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mercredi, 14 mai 2014

La découverte d'un vide créateur

Dans le rapport entre la Chine et le baroque, il y a cette indication que les deux perturbent, en l'englobant, toute l'histoire de la métaphysique. Et cela par le fait qu'il y a introduction brusque de la découverte d'un vide créateur, qui fonctionne aussi bien par l'évacuation de toutes les formes que par leur exaltation.

Philippe Sollers, Grand beau temps

lundi, 21 avril 2014

Le mouvement perpétuel

"[Qui] aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel."

Pascal (exergue du dernier roman de Philippe Sollers, Médium)

23:32 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal

lundi, 17 mars 2014

Le huitième jour

"J'écris parce que j'ai l'impression ou le sentiment que le monde est inachevé, comme si Dieu, qui a créé le monde en six jours et qui s'est reposé le septième, n'avait pas eu le temps de tout faire. Je trouve le monde trop petit, la vie trop courte, le bonheur pas assez bonheur. J'écris pour achever le monde, pour ajouter à la création le huitième jour."

Antonine Maillet

jeudi, 13 mars 2014

Paradis

Henri Bosco, Sophia Loren"J'ai écrit des récits. Le récit m'est indispensable pour atteindre indirectement à la poésie. C'est la poésie que je cherche, c'est-à-dire la création de fictions, tirées du plus profond de l'âme et dont la vie fictive, observée, analysée avec soin, me permette d'étudier et de connaître cette âme elle-même, par cette sorte de reflet.
Or pour que ces reflets soient bien vivants, pour qu'ils s'animent, il faut mettre l'âme en présence de ces points magnétiques du monde qui, par leurs radiations, excitent le plus intensément les puissances intérieures : la terre, les bêtes, le vent, l'eau, le feu, l'air, certaines créatures privilégiées, intermédiaires étranges entre nous et l'inconnu.
C'est la quête des secrets. Or que nous laissent supposer ces secrets multiples, sinon que tout se tient, que tout voit, que tout communique, que tout a un sens, et qu'on erre à ne pas croire en cette unité de la vie ; bien plus que vie et mort sont deux branches d'un même tronc, et que finalement tout aboutit à l'unité de l'être, qui, lui-même, fondu dans le non-être, est mystérieusement contenu par Dieu. Tout mythe poétique est un mythe religieux.
Chercher à travers ces secrets, découvrir les communications invisibles au commun c'est aller vers ce que j'appelle le Paradis terrestre
."

Henri Bosco - Lettre à Jean Steinmann, Pentecôte 1948, in "Jean Steinmann, Littérature d'hier et aujourd'hui" - Desclée de Brouwer, 1963.

mardi, 25 février 2014

Avec toi

"Je voudrais me promener avec toi, par un jour de printemps, sous un ciel un peu gris, avec quelques feuilles mortes restant encore de l'année précédente et tourbillonnant dans le vent, par les rues d'un faubourg de la ville, et que ce soit un dimanche. Dans ces banlieues jaillissent souvent des pensées mélancoliques et grandioses ; et à certaines heures flotte une sorte de poésie qui fait vibrer ensemble les cœurs de ceux qui se désirent.
En outre, naissent d'indicibles espérances, encouragées par les horizons infinis qu'on découvre au-delà des maisons, par les trains qui s'enfuient, et les nuages qui accourent du grand nord. Nous nous enlacerions simplement les mains et irions d'un pas léger, tenant des discours insensés, stupides et chaleureux. Jusqu'à ce que s'allument les réverbères et que les immeubles délabrés suintent les histoires sinistres de la ville, les aventures, les romances si longtemps attendues.
Alors nous demeurerions silencieux, nous tenant toujours par la main, car les âmes n'ont pas besoin de mots pour se comprendre. "

Dino Buzzati

mardi, 18 février 2014

Dans son être même

temps-modernes-21-g.jpg"Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron ni pour les connaisseurs ni pour les clients du patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être même."

Charles Péguy

Sur ce thème,  on pourra aussi voir cela :

http://myscienceacademy.org/2013/08/19/without-saying-a-word-this-6-minute-short-film-will-make-you-speechless/

dimanche, 16 février 2014

Les jours sont ronds

jean giono«Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit. Ils n’ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme. Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu. La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain. Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons. Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l’aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu’il s’allonge à travers leur travail, pendant ce qu’ils appellent « toute la journée » ; puis qu’il finit quand ils ferment les paupières. Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs. Non, les jours sont ronds.»

Jean Giono 

12:14 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean giono

mardi, 11 février 2014

Rien que leur âme libre

kessel.jpg10 février 1898, naissance de Joseph KESSEL, journaliste et grand romancier français qui sut nourrir son œuvre de sa vie aventureuse et héroïque. Profondément engagé dans la Résistance au nazisme, Kessel composera, avec Maurice Druon, les paroles du chant des partisans, hymne de la résistance. Ses romans, en particulier l’Equipage, Belle de jour, l’armée des ombres, Terre de feu, le Lion, connaîtront – et connaissent encore – un immense succès et de nombreuses adaptations au cinéma. La plupart de ses livres sont disponibles aux éditions Folio.

« Ces gens auraient pu se tenir tranquilles. Rien ne les forçait à l’action. La sagesse, le bon sens leur conseillait de manger et de dormir à l’ombre des baïonnettes allemandes et de voir fructifier leurs affaires, sourire leurs femmes, grandir leurs enfants. Les liens matériels et les biens de la tendresse étroite leur étaient ainsi assurés. Ils avaient même pour apaiser et bercer leur conscience, la bénédiction du vieillard de Vichy. Vraiment, rien ne les forçait au combat, rien que leur âme libre. »
L’armée des ombres. 1943

dimanche, 02 février 2014

Certaines nuances d'ordre émotionnel

gossart_danae.jpgQuant aux dieux, comment les reconnaître ? Les écrivains ont toujours été, en cela, heureusement sans préjugés. ils ont toujours agi comme s'ils sous-entendaient une observation lumineuse d'Ezra Pound : "Aucune métaphore plus appropriée n'ayant été trouvée pour traduire certaines nuances d'ordre émotionnel, j'affirme que les dieux existent." L'écrivain est celui qui voit ces "nuances d'ordre émotionnel".

Roberto Calasso, La littérature et les dieux

Jan Gossaert, Danaé, 1527

jeudi, 30 janvier 2014

Pour éviter toute révolte

huxley.jpg

mercredi, 29 janvier 2014

Venise

Venise, Marcelin PleynetVenise ne sera jamais tout à fait une ville comme les autres et nous n’en partagerons jamais tout à fait le charme. Sans doute y apportons-nous toujours un peu plus que ce qui nous conduit dans une autre ville ; et cela même nous isole et nous divise. Cette passion singulière qu’exige Venise, n’est jamais assez vraie, n’est jamais assez grande, parce qu’elle est de la finalité d’un voyage ; ce voyage fût-il celui de la vie. Pour s’accorder à Venise il faudrait ne pas venir y chercher ce qui s’y trouve, et sans doute d’abord ne pas trouver ce que l’on y apporte. Venise ne nous propose pas une rencontre mais une séparation ; non pas « une arrivée », mais un départ. Le « charme » de Venise tient aussi pour nous à ce qu’installés dans nos certitudes, dans nos inquiétudes, dans nos passions, nous n’y arriverons jamais. Nous n’y arriverons jamais faute de savoir quitter l’espace et le temps qui nous quittent. C’est me semble-t-il ce dont témoignent, en clichés, cet ensemble de souvenirs poétiques : je ne suis pas amoureux de Venise, je suis amoureux d’une lumière, d’un éclat, d’un départ, je suis « amoureux de l’amour ».

Marcelin Pleynet

lundi, 27 janvier 2014

Limbe bibliothèque

"Il y a dans la littérature, une Limbe bibliothèque où se tiennent en rangs sur les étagères des livres qui n’ont pas été écrits. On allait les écrire. Invisibles la plupart du temps ces livres sont pleurés comme des dieux perdus par des lecteurs inconsolables. Le livre que Joyce n’a pas écrit. Le livre que Stendhal avait envie d’écrire. Le dernier livre de Dostoïevski. Ils me manquent. Je vous attends. Vous alliez être. L’aurait-il jamais écrit, Kafka, son livre du saint des saints ? Et Shakespeare était gros d’un seigneur dont le soleil halète parmi les planètes. "

Hélène Cixous

vendredi, 24 janvier 2014

Comment écrire une histoire géniale : huit trucs de Kurt Vonnegut

Kurt Vonnegut- Faites en sorte que ce complet étranger qu'est le lecteur n'ait pas le sentiment d'avoir perdu son temps. 
 
- Donnez au lecteur au moins un personnage auquel il puisse s'attacher. 
 
- Tous les personnages devraient vouloir quelque chose, même si ce n'est qu'un verre d'eau. 
 
- Chaque phrase doit faire une ou deux choses : faire voir un personnage ou faire avancer l'action. 
 
- Commencez aussi près de la fin que possible. 
 
- Soyez sadique : peu importe l'innocence et la douceur de vos personnages principaux, faites en sorte que d'horribles choses leur arrivent, de façon à ce que le lecteur voie de quoi ils sont faits. 
 
- Ecrivez pour plaire à une seule personne. Si vous ouvrez grand votre fenêtre et que vous faites l'amour au monde entier, si je puis dire, votre histoire attrapera une pneumonie. 
 
- Donnez à vos lecteurs autant d'informations que possible, le plus tôt possible. Au diable le suspens. Les lecteurs devraient avoir une compréhension si totale de ce qui se passe qu'ils devraient pouvoir finir l'histoire eux-mêmes, même si les cafards avaient dévoré les dernières pages. 

mardi, 21 janvier 2014

Deux ou trois images simples

albert camus "Une oeuvre d'homme n'est rien d'autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l'art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur, une première fois, s'est ouvert."
A. Camus - L'envers et l'endroit (Préface)

dimanche, 05 janvier 2014

Le point

« Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire, aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel. »

 

PASCAL

Exergue de "Médium" de Philippe Sollers, vient de sortir

Le duc, le duc !

C'est Wiki qui l'écrit et bien ! : "Cela même fait l’originalité du style de Saint-Simon : il ne se surveille pas. Chez lui la phrase se bouscule parfois, hachée et fiévreuse, toute en ellipses, ou bien elle semble, comme chez Proust, vouloir embrasser tous les aspects d’une question, et ne s’éteindre que lorsque le sujet a été épuisé. Saint-Simon supprime jusqu'au verbe, accumulant les notations rapides, comme prises sur le vif."

19:01 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : saint-simon

mardi, 24 décembre 2013

J'aperçois la lune pâle et élargie

clairlun.jpg"En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre qui donne à l'ouest sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il est six heures du matin; j'aperçois la lune pâle et élargie ; elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l'Orient : on dirait que l'ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l'éternité."

Chateaubriand, fin des Mémoires

samedi, 14 décembre 2013

L'enchanteur

Chateaubriand" Comme aux oiseaux voyageurs, il me prend au mois d'octobre une inquiétude qui m'obligerait à changer de climat, si j'avais encore la puissance des ailes et la légèreté des heures : les nuages qui volent à travers le ciel me donnent envie de fuir. Afin de tromper cet instinct, je suis accouru à Chantilly. J'ai erré sur la pelouse, où de vieux gardes se traînaient à l'orée du bois. Quelques corneilles, volant devant moi, par-dessus des genêts, des taillis, des clairières, m'ont conduit aux étangs de Commelle. La mort a soufflé sur les amis qui m'accompagnèrent jadis au château de la reine Blanche : les sites de ces solitudes n'ont été qu'un horizon triste, entr'ouvert un moment du côté de mon passé. Aux jours de René, j'aurais trouvé les mystères de la vie dans le ruisseau de la Thève : il dérobe sa course parmi des prêles et des mousses ; des roseaux le voilent ; il meurt dans ces étangs qu'alimente sa jeunesse, sans cesse expirante, sans cesse renouvelée : ces ondes me charmaient quand je portais en moi le désert avec les fantômes qui me souriaient, malgré leur mélancolie, et que je parais de fleurs... "

mercredi, 04 décembre 2013

Improvisation

 

« Dès l’âge le plus tendre, il étonnait par la richesse de son improvisation. Il se gardait bien cependant d’en faire parade ; mais les quelques élus qui l’ont entendu improviser pendant des heures entières, de la manière la plus merveilleuse, sans jamais rappeler une phrase quelconque de n’importe quel compositeur, sans même toucher à aucune de ses propres œuvres, ne nous contrediront pas si nous avançons que ses plus belles compositions ne sont que des reflets et des échos de son improvisation. Cette inspiration spontanée était comme un torrent intarissable de matières précieuses en ébullition. De temps en temps, le maître en puisait quelques coupes pour les jeter dans son moule, et il s’est trouvé que ces coupes étaient remplies de perles et de rubis. »

Julian Fontana à propos de Frédéric Chopin

« Dans l’improvisation réside la force. Tous les coups décisifs seront portés de la main gauche. »

Walter Benjamin

 

vendredi, 15 novembre 2013

Chère sœur,

Chère sœur,
La vue de ces montagnes étincelantes, éternelles, t'impressionnerait autant que moi, et si un Dieu de puissance possède un trône sur terre, c'est sur ces splendides cimes. Je ne puis que rester en arrêt comme un enfant et m'étonner et me réjouir en silence, debout sur la plus proche colline, voyant du haut de l' Éther les montagnes descendre par degrés jusque dans cette aimable vallée cernée de sapins toujours verts et traversée en son fond de torrents et de lacs ; c'est là que j'habite au milieu d'un jardin dont les saules et les peupliers sont sous ma fenêtre, au bord d'une eau transparente qui m'enchante la nuit de sa rumeur, quand tout est silence et que sous la sérénité du ciel constellé, je songe ou j'écris. Tu vois, ma chère, j'envisage ce séjour comme quelqu'un qui a connu passablement de souffrances dans sa jeunesse et se trouve à présent assez satisfait et tranquille pour éprouver une vive reconnaissance pour ce qui est.
Hölderlin
lettre à sa sœur
Hauptwil, près de St. Gall
le 23 février 1801

22:40 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hölderlin