jeudi, 27 décembre 2012
Honnête homme
"Avec un rare génie d'intrigues, qui le rendait l'égal des plus forts intrigants, il était resté honnête homme."
Monsieur de Tréville, "Les trois mousquetaires", Alexandre Dumas
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mercredi, 26 décembre 2012
j’ai tout vu, tout fait, tout usé
" Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaieté me l’a permis ; encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce Moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune ! ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux… avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées, j’ai tout vu, tout fait, tout usé. "
Figaro, scène 3 de l’acte V du Mariage de Figaro de Beaumarchais.
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mardi, 25 décembre 2012
Tous les 24 décembre, à minuit,
"Tous les 24 décembre, à minuit, l’enfant divin vous salue, ainsi que Joseph, Marie, le boeuf, l’âne, les Rois Mages. Qui contrôle le coup du bébé dirige le Temps. Toutes les femmes le comprennent, ce sont elles qui favorisent la chose."
A lire ici, ce texte de Philippe Sollers : L'événenement Jésus
Tintoret, La Résurrection du Christ, Scuoala grande di San Rocco
05:53 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : résurrection, christ, philippe sollers, tintoret
dimanche, 23 décembre 2012
Jusqu'au plus profond de l'obscurité
« J'écris autrement que je
ne parle, je parle
autrement que je ne
pense, je pense
autrement
que je ne devrais penser,
et ainsi jusqu'au plus
profond de l'obscurité. »
Kafka
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samedi, 22 décembre 2012
Incipit
J’étais plongé dans une de ces rêveries profondes qui saisissent tout le monde, même un homme frivole, au sein des fêtes les plus tumultueuses. Minuit venait de sonner à l’horloge de l’Elysée-Bourbon. Assis dans l’embrasure d’une fenêtre, et caché sous les plis onduleux d’un rideau de moire, je pouvais contempler à mon aise le jardin de l’hôtel où je passais la soirée. Les arbres, imparfaitement couverts de neige, se détachaient faiblement du fond grisâtre que formait un ciel nuageux, à peine blanchi par la lune. Vus au sein de cette atmosphère fantastique, ils ressemblaient vaguement à des spectres mal enveloppés de leurs linceuls, image gigantesque de la fameuse Danse des morts. Puis, en me retournant de l’autre côté, je pouvais admirer la danse des vivants ! un salon splendide, aux parois d’argent et d’or, aux lustres étincelants, brillant de bougies. Là, fourmillaient, s’agitaient et papillonnaient les plus jolies femmes de Paris, les plus riches, les mieux titrées, éclatantes, pompeuses, éblouissantes de diamants ! des fleurs sur la tête, sur le sein, dans les cheveux, semées sur les robes, ou en guirlandes à leurs pieds. C’était de légers frémissements de joie, des pas voluptueux qui faisaient rouler les dentelles, les blondes, la mousseline autour de leurs flancs délicats. Quelques regards trop vifs perçaient çà et là, éclipsaient les lumières, le feu des diamants, et animaient encore des cœurs trop ardents. On surprenait aussi des airs de tête significatifs pour les amants, et des attitudes négatives pour les maris. Les éclats de voix des joueurs, à chaque coup imprévu, le retentissement de l’or se mêlaient à la musique, au murmure des conversations ; pour achever d’étourdir cette foule enivrée par tout ce que le monde peut offrir de séductions, une vapeur de parfums et l’ivresse générale agissaient sur les imaginations affolées. Ainsi à ma droite la sombre et silencieuse image de la mort ; à ma gauche, les décentes bacchanales de la vie : ici, la nature froide, morne, en deuil ; là, les hommes en joie. Moi, sur la frontière de ces deux tableaux si disparates, qui, mille fois répétés de diverses manières, rendent Paris la ville la plus amusante du monde et la plus philosophique, je faisais une macédoine morale, moitié plaisante, moitié funèbre. Du pied gauche je marquais la mesure, et je croyais avoir l’autre dans un cercueil. Ma jambe était en effet glacée par un de ces vents coulis qui vous gèlent une moitié du corps tandis que l’autre éprouve la chaleur moite des salons, accident assez fréquent au bal.
Balzac, Sarrasine, début du texte
22:04 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balzac, sarrasine
vendredi, 07 décembre 2012
Temper
« Cela n’est jamais dit mais le petit Bach a été un enfant particulièrement joueur, espiègle, effronté, fugueur. En dehors de sa passion précoce pour la musique et de son sérieux aux offices, on l’a beaucoup vu courir dans la campagne, aux environs d’Eisenach. Qui ne l’a pas observé démarrer, détaler, s’envoler, s’arrêter brusquement, repartir comme un dératé, s’allonger les bras en croix dans l’herbe, se relever, courir à perdre haleine, puis s’asseoir et méditer longuement, avant de reprendre ses virevoltes qui ont tant inquiété sa mère, ne peut rien comprendre à sa façon de tempérer, ou plus exactement de temper. Régler la tempête et cette atroce histoire de crucifixion, ressusciter les spirales, voilà le voyage. Et c’est bien ce qui assombrit le visage du roi : la joie étourdissante et enfantine, là, du vieux Bach, sur laquelle le temps n’a aucune prise, sa prière ininterrompue, son mouvement d’adoration perpétuelle, bref son amour. »
Philippe Sollers, les Voyageurs du temps, 2009.
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dimanche, 02 décembre 2012
Prologue
"Dans la forêt des livres, et ses recoins obscurs
Faites donc un essai, cherchez, voyez combien
De lettrés de génie vous trouverez ! Eh bien !
De deux puissants mobiles ils n'eurent jamais cure :
La gloire et le profit - vaines futilités,
Et de l'Histoire, éternel jeu de grands couteaux
Ils s'entretinrent en la plus grande hilarité !"
Prologue de "Au bord de l'eau"
Bibliothèque de la Pléiade
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lundi, 26 novembre 2012
Réfléchissant
"De même ceux qui produisent des oeuvres géniales ne sont pas ceux qui vivent dans le milieu le plus délicat, qui ont la conversation la plus brillante, la culture la plus étendue, mais ceux qui ont eu le pouvoir, cessant brusquement de vivre pour eux-mêmes, de rendre leur personnalité pareille à un miroir, de telle sorte que leur vie si médiocre d'ailleurs qu'elle pouvait être mondainement et même, dans un certain sens, intellectuellement parlant, s'y reflète, le génie consistant dans le pouvoir réfléchissant et non dans la qualité intrinsèque du spectacle reflété."
Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleursur.
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lundi, 19 novembre 2012
Le Midi
Te voici dans ton Midi! Te voici libre!
Là de Nîmes à Pau et de Limoges à Foix, avec Albi, Cahors, Toulouse, est un territoire qui de tout temps se montra accueillant aux doctrines extrêmes, aux dogmes spécieux et durs. Un peuple étrange l'habite, maigre et dru, sensuel et fin, tourmenté, tourmenteur, amèrement passionné. On y parle une langue grosse et brillante, faite pour l'injure et pour le soupir. Les mœurs y sont rauques, triviales et pessimistes, le cœur volontiers charnel. Un climat brusque, angoissant et fier. C'est par excellence le Paradis de l'hérésie. C'est le Midi.
On dit le Midi. Il y a mille Midis. Du moins en gros, il y en a deux la Provence et l'Occitanie. La Provence est toute gréco-romaine, bien ancrée dans l'ordre de la nature, dans les lois de l'esprit. L'Occitanie au contraire me paraît essentiellement anarchique, excentrique, l'âme inquiète et rêveuse, l'imagination vagabonde. Elle est livrée sans merci aux souffles de l'esprit, lequel souffle où il veut. Je l'ai toujours vue, je la vois de plus en plus très wisigothe, avec de forts apports arabes et juifs. Les Wisigoths ont occupe Carcassonne pendant trois siècles (413-719) - trois siècles marquent un pays.
Joseph Delteil, Extrait de Le vert Galant (1931), Editions des Portiques
Watteau, Embarquement pour l'île de Cythère, détail
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lundi, 12 novembre 2012
Seul
« J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N’oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain en somme… Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine… Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir… Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu’on soit là pour. Qu’on existe et qu’on agisse pour. Qu’on pense en fonction d’eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir. »
Philippe Sollers, Le Secret
Roy Lichtenstein
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Je n'y suis pour Bergson
« Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout le mot qui exprime cet objet. »
Henri Bergson
Peinture Gildas Pasquet
14:18 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bergson, gildas pasquet
jeudi, 08 novembre 2012
Paresse...
" C'est la paresse des gens d'esprit que j'aime. Mais les sots paresseux ressemblent à des valets dans une antichambre ; ils y deviennent menteurs, médisants, curieux et insolents. "
Pensées et Fragments / Prince de Ligne / arléa / 2000
Nicolas Poussin
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dimanche, 07 octobre 2012
François Meyronnis
04:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : françois meyronnis
mardi, 02 octobre 2012
Tohu-bohu
« Soubdain la mer commença à s'enfler et tumultuer du bas abysme... » J'aime les tempêtes chez Rabelais, tous les moments de fort tohu-bohu. J'aime m'y retremper. Il me rappelle que ma langue (que j'ai à désapprendre, réapprendre et oublier tous les jours, que je n'ai jamais possédée), ce français qu'on dit parfois inaccentué, raisonneur et guindé, est une langue très invective, très germinative, très native, très secrète et très arborescente, faite pour pousser. Le français, c'est la plus belle langue du monde, parce que c'est à la fois du grec de cirque, du patois d'église, du latin arabesque, de l'anglais larvé, de l'argot de cour, du saxon éboulé, du batave d'oc, du doux-allemand, et de l'italien raccourci. Celle qui résonne le mieux au monde, la plus sonore de toutes avec ses dix-sept voyelles, trois semi-voyelles, dix-neuf consonnes et quatre-vingt-dix-huit suffixes, très souple, très rythmique, très impure et très croisée. On entend ses racines qui viennent de partout, à peine visibles, très usées, très avalées, très fines, seulement présentes en silhouettes. Un grand théâtre d'ombres, de transformismes, de variétés rythmées...
Valère Novarina, extrait de "théâtre des paroles"
Portrait de Victor Choquet
Cézanne 1876-77
00:54 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valère novarina, cezanne
vendredi, 28 septembre 2012
Baltasar !
" Le JE NE SAIS QUOI, qui est l'âme de toutes les bonnes qualités, qui orne les actions, qui embellit les paroles, qui répand un charme inévitable sur tout ce qui vient de lui est au-dessus de nos pensées et de nos expressions ; personne ne l'a encore compris, et apparemment personne ne le comprendra jamais. Il est le lustre même du brillant, qui ne frappe point sans lui ; il est l'agrément de la beauté, qui sans lui ne plaît point ; c'est à lui de donner, pour me servir de ces termes, la tournure et la façon à toutes les qualités qui nous parent ; il est, en un mot, la perfection de la perfection même ( c'est moi qui souligne ), et l'assaisonnement de tout le bon et de tout le beau. "
Le Héros / Baltasar Gracián
00:59 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baltasar gracian
samedi, 01 septembre 2012
Un crime d'intellectuel
20:31 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges simenon
Jugement
"Les gens ont d'autant plus confiance dans leur propre jugement qu'ils ont moins de connaissance et d'expérience pour l'étayer."
Georges Simenon, Maigret s'amuse, p. 111
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vendredi, 20 juillet 2012
Ne s'use pas
Les gens qui se disent blasés n'ont jamais rien éprouvé : la sensibilité ne s'use pas.
(Jules Renard, Journal, 28 décembre 1896)
22:22 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jules renard
jeudi, 28 juin 2012
Je suis une vallée
- Et quel malheur vouliez-vous qu'il m'arrivât ? Comme dit je ne sais quel vers latin que j'ai oublié, ou plutôt que je n'ai jamais bien su : La foudre ne frappe pas les vallées ; et je suis une vallée, mon cher Rochefort, et des plus basses qui soient.
"Vingt ans après", Alexandre Dumas, chapitre 3
04:25 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre dumas, les trois mousquetaires
dimanche, 17 juin 2012
Sous sa plume, la vérité devient saisissante
"Je veux parler de cette exactitude dans l'expression sensible de la vérité, que nul autre que lui ne semble avoir atteint. C'est peu de dire que, sous sa plume, la vérité devient saisissante : elle est parfois gênante, au point d'être mal supportée - quand le lecteur, par hasard, a connu telle personne, qui lui servit de prototype."
Georges Bataille, Hemingway à la lumière de Hegel (1953)
05:11 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges bataille, hemingway