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vendredi, 15 mars 2024

Le français

Philippe Sollers"L'avantage du français, c'est sa concision et sa commotion. Il n'est pas fait pour communiquer, mais pour dégager, abréger, juger et tuer."
Philippe Sollers (Médium)
Photo : Gabor Dvornik

mercredi, 13 mars 2024

Insomnies

"J'aime les insomnies de trois heures du matin, les plus dures, les plus inquiétantes, les plus éclairantes. C'est tout de suite, en sursaut, le choix entre la vie et la mort. Il faut vite saisir la vie, malgré ses brûlures, car la mort est trop longue et désespérément ennuyeuse. La mort est une condamnation éternelle à l'ennui."
Incipit de l'ultime roman de Philippe Sollers, "La Deuxième Vie"; postface de Julia KristevaFc2S0kxWIAABh1U.jpg

samedi, 17 février 2024

Voilà son style

Stendhal, Ernst Haas, Philippe Sollers"Voilà son style, dont il dit lui-même qu'il est "horriblement difficile à imiter, car il n'est qu'une suite de nuances vraies."
Philippe Sollers, à propos de Stendhal, dans "Trésor d'amour"
Photo de Ernst Haas

mercredi, 27 décembre 2023

Conformiste

Moises Levy.jpg« Car qu’est-ce qu’un/qu’une conformiste ? De l’enfer inconscient. C’est quelqu’un/quelqu’une qui n’ose pas s’avouer que son désir, c’est l’enfer. C’est pour cela qu’un/qu’une conformiste fonctionne dans la malveillance permanente, la calomnie généralisée sans se rendre compte qu’elles sont la cause de sa jouissance. Inconscient, le/la conformiste est tout simplement un corps qui ne sait pas, et n’a probablement aucune chance de savoir que son mouvement n’est rien d’autre que de la spectralité. C’est un corps du sigle, non du nom. »
Philippe Sollers
Photo de Moises Levy

Bach

hengki  koentjoro, Bach, Philippe Sollers"Chaque fragment de Bach est dimanche."
Philippe Sollers
Photo de Hengki Koentjoro

mercredi, 06 décembre 2023

Raisonnable non ?

Philippe Sollersje crois à ce qui me fait plaisir

me transporte

m'enchante

m'allège

me donne le sentiment d'un salut

raisonnable non ?

Philippe Sollers
San Giorgio Maggiore

mardi, 13 juin 2023

Eveil

roland barthes,philippe sollers« L’éveil sollersien est un temps complexe, à la fois très long et très court : c’est un éveil naissant, un éveil dont la naissance dure. »

Roland Barthes, Sollers écrivain, p. 29

samedi, 03 juin 2023

Le divin Philippe Sollers 

Fw_jh7QXgA8Qy-1.jpgPar Alexandre Folman, la Revue des deux mondes, 19 mai 2023

Avec la disparition de Philippe Sollers survenue le 5 mai 2023, c’est une certaine idée de la littérature qui s’en va. Philippe Sollers y voyait une affaire à prendre très au sérieux, même la plus importante qui soit.

Il tenait la littérature pour la plus secrète matrice de notre monde, celle qui transcende les contingences du présent et éclaire les mystérieuses ruelles escarpées et zigzagantes de l’esprit humain, forcément vénitiennes pour cet amoureux de la Sérénissime et du Tintoret.

Sollers considérait que « l’existence est une illusion d’optique : la littérature est là pour la renverser. » Il avait compris mieux qu’un autre la valeur heuristique du roman. Elle l’habitait. Il y a consacré sa vie.

C’est-à-dire qu’il considérait vraiment la littérature comme le lieu de la vérité de l’être, au sens le plus heideggérien du terme qui soit, absolu, sans voile, tel qu’à lui-même. En ce sens, Sollers était donc déjà d’une certaine façon à lui tout seul un personnage de roman, parlant depuis et avec les livres.

En y repensant, c’est d’ailleurs l’impression fascinante qu’il pouvait donner parfois par son style extrêmement libre, d’une virtuosité constante dans son usage du langage. L’air madré et exégète, il semblait en permanence être détenteur d’ésotérismes jubilatoires ou d’apocryphes précieux. Il paraissait appartenir à un infra monde et arpenter ses lignes de force en voyageur du temps.

Sollers naquit Joyaux, ça ne s’invente pas. Il incarna cinquante ans durant, en tant qu’écrivain et éditeur, la figure radicalement solaire de l’homme de lettres germanopratin, érudit en diable et à l’élan vital débordant.

Deux traits de caractère foncièrement imbriqués pour celui qui s’était choisi pour pseudonyme quasi homophonique « tout entier art » en latin. Cela annonçait donc la couleur : chatoyante et intelligente, celle d’Éros et d’Hermès, des Lumières étincelantes du XVIIIe sa seconde patrie.

Sollers ou le perpétuel hymne à la joie, donc Mozart. Sollers ou le gai savoir, donc Nietzsche. Et tant d’autres : Dante, Voltaire, Casanova. Joueur et rieur, il aimait les masques et être où on ne l’attendait pas.

Cela avait démarré avec ses deux improbables parrains à tout juste 20 ans, et pas des moindres, Mauriac et Aragon, pour Une curieuse solitude, premier roman qui marqua son entrée en littérature. L’Église et le Parti. Sollers d’emblée Janus, tout à tour maoïste puis ultramontain.

Brouiller les pistes, toujours. L’art de la dissimulation, de l’esquive, du clair-obscur était chez ce lecteur averti des Jésuites, une seconde nature. Sa profession de foi.

La guerre de Sollers, celle du goût comme il l’avait nommée, se voulait souterraine et subversive, à la fois patiente à travers l’édition dont il fut le condottiere au Seuil puis à « la Banque centrale » Gallimard, soudainement éclatante et gentiment machiavélique à travers les médias dont il fut l’enfant chéri (Apostrophes, Le Monde des Livres).

Mais une guerre qui était aussi et surtout exigeante. Sollers a été un véritable stakhanoviste. Et pour cette raison, son œuvre restera. Il a publié et fait publier plusieurs centaines de livres. Il y eut bien sûr aussi les revues, fondamentales.

D’abord Tel Quel avec Jean-Edern Hallier au Seuil. Haut lieu expérimental de rencontre entre l’avant-garde et les classiques qui fédéra notamment Roland Barthes, Michel Foucault, Jacques Derrida, Francis Ponge. L’époque qui s’y reflétait était au maoïsme, à la psychanalyse et au structuralisme.

Puis vint L’Infini chez Gallimard avec ce même souci d’exploration esthétique, frondeur et précurseur au risque de fréquenter les infréquentable. La moraline ce n’était pas le genre de Sollers. Il eut le courage de regarder en face certains astres noirs de la littérature, qu’il s’agisse de Céline, de Sade, d’Artaud, de Bataille et d’autres antimodernes. Certainement pour mieux voir le monde ? Pari réussi.

Sollers fut à lui seul le centre de gravité de la vie littéraire et des idées des cinquante dernières années. Ce n’est pas rien et ce n’est pas si fréquent. Vite, la Pléiade pour le divin Sollers !

 

  Alexandre Folman

lundi, 08 mai 2023

Que disent les vieux textes ?

Philippe Sollers« Qu’il faut atteindre la calme fermeté du corps. Qu’il convient de choisir un endroit bien pourvu en eau, agrémenté de toutes sortes de fleurs, riche en racines et en fruits, et qui produit même spontanément toutes sortes de fruits. Qu’il n’y a pas de différence entre se trouver dans un temple ou près d’une rivière, ou encore dans un village, ou même dans une ville. Il suffit que le lieu soit agréable et permette de faire garder conscience de tout. Que l’important est de rester toujours satisfait du style de vie qu’on a choisi. Que, par la méditation, on peut percevoir parfaitement le remède décisif contre la servitude. Que les signes, à l’intérieur et à l’extérieur, indiquent le moment opportun. Que la racine du mot « homme » signifie jouer, s’amuser. Qu’il faut ouvrir le crâne, élever le chant. Que le chant de la syllabe est analogue à la régulation du souffle. Que si la pratique orale n’est pas transmise par ceux qui chantent à voix basse, et si le chant n’est pas d’abord une écoute, il ne pourra y avoir de fruits. Que l’être favorable et subtil, plein de félicité, se trouve dans une chambre secrète, plein de lumière. Que la libération procède du secret. »

Philippe Sollers, l’Étoile des amants.

Photo : Luisa del Valle

samedi, 06 mai 2023

Philippe Sollers

Philippe SollersOn s’en rendra compte probablement plus tard, il est l’écrivain français le plus important de la période. Il propose une vision du monde complète et homogène, sans rien laisser de côté, en rassemblant et harmonisant des univers aussi vastes et divers que la Chine, la Grèce, le 18ᵉ, la peinture, la poésie, la musique, la religion catholique, la sexualité ou la politique. Toujours sous forme d’ouverture, il offre à lire ou regarder, notamment grâce à un sens consommé de la citation, nombre d’écrivains, penseurs et artistes : « Il n’y a qu’une seule expérience fondamentale à travers le Temps. Formes différentes, noms différents, mais une même chose. Et c’est là, précisément le roman. » Audace de pensée, originalité, esprit critique, sens de la formule, de l’esquive et de l’attaque. Avec lui, la poésie n’est pas séparée de la pensée, ni de l’action. Il ajoute, provoquant : « La poésie, c’est la guerre. » S’inspirant de Sun Tzu : « Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. » Sa stratégie est clairement posée : « Ce que l’ennemi attaque, je le défends, ce qu’il défend je l’attaque. » Le difficile bien sûr est de connaître l’ennemi. Il le décrit dans Éloge de l’Infini : « Car l’Adversaire est inquiet. Ses réseaux de renseignement sont mauvais, sa police débordée, ses agents corrompus, ses amis peu sûrs, ses espions souvent retournés, ses femmes infidèles, sa toute-puissance ébranlée par la première guérilla venue. Il dépense des sommes considérables en contrôle, parle sans cesse en termes de calendrier ou d’images, achète tout, investit tout, vend tout, perd tout. Le temps lui file entre les doigts, l’espace est pour lui de moins en moins un refuge. Les mots « siècle » ou « millénaire » perdent leur sens dans sa propagande. Il voudrait bien avoir pour lui cinq ou dix ans, l’Adversaire, alors qu’il ne voit pas plus loin que le mois suivant. On pourrait dire ici, comme dans la Chine des Royaumes combattants, que « même les comédiens de Ts’in servent d’observateurs à Houei Ngan ». Le Maître est énorme et nu, sa carapace est sensible au plus petit coup d’épingle, c’est un Goliath à la merci du moindre frondeur, un Cyclope qui ne sait toujours pas qui s’appelle Personne, un Big Brother dont les caméras n’enregistrent que ses propres fantasmes, un Pavlov dont le chien n’obéit qu’une fois sur deux. Il calcule et communique beaucoup pour ne rien dire, l’Adversaire, il tourne en rond, il s’énerve, il ne comprend pas comment le langage a pu le déserter à ce point, il multiplie les informations, oublie ses rêves, fabrique des films barbants à la chaîne, s’endort devant ses films, croit toujours dur comme fer que l’argent, le sexe et la drogue mènent le monde, sent pourtant le sol se dérober sous ses pieds, est pris de vertige, en vient secrètement à préférer mourir. » Son livre fondateur, outre Paradis, est Femmes, avec cette fameuse phrase : « Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment. » Le Cœur absolu, Le Secret, Les Voyageurs du temps, l’Étoile des amants, Guerres secrètes sont les autres sommets de son œuvre. Ses recueils d’articles : La Guerre du goût, Éloge de l’infini, Discours parfait, Fugues, Complots, permettent d’explorer son univers et la diversité de ses sources d’inspiration. Son écriture déborde de légèreté et d’ironie quand il écrit pour la presse (textes regroupés pour certains dans Littérature et politique). Son but, toujours, inciter à lire : « Mauvais rapport avec le langage, mauvais rapport avec l’Être : c’est la même chose. » La question est centrale : « C’est dans les textes que s’opèrent les identifications décisives. » « Savoir lire, c’est aussi pouvoir tout lire sans rejets et sans préjugés : Claudel et Céline, Artaud et Proust, Sade et la Bible, Joyce et Mme de Sévigné. Prouvez-le, montrez que vous n’êtes pas un esprit religieux. Savoir lire, c’est vivre le monde l’histoire et sa propre existence comme un déchiffrement permanent. Savoir lire, c’est la liberté ». Il n'a de cesse de bousculer les idées reçues, ce qui lui vaut tant d'ennemis, notamment avec « le catholicisme comme négation de la religion » que Jean-Hugues Larché commente ainsi : « L'écrivain maintient que le catholicisme est un athéisme et que la religion catholique est celle qui contient le moins de religion. » Ces mots dans Le Secret le résument bien : « J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N’oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain en somme… Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine… Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir… Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu’on soit là pour. Qu’on existe et qu’on agisse pour. Qu’on pense en fonction d’eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir. » Il exalte la poésie, la gratuité, l’amour pour s’opposer à l’Adversaire : « La règle générale est de raconter des amours impossibles, des impasses, des drames, des récriminations, des échecs, et moi je fais le contraire. » Comme il l’a écrit lui-même dans Passion fixe, ses livres ressemblent à des tableaux cubistes, où la réalité est montrée sous des angles différents qui se multiplient avant de se rassembler de sorte que l’apparent désordre laisse peu à peu place à une savante construction. Selon une technique chinoise très ancienne : « Quand on le déroule, ce livre remplit l’univers dans toutes ses directions, et, quand on l’enroule, il se retire et s’enfouit dans son secret. Sa saveur est inépuisable, tout y est réelle étude. Le bon lecteur, en l’explorant pour son plaisir, y a accès ; dès lors, jusqu’à la fin de ses jours, il en fait usage, sans jamais pouvoir en venir à bout. » Dans un entretien avec Philippe Lejeune en 2009, il précise : « Il est fort possible – mais le temps seul le dira – qu'il s'agisse d'une entreprise métaphysique portant sur une expérience très singulière, dont les rapports avec la littérature seraient tangents, épisodiques, dépendant des situations historiques et en tout cas où l'essentiel ne serait pas là. Il ne s'agirait pas de littéraire à proprement parler et peut-être même pas de littérature. » Roland Barthes l'a noté dans  Sollers écrivain : « celui-ci, pratique, de toute évidence, une écriture de vie. »
Raymond Alcovère

Photo : Jean-Luc Bertini / Pasco

mardi, 03 janvier 2023

Drôle de royaume révolutionnaire...

philippe sollers,dima begma« La France est le pays des accomplissements imprévus. Toutes les contradictions, comme des fleuves, coulent vers elle. Elle les intègre et les assimile, non sans mal, dans des synthèses instables, qui, sans arrêt, se métamorphosent. C'est le pays des fins qui s'ignorent. Drôle de royaume révolutionnaire... »
Philippe Sollers.
Photo : Dima Begma

dimanche, 30 janvier 2022

Rêves

natalia drepina, Philippe Sollers« Vos rêves vous renseignent amplement sur l’avancée ou le recul de vos désirs. »

Philippe Sollers

Photo : Natalia Drepina

samedi, 15 janvier 2022

Passionnément

Philippe Sollers, Nicolas Bell« Si vous aimez quelqu’un, aimez-le passionnément et à tout instant, c’est le temps en personne qui vous aime. »

Philippe Sollers, Carnet de nuit

Photo : Nicolas Bell

lundi, 19 juillet 2021

Venise, voilà son secret

Stefano Avolio, Philippe Sollers« Venise, voilà son secret, est un amplificateur. Si vous êtes heureux, vous le serez dix fois plus, malheureux, cent fois davantage. Tout dépend de votre disposition intérieure et de votre rapport à l’amour.
L’amour ? Oui, et dans tous les sens : anges et libertinage, architecture, peinture, musique, roman, poésie, mais aussi air, pierre, eau, étoiles. Nature et culture enfin à égalité. »

Philippe Sollers, dictionnaire amoureux de Venise

Photo : Stefano Avolio

vendredi, 25 juin 2021

Dévoiler

« Il y a une roue de l'espèce humaine, et elle est voilée. Que vous appeliez ça le péché originel, diable au travail, mauvais arrangement des atomes, discordance entre les sexes, chute dans les phénomènes, exil de l'âge d'or, oubli de l'Être, volonté dévastatrice de l'univers, complot des cellules et, finalement, peur de la mort, on aboutit toujours à la même conclusion dans cette vallée de larmes. Dévoiler veut alors dire simplement remettre la roue en roue libre, à tombeau fermé, redresser le bâton que vous percevez tordu dans l'eau, rectifier la vue dans le temps, apprendre à voir en courbe : « Apprendre à voir en courbe, afin d'anticiper du regard la vue de la Terre promise, où mène une voie sinueuse, un chemin à travers la prairie du malheur », comme me le souffle mon ami Empédocle »

Philippe Sollers, Une vie divinePhilippe Sollers, Empédocle

mardi, 28 avril 2020

Le Secret (Philippe Sollers)

Philippe Sollers, le secretOn s’en rendra compte probablement plus tard, mais c’est l’écrivain français le plus important de la période. Il propose une vision du monde complète et homogène, sans rien laisser de côté, en rassemblant et harmonisant des univers aussi vastes et divers que la Chine, la Grèce, le 18ᵉ, la peinture, la poésie, la musique, la religion catholique, la sexualité ou la politique. Toujours sous forme d’ouverture, il offre à lire ou regarder, notamment grâce à un sens consommé de la citation, nombre d’écrivains, penseurs et artistes : « Il n’y a qu’une seule expérience fondamentale à travers le Temps. Formes différentes, noms différents, mais une même chose. Et c’est là, précisément le roman. » Audace de pensée, originalité, esprit critique, sens de la formule, de l’esquive et de l’attaque. Avec lui, la poésie n’est pas séparée de la pensée, ni de l’action. Il ajoute, provoquant : « La poésie, c’est la guerre. » S’inspirant de Sun Tzu : « Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. » Sa stratégie est clairement posée : « Ce que l’ennemi attaque, je le défends, ce qu’il défend je l’attaque. » Le difficile bien sûr est de connaître l’ennemi. Il le décrit dans Éloge de l’Infini : « Car l’Adversaire est inquiet. Ses réseaux de renseignement sont mauvais, sa police débordée, ses agents corrompus, ses amis peu sûrs, ses espions souvent retournés, ses femmes infidèles, sa toute-puissance ébranlée par la première guérilla venue. Il dépense des sommes considérables en contrôle, parle sans cesse en termes de calendrier ou d’images, achète tout, investit tout, vend tout, perd tout. Le temps lui file entre les doigts, l’espace est pour lui de moins en moins un refuge. Les mots « siècle » ou « millénaire » perdent leur sens dans sa propagande. Il voudrait bien avoir pour lui cinq ou dix ans, l’Adversaire, alors qu’il ne voit pas plus loin que le mois suivant. On pourrait dire ici, comme dans la Chine des Royaumes combattants, que « même les comédiens de Ts’in servent d’observateurs à Houei Ngan ». Le Maître est énorme et nu, sa carapace est sensible au plus petit coup d’épingle, c’est un Goliath à la merci du moindre frondeur, un Cyclope qui ne sait toujours pas qui s’appelle Personne, un Big Brother dont les caméras n’enregistrent que ses propres fantasmes, un Pavlov dont le chien n’obéit qu’une fois sur deux. Il calcule et communique beaucoup pour ne rien dire, l’Adversaire, il tourne en rond, il s’énerve, il ne comprend pas comment le langage a pu le déserter à ce point, il multiplie les informations, oublie ses rêves, fabrique des films barbants à la chaîne, s’endort devant ses films, croit toujours dur comme fer que l’argent, le sexe et la drogue mènent le monde, sent pourtant le sol se dérober sous ses pieds, est pris de vertige, en vient secrètement à préférer mourir. » Son livre fondateur, outre Paradis, est Femmes, avec cette fameuse phrase : « Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment. » Le Cœur absolu, Le Secret, Les Voyageurs du temps, l’Étoile des amants, Guerres secrètes sont les autres sommets de son œuvre. Ses recueils d’articles : La Guerre du goût, Éloge de l’infini, Discours parfait et Fugues, permettent d’explorer son univers et la diversité de ses sources d’inspiration. Son écriture déborde de légèreté et d’ironie quand il écrit pour la presse (textes regroupés pour certains dans Littérature et politique). Son but, toujours, inciter à lire : « Mauvais rapport avec le langage, mauvais rapport avec l’Être : c’est la même chose. » La question est centrale : « C’est dans les textes que s’opèrent les identifications décisives. » « Savoir lire, c’est aussi pouvoir tout lire sans rejets et sans préjugés : Claudel et Céline, Artaud et Proust, Sade et la Bible, Joyce et Mme de Sévigné. Prouvez-le, montrez que vous n’êtes pas un esprit religieux. Savoir lire, c’est vivre le monde l’histoire et sa propre existence comme un déchiffrement permanent. Savoir lire, c’est la liberté ». Il n'a de cesse de bousculer les idées reçues, ce qui lui vaut tant d'ennemis, notamment avec « le catholicisme comme négation de la religion » que Jean-Hugues Larché commente ainsi : « L'écrivain maintient que le catholicisme est un athéisme et que la religion catholique est celle qui contient le moins de religion. » Ces mots dans Le Secret le résument bien : « J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N’oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain en somme… Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine… Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir… Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu’on soit là pour. Qu’on existe et qu’on agisse pour. Qu’on pense en fonction d’eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir. » Il exalte la poésie, la gratuité, l’amour pour s’opposer à l’Adversaire : « La règle générale est de raconter des amours impossibles, des impasses, des drames, des récriminations, des échecs, et moi je fais le contraire. » Comme il l’a écrit lui-même dans Passion fixe, ses livres ressemblent à des tableaux cubistes, où la réalité est montrée sous des angles différents qui se multiplient avant de se rassembler de sorte que l’apparent désordre laisse peu à peu place à une savante construction. Selon une technique chinoise très ancienne : « Quand on le déroule, ce livre remplit l’univers dans toutes ses directions, et, quand on l’enroule, il se retire et s’enfouit dans son secret. Sa saveur est inépuisable, tout y est réelle étude. Le bon lecteur, en l’explorant pour son plaisir, y a accès ; dès lors, jusqu’à la fin de ses jours, il en fait usage, sans jamais pouvoir en venir à bout. » Dans un entretien avec Philippe Lejeune en 2009, il précise : « Il est fort possible – mais le temps seul le dira – qu'il s'agisse d'une entreprise métaphysique portant sur une expérience très singulière, dont les rapports avec la littérature seraient tangents, épisodiques, dépendant des situations historiques et en tout cas où l'essentiel ne serait pas là. Il ne s'agirait pas de littéraire à proprement parler et peut-être même pas de littérature. » Roland Barthes l'a noté dans  Sollers écrivain : « celui-ci, pratique, de toute évidence, une écriture de vie. »

Raymond Alcovère

vendredi, 30 août 2019

On ne sait de quoi il faut le plus s'étonner chez Titien

Philippe Sollers, Titien« On ne sait de quoi il faut le plus s'étonner chez Titien : sa longévité légendaire, sa maîtrise des événements et des puissances, son sens stratégique des affaires ou, tout simplement (tout simplement!) son génie en peinture résumant celui de Venise et projetant sa lumière intérieure sur tous les tableaux après lui. Contre tous ceux qui ne peuvent voir de vraie réussite que dans l'échec, la réussite de cette vie paraît invraisemblable, elle semble une insulte à nos valeurs religieuses de mort, d'empêchement sentimental, de pauvreté ou de malédiction suicidaire. Rien ne lui fait obstacle : sa croissance est celle du temps lui-même. Comme dans un mythe parfait, jusqu'à sa date de naissance prête à controverse et il est le premier à la dissimuler. Le mystère est pourtant simple : Titien était déjà plus qu'excellent étant jeune (il se vieillissait donc pour paraître sérieux et emporter les commandes, et comme il reste incomparable devenu très vieux, il en rajoute pour avoir la paix, stupéfier ses contemporains et poursuivre à l'écart ses toiles les plus secrètes. » Il passera donc pour le grand vieillard centenaire qui continue jusqu'au bout à peindre, alors qu'il meurt seulement (seulement!) à 88 ans, en pleine épidémie de peste, en 1576. » : Philippe Sollers. Dictionnaire amoureux de Venise.
Titien : l'homme au gant

mardi, 20 août 2019

à l'intuition, à l'instinct, au goût

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« Tout cela se passe sans raisonnements superflus, à l'intuition, à l'instinct, au goût. »
Philippe Sollers, Trésor d'amour

dimanche, 17 février 2019

On naît vieux

sol.jpgExtrait de "Une conversation infinie, Josyane Savigneau Philippe Sollers", vient de sortir

lundi, 24 décembre 2018

Rien n'est plus merveilleux pour l'homme que d'être dans un entier repos

Philippe Sollers"S'il n'en reste qu'un, je serai celui-là. J'affirme donc tranquillement, et, s'il le faut, contre la planète entière, que rien n'est plus merveilleux pour l'homme que d'être dans un entier repos, sans passion, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son être, sa sérénité, sa capacité, sa liberté, sa jouissance, sa plénitude. Immédiatement, il sortira, du fond de son être, l'amusement, la lumière, la joie, la gaieté, la reconnaissance, l'espoir."
Philippe Sollers, Le Secret
Photo : Darusz Kclimczack