lundi, 11 mai 2009
J'ai tout mon temps
La rivière se love et sinue à fleur des prés couverts de gelée blanche. Elle est bordée de saules et de moutons couchés qui font deviner son cours imprévisible comme il doit l'être: un méandre de plus est ce qu'une rivière peut faire de mieux; c'est d'ailleurs ce qu'on en attend. La route, elle aussi, étroite, bleue, brillante de glace, tourne sans rime ni raison là où elle pourrait filer droit et prend par la plus forte pente les tertres qu'elle devrait éviter. Elle n'en fait qu'à sa tête. Le ciel, gouverné par vent d'ouest, vient de faire sa toilette, il est d'un bleu dur. Le froid - moins quinze degrés - tient tout le paysage comme dans un poing fermé. Il faut conduire très lentement; j'ai tout mon temps.
Nicolas Bouvier, Journal d'Aran et autres lieux. Extrait, Petite Bibliothèque Payot, 1991
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00:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas bouvier
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