vendredi, 23 avril 2010
Une question de morale
"Vous savez que je hais la morale, excepté quand elle est faite par Athos."
Aramis
Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas
00:05 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : les trois mousquetaires, alexandre dumas
mardi, 13 avril 2010
La vérité se faufile
"Le roman met tout sur le même plan. C’est sa fonction. Sa grandeur. Sa froideur. Sa chaleur. Il faut qu’on voie tout ensemble, les contradictions les plus prononcées. La vie est impossible. L’impossible devient possible. L’insensé sensé. La vérité se faufile.”
Ph Sollers, Grand beau temps.
Véronèse, Judith et Holopherne
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, grand beau temps
mercredi, 07 avril 2010
La langue qu'ils habitent vient de plus loin qu'eux et les traverse physiquement pour les dévoiler sans qu'ils s'en doutent.
"De la même manière, vous ne parviendrez pas à faire admettre à des subjectivités de plus en plus façonnées par le modèle de la communication répétitive et instantanée, que la langue qu'ils habitent vient de plus loin qu'eux et les traverse physiquement pour les dévoiler sans qu'ils s'en doutent. »
Philippe Sollers
De Chirico, 1914
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, de chirico
mardi, 06 avril 2010
Le songe d'un dieu ivre
« La vie et le monde sont le songe d'un dieu ivre qui s'échappe furtivement du banquet divin et s'en va dormir sur une étoile solitaire, ignorant qu'il crée ce qu'il songe... Et les images du songe se présentent tantôt dans une extravagance bigarrée, tantôt harmonieuses et raisonnables... L'Iliade, Platon, la bataille de Marathon, la Vénus de Médicis, le munster de Strasbourg, la Révolution française, Hegel, les bateaux à vapeur, sont des pensées issues de ce long rêve. Mais un jour, le dieu se réveillera en frottant ses yeux bouffis, il sourira et notre monde s'enfoncera dans le néant sans avoir jamais existé... »
Henri Heine, Tableaux de voyage
Paul Klee, son ancien
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : paul klee, henri heine
lundi, 05 avril 2010
la clef des situations
« Boys du sévère, interprètes anonymes, enchainés et brillants de la revue à grand spectacle qui toute une vie, sans espoir de changement, possèdera le théâtre mental, ont toujours évolué mystérieusement pour moi des êtres théoriques, que j’interprète comme des porteurs de clés : ils portent la clef des situations "
André Breton, l'Amour fou (début du texte)
Magritte, Le temps traversé
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : andré breton, magritte
mercredi, 31 mars 2010
Incompréhensibles...
« Ce qui me semble à moi, le plus haut dans l’Art (et le plus difficile), ce n’est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d’agir à la façon de la nature, c’est-à-dire de faire rêver. Aussi les très belles œuvres ont ce caractère. Elles sont sereines d’aspect et incompréhensibles Quant au procédé, elles sont immobiles comme des falaises, houleuses comme l’Océan, pleines de frondaisons, de verdures et de murmures comme des bois, tristes comme le désert, bleues comme le ciel. Homère, Rabelais, Michel-Ange, Shakespeare, Goethe m’apparaissent impitoyables. Cela est sans fond, infini, multiple. Par de petites ouvertures on aperçoit des précipices ; il y a du noir en bas, du vertige. Et cependant quelque chose de singulièrement doux plane sur l’ensemble ! C’est l’éclat de la lumière, le sourire du soleil, et c’est calme ! C’est calme ! »
Gustave Flaubert, le 26 août 1853
Gilles, Watteau
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gustave flaubert, watteau
mardi, 30 mars 2010
Le vrai charme des gens
« Le vrai charme des gens, c'est le côté où ils perdent un peu les pédales, c'est le côté où ils ne savent plus très bien où ils sont ... ça ne veut pas dire qu'ils s'écroulent, au contraire, ce sont des gens qui ne s'écroulent pas ... mais si tu ne saisis pas la petite racine, le petit grain de la folie chez quelqu'un, tu peux pas l'aimer ... on est tous un peu dément … or, j'ai peur ou au contraire je suis content que le point de démence de quelqu'un soit la source de son charme même. » Gilles Deleuze, Abécédaire, lettre F comme Fidélité.
13:47 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilles deleuze, charme, gildas pasquet
vendredi, 26 mars 2010
Fluctuat
"Dans ces temps-là, les Français s'imaginaient d'aimer leur Roi, et ils en faisaient toutes les grimaces ; aujourd'hui on est parvenu à les connaître un peu mieux. Mais dans le fond les Français sont toujours les mêmes. Cette nation est faite pour être toujours dans un état de violence ; rien n'est vrai chez elle, tout n'est qu'apparent. C'est un vaisseau qui ne demande que d'aller, et qui veut du vent, et le vent qui souffle est toujours bon. Aussi un navire est-il les armes de Paris."
Casanova, Histoire de ma vie
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : casanova, france, eddie bonesire
mardi, 23 mars 2010
Encre
Une goutte d’encre est un lac où un ange a chu si brillamment que la corolle noire de l’impact a le poli de la bakélite, la gracile élégance d’une ombelle fraîchement vernissée, en son centre, — en son ventre où disparaît, engloutie, l’aile agile et frêle du messager divin à jamais immergé dans une obscurité liquide et sirupeuse, collant aux plumes,tenant de l’huile usée et du goudron sécrétés par les soutes d’un jadis si majestueux paquebot, éclatant de blancheur lisse, étoilée, rehaussée du sourire perlé des coquillages servis dans des grands plats d’argent sur le rebord desquels, parmi les algues et les poissons en incrustation d’émail, les guirlandes électriques multicolores bercées par la brise mystérieuse, les lèvres nacrées des femmes en vison, les cols satinés des smokings et les épaulettes d’or des uniformes d’apparat se pressaient, s’agglutinaient et s’évanouissaient en un chapelet de reflets, jouant déjà la scène du naufrage, du fatal destin des lourdes chaloupes au chargement livide, — les coquilles, jetées par-dessus bord depuis le pont des cuisines, attendant patiemment leurs nouveaux hôtes, et légèrement les corps s’enfonçant, se frayant un chemin vertical, hésitant et nécessaire, enrobés d’une solitude qui est celle des astres, auréolés d’un lent nuage verdâtre de poussière marine, impalpable et fuyant suaire de leur déliquescence, premier signe de l’inéluctable entropie dont la pierre renferme les strates, ces cris oppressés de la matière qui, en se disloquant, s’affine et, sur la berge, alanguie, s’étale, poudre de nacre scintillante, pure, et conserve un instant l’empreinte incertaine et fugace de l’aile d’un ange imprudent, tandis que les corps rongés et mous, un à un, gonflés d’un ironique besoin de s’élever, remontent à la surface et jouent dans les vagues.
Jean-Jacques Marimbert, texte paru dans la revue Encres Vagabondes en juin 1999.
Image : d'après une photo de Gildas Pasquet
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-jacques marimbert
dimanche, 21 mars 2010
L'Art de la guerre
« Le recours à la duperie est un principe à observer dans la guerre. Par conséquent, quand vous êtes capable de désirer livrer combat, vous devez tâcher de vous montrer inapte et indifférent. Quand vous voulez rester sur place ou aller loin, feignez le contraire. Quand l’adversaire est cupide, faites-lui miroiter des gains. Quand l’ennemi est en désordre, prenez-le d’assaut ; quand il est en position solide, prenez garde à lui ; quand il est puissant, évitez de le rencontrer ; quand il est arrogant, cherchez à le faire fléchir ; quand il est prudent, incitez-le à l’arrogance ; quand il est dispos, cherchez à le harceler ; quand il est solidaire, efforcez-vous de semer la discorde dans son sein. Attaquez l’ennemi à l’improviste, quand il n’a fait aucun préparatif. Il est impossible de donner un modèle établi des secrets de l’art de la guerre. ».
Sunzi, L'Art de la guerre
02:53 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jacki maréchal, sunzi, l'art de la guerre
samedi, 20 mars 2010
La solitude de l'écrivain
« L'écrivain est seul, abandonné des anciennes classes et des nouvelles. Sa chute est d'autant plus grave qu'il vit aujourd'hui dans une société où la solitude elle-même, en soi, est considérée comme une faute. Nous acceptons (c'est là notre coup de maître) les particularismes, mais non les singularités ; les types, mais non les individus. Nous créons (ruse géniale) des chœurs de particuliers, dotés d'une voix revendicatrice, criarde et inoffensive. Mais l'isolé absolu ? Celui qui n'est ni breton, ni corse, ni femme, ni homosexuel, ni fou, ni arabe, etc. ? La littérature est sa voix, qui, par un renversement "paradisiaque", reprend superbement toutes les voix du monde, et les mêle dans une sorte de chant qui ne peut être entendu que si l'on se porte, pour l'écouter (comme dans ces dispositifs acoustiques d'une grande perversité), très haut au loin, en avant, par-delà les écoles, avant-gardes, les journaux et les conversations. »
Roland Barthes
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : roland barthes, gildas pasquet
jeudi, 18 mars 2010
Une deuxième Révolution a eu lieu en France
« Une deuxième Révolution a eu lieu en France, plus fondamentale que la première, dans le dernier tiers du dix-neuvième siècle. Elle a porté sur les racines mêmes de ce qu'on appelle communément penser, dire, percevoir, représenter, se souvenir, sentir. En peinture, au-delà du surgissement héroïque de l'Impressionnisme (qui continue à culpabiliser la Banque), cette révolution a un nom : Cézanne. En poésie : Rimbaud. On rapproche ici, pour la première fois, ces deux expériences ayant engendré tour à tour le rejet, l'incompréhension, la fascination, l'appropriation, la spéculation. Sous le béton des cultes, les forêts de la liberté ; sous le pavé des thèses, l'évidence. Même si on essaie de la recouvrir sous des flots d'argent ou de tourisme "culturel", une vraie révolution persiste. L'art "moderne" se dissout dans l'affairement spectaculaire ? La Montagne Sainte-Victoire ou Les Illuminations sont là. Que signifie donc cette subversion en couleurs ? Dans quelles dimensions prennent place ces portraits, ces paysages, ces Baigneuses, vers quelle Présence cet espace jamais vu fait-il signe ? Qu'est-ce qu'un Cézanne ? Quel est son Temps ? »
Philippe Sollers, Le Paradis de Cézanne
Cézanne, Pommes, pêches et poires, 1880
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cézanne, philippe sollers
mercredi, 17 mars 2010
Mes hôtes de la nuit
« J'aime les histoires. Je suis d'ailleurs un excellent écouteur d'histoires. Je sais toujours, même si c'est parfois vague, quand une âme ou un personnage est en train de voyager dans l'air et a besoin de moi pour se raconter. Écouter et raconter, c'est un peu la même chose. Il faut apprendre à être disponible, à laisser en permanence la porte de son imagination ouverte. Mes histoires, mes livres, je les ai tout simplement accueillis. Vous vous en doutiez : je crois aux muses. J'ai une immense affection pour mes hôtes de la nuit. Je les traite comme des hôtes de marque. »
Antonio Tabucchi
Fragonard, Le Baiser volé
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antonio tabucchi, fragonard
vendredi, 12 mars 2010
...
"Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit."
Rimbaud
19:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud
La Rochefoucauld, toujours...
« Il faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne fortune que la mauvaise. »
« Nous avons plus de force que de volonté, et c’est souvent pour nous excuser à nous-mêmes que nous nous imaginons que les choses sont impossibles. »
« Il semble que la nature, qui a si sagement disposé les organes de notre corps pour nous rendre heureux, nous ait aussi donné l’orgueil pour nous épargner la douleur de connaître nos imperfections. »
« Ceux qui s’appliquent trop aux petites choses deviennent ordinairement incapables des grandes. »
« Le caprice de notre humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune. »
« On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine. »
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la rochefoucauld, gildas pasquet
mercredi, 10 mars 2010
Du côté du réfractaire
Car il en va des sociétés comme des individus : le réel est toujours du côté du réfractaire, du fugitif, du résistant, de tout ce qu'on cherche à calmer, ordonner, faire taire et qui revient quand même, et qui revient encore, et qui revient sans cesse - incorrigible.
(Christian Bobin, Autoportrait au radiateur)
Fragonard, Aurore
00:14 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : christian bobin, fragonard
lundi, 08 mars 2010
Il neigeait
Il neigeait, et voici, nous en dirons merveilles : l’aube muette dans sa plume, comme une grande chouette fabuleuse en proie aux souffles de l’esprit, enflait son corps de dahlia blanc.
Saint-John Perse
Soir de neige à Honcho Street de Kobayashi Kiyochika
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : saint-john perse
dimanche, 07 mars 2010
Démocratie
Le drapeau va au paysage immonde, et notre patois étouffe le tambour. Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques. Aux pays poivrés et détrempés ! — au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires. Au revoir ici, n'importe où. Conscrits du bon vouloir, nous aurons la philosophie féroce ; ignorants pour la science, roués pour le confort ; la crevaison pour le monde qui va. C'est la vraie marche. En avant, route !
Rimbaud, Illuminations, 1873
Fritz Lang, Metropolis, 1926
16:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rimbaud, illuminations, fritz lang, metropolis
mercredi, 03 mars 2010
Quand avril fait deuil de ses lilas
Quand avril fait deuil de ses lilas, que moutonne l'eau du lac sous les rafales du mistral et que merles transis pas plus que rousserolles ne vous donnent envie de chanter, alors où voulez-vous aller puiser la force d'encore continuer jusqu'à la passerelle, là-bas, où les grands roseaux bleus font signe et nous appellent ?
Une averse sauvage désole soudain sentes et sous-bois qu'au sortir de la forêt ne viendra consoler aucun arc-en-ciel, ils sont tombés des nues les cerfs-volants de fine étoffe qu'enfant nous lancions à l'assaut du soleil et maintenant même l'iris des marais prend sous nos pas une pâleur d'ennui tandis que s'évanouissent en ricanant dans le vent les souvenirs jaunis des jours passés.
Quelque chose de nous déjà doucement gagne l'agonie qu'on voudrait voir encore cavaler vers la vie, au cœur cependant la tranquille espérance qu'un frisson de lumière, agitant là-bas les grands roseaux bleus, suffira sans doute pour atteindre bientôt la passerelle.
Pierre Autin-Grenier, Les Radis bleus
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pierre autin-grenier
samedi, 27 février 2010
La grande route du sentiment
"Nous enfilions la grande route du sentiment, et la reprenions de si haut, qu'il était impossible d'entrevoir le terme du voyage."
Vivant Denon, Point de lendemain, 1812
Photo : Joan Collins par Cornel Lucas
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : vivant denon, joan collins, cornel lucas