mercredi, 28 octobre 2015
Il y a une vérité noire de l’écriture
« Certains linguistes s’en tiennent avec agressivité à la fonction communicante du langage : le langage ça sert à communiquer. Même préjugé chez les archéologues, les historiens de l’écriture : l’écriture ça sert à transmettre. Ceux-là sont bien obligés d’admettre, cependant, que, de toute évidence, l’écriture a parfois (toujours ?) servi à cacher ce qui lui était confié. Si la pictographie est un système simple, particulièrement clair, en passant à un système difficile, complexe, abstrait, diversifié en de nombreux registres de graphismes, souvent à la limite du déchiffrable (l’idéographie cunéiforme), c’est bien la lisibilité que les graphistes sumériens ont abandonné au profit d’une certaine opacité graphique. La cryptographie serait la vocation même de l’écriture. L’illisibilité, loin d’être l’état défaillant, monstrueux, du système scriptural, en serait au contraire la vérité (l’essence d’une pratique peut être en sa limite, non en son centre) (…) Nous sommes habitués, par le poids des valeurs démocratiques (et peut-être plus lointainement chrétiennes), à considérer spontanément la plus grande communication comme un bien absolu et l’écriture comme un acquis progressiste. C’est oublier une fois de plus l’envers du phénomène : il y a une vérité noire de l’écriture : l’écriture, pendant des millénaires, a séparé ceux qui y étaient initiés, peu nombreux, de ceux qui n’y étaient pas (la masse des hommes), elle a été la marque de la propriété (par la signature) et de la distinction. »
Roland Barthes, Variations sur l'écriture
Photo : Umberto d'Aniello
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samedi, 24 octobre 2015
Un écrivain
« Au fond, un écrivain – un véritable écrivain – est quelqu’un qui voue sa vie à l’impossible. Quelqu’un qui fait une expérience fondamentale avec la parole (qui trouve dans la parole un passage pour l’impossible). Quelqu’un à qui il arrive quelque chose qui n’a lieu que sur le plan de l’impossible. Et ce n’est pas parce que cette chose est impossible qu’elle ne lui arrive pas : au contraire, l’impossible lui arrive parce que sa solitude (c’est-à-dire son expérience avec la parole) est telle que ce genre de chose inconcevable peut avoir lieu, et qu’elle a lieu à travers les phrases, à travers les livres qu’il écrit, phrases et livres qui, même s’ils ont l’air de parler d’autre chose, ne parlent secrètement que de ça. (…) Quelqu’un dont la solitude manifeste un rapport avec la vérité et qui s’y voue à chaque instant, même si cet instant relève de la légère tribulation, même si cette vérité lui échappe et lui paraît obscure, voire démente ; un écrivain est quelqu’un qui, même s’il existe à peine aux yeux du monde, sait entendre au cœur de celui-ci la beauté en même temps que le crime, et qui porte en lui, avec humour ou désolation, à travers les pensées les plus révolutionnaires ou les plus dépressives, un certain destin de l’être. (…) Qu’y-a-t-il de plus important que d’engager sa vie dans l’être et de veiller à chaque instant de sa vie un dialogue avec cette dimension ? Car alors, nous n’avons plus seulement une vie, mais une existence : nous existons enfin. (…) Quelqu’un qui fait coïncider son expérience de la parole avec une expérience de l’être ; et qu’au fond, grâce à une disponibilité permanente à la parole – à ce qui vient quand il écrit –, il ouvre son existence toute entière, qu’il le veuille ou non, à une telle expérience. Que celle-ci soit illuminée par Dieu ou au contraire par la mort de Dieu, qu’elle soit habitée ou désertée, qu’elle consiste à se laisser absorber par le tronc d’un arbre ou par des sillons dans la neige, à s’ouvrir au cœur démesuré d’une femme étrange ou à déchiffrer des signes sur les murs, elle porte en elle quelque chose d’illimité qui la destine à être elle-même un monde, et donc à modifier l’histoire du monde. »
:
Yannick Haenel (L'infini n° 133)
Photo de Kouji Tomihisa
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jeudi, 22 octobre 2015
Ce français qu'on dit parfois inaccentué, sec, raisonneur et gourmé
« Ce français qu'on dit parfois inaccentué, sec, raisonneur et gourmé, est une langue très invective, très secrète et très arborescente, faite pour pousser. Très native, très germinative. La plus belle langue du monde, parce que c'est à la fois du grec de cirque, du patois d'église, du latin arabesque, de l'anglais larvé, de l'argot de cour, du saxon éboulé, du picard d'oc, du doux-allemand et de l'italien raccourci. Un grand théâtre d'ombres, de transformismes, de variétés rythmées... »
Valère Novarina
Photo de Carlos Gotay
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samedi, 10 octobre 2015
Société
"la société ne paie que les services qu'elle voit."
Stendhal
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jeudi, 01 octobre 2015
Harmoniques
« Il faut jeter des pierres dans les esprits, qui y fassent des sphères grandissantes ; et les jeter au point le plus central, et à intervalles harmoniques. »
Paul Valéry
Photo de Pawel Klarecki
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mardi, 29 septembre 2015
Avec amour
"La peinture permet de regarder les choses en tant qu'elles ont été une fois contemplées avec amour." Paul Valéry
Auguste Renoir
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jeudi, 17 septembre 2015
Déjà !
L'automne, déjà ! - Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, - loin des gens qui meurent sur les saisons.
Arthur Rimbaud
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mercredi, 16 septembre 2015
Solitude
« On est seul avec tout ce qu’on aime. » : Novalis
Pierre Bonnard
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mardi, 15 septembre 2015
Tous les hommes méritent d'avoir un nom
"Socrate est immortel;
Or Socrate est un homme;
Donc tous les hommes méritent d'avoir un nom."
Philippe Sollers
Photo de Sam Abell
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dimanche, 06 septembre 2015
Virginia
"I am in the mood to dissolve in the sky"
Virginia Woolf
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Le divin
"Le divin se manifeste, selon les cas, soit comme une marée montante, soit comme une pluie torrentielle."
Viveka Cūḍāmaṇi, Ādi Śaṅkara
04:32 Publié dans Grands textes, illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ādi Śaṅkara, viveka cūḍāmaṇi
lundi, 31 août 2015
à quoi bon
"Si l'on ne trouve pas surnaturel l'ordinaire, à quoi bon poursuivre ?" Charles-Albert Cingria
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jeudi, 27 août 2015
Beauté
"Tant qu'il existera des fragments de beauté, on pourra encore comprendre quelque chose au monde."
Guido Ceronetti
13:14 Publié dans Art, Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guido ceronetti
Rancune
"On m'a si souvent ramené à la raison, on m'a si souvent prévenu contre ma fantaisie que j'ai gardé rancune à la logique."
Joë Bousquet
12:17 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joë bousquet
Un jour
"Ecoute le silence et écris, pour faire de ton amour un jour au lieu d'un songe."
Charlotte Jousseaume
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mercredi, 26 août 2015
J’ai une maladie : je vois le langage.
L’écriture de Barthes se reconnaît aussitôt : elle frappe visiblement l’oreille. Découpée, mate, retenue, elle semble s’éloigner de ce qu’elle dit en l’annulant par avance. « J’ai une maladie : je vois le langage. »
Philippe Sollers
http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article812
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mardi, 25 août 2015
Zone obscure
"Écrire consiste donc le plus souvent à remplacer l’objet de notre émotion par un objet qui nous appartienne en propre et dont nous soyons, comme auteur, la zone obscure. L’inexprimé se trouve maintenant en nous par rapport à notre ouvrage, et non plus en notre modèle par rapport à nous. On écrit pour changer le mystère de place, le transplanter en soi, en transformer le contenant, pour être soi-même le prolongement de ce qu’on exprime à grand-peine, pour se débarrasser de tout le reste (qui est donc littérature)."
Philippe Sollers, Une curieuse solitude
14:55 Publié dans écriture, Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers
Lecture
« Lorsque mon cœur oppressé me demande du repos, la lecture vient à mon secours. Tous mes livres sont là sous ma main : il m’en faut peu, car je suis depuis longtemps bien convaincu de la parfaite inutilité d’une foule d’ouvrages qui jouissent encore d’une grande réputation… »
Joseph de Maistre
14:52 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joseph de maistre
Faites-vous animal !
De Maistre joue sur les trois registres, ce qui est très rare ; il passe avec aisance du latin au grec, et du grec à l’hébreu. Cette agilité, dans notre langue, est à peu près unique à ce niveau d’élaboration. Ce nom propre ne pouvait dès lors qu’être rejeté passionnément par la corporation des ignorants. « Le génie de chaque langue, dit le Savoyard, se meut comme un animal pour trouver de tous côtés ce qui lui convient. » J’aime beaucoup cette déclaration, dont je me sens solidaire. Faites-vous animal, et vous comprendrez mieux la langue. Voilà ce qu’il faudrait à chaque humain, pour contrecarrer la tendance à blablater à côté. Voltaire est un animal impressionnant, lui aussi.
Philippe Sollers, L'infini n°130 Hiver 2015
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samedi, 22 août 2015
Imagination
Special dedicace pour le Ray's Day
"Mon imagination, qui était mon seul organe pour jouir de la beauté." : Marcel Proust
Santa Maria della Pietà, Rocca Calascio (Abruzzi)
03:24 Publié dans Grands textes, illuminations | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : imagination, marcel proust