé. Il faut conduire très lentement; j'ai tout mon temps.
Nicolas Bouvier, Journal d'Aran et autres lieux. Extrait, Petite Bibliothèque Payot, 1991
Voir ici ce site sur Nicolas Bouvier
00:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas bouvier
vendredi, 08 mai 2009
Roch-Gérard Salager
Roch-Gérard Salager a publié cinq titres à ce jour : Corps gisant lisse et nu et Paysages d'urgence, chez Jacques Brémond, De voix, de silence et d'eau, Jour de l'an et Quelques aperçus d'un autre territoire aux éditions La Dragonne. Il poursuit une oeuvre très exigeante et originale, très décalée même. Rien ici de facile, d'évident, Roch-Gérard Salager creuse, fouille les mots, l'écriture est extrêment précise, si concentrée qu'elle en acquiert une certaine rondeur, une puissante subtilité, rendue à sa musicalité finalement : La désignation libère ce que le sens concède au monde, toujours en référence à une histoire, des lieux : Est-il vraiment heureux, ou bien simplement vrai, que la mobilité s'apparente à une sorte de tumulte alors que tout suggérait à l'homme de côtoyer la lente patience du lieu ?
"De voix, de silence et d'eau est une promenade littéraire qui nous emmène à Maguelone, mais aussi sur le Canal du Midi, au Pont du Diable près de Saint-Guillem le Désert et à Montpellier. Il est juste d'affirmer que le lieu appartient à l'espace. Du pied des dunes pourtant, lorsqu'il emprunte le chemin carrossable qui conduit aux édifices de Maguelone, le visiteur est saisi du sentiment contraire : ici le lieu commande à l'espace dont il reste solidaire cependant.
Les lieux décrits et visités s'enrichissent au fur et à mesure d'éléments qui s'y rattachent - on est vraiment dans une promenade littéraire - si bien qu'on est toujours là et en même temps ailleurs, dans une histoire, des mythologies, mais aussi une réalité, un vrai regard sur le monde, au fin fond de nous-mêmes finalement.
Louazna remarque que son père se fâche lorsqu'il est photographié ou filmé sur les plateaux du nord de l'Afrique en compagnie des bêtes dont il surveille le pâturage. Sa colère se fonde sur la conviction que la pellicule incarcère un instant arraché à tous les instants du monde et, partant, qu'un maillon irremplaçable fera défaut dans le kaléidoscope universel. Les bergers touaregs, poursuit Louazna, considèrent qu'un instant détourné, pour mince qu'il soit, peut provoquer un désordre cosmique susceptible de contrarier un homme en passe d'améliorer sa condition après bien des efforts, d'un autre sur le point d'acquitter une dette envers lui-même, d'un autre encore tout près d'obtenir les faveurs de la bien-aimée, la miséricorde des pierres, l'eau claire d'une oasis... Cela rejoint sans doute cette observation que Cézanne couche sur le papier d'une lettre adressée à son père. "L'instant du monde que je souhaite peindre ne peut être figé."
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : roch-gérard salager
jeudi, 07 mai 2009
C'est calme, c'est calme !
« Ce qui me semble à moi, le plus haut dans l’Art (et le plus difficile), ce n’est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d’agir à la façon de la nature, c’est-à-dire de faire rêver. Aussi les très belles œuvres ont ce caractère. Elles sont sereines d’aspect et incompréhensibles. (…) Et cependant quelque chose de singulièrement doux plane sur l’ensemble ! C’est l’éclat de la lumière, le sourire du soleil, et c’est calme ! C’est calme !"
Gustave Flaubert, lettre à Louise Colet, 26 août 1853
Nicolas Poussin : “Le onzième Travaux d´Hercule”
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gustave flaubert, nicolas poussin
dimanche, 03 mai 2009
And your bird can sing
"Vous passez à côté des fleurs. Vous n'écoutez pas les oiseaux. Vous êtes même incapable de laisser un arbre là où il est. Cela doit être rappelé au lecteur qui, au lieu de passer son temps à calculer des combines et des inutilités, devrait se demander si, au moins une fois par jour, il a laissé un arbre où il est et une fleur dans son " sans pourquoi ". Vous ne me direz pas que ce rappel n'est pas d'une troublante actualité, compte tenu de la pollution ambiante. Qui dit pollution dit, en réalité, corruption."
Philippe Sollers, La Divine comédie
Henri Matisse, La Perruche et la Sirène, 1953.
Les Beatles, extrait de Revolver, 1966
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philippe sollers, beatles, matisse
samedi, 02 mai 2009
L'infini
"Il y a dans l'être humain quelque chose qui veut sans cesse en finir avec la singularité. Eh bien moi, non, l'infini doit être posé d'abord."
Philippe Sollers, Grand beau temps, Le Cherche midi éditeur
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philippe sollers, jacki maréchal
jeudi, 30 avril 2009
Un chiffre sacré
"Ce qui se voit ne vient pas de ce qui paraît : trouvez le point d'où vient ce qui paraît, et le Temps vous apparaîtra, le vôtre, rien que le vôtre, le plus singulier, le plus unique, comme s'il était le Temps infini. Il vaut mieux que cela vous arrive avant de mourir. Le moment de mourir n'est pas le vrai moment. Alors, commencez tout de suite. Regardez chaque heure comme un chiffre sacré."
Philippe Sollers, Grand beau temps.
Asger Jorn, ”Didaska I” - 1945
04:02 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : philippe sollers, arger jorn
mardi, 28 avril 2009
Classer
Mon problème, avec les classements, c'est qu'ils ne durent pas ; à peine ai-je fini de mettre de l'ordre que cet ordre est déjà caduc.
Comme tout le monde, je suppose, je suis pris parfois de frénésie de rangement ; l'abondance des choses à ranger, la quasi-impossibilité de les distribuer selon des critères vraiment satisfaisants font que je n'en viens jamais à bout, que je m'arrête à des rangements provisoires et flous, à peine plus efficaces que l'anarchie initiale.
Le résultat de tout cela aboutit à des catégories vraiment étranges ; par exemple, une chemise pleine de papiers divers et sur laquelle est écrit « A CLASSER » ; ou bien un tiroir étiqueté « URGENT 1 » et ne contenant rien (dans le tiroir « URGENT 2 » il y a quelques vieilles photographies, dans le tiroir « URGENT 3 » des cahiers neufs).
Bref, je me débrouille.
Georges Perec, Penser/Classer (1982)
Image trouvée dans l'excellent Cabinet de curiosités d'Eric Poindron
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : georges perec
lundi, 27 avril 2009
Possession
"Nous sommes vraiment les animaux lourds et laboureurs de notre langage qui nous possède d'une façon beaucoup plus fine, beaucoup plus virevoltante, beaucoup plus explosive que nous nous permettons de le penser"
Philippe Sollers, Grand beau temps
Lionel André encre et photographie avec le Yi-king , 2009
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, lionel andré
samedi, 25 avril 2009
Hystérie
« Les deux syllogismes de l’hystérique : Il m’aime, or je ne suis rien, donc c’est un con. Je l’aime, or je suis lui, donc il est mort. » : Philippe Sollers.
16:03 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, hystérie
mardi, 21 avril 2009
Fusées encore
"Ce qu'il y a d'énivrant dans le mauvais goût, c'est le plaisir aristocratique de déplaire"
Baudelaire, Fusées
Photo : (REUTERS/Pouya Dianat)
02:37 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : baudelaire, mauvais goût
lundi, 20 avril 2009
Le malentendu
Le monde ne marche que par le malentendu.
- C'est par le malentendu universel que tout le monde s'accorde.
- Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s'accorder
Baudelaire, Mon coeur mis à nu
Emil Nolde (1867 – 1956), Lake Lucerne, c. 1930, Watercolour on Japanese vellum, 34o x 470 mm. Städel Museum, Frankfurt am Main. © Noldestiftung Seebüll
Photo: Ursula Edelmann.
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baudelaire, emil nolde
mardi, 14 avril 2009
Oiseau
Paul Claudel, dans son Journal (cahier X, 1953).
OISEAU — mot fait de cinq voyelles et d’une seule consonne, moins une consonne qu’un souffle : s. Le reste est fait d’horizons et d’ailes. Il y a un cri aigu : i, et des ailes : u. Peut-être un œuf. Aviculus.
Henri Matisse
13:38 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : matisse, claudel, oiseau
Fâcheries
"Tout homme qui a décidé que l'autre est un imbécile, un mauvais gars, se fâche quand l'autre montre enfin qu'il ne l'est pas."
Nietzsche, Humain trop humain
Felix Valloton, Alexandre Dumas fils
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : nietzsche, felix valloton
mercredi, 08 avril 2009
Toute convention reçue est une sottise
"Il y a à parier, répliqua Dupin, en citant Chamfort, que toute idée publique, toute convention reçue est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre."
Edgar Poe, La Lettre volée
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : edgar poe, chamfort, la lettre volée
mardi, 07 avril 2009
Citations
" Les citations sont utiles dans les périodes d'ignorance ou de croyances obscurantistes. Les allusions sans guillemets, à d'autres textes que l'on sait très célèbres, comme on en voit dans la poésie classique chinoise, dans Shakespeare ou dans Lautréamont, doivent être réservées aux temps plus riches en têtes capables de reconnaître la phrase antérieure, et la distance qu'a introduite sa nouvelle application. On risquerait aujourd'hui, où l'ironie même n'est plus toujours comprise, de se voir de confiance attribuer la formule, qui d'ailleurs pourrait être hâtivement reproduite en termes erronés. La lourdeur ancienne du procédé des citations exactes sera compensée, je l'espère, par la qualité de leur choix. Elles viendront avec à-propos dans ce discours : aucun ordinateur n'aurait pu m'en fournir cette pertinente variété. "
Guy Debord, Panégyrique
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : guy debord, citation
samedi, 04 avril 2009
La Guerre spirituelle
(D'après le roman : "Le secret" de Philippe Sollers) :
La force réside dans la profondeur d’action et non dans le front. Dans la guerre irrégulière, ce que font les hommes est assez peu important, ce qu’ils pensent, en revanche, est capital. L’essentiel au fond est d’amener peu à peu l’ennemi au désespoir, ce qui signifie un plein emploi stratégique plus que tactique et le fait constant de « se trouver plus faible que l’ennemi, sauf sur un point ». On compte donc sur la vitesse, la mobilité, le temps, l’avancée rapide suivie du recul immédiat, le coup porté et aussitôt interrompu pour être porté ailleurs, le modèle devenant celui musical de la portée et non de la force, avec initiative individuelle et, comme dans le jazz, une improvisation collective de tous les instants. Les irréguliers combattent le plus souvent sans se connaître, parfois même en évitant de se connaître, ou encore sans s’admettre entre eux. Ceci est vrai aussi désormais pour la guerre spirituelle et sa substance fluide et réversible de temps comme de mémoire. Dans la guerre irrégulière, le commandement central n’a plus besoin d’être réellement incarné par tel ou tel, la logique y suffit, si elle est portée à une certaine puissance.
On part du principe que l’ennemi croit à la guerre, au sens où un penseur irrégulier comme Kafka, par exemple, disait qu’une des séductions les plus fortes du Mal est de pousser au combat. L’adversaire croit à la guerre, il en a besoin (ne serait-ce que pour vendre des armes) , il lui faut susciter des conflits en attisant les haines.
La rébellion doit disposer d’une base inattaquable, d’un endroit préservé non seulement de toute attaque mais de toute crainte. De cette façon on peut se contenter de deux pour cent d’activité en force de choc et profiter d’un milieu à 98 % de passivité sympathique. L’expression évangélique « qui n’est pas contre nous est pour nous » trouve ainsi son application militaire. Vitesse, endurance, ubiquité, indépendance, stratégie (étude constante des communications) plus que tactique. Il s’agit avant tout de casser chez l’autre sa volonté viscérale d’affrontement. Il cherche à vous imposer sa logique de mort, à vous fasciner avec votre propre mort, vous refusez et refusez encore, vous l’obligez à répéter dans le vide son obstination butée, vous continuez comme si de rien n’était, vous lui renvoyez sans cesse son désir négatif, bref vous finissez par l’user, le déséquilibrer, c’est le moment de passer à l’attaque. Tel est pris qui croyait prendre. Le premier élément est le Temps lui-même, la Mémoire. Le deuxième élément, biologique, n’est plus la destruction éventuelle des corps (tout indique qu’ils n’ont plus la moindre importance) mais le regard détaché sur leur inanité transitoire et leurs modes de reproduction de plus en plus artificiels. Enfin les 9/10 èmes de la tactique sont sûrs et enseignés dans les livres mais le dernier dixième de l’aventure peut être qualifié de « Providence ». Après tout, quelqu’un, entouré seulement de douze techniciens, a ainsi atteint des résultats étonnants. Il ne s’agissait pas de paix mais de guerre, la plus irrégulière qui soit, même pas « sainte », à y regarder de plus près (comme si elle en avait pris les formes pour s’opposer justement, à ces formes).
Conclusion : la guerre irrégulière repose sur une paix si profonde que tout désir de guerre s’y noie et s’y perd. On fait la guerre à la guerre, on traite le mal par le mal, on fait mourir la mort avec la mort (mort où est ta victoire ?) , on circule à grande vitesse dans une immobilité parfaite, on ne vise aucun but, et c’est pourquoi, finalement, il y en a un.
09:45 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guerre, philippe sollers, michéle fuxa
mercredi, 01 avril 2009
L'irruption du divin

00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : divin, philippe sollers, michele fuxa