mercredi, 15 février 2017
Les chevaux haut-bruyants des dieux
"Tout l'espace brumeux que voit un homme assis sur une hauteur, en regardant la mer couleur de vin, tout cet espace est à la portée d'un bond pour les chevaux haut-bruyants des dieux."
Homère, l'Iliade
Photo de Nicolas Bruno
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jeudi, 09 février 2017
C'est toujours la première fois
"L'expérience consiste à tout voir pour la première fois. Je demande à Lisa si c'est bien de cette façon qu'elle aborde une partition, qu'elle a déjà jouée pendant des heures, et sa réponse est immédiate : c'est toujours la première fois. Voilà un entrainement spécial, n'importe où, n'importe quand, à propos de n'importe quoi. On se met en état d'étrangeté maximale, on vient de débarquer et d'avoir un corps. Les formes et les couleurs s'annoncent et se prononcent. C'est la première fois que le monde existe. L'Histoire s'efface dans les faits divers."
Philippe Sollers, Beauté, p. 195.
Photo de A. Aubrey Bodine
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dimanche, 05 février 2017
Les ombres ne sont pas noires mais bleues
"Un jour, alors que personne ne s'y attend, une marée de beauté envahit l'espace. Des types bizarres, qu'on nomme vite "impressionnistes", se mettent à célébrer la nature, l'existence, les pins, les peupliers, les roses, les coquelicots, les pivoines, les nymphéas, les déjeuners sur l'herbe, les femmes respirables et sans voiles, les enfants. On les couvre d'injures, ils insistent. Et puis, ils disparaissent dans l'atmosphère, après avoir prouvé que les ombres ne sont pas noires mais bleues. La nature a rapidement révélé sa beauté. Il est stupéfiant qu'on l'oublie."
Philippe Sollers, Beauté, p 155
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La France est le pays des accomplissements imprévus
"La France est le pays des accomplissements imprévus. Toutes les contradictions, comme des fleuves, coulent vers elle. Elle les intègre et les assimile, non sans mal, dans des synthèses instables qui, sans arrêt, se métamorphosent. C'est le pays des fins qui s'ignorent. Drôle de royaume révolutionnaire, évoqué par Rimbaud dans Illuminations :
"Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique : "Mes amis, je veux qu'elle soit reine !" "Je veux être reine !" Elle riait et tremblait. Il parlait aux amis de révélation, d'épreuve terminée. Ils se pâmaient l'un contre l'autre. En effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et tout l'après-midi, où ils s'avancèrent du côté des jardins de palmes."
Philippe Sollers, Beauté, p 158
Photo de Fred Stein
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samedi, 04 février 2017
Ma plume agit
"Je peux être la paix, la sérénité, le devenir ; je peux l'être et le suis ; les éclats, les troubles, tout ceci m'affecte à peine ; les souvenirs affleurent, les morts sont vivants - ce que personne ne veut croire - et ma plume agit."
Héraclite
Photo de Henki Koentjoro
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vendredi, 27 janvier 2017
Le matin, le soleil raccourcit les distances

22:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hansol choi
Pourquoi publier, par l’abominable temps qui court ?
"Pourquoi publier, par l’abominable temps qui court ? Est-ce pour gagner de l’argent ? Quelle dérision ! Comme si l’argent était la récompense du travail, et pouvait l’être ! Cela sera quand on aura détruit la spéculation : d’ici là, non. Et puis comment mesurer le travail, comment estimer l’effort ? Reste donc la valeur commerciale de l’œuvre. Il faudrait pour cela supprimer tout intermédiaire entre le producteur et l’acheteur, et quand même cette question en soi est insoluble. Car j’écris (je parle d’un auteur qui se respecte) non pour le lecteur d’aujourd’hui, mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter, tant que la langue vivra. Ma marchandise ne peut donc être consommée maintenant, car elle n’est pas faite exclusivement pour mes contemporains. Mon service reste donc indéfini et, par conséquent, impayable."
Gustave Flaubert, Lettre à George Sand, mercredi 4 décembre 1872
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jeudi, 19 janvier 2017
Guerre
"Enfant, certains ciels ont affiné mon optique : tous les caractères nuancèrent ma physionomie. Les Phénomènes s'émurent. - A présent l'inflexion éternelle des moments et l'infini des mathématiques me chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de l'enfance étrange et des affections énormes. - Je songe à une guerre, de droit ou de force, de logique bien imprévue.
C'est aussi simple qu'une phrase musicale."
Rimbaud, Guerre, Illuminations
Photo de Gerda Taro
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lundi, 16 janvier 2017
Trouble
« J’attends de la pensée qu’elle se trouble. Ce qui ne le met pas à l’épreuve n’existe pas. Une pensée qui ne s’expose à rien d’autre qu’à sa petite production d’idées ne vaut pas mieux qu’un container à poubelles. »
Yannick Haenel
Cy Twombly, Sunset, Gaeta, 2009
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dimanche, 15 janvier 2017
La littérature est une parole sans origine
« La littérature est une parole sans origine ; peut-être est-elle-même la parole même de l’absence d’origine. Chaque écrivain conjure l’absence d’origine de la littérature en la faisant exister à travers lui – comme si elle naissait. Ainsi se refonde-t-elle à travers chaque écrivain qui se laisse traverser par sa voix. »
Yannick Haenel
Photo de César Blay
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vendredi, 13 janvier 2017
Fils du soleil
"J'avais en effet, en toute sincérité d'esprit, pris l'engagement de le rendre à son état primitif de fils du soleil, - et nous errions, nourris du vin des cavernes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule."
Rimbaud
21:59 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud
mardi, 27 décembre 2016
Après un travail, je me sauve
"Après un travail, je me sauve. J’ai peur du mou de l’habitude. Je me veux libre de techniques, d’expériences, maladroit."
Jean Cocteau
Photo Antanas Sutkus, 1959
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vendredi, 23 décembre 2016
L'affaire Jésus
Picasso, Crucifixion
20:45 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : picasso, philippe sollers, jesus
dimanche, 18 décembre 2016
une vie spirituelle qui ne doive rien à ce qui existe
"Parce que le monde moderne est tumulte et chaos, la tâche de l'homme moderne est de sortir du tumulte et du chaos. Comment ? En construisant une vie spirituelle à part, (...) c'est-à-dire une vie spirituelle qui ne doive rien à ce qui existe, mais vous devez la faire exister, c'est à vous de faire exister quelque chose que nous n'emprunterez pas à l'existant."
Gilles Deleuze à ses étudiants de Vincennes
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vendredi, 16 décembre 2016
Les paroles sont des archipels fluctuants et sporadiques
Roberto Calasso évoque « le postulat qui dirige une grande partie de notre monde, qui l’aide à fonctionner, mais qui le rend en même temps incapable de saisir une vaste partie de l’essentiel. Dans sa forme la plus concise, ce postulat déclare que la pensée est langage. Plus ambitieusement, que l’esprit est langage. Mais nous ne pensons pas en paroles. Nous pensons parfois en paroles. Les paroles sont des archipels fluctuants et sporadiques. L’esprit est l’océan. Reconnaître dans l’esprit cet océan semble être quelque chose d’interdit, que les orthodoxies en vigueur, dans leurs différentes versions, scientistes ou simplement commonsensical, évitent presque instinctivement. C’est là que réside justement la bifurcation essentielle. C’est là qu’on décide dans quelle direction va opérer la connaissance. »
Photo de B. Benini
22:14 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roberto calasso
jeudi, 06 octobre 2016
Le grand et le petit
« Le grand a sa durée historique parce qu’il est unique dans le temps, le grand a de la grandeur parce que et dans la mesure où il a toujours au-dessus de lui un plus grand. Pouvoir avoir au-dessus un plus grand, c’est le secret du grand. Le petit en est incapable, bien qu’il présente en fait de la façon la plus directe et la plus commode l’écart maximum avec le grand. Mais le petit ne veut que lui-même, c’est-à-dire précisément être petit, et son secret n’est pas un secret, mais un truc, la rouerie hargneuse qui s’entend à rapetisser et à frapper de suspicion tout ce qui ne lui ressemble pas, afin de le rendre semblable à elle. »
Heidegger
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dimanche, 02 octobre 2016
Par conséquent
"Si j'avais été habile, je serais dégoûté des femmes jusqu'à la nausée, et, par conséquent, de la musique et de la peinture, comme X ou Y. Ils sont secs, dégoûtés du monde, philosophes. Au lieu de cela, dans tout ce qui touche aux femmes, j'ai le bonheur d'être dupe comme à 25 ans."
Stendhal
18:52 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : stendhal
jeudi, 29 septembre 2016
La plume d'un côté et l'épée de l'autre
"Nous tenons la plume d'un côté et l'épée de l'autre."
Stendhal
Sol Lewitt
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mardi, 23 août 2016
Le monologue de Novalis
"Il y a quelque chose de drôle, à vrai dire, dans le fait de parler et d'écrire ; une juste conversation est un pur jeu de mots. L'erreur risible et toujours étonnante, c'est que les gens s'imaginent et croient parler en fonction des choses. Mais le propre du langage, à savoir qu'il est tout uniment occupé que de soi-même, tous l'ignorent. C'est pourquoi le langage est un si merveilleux et fécond mystère : que quelqu'un parle tout simplement pour parler, c'est justement alors qu'il exprime les plus originales et les plus magnifiques vérités. Mais qu'il veuille parler de quelque chose de précis, voilà alors le langage et son jeu qui lui font dire les pires absurdités, et les plus ridicules. C'est bien aussi ce qui nourrit la haine que tant de gens sérieux ont du langage. Ils remarquent sa pétulante espièglerie ; mais ce qu'ils ne remarquent pas, c'est que le bavardage négligé est justement le côté infiniment sérieux de la langue. Si seulement on pouvait faire comprendre aux gens qu'il en va, du langage, comme des formules mathématiques : elles constituent un monde en soi, pour elles seules ; elles jouent entre elles exclusivement, n'expriment rien si ce n'est leur propre nature merveilleuse, ce qui justement fait qu'elles sont si expressives, que justement en elles se reflète le jeu étrange des rapports entre les choses. Membres de la nature, c'est par leur liberté qu'elles sont, et c'est seulement par leurs libres mouvements que s'exprime l'âme du monde, en en faisant tout ensemble une mesure délicate et le plan architecturale des choses. De même en va-t-il également du langage : seul celui qui a le sentiment profond de la langue, qui la sent dans son application, son délié, son rythme, son esprit musical; - seul celui qui l'entend dans sa nature intérieure et saisit en soi son mouvement intime et subtil pour, d'après lui, commander à sa plume ou à sa langue et les laisser aller : oui, celui-là seul est prophète. Tandis que celui qui en possède bien la science savante, mais manque par contre et de l'oreille et du sentiment requis pour écrire des vérités comme celles-ci, la langue se moquera de lui et il sera la risée des hommes tout comme Cassandre pour les Troyens.
Mais si je pense avoir, par ceci, précisé de la façon la plus claire l'essence même et la fonction de la poésie, je sais aussi que pas un homme ne le saurait comprendre et que, l'ayant voulu dire, j'ai dit quelque chose de tout à fait stupide, d'où toute poésie est exclue. Pourtant s'il a fallu que je parle ? si, pressé de parler par la parole même, j'avais en moi ce signe de l'intervention et de l'action du langage ? et si ma volonté n'avait aucunement voulu ce qu'il a fallu que je dise? Alors il se pourrait bien que ce fût là, à mon insu, de la poésie, et qu'un mystère de la langue eût été rendu intelligible... Et aussi, donc, que je fusse un écrivain de vocation, puisqu'il n'est d'écrivain qu'habité par la langue, puisque l'écrivain né n'est seulement qu'un inspiré du verbe!"
Novalis
Photo de Inge Morath
17:47 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inge morath, novalis
Langage
« Nous sommes vraiment les animaux lourds et laboureurs de notre langage qui nous possède d'une façon beaucoup plus fine, beaucoup plus virevoltante, beaucoup plus explosive que nous nous permettons de le penser ».
Philippe Sollers
05:43 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : langage, philippe sollers