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jeudi, 31 août 2023

L'espace s'est ouvert

Doubles, Je reviens du Lido, mer déchaînée, ciel gris vert, écume bondissante, pêcheurs luttant contre la lame. Il soufflait un vent de folie sur la lagune, tout était mouvement. Là se dévoile l’écriture penchée des nuages. J’ai atteint à cet instant le bonheur parfait. Rien de fixe, de figé, la nature rendue à sa vérité première, toujours croître et renouveler ce qu’elle a créé. L’orage éclaire, explose les repères, le savoir mûrement acquis en une épiphanie. Déchaînement de forces, de désirs. Tout ce que l’on devinait, craignait ou espérait éclate. Le zigzag des éclairs, le grand remuement des vagues, tout est lumière qui vient d’en haut et pénètre en nous. L’univers est une danse, une transe ; je suis alors en pleine sympathie avec ma nature.

J’aime me promener dans la lagune, matière informe, ni mer, ni terre, sable, étangs, eaux poissonneuses, sel, friselis de vent mêlés et gris perlé, elle capte toutes les couleurs du monde et les rend plus douces, plus nobles, avec au printemps ces marées de coquelicots entourées de fusains dans le labyrinthe des canaux. Les fleurs s’appellent les unes les autres, se répondent. Tout se lie et se retourne dans un feu d’artifices carmin, un tournoiement d’étincelles. Je caresse la lumière du soir sur une branche de cerisier. Je suis la substance colorée de la nature. Au loin, la couronne des Dolomites, puissante et apaisée. Puis en lueurs ombrées, la nuit se dissimule avant d’éclater enfin et échancrer la terre. Les convulsions du monde s’estompent. Je fais l’amour avec la nuit ; elle me livre ses secrets ; je bascule dans un autre monde, plus pur, plus vaste, plus vrai.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "L'espace s'est ouvert", extraite du recueil "Doubles", nov 2022.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Également disponible à la librairie Sauramps à Montpellier

Photo de Maurizio Raffa

19:09 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

mercredi, 24 mai 2023

Un article sur Doubles dans l'Agglo Rieuse...

Doubles l'Agglorieuse 260423.jpg

12:02 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

samedi, 06 mai 2023

A travers le corps

Doubles, auguste renoirDepuis longtemps je savais qu’un événement incommensurable allait arriver. Puis, un été chassant l’autre, une langueur s’est installée. À présent, me voici étrangement calme. Mais il faut commencer au début…

J’ai vécu longtemps à l’écart du monde. Heureuse atmosphère de l’école, bavardages incessants, rires, rêves, jeux, désirs partagés. J’ai souffert de quitter mes parents puis j’ai aimé cet enseignement magique, les histoires qu’on nous racontait, tous ces récits merveilleux, et la musique. La musique est comme la rêverie, la pensée, un supplément d’âme, un univers où se déploie, libre, convulsive, passionnée, la beauté du monde.

Ici, le temps n’est jamais froid. Les étés sont brûlants mais les murs épais apportent une bienfaisante fraîcheur, ondulations du vélarium sous le vent tiède. Et la terre regorge de fruits délicieux sous le soleil bouton d'or.

Ma mère jouait de la harpe avant que je m’endorme, ses mains étaient des mouettes, un froissement d’ailes. J’apercevais la mer et la côte en échancrures, les oliviers vert tendre sur la terre rouge, les grenadiers, lilas et sycomores en taches plus sombres sur l’horizon. J’aimais ce dialogue des couleurs, le vol écarquillé des papillons et les senteurs fuchsia de l’été.

J’ai vécu dans cette école à l’abri de la misère du monde. Étrange et sculpturale paix. J’ai lu, des années durant, les vieux textes, écouté les légendes et les épopées vertigineuses. Les témoignages de mes ancêtres, leurs voyages merveilleux...

Sur cette mer qui n’en est pas une, les nuits de lune, j’aimais glisser sur une barque et rêver aux étoiles. Flotter sur l’onde comme un nénuphar,  fleur de lotus détachée du monde et pourtant reliée à lui.

Et puis, de loin en loin, un je ne sais quoi d'autre traversait mon corps, mon corps et mon âme mêlés, j'aimais bien cette sensation, là je me sentais vivre.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "A travers le corps", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Également disponible à la librairie Sauramps à Montpellier
 
A écouter ici en podcast sur Radio Clapas une interview à propos du recueil : https://audmns.com/ZMeUgEL

10:22 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles, auguste renoir

samedi, 15 avril 2023

Le Mystère des cathédrales

doublesJe cherchais depuis des mois Le Mystère des cathédrales de Fulcanelli quand je le trouvai enfin dans une échoppe de la galerie Vivienne. Ce livre me fascinait par son aura, mais je débutais seulement à l’époque mes recherches sur l’ésotérisme, et une grande partie de l'ouvrage me resta incompréhensible. Une note d’une page au milieu du livre retint tout de même mon attention.
C'était une allusion à une philosophie, un courant de pensée, le « littérisme », qui m'était inconnu. Un ouvrage était cité en référence. L'aspect nouveau, original, inédit en tout cas pour moi, de ce mouvement, m'intrigua et je partis à la recherche du livre indiqué.
Plusieurs semaines d'investigation chez les bouquinistes furent nécessaires pour mettre la main dessus. Après l'avoir lu, c'est encore en appendice et presque par hasard, que je découvris des détails nouveaux sur le littérisme et ses arcanes. Son origine remonterait pour certains au devin aveugle Tirésias, qui connut sept vies et fut successivement homme et femme. Les premières sources avérées sont pourtant d'Apollonios de Tyane, qui établit une école pythagoricienne à Ephèse où il fut adoré comme un dieu. Saint-Augustin y fait référence mais la trace se perd ensuite avant de réapparaître grâce à Raymond Lulle, à Majorque, puis se répand à travers toute l'Europe, notamment par René d’Anjou, de manière confidentielle, vraisemblablement kabbalistique. On croise, dans les méandres de ce mouvement le Secret des Templiers, l’ombre de Raymond VII de Toulouse et des Cathares et celle de Christian Rosenkreutz. Le mouvement se détacha ensuite de l’ésotérisme et de plus en plus d’écrivains s’en sont emparés.
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Le Mystère des cathédrales", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

12:07 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

vendredi, 31 mars 2023

Tempo impetuoso d'estate

Claude Monet Palazzo Contarini, 1908.jpgLa nuit, avec ses yeux de masque africain, plombe le ciel. Ville fleuve, embuée dans son liquide initial. Réalité floue, organique...

Antonio Vivaldi, seul à la pointe de la Salute, rêve. Femmes allongées, lascives. Corps huilés. Entremêlements. Anna Giro trône, au milieu de ce harem. Vibrante, luisante, épanouie. Elle danse, effrontée, provocante. Antonio est là, près d’elle. D’un geste, elle l’empêche d’approcher. Bientôt il va l’entourer. Lui, le prêtre roux, au visage si fin, si frêle en apparence. Amant incomparable. Ses doigts sont des caresses. Elle s’envole. L’air épouse ses formes.

Quand il la voit, il entend la musique, elle s’écrit. Staccato, bassons, ombres boisées, legato, violoncelles, pizzicato. L’orchestre se déchaîne. Elle ne cesse de tourner. Son rire tinte comme du verre brisé. Ses gestes, furtifs, accomplis, parlent une langue muette : abandon, luxure, jouissance. Elle sera un jouet entre mes mains tout à l’heure, elle joue à donner cette illusion. La netteté d’esprit cause aussi la netteté de la passion ; c’est pourquoi un esprit grand et net aime avec ardeur, et il voit distinctement ce qu’il aime.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Tempo impetuoso d'estate", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Claude Monet

09:29 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles, claude monet

vendredi, 03 mars 2023

Wandering chief

f3185e75ff144af229a1db1b4a6720d8.jpgL’homme — un agent des services britanniques, installé dans une maison de thé face au débarcadère, observe le va-et-vient des passants, dans une obscurité de glaïeuls. Lent balancement des jonques en guirlande sur la baie.
Enrôlé dans l’armée hollandaise, il a rejoint Batavia, sur l’île de Java, au mois de juin. Son détachement a été envoyé en pleine jungle. Forêt étouffante, dévorée de palétuviers, banians aux racines tressées dans la glaise mais aussi entraînement, discipline, marches forcées et chaleur suffocante.
Un de ses camarades, français comme lui, n’a pas supporté ce régime. Emporté par la malaria en trois jours, il fallait l’enterrer au plus vite. L’homme, porté volontaire, a lui-même creusé le trou. Par peur des miasmes, l’unique sentinelle se tenait à l’écart. Après avoir pioché sous le soleil ardent, profitant d’un moment d’inattention du garde-chiourme, il a détalé. Huit jours durant, il s’est nourri de bananes, de noix de coco, fuyant les habitations. Enfin, il a atteint Semarang, l’autre port de l’île, où il a établi un contact, fait son rapport.
Il a rendez-vous le soir même dans une fumerie d’opium. Personne ne l’a suivi. Il grignote des beignets achetés à un marchand ambulant. Dans l’air, flottent des effluves de jasmin et d’ilang-ilang. La ville se serre au bord d’un fleuve qui serpente vers la mer, entre les forêts de mangroves.
Les lanternes s’allument une à une, dessinant la baie. Alignement hétéroclite des sampans. On se faufile à pied de l’un à l’autre. La fumerie est au bout. Et si c’était un piège, le traquenard idéal ? Comment s’échapper au milieu de l’eau ? C’est un risque à courir, il faut y aller.
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Wandering chief", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

14:11 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

vendredi, 24 février 2023

Le diamant du boa

IMGP0698.JPGSainte-Marie est une petite île oblongue de l’océan Indien, amarrée à Madagascar ; et dans ces années-là, encore oubliée des touristes. Après trois semaines mouvementées dans la Grande Ile, j’étais venu m’y reposer. Toute l’activité s’est développée sur la côte nord-ouest, mieux abritée. Activité réduite, car presque chaque hiver, un cyclone vient ravager la région. Septembre y demeure une saison paisible. Dans les cinq ou six paillotes que compte l’hôtel Atafana, on vit bercé par la mer et le vent dans les frondaisons.
Après deux ou trois jours de farniente, l’envie me reprit de marcher. À Sainte-Marie, les balades sont peu nombreuses. La côte est accidentée, le tour de l’île malaisé. Reste la traversée par le centre pour atteindre l’autre rive, la côte sauvage ; tout le contraire de la première, battue par les vents, la végétation s’y raréfie. Un autre genre de beauté, plus rude, plus dépouillée. On l’évite tant que possible : accostage périlleux, rouleaux dangereux.
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Le diamant du boa", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Photo : Raymond Alcovère

15:06 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

samedi, 18 février 2023

Une interview à propos de "Doubles" sur Divergence FM

couverture Doubles.jpgA écouter ici :

https://divergence-fm.org/podcasts/raymond-alcovere-et-ses-doubles/

Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

 

19:23 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles, divergence fm

vendredi, 17 février 2023

Arrêt aux pages : Nathalie Bouly reçoit Raymond Alcovère

Raymond Alcovere Doubles Couverture Jacki Marechal.jpgArrêt aux pages : Nathalie Bouly reçoit Raymond Alcovère

https://www.radiofmplus.org/

(attention au petit bug, démarrer l'écoute à 0' 37'')

14:54 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles, nathalie bouly

vendredi, 10 février 2023

Si tu le souhaites bien sûr

Edd Allen3.jpgRichard Madden, l’écrivain célèbre, loue chaque année un chalet dans le Jura suisse, seul, isolé, afin de travailler en paix. C’est une région plutôt désertée des touristes, surtout au début décembre. Il descend seulement à la ville une fois par semaine, pour faire des courses.

Au moment de rentrer ce jour-là, il rencontre un employé des postes. Un courrier d’Amérique du Sud vient d’arriver pour lui. Sur le chemin du bureau, il entre dans une boutique, croise des connaissances, s’arrête boire un verre. Au bout du compte, il quitte la petite ville une heure plus tard que prévu.

Les premiers flocons de neige apparaissent alors qu’il prend la route. Il n’y a pas grand risque, son chalet n’est qu’à une douzaine de kilomètres. Pourtant le temps change vite en cette saison. Déjà, les flocons s’épaississent puis une bourrasque se lève. En quelques minutes, une tempête de neige s’abat sur la montagne : un véritable blizzard.

Dans un des derniers virages avant le chalet, la voiture de l’écrivain dérape, et après un tête à queue, plonge dans le ravin, près de cent-cinquante mètres plus bas. Le lendemain, on découvre l’épave de son véhicule, son cadavre déchiqueté, et dans ses affaires, cette lettre :

Mon cher Richard,

Tu dois être étonné de recevoir aujourd’hui de mes nouvelles après tant d’années de silence et mon brusque départ, il y a sept ans. Je pense, qu’après avoir lu cette lettre, tu en comprendras mieux les raisons.

Tu n’as pas oublié, j’en suis sûr, “ nos jeunes années ”. On écrivait tous les deux, surtout des contes fantastiques, c’était notre passion. Ton écriture a évolué, tu as connu le succès, je t’en félicite.

Quant à moi, il en a été tout autrement...
 
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Si tu le souhaites bien sûr", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
 
Photo : Edd Allen

20:49 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

jeudi, 26 janvier 2023

Une interview à propos de "Doubles"

doublesA écouter ici une interview par Jean Pierre Phaure sur RCF à propos de mon recueil de nouvelles "Doubles", ainsi que d'autres émissions autour du thème de la Méditerranée : René Fregni, Jean Giono, Rimbaud et Cézanne...

Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

 

09:29 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

mardi, 24 janvier 2023

Une lecture de "Doubles"

doublesCe petit (par la taille) livre est une merveille ! Tout au long de ces 20 nouvelles, Raymond Alcovère vous emmène dans des mondes fantastiques (sont-ils vraiment réels ?) dont vous découvrirez la destination si vous vous laissez porter par son imagination. "Je est un autre", assurément !
Annick Jeanjean

Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

11:59 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

Une lecture de "Doubles"

doublesCe petit (par la taille) livre est une merveille ! Tout au long de ces 20 nouvelles, Raymond Alcovère vous emmène dans des mondes fantastiques (sont-ils vraiment réels ?) dont vous découvrirez la destination si vous vous laissez porter par son imagination. "Je est un autre", assurément !
Annick Jeanjean

Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

11:59 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

vendredi, 20 janvier 2023

Des fourmis grouillent, c'est tout

Wu Shixian.jpgTcheng vivait en Chine au temps des Cinq dynasties et des Dix royaumes. Soldat parfois ombrageux, fier et indiscipliné, il ne dédaignait pas l’alcool de riz, ni courir le jupon. Orphelin dès le plus jeune âge, il avait appris à se défendre, pourtant il ne pouvait cacher longtemps ce qu’il avait sur le cœur. Jamais il n’avait été ni se serait hypocrite, ou vaniteux. L’air de la liberté, il en avait besoin pour vivre ; et surtout il aimait se regarder en face sans honte.

Un jour où il avait trinqué plus que de raison, alors que rien ne le laissait supposer, le rassemblement fut sonné. Pas encore dégrisé, au premier commandement un peu sec, il réagit vivement, s’emporta, traitant ses supérieurs de bons à rien, de profiteurs. Clamant haut et fort que non seulement les soldats étaient les seuls à risquer leur peau, mais qu’ils ne récoltaient jamais que les miettes de la victoire. Les gradés sentirent le danger de laisser se répandre de telles idées. Réplique immédiate : Tcheng fut chassé de l’armée avec pour tout bagage une volée de coups de bâton.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Des fourmis grouillent", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)

17:41 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

samedi, 14 janvier 2023

Ricardo Almotasim

doublesJe rencontrai Ricardo Almotasim à la revue. On avait concocté un numéro spécial sur lui, et de passage à Paris, il avait accepté de venir au bureau pour une interview. Tout fut décidé très vite, et au grand dam de mes deux associés, je me trouvais seul disponible ce jour-là. J’avais de la chance : Il arriva en fin de matinée et était libre jusqu'au milieu d’après-midi. J'installai le magnétophone et commençai l'interview.
Almotasim paraissait fatigué. Malgré une évidente bonne volonté, il répondait presque mécaniquement aux questions que j'avais soigneusement préparées. Au bout d'une heure, il n'avait rien dit que je ne savais déjà.
Son histoire s'articulait autour de la résistance au franquisme, dans la clandestinité, dont il avait été un des membres les plus actifs et les plus influents. Romans, essais, pamphlets, s'étaient succédé pendant cette période où sa notoriété n'avait cessé de croître à l'intérieur comme à l‘extérieur.
Il symbolisait l'Espagne d'aujourd'hui, celle du changement. Il était un de ses écrivains les plus connus. Il n'avait pas cherché à en profiter outre mesure, n'ayant brigué aucun poste ministériel, se contentant d'enseigner dans un lycée des environs de Madrid. Afin de mettre un terme à ce qui n'apportait strictement rien ni à l'un ni à l'autre, j'arrêtai l'enregistrement et lui proposai d’aller déjeuner.
— Vous avez une voiture, me demanda-t-il ?
— Oui, pourquoi ?
— Voyez-vous, depuis que je suis redevenu un homme libre, à chacun de mes passages à Paris, j'étais pressé par le temps, j'avais beaucoup de rendez-vous, je n'ai jamais eu le temps de faire ce que je voulais…
— De quoi s'agit-il ?
— Vous allez trouver ça ridicule, mais voilà : quand j'étais enfant, c'était en 1936, je suis venu ici avec mes parents, c'est d'ailleurs à notre retour en Espagne que mon père a été assassiné. Nous ne sommes pas restés longtemps, mais j'aimerais refaire, si vous voulez m'accompagner bien sûr, l'itinéraire que nous avions suivi en arrivant, pour autant que je m'en souvienne…
Nous voilà partis. En fermant le bureau, j'y laissai le magnétophone...
 
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Ricardo Almotasim", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
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12:14 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles

vendredi, 06 janvier 2023

Loin de la vie des marionnettes

doubles, hengki  koentjoroLéo marche dans les rues de la ville, c’est le début de l’été. Légèreté partout, les nuages moutonnent. Il imagine les hommes qui vivaient là, il y a trois mille ans. Pas si différents sans doute, avec l’envie d’une caresse sur la peau, d’une fille, du vent…

Là, tout le monde court, la solitude en bandoulière, et des mots improbables s’enfuient dans tous les sens, happés par l’air moite. On dirait qu’ils font semblant. Des somnambules. Leurs corps ne sont pas libres, c’est évident. Ils jouent un rôle, mal pour la plupart. Mâchoires serrées, visages fermés. On les a persuadés qu’en allant vite ils seraient gagnants, mais ils ne savent plus pour qui ils courent, ni pourquoi. Bien déguisés, mais la contrainte, le faux transpirent sous l’uniforme. Nouveauté postmoderne, ils construisent eux-mêmes leur mise en scène. Avec persévérance, détermination : un bel esprit de corps.

Léo a envie de silence. D’ailleurs, tout se ralentit dans sa tête, malgré la vitesse autour. Le silence est magique. Le silence est lumière. Je voudrais voir le soleil rouge sang plonger dans la mer, sentir les embruns fouetter mon visage, le picotement salé de la Méditerranée. Partir. Loin de la vie des marionnettes...

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "La vie des marionnettes", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
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138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Photo de Hengki Koentjoro

lundi, 26 décembre 2022

Wandering chief

Dag Ole Nordhaug.jpgL’homme — un agent des services britanniques, installé dans une maison de thé face au débarcadère, observe le va-et-vient des passants, dans une obscurité de glaïeuls. Lent balancement des jonques en guirlande sur la baie.

Enrôlé dans l’armée hollandaise, il a rejoint Batavia, sur l’île de Java, au mois de juin. Son détachement a été envoyé en pleine jungle. Forêt étouffante, dévorée de palétuviers, banians aux racines tressées dans la glaise mais aussi entraînement, discipline, marches forcées et chaleur suffocante.

Un de ses camarades, français comme lui, n’a pas supporté ce régime. Emporté par la malaria en trois jours, il fallait l’enterrer au plus vite. L’homme, porté volontaire, a lui-même creusé le trou. Par peur des miasmes, l’unique sentinelle se tenait à l’écart. Après avoir pioché sous le soleil ardent, profitant d’un moment d’inattention du garde-chiourme, il a détalé. Huit jours durant, il s’est nourri de bananes, de noix de coco, fuyant les habitations. Enfin, il a atteint Semarang, l’autre port de l’île, où il a établi un contact, fait son rapport.

Il a rendez-vous le soir même dans une fumerie d’opium...

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Wandering chief", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
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dimanche, 18 décembre 2022

Comédie humaine

DoublesC’est au purgatoire, au milieu d’un paysage froid et désolé, entouré de brouillard. À flanc de montagne, dans un chalet vétuste, près de la cheminée, Alexandre Dumas, Stendhal et Marcel Proust, attablés, devisent. Une bouteille d’eau de vie de poire circule. Proust n’en prend pas, il n’aime que la bière.
— Allons les amis, ne faites pas grise mine, lance Dumas ! Certes, ce séjour ne comporte pas que des agréments, mais songez à la félicité éternelle qui nous attend !
Son visage est en mouvement, s’anime comme personne quand il parle.
— Il reste une inconnue, et elle est de taille, reprend-il, pour combien de temps sommes-nous encore ici ? En attendant, l’auberge n’est pas si mauvaise, j’en ai connu de pires !
Il sourit en regardant Proust.
— Et puis nos conversations sont un fameux divertissement ! On n’a pas si souvent l’occasion de causer avec des gens vraiment intelligents. L’intelligence est aussi rare que le bonheur !
Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Comédie humaine", extraite du recueil "Doubles", vient de paraître.
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mercredi, 14 décembre 2022

Être inutile et tranquille définitivement (À Pierre Autin-Grenier)

846248063.jpgC’était le mois de juin. On avait mangé dehors. Nos amis partis, on s’est retrouvés, Elena et moi, assis dans le jardin, à seulement goûter le silence. Ensuite, on est montés et on a fait l’amour sans échanger un mot, comme dans un rituel paisible et dérangeant. Elle s’est endormie, puis je suis redescendu. J’ai tout d’un coup ressenti un immense vide.

C’est ce soir-là que je suis parti. Ce qui nous avait rapprochés, Elena et moi, notre désir de liberté, et ces deux ans de vie commune n’avaient fait que le conforter. Elle et moi on le savait depuis le début, l’histoire pouvait et devait s’arrêter d’un moment à l’autre, on était tous les deux indépendants.

Je ne ressentais pas d’émotion particulière, sinon un sentiment de solitude, mais je m’y étais habitué, avec le temps.

Je lui écrivis une lettre, courte mais limpide. J’éprouvais un certain plaisir à voir se dérouler les arguments sur le papier. Jamais je n’avais vécu aussi longtemps avec une femme, c’était la raison de mon désir d’évasion. Pour le reste, peu de choses à lui dire. Une règle tacite entre nous : ne jamais évoquer le passé.

J’ai toujours aimé les situations nettes, détesté les adieux dans les gares. Je lui demandai de venir chercher mes affaires en son absence. Pourquoi pas, si c’est ta volonté, me répondit-elle. Aucune trace chez elle d’impatience ni de ressentiment. Mon amour-propre que je n’attendais pas en si bonne place, reçut sa première pique. Puis, par cette habitude absurde de raisonner qui ne me quitte jamais, j’en conclus à une certaine élasticité du réel, quoiqu’on pense.

Les jours ont passé, un doigt sur les lèvres. À chaque circonstance qui nous mettait en relation, elle affichait la même tempérance, une parfaite urbanité. Au lieu de me rassurer, cette attitude m’exaspérait.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle, extraite du recueil Doubles, vient de paraître.
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vendredi, 09 décembre 2022

La nuit, avec ses yeux de masque africain, plombe le ciel

Dan Hecho.jpgLa nuit, avec ses yeux de masque africain, plombe le ciel. Ville fleuve, embuée dans son liquide initial. Réalité floue, organique...

Antonio Vivaldi, seul à la pointe de la Salute, rêve. Femmes allongées, lascives. Corps huilés. Entremêlements. Anna Giro trône, au milieu de ce harem. Vibrante, luisante, épanouie. Elle danse, effrontée, provocante. Antonio est là, près d’elle. D’un geste, elle l’empêche d’approcher. Bientôt il va l’entourer. Lui, le prêtre roux, au visage si fin, si frêle en apparence. Amant incomparable. Ses doigts sont des caresses. Elle s’envole. L’air épouse ses formes.

Quand il la voit, il entend la musique, elle s’écrit. Staccato, bassons, ombres boisées, legato, violoncelles, pizzicato. L’orchestre se déchaîne. Elle ne cesse de tourner. Son rire tinte comme du verre brisé. Ses gestes, furtifs, accomplis, parlent une langue muette : abandon, luxure, jouissance. Elle sera un jouet entre mes mains tout à l’heure, elle joue à donner cette illusion. La netteté d’esprit cause aussi la netteté de la passion ; c’est pourquoi un esprit grand et net aime avec ardeur, et il voit distinctement ce qu’il aime.

Raymond Alcovère, début de la nouvelle "Tempo impetuoso d'estate", extraite du recueil Doubles, vient de paraître.
Commande auprès de l'éditeur :
138 pages au format 10x15 ; 9 € (3,5 € de port ; prix forfaitaire quel que soit le nombre d'exemplaires)
Je dispose également d'exemplaires si vous habitez Montpellier.
Photo de Dan Hecho

15:55 Publié dans Doubles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : doubles, dan hecho