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dimanche, 29 septembre 2013

Ecrire

Encore une fois, tout ce que nous savons est que nous sommes doués à un certain degré de la parole et que,
par elle, quelque chose de grand et d’obscur tend impérieusement à s’exprimer à travers nous, que chacun
de nous a été choisi et désigné à lui-même entre mille
pour formuler ce qui, de notre vivant, doit être formulé.
C’est un ordre que nous avons reçu une fois pour toutes
et que nous n’avons jamais eu loisir de discuter.
Il peut nous apparaître, et c’est même assez paradoxal,
que ce que nous disons n’est pas ce qu’il y a de plus nécessaire à dire et qu’il y aurait manière de le mieux dire. Mais c’est comme si nous y avions été condamnés
de toute éternité. Écrire, je veux dire écrire si difficilement, et non pour séduire, et non, au sens où on l’entend d’ordinaire, pour vivre, mais, semble-t-il, tout au plus pour se suffire moralement, et faute de pouvoir rester sourd à un appel singulier et inlassable, écrire ainsi n’est jouer ni tricher, que je sache.


André Breton,
Légitime défense (1926), repris dans Point du jour, pp. 55-56

jeudi, 19 septembre 2013

Sincérité

« Quand j’entends un critique littéraire louer un écrivain pour sa sincérité, je suis certain qu’un des deux, au moins, est un crétin. »
Nabokov
Cité par Jack-Alain Léger, dans "Hé bien, la guerre"

16:11 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nabokov

lundi, 16 septembre 2013

à Paris

"Le souper fut comme la plupart des soupers de Paris, d’abord du silence, ensuite un bruit de paroles qu’on ne distingue point, puis des plaisanteries dont la plupart sont insipides, de fausses nouvelles, de mauvais raisonnements, un peu de politique, et beaucoup de médisance : on parla même de livres nouveaux."

Voltaire, Candide

09:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voltaire

jeudi, 12 septembre 2013

Ciel !

« Le ciel a créé la beauté féminine,
Afin qu’elle procure la félicité sur terre
À tout homme qui sait apprécier la grâce. »
Veronica Franco – Tre rime

13:57 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : femmes

mardi, 10 septembre 2013

Essence d'un livre

"Le style et la structure sont l'essence d'un livre. Les grandes idées ne sont que des foutaises."

Nabokov

06:11 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : nabokov

lundi, 09 septembre 2013

Enfance

"Il était impossible d'ajuster le langage à ses souvenirs -  tout simplement, il n'existait pas de mots adultes pour ses impressions d'enfance."

Nabokov

l était impossible d'ajuster le langage à ces souvenirs - tout simplement, il n'existait pas de mots adultes pour ces impressions d'enfance.
La défense Loujine (1930)
Citations de Vladimir Nabokov



13:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nabokov

samedi, 31 août 2013

L'automne, déjà !

L'automne, déjà ! - Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.

L'automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue. Ah ! les haillons pourris, le pain trempé de pluie, l'ivresse, les mille amours qui m'ont crucifié ! Elle ne finira donc point cette goule reine de millions d'âmes et de corps morts et qui seront jugés ! Je me revois la peau rongée par la boue et la peste, des vers plein les cheveux et les aisselles et encore de plus gros vers dans le coeur, étendu parmi les inconnus sans âge, sans sentiment... J'aurais pu y mourir... L'affreuse évocation ! J'exècre la misère.

Et je redoute l'hiver parce que c'est la saison du comfort !

- Quelquefois je vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie. Un grand vaisseau d'or, au-dessus de moi, agite ses pavillons multicolores sous les brises du matin. J'ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J'ai essayé d'inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J'ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! Une belle gloire d'artiste et de conteur emportée !

Moi ! moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher, et la réalité rugueuse à étreindre ! Paysan !

Suis-je trompé ? la charité serait-elle soeur de la mort, pour moi ?

Enfin, je demanderai pardon pour m'être nourri de mensonge. Et allons.

Mais pas une main amie ! et où puiser le secours ?

¯¯¯¯¯¯¯¯

Oui l'heure nouvelle est au moins très-sévère.

Car je puis dire que la victoire m'est acquise : les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s'effacent. Mes derniers regrets détalent, - des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. - Damnés, si je me vengeais !

Il faut être absolument moderne.

Point de cantiques : tenir le pas gagné. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n'ai rien derrière moi, que cet horrible arbrisseau !... Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.

Cependant c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.

Que parlais-je de main amie ! Un bel avantage, c'est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, - j'ai vu l'enfer des femmes là-bas ; - et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.

Rimbaud, avril-août, 1873.

07:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud

lundi, 12 août 2013

Gaieté

« Je n’appelle pas gaieté ce qui excite le rire ; mais un certain charme, un air agréable
qu’on peut donner à toutes sortes de sujets, même les plus sérieux. »
 
Jean de La Fontaine – Préface aux Fables

mercredi, 31 juillet 2013

Un livre

Vous êtes à la campagne, il pleut, il faut tuer le temps, vous prenez un livre, le premier livre venu, vous vous mettez à lire ce livre comme vous liriez le journal officiel de la préfecture ou la feuille d’affiches du chef-lieu, pensant à autre chose, distrait, un peu bâillant. Tout à coup vous vous sentez saisi, votre pensée semble ne plus être à vous, votre distraction s’est dissipée, une sorte d’absorption, presque une sujétion, lui succède, vous n’êtes plus maître de vous lever et de vous en aller. Quelqu’un vous tient. Qui donc ? ce livre.

Un livre est quelqu’un. Ne vous y fiez pas.

Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l’une dans l’autre, pivotent l’une sur l’autre, se dévident, se nouent, s’accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraîne, telle ligne subjugue. Les idées sont un rouage. Vous vous sentez tiré par le livre. Il ne vous lâchera qu’après avoir donné une façon à votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout à fait transformés.

Victor Hugo, "Du Génie", Proses philosophiques de 1860-65

jeudi, 20 juin 2013

Triste ?

"Le mensonge consiste à présenter la vérité comme triste"

Philippe Sollers, Une vie divine

Vivant !

"Nous enfilions la grande route du sentiment, et la reprenions de si haut, qu'il était impossible d'entrevoir le terme du voyage."

Vivant Denon, Point de lendemain, 1812

mercredi, 19 juin 2013

Beauté

1002084_135589863313589_1319945740_n.jpgNous ne possédons pas la durée, mais nous vivons l’instant, qui est le vrai mode d’être de la beauté. Cézanne revient cent fois devant la montagne Sainte Victoire, à chaque instant différente, comme chaque matin est le premier du monde à nos yeux. L’Univers existe depuis des milliards d’années, mais chacun de nous le découvre comme pour la première fois. Or la beauté que nous y percevons est à l’origine du sacré. L’intuition du sacré correspond au sentiment profond que l’Univers tend vers quelque chose, comme une fleur tend vers la plénitude de sa présence en beauté.
(Extrait d'une interview de François Cheng par Jean-Louis Kuffer, à lire dans son intégralité ici, à propos de son livre : Cinq méditations sur la beauté)

dimanche, 16 juin 2013

Lisez, lisez

lautré.jpg"Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison..."

Lisez, lisez, et devenez ainsi "momentanément féroce". Ça vous évitera, alors que tout vous y pousse, à l'être constamment dans la vie.

Lire ici la dernière chronique de Philippe Sollers dans Le Point

vendredi, 14 juin 2013

Comme toujours

fete_.jpg"Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l'horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages, mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d'autres yeux, la respiration s'enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète, par plaques, a son intérêt."

Philippe Sollers, incipit de "La fête à Venise"

dimanche, 09 juin 2013

Envie de fuir

"Comme aux oiseaux voyageurs, il me prend au mois d'octobre une inquiétude qui m'obligerait à changer de climat, si j'avais encore la puissance des ailes et la légèreté des heures : les nuages qui volent à travers le ciel me donnent envie de fuir."


Chateaubriand

lundi, 03 juin 2013

Baltasar Gracian

" Les avantages de la dissimulation sont trois. Le premier est d'endormir ceux qui s'opposeraient à nos intentions, dès qu'elles sont rendues publiques. Le deuxième de nous réserver, à chaque occurrence, une belle retraite : laquelle nous serait interdite, si nous nous étions engagés par quelque déclaration manifeste ; dans ce cas, il nous conviendrait ou d'aller de l'avant, ou de trébucher et tomber. Le troisième avantage est de nous découvrir l'esprit d'autrui : d'où le proverbe espagnol : " Dis un mensonge et tu trouveras une vérité " ; comme s'il n'y avait pas d'autre voie pour découvrir autrui que la dissimulation. "

samedi, 25 mai 2013

Le vent

"Voilà le sommet des arbres qui disparaît, les collines qui s'abaissent ; je vois les villes comme des taches d'encre éclaboussées, les routes telles que des pattes d'insectes qui se prolongent et s'amincissent. La mer ne remue plus, elle est toute plate, on la dirait solide comme la terre, et c'est la terre au contraire qui se balance en oscillant. Je vois les pics des montagnes couverts de neige, qui se tassent les uns près des autres comme des moutons qui se rassemblent en troupeau. Ca saute ! ça danse ! L'air pèse sur ma poitrine, j'étouffe ! Le vent par grandes bouffées me donne des coups dans la figure."

La Tentation de Saint Antoine (version de 1849) Gustave Flaubert

 

 

06:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : flaubert

jeudi, 02 mai 2013

Loisible

Une saison en enfer se termine par la phrase suivante : « Et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. » Qu’est-ce que ça veut dire : posséder la vérité dans une âme et un corps ? « Loisible », quel mot ! Et puis « posséder » ? Ah,posséder la vérité ! Comment ne pas se faire posséder ? C’est l’expérience de Dostoïevski : dans les souterrains, vous avez affaire à des possédés. Vous les laissez se demander pourquoi ils le sont. C’est à eux de trouver la réponse. J’aime ce mot-là, même argotiquement : être possédé ou non. Un style, on n’arrive pas à le posséder du dehors. Hôlderlin dit, par exemple, que le poète est un demi-dieu. Sa position est très difficile, parce que d’un côté il a affaire à la jalousie rituelle des dieux qui peuvent le rendre fou. Mais il a aussi à se défendre des mortels qui sont par rapport à lui (pour autant que ce verbe est fait de chair) dans une avidité particulière, provoquant des désirs passionnels qui peuvent aller jusqu’à la mise à mort. Alors, entre devenir fou et se faire crucifier par désir, par appropriation désirante, la voie est assez étroite, n’est-ce pas ? Le verbe fait chair est l’objet d’un violent investissement érotique, qui peut déboucher assez facilement sur le meurtre. Comme dit un libertin chez Sade : il ne faut pas que je vous désire trop, autrement vous allez y passer. Il dit cela à Juliette. Je ne vais pas vous regarder trop parce que, sinon, cela ira jusqu’au bout, je vous tuerai. Sade effraie parce qu’il dévoile, au fond, que tout corps veut la mort de l’autre. Peut-il y avoir un Éros, indépendant de la pulsion de mort, un Éros qui ne serait pas le « jumeau » de Thanatos ? Mais oui : c’est cela, le style.C’est un don, une grâce, une musique qui, au fond, n’ont rien d’humain. D’où la jalousie qu’il provoque. C’est ainsi.

Philippe Sollers, Eloge de l'infini (Intervi

jeudi, 25 avril 2013

Romancier

Philippe Sollers"Un romancier est quelqu'un qui a vu, au moins deux fois, quelque chose qu'il ne devait pas voir, et qui en triomphe. C'est tout."

Philippe Sollers, Grand beau temps

mercredi, 17 avril 2013

Ramuz

Charles-Ferdinand Ramuz" J'ai vécu hors du monde, ce qui m'a permis d'échapper à certaines désillusions des hommes de mon âge. Ils étaient attachés à des idées que les événements ont cruellement démenties. De sorte qu'ou bien ils ne sont plus attachés à rien ou bien ils ne le sont qu'à des formes vides auxquelles, seule, leur situation officielle, car ils appartiennent à la génération qui aujourd'hui détient le pouvoir, leur permet de maintenir un semblant de vie. N'ayant pas suivi la mode, il se trouve que je ne suis pas démodé. N'ayant pas été attaché, il se trouve que je ne suis pas détaché. Ni libéral, ni radical, ni bourgeois, ni capitaliste (surtout pas capitaliste). "

Charles-Ferdinand Ramuz