mardi, 18 février 2014
Dans son être même
"Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron ni pour les connaisseurs ni pour les clients du patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même."
Charles Péguy
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dimanche, 16 février 2014
Les jours sont ronds
«Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n’ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons. Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l’aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu’il s’allonge à travers leur travail, pendant ce qu’ils appellent « toute la journée » ; puis qu’il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs. Non, les jours sont ronds.»
Jean Giono
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mardi, 11 février 2014
Rien que leur âme libre
10 février 1898, naissance de Joseph KESSEL, journaliste et grand romancier français qui sut nourrir son œuvre de sa vie aventureuse et héroïque. Profondément engagé dans la Résistance au nazisme, Kessel composera, avec Maurice Druon, les paroles du chant des partisans, hymne de la résistance. Ses romans, en particulier l’Equipage, Belle de jour, l’armée des ombres, Terre de feu, le Lion, connaîtront – et connaissent encore – un immense succès et de nombreuses adaptations au cinéma. La plupart de ses livres sont disponibles aux éditions Folio.
« Ces gens auraient pu se tenir tranquilles. Rien ne les forçait à l’action. La sagesse, le bon sens leur conseillait de manger et de dormir à l’ombre des baïonnettes allemandes et de voir fructifier leurs affaires, sourire leurs femmes, grandir leurs enfants. Les liens matériels et les biens de la tendresse étroite leur étaient ainsi assurés. Ils avaient même pour apaiser et bercer leur conscience, la bénédiction du vieillard de Vichy. Vraiment, rien ne les forçait au combat, rien que leur âme libre. »
L’armée des ombres. 1943
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dimanche, 02 février 2014
Certaines nuances d'ordre émotionnel
Quant aux dieux, comment les reconnaître ? Les écrivains ont toujours été, en cela, heureusement sans préjugés. ils ont toujours agi comme s'ils sous-entendaient une observation lumineuse d'Ezra Pound : "Aucune métaphore plus appropriée n'ayant été trouvée pour traduire certaines nuances d'ordre émotionnel, j'affirme que les dieux existent." L'écrivain est celui qui voit ces "nuances d'ordre émotionnel".
Roberto Calasso, La littérature et les dieux
Jan Gossaert, Danaé, 1527
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jeudi, 30 janvier 2014
Pour éviter toute révolte
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mercredi, 29 janvier 2014
Venise
Venise ne sera jamais tout à fait une ville comme les autres et nous n’en partagerons jamais tout à fait le charme. Sans doute y apportons-nous toujours un peu plus que ce qui nous conduit dans une autre ville ; et cela même nous isole et nous divise. Cette passion singulière qu’exige Venise, n’est jamais assez vraie, n’est jamais assez grande, parce qu’elle est de la finalité d’un voyage ; ce voyage fût-il celui de la vie. Pour s’accorder à Venise il faudrait ne pas venir y chercher ce qui s’y trouve, et sans doute d’abord ne pas trouver ce que l’on y apporte. Venise ne nous propose pas une rencontre mais une séparation ; non pas « une arrivée », mais un départ. Le « charme » de Venise tient aussi pour nous à ce qu’installés dans nos certitudes, dans nos inquiétudes, dans nos passions, nous n’y arriverons jamais. Nous n’y arriverons jamais faute de savoir quitter l’espace et le temps qui nous quittent. C’est me semble-t-il ce dont témoignent, en clichés, cet ensemble de souvenirs poétiques : je ne suis pas amoureux de Venise, je suis amoureux d’une lumière, d’un éclat, d’un départ, je suis « amoureux de l’amour ».
Marcelin Pleynet
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lundi, 27 janvier 2014
Limbe bibliothèque
"Il y a dans la littérature, une Limbe bibliothèque où se tiennent en rangs sur les étagères des livres qui n’ont pas été écrits. On allait les écrire. Invisibles la plupart du temps ces livres sont pleurés comme des dieux perdus par des lecteurs inconsolables. Le livre que Joyce n’a pas écrit. Le livre que Stendhal avait envie d’écrire. Le dernier livre de Dostoïevski. Ils me manquent. Je vous attends. Vous alliez être. L’aurait-il jamais écrit, Kafka, son livre du saint des saints ? Et Shakespeare était gros d’un seigneur dont le soleil halète parmi les planètes. "
Hélène Cixous
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vendredi, 24 janvier 2014
Comment écrire une histoire géniale : huit trucs de Kurt Vonnegut

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mardi, 21 janvier 2014
Deux ou trois images simples
"Une oeuvre d'homme n'est rien d'autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l'art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s'est ouvert."
A. Camus - L'envers et l'endroit (Préface)
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dimanche, 05 janvier 2014
Le point
« Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire, aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel. »
PASCAL
Exergue de "Médium" de Philippe Sollers, vient de sortir
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Le duc, le duc !
C'est Wiki qui l'écrit et bien ! : "Cela même fait l’originalité du style de Saint-Simon : il ne se surveille pas. Chez lui la phrase se bouscule parfois, hachée et fiévreuse, toute en ellipses, ou bien elle semble, comme chez Proust, vouloir embrasser tous les aspects d’une question, et ne s’éteindre que lorsque le sujet a été épuisé. Saint-Simon supprime jusqu'au verbe, accumulant les notations rapides, comme prises sur le vif."
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mardi, 24 décembre 2013
J'aperçois la lune pâle et élargie
"En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre qui donne à l'ouest sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il est six heures du matin; j'aperçois la lune pâle et élargie ; elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l'Orient : on dirait que l'ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l'éternité."
Chateaubriand, fin des Mémoires
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samedi, 14 décembre 2013
L'enchanteur
" Comme aux oiseaux voyageurs, il me prend au mois d'octobre une inquiétude qui m'obligerait à changer de climat, si j'avais encore la puissance des ailes et la légèreté des heures : les nuages qui volent à travers le ciel me donnent envie de fuir. Afin de tromper cet instinct, je suis accouru à Chantilly. J'ai erré sur la pelouse, où de vieux gardes se traînaient à l'orée du bois. Quelques corneilles, volant devant moi, par-dessus des genêts, des taillis, des clairières, m'ont conduit aux étangs de Commelle. La mort a soufflé sur les amis qui m'accompagnèrent jadis au château de la reine Blanche : les sites de ces solitudes n'ont été qu'un horizon triste, entr'ouvert un moment du côté de mon passé. Aux jours de René, j'aurais trouvé les mystères de la vie dans le ruisseau de la Thève : il dérobe sa course parmi des prêles et des mousses ; des roseaux le voilent ; il meurt dans ces étangs qu'alimente sa jeunesse, sans cesse expirante, sans cesse renouvelée : ces ondes me charmaient quand je portais en moi le désert avec les fantômes qui me souriaient, malgré leur mélancolie, et que je parais de fleurs... "
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mercredi, 04 décembre 2013
Improvisation
« Dès l’âge le plus tendre, il étonnait par la richesse de son improvisation. Il se gardait bien cependant d’en faire parade ; mais les quelques élus qui l’ont entendu improviser pendant des heures entières, de la manière la plus merveilleuse, sans jamais rappeler une phrase quelconque de n’importe quel compositeur, sans même toucher à aucune de ses propres œuvres, ne nous contrediront pas si nous avançons que ses plus belles compositions ne sont que des reflets et des échos de son improvisation. Cette inspiration spontanée était comme un torrent intarissable de matières précieuses en ébullition. De temps en temps, le maître en puisait quelques coupes pour les jeter dans son moule, et il s’est trouvé que ces coupes étaient remplies de perles et de rubis. »
Julian Fontana à propos de Frédéric Chopin
« Dans l’improvisation réside la force. Tous les coups décisifs seront portés de la main gauche. »
Walter Benjamin
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vendredi, 15 novembre 2013
Chère sœur,
Chère sœur,
La vue de ces montagnes étincelantes, éternelles, t'impressionnerait autant que moi, et si un Dieu de puissance possède un trône sur terre, c'est sur ces splendides cimes. Je ne puis que rester en arrêt comme un enfant et m'étonner et me réjouir en silence, debout sur la plus proche colline, voyant du haut de l' Éther les montagnes descendre par degrés jusque dans cette aimable vallée cernée de sapins toujours verts et traversée en son fond de torrents et de lacs ; c'est là que j'habite au milieu d'un jardin dont les saules et les peupliers sont sous ma fenêtre, au bord d'une eau transparente qui m'enchante la nuit de sa rumeur, quand tout est silence et que sous la sérénité du ciel constellé, je songe ou j'écris. Tu vois, ma chère, j'envisage ce séjour comme quelqu'un qui a connu passablement de souffrances dans sa jeunesse et se trouve à présent assez satisfait et tranquille pour éprouver une vive reconnaissance pour ce qui est.
Hölderlin
lettre à sa sœur
Hauptwil, près de St. Gall
le 23 février 1801
22:40 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hölderlin
lundi, 11 novembre 2013
Danae
"Un écrivain est profond lorsque son discours une fois traduit du langage en pensées non équivoques, m’oblige à une réflexion de durée utile sensible.
Mais la condition soulignée est essentielle. Un habile fabricateur, comme il y en a beaucoup- et même un homme habitué à faire profond- peut toujours simuler la profondeur par un arrangement et une incohérence des mots qui donne le change. On croit réfléchir au sens, tandis qu’on se borne à le chercher. Il vous fait restituer bien plus que ce qu’il a donné. Il fait prendre un certain égarement qu’il communique, pour la difficulté de le suivre.
La plus véritable profondeur est la limpide.
Celle qui ne tient pas à tel ou tel mot- comme mort, Dieu, vie, amour, mais qui se prive de ces trombones…"
Paul Valéry, Tel quel
L'esprit libre a horreur de la compétition. Il prend parti pour son rival. Il sent trop que si les défaites nous abattent, les victoires nous suppriment. Celui que peut abattre la défaite, serait aboli et dissous par la victoire. Il répugne aux deux basses pensées que donnent la victoire et la défaite. Tout ce qui empêche l'esprit de former toutes les combinaisons possibles l'altère dans son essence, qui est de les former.
Paul Valéry, Tel quel
Danaé et la pluie d'or, cratère en cloche de Béotie, v. 450-425 av. J.-C., musée du Louvre
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samedi, 02 novembre 2013
La littérature
"La littérature a pour but de découvrir la Réalité en énonçant des choses contraires aux vérités usuelles."
Proust à Paul Morand
Pablo Picasso
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dimanche, 29 septembre 2013
Ecrire
Encore une fois, tout ce que nous savons est que nous sommes doués à un certain degré de la parole et que,
par elle, quelque chose de grand et d’obscur tend impérieusement à s’exprimer à travers nous, que chacun
de nous a été choisi et désigné à lui-même entre mille
pour formuler ce qui, de notre vivant, doit être formulé.
C’est un ordre que nous avons reçu une fois pour toutes
et que nous n’avons jamais eu loisir de discuter.
Il peut nous apparaître, et c’est même assez paradoxal,
que ce que nous disons n’est pas ce qu’il y a de plus nécessaire à dire et qu’il y aurait manière de le mieux dire. Mais c’est comme si nous y avions été condamnés
de toute éternité. Écrire, je veux dire écrire si difficilement, et non pour séduire, et non, au sens où on l’entend d’ordinaire, pour vivre, mais, semble-t-il, tout au plus pour se suffire moralement, et faute de pouvoir rester sourd à un appel singulier et inlassable, écrire ainsi n’est jouer ni tricher, que je sache.
André Breton,
Légitime défense (1926), repris dans Point du jour, pp. 55-56
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jeudi, 19 septembre 2013
Sincérité
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lundi, 16 septembre 2013
à Paris
"Le souper fut comme la plupart des soupers de Paris, d’abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu’on ne distingue point, puis des plaisanteries dont la plupart sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de politique, et beaucoup de médisance : on parla même de livres nouveaux."
Voltaire, Candide
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