mardi, 12 juillet 2022
Sabine Weiss, Naples, 1950s
15:35 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sabine weiss, naples
mercredi, 24 février 2021
Naples, 1959, Herbert List
20:35 Publié dans Photo, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : naples, herbert list
mercredi, 25 novembre 2020
Pulvérisation, éclatement d’images, de mots
13:38 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : naples, fugue baroque
mercredi, 24 avril 2019
Henri Cartier-Bresson Napoli, 1960
08:28 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri cartier-bresson, naples
samedi, 02 décembre 2017
Les escaliers de San Felice, le bien nommé
Spaccanapoli. Merveilles du baroque, les escaliers de San Felice, le bien nommé. À l’image de la ville, vastes, ronds comme des coquilles, tournoyants, espace perdu mais peu importe, beauté, rondeurs, plaisir... Les églises ressemblent à des bonbonnières, des biscuits, écrins parfumés, bariolés, lardés de marbre, de stucs, blancs, écrus, roses, verts, pendeloques, niches, tableaux, gris-gris, tout est fait pour que l’esprit chavire, se perde. Ici les plus belles choses sont cachées, les napolitains préfèrent les garder pour eux. Souvent rien ne signale l’entrée d’une cour superbe, d’un escalier virevoltant, d’une église étincelante. Sans doute un des secrets du bonheur, vivre caché...
L’art à Naples n’est pas séparé de la vie, tous ces édifices sont habités, occupés, une statue soutient un fil à étendre le linge, dans cette cour des vespas sont entassées. Invasion rassurante, au contraire de ces villes-musées, léchées, sans aspérités, froides. Commerciales.
Rien de plus étranger aux napolitains que le rendement, l’efficacité. Les glaces qu’ils ont inventées, ils ont laissé aux milanais le soin de les commercialiser, de s’enrichir. Le plaisir de l’instant l’emporte sur tout.
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, roman, prix 98 de la ville de Balma, n&B éditions
20:42 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fugue baroque, naples
jeudi, 02 novembre 2017
La Mergellina
Ça y est, la Mergellina, bourdonnante de bateaux, le bleu de la mer est limpide, presque évanescent, couche parfaite de bleu, tranche napolitaine, féerique. Je suis plongée dans les couleurs, assise, paisible, l’âme secouée, les yeux fixés sur le lointain du port.
Sous un micocoulier, les feuilles vert-pâle se trémoussent dans un bruit d’orgues puis lampées plus basses, fondantes, andante avec cette rafale ardente, pianissimo vent coulis, trémulement des frondaisons, poussées plus lascives des basses encore par les côtés, se laisser bercer, musique qui revient et ne s’arrête jamais, roulis de cloches, coulée mauve dans le crépitement du soleil, ondoiement sonore en diagonale se faufilant entre les maisons, lignes croisées qui se brisent, parterre de roses roses devant moi, feu sous le soleil, balancement léger, vivifiant.
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, roman, prix 98 de la ville de Balma
Photo de Yann Grancher
23:42 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fugue baroque, naples, mergellina
jeudi, 31 août 2017
Temps
"Cherche en toutes choses à mettre le temps de ton côté"
Baltasar Gracian
Photo de Mario de Biasi, Napoli
03:03 Publié dans illuminations, Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baltasar gracian, mario de biasi, naples
mardi, 15 novembre 2016
Naples, pour toujours...
19:07 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : naples
mardi, 07 juillet 2015
Paradis perdu
" - Pour toi, ce jardin, qu'est-ce que c'est ?
- Une sorte de paradis perdu à Naples, le lieu où l'on pense au paradis perdu.
- Et où se trouve l'arbre de la science du bien et du mal ?
- N'importe quel arbre peut être appelé ainsi : cela dépend de ce que chaque femme promet sous son feuillage. "
La femme d'ambre / Ramón Gómez de la Serna
12:43 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : naples
vendredi, 03 avril 2015
Tranches napolitaines
J’ouvre la fenêtre ; une lumière tamisée ondule en arabesques sur les collines et les maisons chaulées. Vert paradis, univers de sensations. La lumière pénètre en moi, flots de langueur, rosée qui me baigne, me submerge. Fenêtre grande ouverte, lumière ombrée, descendante. Languide, sucrée. Un amour insensé coule à flot, je suis arrachée par cette vague lourde et trépidante. Avec l’odeur de la nuit, je me retrouve.
Bord de l’eau, vie neigeuse et azurée de l’écume, reflets fauves de la végétation en taches rousses sur le poli de l’eau, ondulant en papillotes de feu. Pins parasols, flaques mauves dans les eaux brunes de la baie, air tiède, fragrances marines. Sommeil enchanteur, réparateur.
Réveil incertain, bleuâtre. Soleil tonitruant, écrasant, irradiant. Légère indolence, l’air a changé de saveur.
Infinie douceur de l’été, rivages lointains de l’enfance, envie de les retenir un peu, mais ils s’éloignent, horizon bleu. Restent des fanaux qui clignotent. Tous ces souvenirs remontent, lent reflux, indigo de la mer. Pendant ces quelques jours, je n’attends rien, ne m’attends à rien. Marches sur l’île, odeurs de sauvagine, bleu pulvérulent de la Méditerranée. Sur un îlot, hors du temps.
Sur le bateau vers Naples, par Pozzuoli, Gaète, Cumes, traversée de l’antiquité... La route tournoie et s’enroule comme un serpent, avant de se lover dans le chaudron. Voitures, bruits, odeurs, fournaise, pantomimes, vitesse. Jamais je n’ai senti une telle envie de vivre dans les regards, les gestes des gens, cette passion, l’insouciance. La saison du San Carlo n’est pas commencée. La Galleria Umberto I, voûte tournante, en forme de croix, monde à l’intérieur du monde. Pâtisserie Scaturchio, face à San Domenico, délires sucrés, florilège de saveurs, meringues neigeuses, icebergs de sucre, mûres pulpeuses et boursouflées, fraises fondantes acidulées, pistaches croquantes, abricots blonds veloutés, melons confits, fines lamelles d’amandes, fleurs d’oranger aux saveurs aériennes, marrons glacés...
Spaccanapoli. Merveilles du baroque, les escaliers de San Felice, le bien nommé. À l’image de la ville, vastes, ronds comme des coquilles, tournoyants, espace perdu mais peu importe, beauté, rondeurs, plaisir... Les églises ressemblent à des bonbonnières, des biscuits, écrins parfumés, bariolés, lardés de marbre, de stucs, blancs, écrus, roses, verts, pendeloques, niches, tableaux, gris-gris, tout est fait pour que l’esprit chavire, se perde. Ici les plus belles choses sont cachées, les napolitains préfèrent les garder pour eux. Souvent rien ne signale l’entrée d’une cour superbe, d’un escalier virevoltant, d’une église étincelante. Sans doute un des secrets du bonheur, vivre caché...
L’art à Naples n’est pas séparé de la vie, tous ces édifices sont habités, occupés, une statue soutient un fil à étendre le linge, dans cette cour des vespas sont entassées. Invasion rassurante, au contraire de ces villes-musées, léchées, sans aspérités, froides. Commerciales.
Rien de plus étranger aux napolitains que le rendement, l’efficacité. Les glaces qu’ils ont inventées, ils ont laissé aux milanais le soin de les commercialiser, de s’enrichir. Le plaisir de l’instant l’emporte sur tout.
Ciel d’une limpidité infinie, sans nuages. Jours vides, comme si rien ne pouvait être révélé, bains de mer, repos, attente. Sommeil, sommeil profond. Je n’aimerais pas qu’il dure, ce ciel si bleu, si pur. J’ai envie de temps menaçant maintenant, instable, l’esprit y a plus de latitude. J’aime un ciel en mouvement, où l’âme erre, battue par les vents, sans trouver sa place, comme ces nuages qui défilent, chiens pris de folie.
Rien à faire, toujours ce soleil, insatiable.
J’aime regarder les napolitains. Un mystère, une harmonie indéfinissable règnent dans ce peuple, un mélange de cruauté, d’indolence, d’énergie et d’abandon. La ville est rebelle, irréductible aux lois, aucun pouvoir n’a pu la mettre au pas longtemps.
Bains de mer, parfum de jasmin qui flotte sur l’île, senteurs plus entêtantes des géraniums. Odeur du soleil sur la peau, cette sensation de brûlure inonde le corps tout entier.
En attendant, promenades dans Procida, figues de barbarie, pétunias éclatants, odeurs de mimosas, de genêts, frémissement de tout le corps.
Ça y est, le grand jour est arrivé, l’aliscafo fend les flots, bondit sur les vagues. Je laisse le reflet de l’eau me brûler les yeux, la fraîcheur irradier mes poumons. Le Vésuve apparaît en statue du commandeur, avec les fumées d’usines à ses pieds, un halo blanc dans le ciel pâle. La ville déborde la baie et les collines alentour. Une chaleur aiguë jaillit dans ma poitrine, mon ventre, ma peau nourrie de soleil, caressée par les embruns.
Naples surgit, tapie contre la mer et semblant s’en repaître.
Taxi pour la Mergellina...
Le kaléidoscope défile, bariolé, vibrionnant, gestes coupés par la vitesse, visages scandés, couleurs qui suivent de leur cortège le taxi fendant la ville.
Ça y est, la Mergellina, bourdonnante de bateaux, le bleu de la mer est limpide, presque évanescent, couche parfaite de bleu, tranche napolitaine, féerique. Je suis plongée dans les couleurs, assise, paisible, l’âme secouée, les yeux fixés sur le lointain du port.
Sous un micocoulier, les feuilles vert-pâle se trémoussent dans un bruit d’orgues puis lampées plus basses, fondantes, andante avec cette rafale ardente, pianissimo vent coulis, trémulement des frondaisons, poussées plus lascives des basses encore par les côtés, se laisser bercer, musique qui revient et ne s’arrête jamais, roulis de cloches, coulée mauve dans le crépitement du soleil, ondoiement sonore en diagonale se faufilant entre les maisons, lignes croisées qui se brisent, parterre de roses roses devant moi, feu sous le soleil, balancement léger, vivifiant.
La musique, c’est le sang dans mes veines ! J’écoute La Bohème de Puccini. Transportée, je suis la musique, cette voix qui taraude l’âme. Mon âme filtrée par l’émotion, lavée, défaite des mesquineries, des incohérences qui l’envahissent à tout instant. Je vole par-dessus la ville, le cratère du Vésuve, gouffre béant, vire, dessine des courbes. Pareille à la chaleur du soleil, l’émotion qui me nourrit s’insinue partout.
Silence, contrepoint à l’agitation des dernières heures. Arrivée au port. Lent balancement, quiétude, vague clapotis de l’eau. Respiration, à peine... Marche éthérée, les rues sont noires de monde, il y a comme une beauté essentielle dans les gestes des gens, venue du fond des âges, la finesse grecque...
L’agitation en moi s’est reposée. Je ne pense à rien, c’est bon de s’abandonner... Embrasement soudain. Je suis transie de désir. Désir voluptueux et en même temps sérénité. Sens électrisés. Nuit de caresses, ondes de plaisir. Parcourue, débordée. Mon esprit flotte au-dessus de la pièce. Moment où tout est facile, donné.
Béatitude enivrante. Ma vie, si calme pendant longtemps, a pris une brutale accélération.
La nuit est douce encore, les bruits de la ville feutrés par un vent sec qui les emporte loin et se faufile entre les rues, sous un ciel noir paisible, et sculpte des grottes de silence dans la nuit noire.
On est allés au Musée National, voir les fresques de Pompéi, les statues antiques. Assis sur des marches, deux hommes en train de parler. Avec émotion, passion. Ils n’ont pas l’air d’intellectuels. Partout les gens parlent ici. Ce n’est pas cette parole froide, distancée des pays du Nord. Au contraire, il y entre tout l’être, son histoire, ses désirs, sa passion. J’aime cette parole qui tisse la vie.
Départ pour la côte amalfitaine. Echancrures dorées, précipices vertigineux sur une mer d’opale. La roche comme une pâte dessine des courbes, des replis. Sur les crêtes des villages comme des défis à la mer, perchés. De là-haut elle paraît presque irréelle, paisible. Le vent du large vient se frotter aux arêtes dentelées de la presqu’île. Végétation paradisiaque, orangers, citronniers face à l’immensité bleue.
Positano et les rochers des sirènes. C’est ici qu’elles vivaient. De n’avoir pu attirer par leurs chants Ulysse et ses compagnons, elles se sont jetées à la mer de désespoir. Leucosia aux bras blancs a échoué sur la plage de Paestum, Ligeia la mélodieuse en Calabre, Parthénope, celle qui est restée vierge, ici. Naples y trouve son origine.
Retour dans la ville chaudron. Santa-Chiara. Bois d’orangers, végétation grimpante, bancs en quinconce recouverts de majoliques, florilège de scènes de chasse, pêche, vie quotidienne, ou mythologiques. Luxe et raffinement. Pas d’austérité, au contraire, dans cette vie recluse. La sensualité ruisselle. Un calme apaisant, de hauts murs protègent de la ville et de sa rumeur... Cette ambivalence du plaisir et de la claustration est bien napolitaine, stendhalienne même !
Hauteurs de la ville encore. Une fine poudre de nuages, légers comme l’air, stagnent suspendus au-dessus de la côte. Tout est arrêté dans la chaleur de midi, les heures contraires, celles du crime.
Procida est un joyau posé sur la mer. Seule la fraîcheur de l’eau fait oublier un moment la bouillante étuve. Chaleur de septembre. Aujourd’hui rien n’annonce l’arrivée de l’automne.
Raymond Alcovère, extraits de Fugue baroque, roman, n & b éditions, 1998
16:14 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fugue baroque, naples, baroque
mardi, 04 décembre 2012
Un grand calme enfin
Les délires baroques de Spaccanapoli, eux aussi, sont là de toute éternité. Ils figurent l’autre côté des choses, la folie, la mort, l’amour fou.
Ils sont avec moi, ils sont moi, ces frontons d’église, ces figures alambiquées, torsadées, sculptures aériennes, fluides, qui défient le temps, la logique, la mesure. Cette folie-là, je m’y suis lové, comme on se glisse entre les draps pour y trouver le repos, ne plus agir, ne plus être envahi du désordre et de l’incongruité du monde. Un grand calme enfin.
J’aime ces ruelles sombres où clabaude la vie, ces cours, ces palais de marbre, ces rives de l’Italie... Plus envie de retourner en France, je voudrais être une de ces pierres, le bras de cette statue dont le doigt pointe vers la mer, sentir le matin les odeurs de l’aube, sécher au soleil de midi et m’effriter lentement de la vie qui va... La rouille comme une délivrance.
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, prix 98 de la ville de Balma, éditions n & b
03:49 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fugue baroque, naples
mercredi, 09 décembre 2009
Cette sorte de miracle
"- Le baroque, c'est justement ça, travestir la réalité, la mettre en scène. Le baroque c'est la peur de l'ennui, de la platitude, c'est l'outrance, la grandiloquence. Pour défier la vie, sa sécheresse. Le baroque c'est toute une vie d'un seul regard, d'une seule caresse, c'est magnifier les sentiments, leur donner la plénitude, oublier la raison, la mesure, retrouver la vraie vie, son intensité, sa folie. C'est l'Orient, la faconde. Un instant saisi au vol, la grâce de la pierre qui saisit la fluidité de la vie, cette sorte de miracle !"
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, roman, n & b éditions, prix 98 de la ville de Balma
13:26 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fugue baroque, baroque, naples
jeudi, 28 mai 2009
L'inévitable descente du ciel
Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit. (Rimbaud)
J'écris pour agir et pour éviter d'être agi (Francis Ponge)
Naples, les escaliers de San Felice
22:16 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud, francis ponge, naples
mardi, 31 mars 2009
Naples, par Erri de Luca
La nouvelle n'est pas réjouissante : l'UNESCO, organisme collatéral des Nations Unies, aurait l'intention de déclarer Naples « patrimoine mondial de l'humanité ». Une si pompeuse qualification (Patr. Mond. Del. Um., piemmediù pour les intimes) me paraît dépourvue de sens : ou bien on est déjà un patrimoine et ce depuis longtemps, ou bien il n'y a rien à faire et il n'y a pas de proclamations qui tiennent.
L'humanité ne se laisse pas refiler des patrimoines sans nécessité absolue, elle n'est pas avide mais dissipatrice et elle a volontiers envoyé au diable des civilisations tout entières, peuples, religions, langues et leurs capitales, bourgs, faubourgs et agglomérations voisines. Ou bien Naples, ce que je crois, a déjà pénétré dans les yeux et les ventricules du monde, ou bien ce ne sera pas le tiède honneur d'un tampon ONU qui l'y fera entrer.
Je suis né dans cet endroit. Les monuments sales, les enduits craquelés des vieux immeubles, la crue des ordures qui débordaient pour atteindre parfois les premiers étages. Tout cela n'a jamais affaibli chez les habitants la conscience d'être dans un endroit miraculeux. Être comblés du seul fait de boire l'eau du Serino, être rois du seul fait que les rois parlaient napolitain, être magiciens du seul fait de tirer des nombres de leurs rêves et de les voir gagner à la roue du loto, être assassins parce que la vie valait bien une nuit d'amour, être saints parce qu'un caillot de sang se liquéfiait sous verre dans une église ivre de cris perçants. Ils se savaient précieux, sinon ils n'auraient pas résisté aux cent rois de peuples différents qui sont montés sur leur trône et leur dos, ils n'auraient pas non plus survécu au baiser sur la bouche de la syphilis, de la peste, du choléra qui, il n'y a guère plus de vingt ans, attaquait en vain les entrailles de Naples, mine génétique, ville immune, forge d'anticorps.
Face à la perspective de la reconnaissance internationale, les titulaires des biens de la ville bombent le torse. Le professeur Marotta de l'Institut d'études philosophiques, tient l'initiative pour « juste ». Juste ? Une ville qui est là depuis des milliers d'années, ébranlée par les tremblements de terre, fertilisée par les cendres des éruptions, fondée par la plus grande civilisation de la Méditerranée, capitale de royaumes, devrait se flatter de la « juste » improvisation de reconnaissance de la part d'une sorte de WWF (Fond Mondial pour la Nature) des Nations Unies ? C'est le contraire qui est vrai : Naples n'a pas encore reconnu l'ONU et ne se laisse pas conter fleurette par des inconnus.
Je ne suis pas curieux de savoir en quoi consiste ce titre, s'il rapportera quelque pourboire ou fera seulement flotter une autre étoffe de couleur sur la piazza Municipio, mais je ne crois pas que ce « piemmediù » puisse servir à Naples de laissez-passer pour des pèlerins-charters. Naples n'est pas une ville pour touristes. Je le regrette un peu pour l'industrie hôtelière, mais c'est ainsi et je m'en félicite sincèrement avec mon lieu d'origine. En ville les touristes se vendent au poids. On a dépouillé des contingents entiers de marins américains en permission et au retour précipité. Naples, unique au monde, a réussi à se donner le voyageur mimétique, hardi et irréductible qui se dissimule dans ses rues sans appareil cinéphoto-vol-à-la-tire-graphique, qui visite les monuments à la dérobée en faisant semblant de lacer un de ses souliers, lorgnant furtivement ses merveilleuses entrailles. C'est le voyageur discret, noble souche sélectionnée sur le lieu, inexistant ailleurs, passionné et doué d'un subtil regard panoramique.
C'est ma ville d'origine, vieille reine hilarante et effrayante avec le même visage et rien qu'un très léger changement de sourcil. À l'UNESCO je recommande Milan, ville qui a besoin de compréhension, patrimoine mondial de la magistrature.(Référence à l'opération «Mains propres» menée par la magistrature milanaise)
In « Rez-de-chaussée »
Bloc-notes de l’Avennire 1993-1994
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lundi, 30 mars 2009
O sole mio
"Le soleil pénètre dans les fentes profondes de Naples jusqu'aux dalles de lave noire un court laps de temps : une demie-heure par jour. L'artisan, le petit commerçant sortent alors une chaise et s'installent dans le vicolo, et rien, ni personne, fût-ce le plus argenté des clients, ne pourra interrompre l'union de la chaise, du soleil et de l'homme qui forment, l'espace d'une demie-heure, un animal flamboyant, une chimère de bonheur." Jean-Noël Schifano, Sous le soleil de Naples, Découvertes Gallimard
00:15 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : naples, jean-noël schifano, o sole mio
jeudi, 26 mars 2009
O sangue, ô sangue
Marchant à nouveau dans les ruelles basses de la ville, bordées de pièces sans lumières où vivent des familles entières, je pense à l’extraordinaire dernier chapitre de “Kaputt” de Malaparte. C’est en 1943, après des années de guerre, de famine et de souffrance. Naples a été bombardée, les allemands sont partis, elle est exsangue, paie cher d’être la première ville libérée d’Europe. Partout ce ne sont que décombres, ruines, désolation. Dans la ville, il ne reste que les malheureux, ce peuple de l’ombre qui a vécu des années durant dans le labyrinthe immense des grottes, les entrailles de la ville, creusées à même le tuf. Les puissants ont fui comme toujours. Il n’y a plus d’eau, plus de vivres, plus rien. Cette foule émerge à la surface, tant bien que mal, souffrante, loqueteuse, une cour des miracles en marche. Soudain une rumeur surgit et gronde comme une houle. Le sang de Saint-Janvier, qui protège la ville, les deux châsses qui le contiennent, ont été détruites avec la crypte de la cathédrale où elles étaient entreposées, atteintes par une bombe. A cette nouvelle, le peuple déguenillé, assoiffé, amaigri, reflue comme une vague vers la cathédrale, psalmodiant ces mots “O’ sangue, O’ sangue”. Pour ces gens qui ont tout subi, tout enduré, la mort, la souffrance, la faim, la torture, la disparition de ce sang sacré est pire que tout. Et miracle, devant la cathédrale, un prêtre vient annoncer que les quelques gouttes coagulées ont survécu au bombardement. Ce sont des larmes de joie qui coulent maintenant sur les visages de ces êtres nus, l’espoir qui efface tout.
Raymond Alcovère, extrait de "Fugue baroque", n & b, 1998
Caravage, Les sept oeuvres de Miséricorde
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vendredi, 29 août 2008
Le soleil pénètre dans les fentes profondes de Naples
"Le soleil pénètre dans les fentes profondes de Naples jusqu'aux dalles de lave noire un court laps de temps : une demie-heure par jour. L'artisan, le petit commerçant sortent alors une chaise et s'installent dans le vicolo, et rien, ni personne, fût-ce le plus argenté des clients, ne pourra interrompre l'union de la chaise, du soleil et de l'homme qui forment, l'espace d'une demie-heure, un animal flamboyant, une chimère de bonheur."
Jean-Noël Schifano, Sous le soleil de Naples, Découvertes Gallimard
Voir ici, sur Naples, Fugue baroque
00:27 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : naples, fugue baroque
samedi, 19 juillet 2008
Le baroque...
- Le baroque, c'est justement ça, travestir la réalité, la mettre en scène. Le baroque c'est la peur de l'ennui, de la platitude, c'est l'outrance, la grandiloquence. Pour défier la vie, sa sécheresse. Le baroque c'est toute une vie d'un seul regard, d'une seule caresse, c'est magnifier les sentiments, leur donner la plénitude, c'est oublier la raison, la mesure, retrouver la vraie vie, son intensité, sa folie. C'est l'Orient, la faconde. C'est un instant saisi au vol, la grâce de la pierre qui saisit la fluidité de la vie, cette sorte de miracle ! Mais tout ça ne sont que des mots, vous verrez, à Naples, tout sera beaucoup plus clair...
Borromini (San Carlo alle Quattro Fontane, Rome, 1638-41)
09:12 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rome, naples, borromini, fugue baroque
mercredi, 11 juin 2008
Riviera di Chiaia
Pulvérisation, éclatement d’images, de mots. Un dragon menaçant scintille dans les eaux basses du port. La Mergellina encore. Naples se donne ici des airs d’ île grecque placide, recroquevillée au milieu de la grande mer. Procida... Envie de courir, jouer, lever les yeux, les bras au ciel. Je suis incapable de rentrer ce soir, j’ai plutôt envie de traverser la ville, comme Dumas dans son corricolo, virevoltant. Loué une calèche Riviera di Chiaia, et vogue la galère ! J’ai donné au guide tout ce que j’avais, joué les touristes naïfs, je me moque du monde entier, voudrais embrasser l’air que je respire, la mer qui frémit à côté de moi, les gens que je croise. Voilà le Palais Royal, insolent, lugubre, le San Carlo, brillantissime, l’ombre de Stendhal bien sûr, Via Toledo, un concert de lumières, de cris, chatoiement de feu, enfin la montée vers San Martino.Là, mon cicérone m’abandonne. J’ai envie de rire, lui dit qu’il peut bien partir. Il trouvera d’autres touristes à ramener ou peut-être vit-il là, ou n’est-il qu’un gnome, ou le diable, peu importe ! Enfin seul, je laisse mes yeux respirer, se brûler aux lumières de la ville, du port, des îles. J’aimerais que tout s’arrête, mon bonheur est parfait, c’est l’instant où tout se concentre, juste avant le Big Bang. La mer frissonne, donne des baisers au vent, au ciel, une langue de feu lèche l’horizon.
00:04 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : raymond alcovère, gildas pasquet, fugue baroque, naples, riviera di chiaia
dimanche, 18 mai 2008
Je souffre pour Naples, une de mes villes d'adoption
10:28 Publié dans Actu | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : naples