dimanche, 04 mai 2008
Étonnante amitié entre Cézanne et Zola
Étonnante amitié entre Cézanne et Zola, nouée dans l’enfance. Zola a pressenti le génie de Cézanne, il l’a encouragé, poussé à persévérer. Puis comme s’il avait reconnu en lui sa part maudite, ses doutes, sa difficulté à créer, il ne l’a plus supporté. Il le tue symboliquement dans L’Œuvre, ce roman qui provoquera la rupture, où Cézanne découvre son portrait déformé. Après avoir lu le livre, il écrit sa dernière lettre à Zola et termine par ses mots : Tout à toi sous l’impulsion des temps écoulés. La vie de l’écrivain était devenue de plus en plus publique, celle du peintre retirée. Au début, c’était le contraire. Tout avait commencé avec les pommes. Zola adolescent chétif, renfermé, italien par son père et parisien par son accent, est mal accepté ; il est mis en quarantaine par les autres. Un jour, Cézanne, plutôt solide, bien dans son corps et de deux ans son aîné, transgresse l’interdit : “ Je ne pouvais m’empêcher de lui parler quand même ”. Il reçoit une raclée de toute la cour, petits et grands. Le lendemain, pour le remercier, Zola lui offre un plateau de pommes. Lesquelles reviendront constamment dans sa peinture. Leur amitié venait de naître, elle ne cesserait pas. Malgré la rupture, l’éloignement, quand il apprendra sa mort, bien des années plus tard, Cézanne, fou de douleur, s’enfermera dans sa chambre. Toute sa vie il peindra des pommes. La pomme, cet objet idéal pour qui veut régler simultanément par la modulation les problèmes du volume, de l’espace, de la lumière et de la couleur, a écrit Jean Arrouye ; ronde, elle n’est jamais sphérique. Étrange intimité entre cet homme de cent ans son aîné, et Léonore. Elle n’a pas envie pour autant de fouiller sa biographie, des années à tout reconstituer, décortiquer. Qu’en aurait-il pensé lui ? Ca n’a pas de sens, la vie d’un homme n’entrera jamais dans les travaux d’un biographe. Le soleil caresse les toits. Les rayons bas traversent le studio. L’artiste décompose puis recompose le monde. Volume, éclairage, couleurs, forme, les éléments s’assemblent dans un ordre amoureux. Comme dans les Variations Goldberg, les lignes mélodiques sautillent, s’avancent, mordent l’une sur l’autre, se déchirent, s’entrechoquent, reviennent au point de départ, plus tout à fait les mêmes, puis s’envolent comme des sinusoïdes ou des parallèles, à ne jamais se rejoindre. Les couleurs chez Cézanne se parlent, lancent des cris, des injures parfois, ensuite douceur, repos. L’ensemble est réconcilié. On a vu d’abord une mer en furie, le déchaînement des éléments, flux et reflux de l’ombre et du soleil. Une multitude de plans apparaissent, des ouvertures, des contrechamps. Une résonance, un abîme, des passerelles.
Raymond Alcovère, extrait du roman "Le Sourire de Cézanne", éditions n & b
00:30 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : raymond alcovère, le sourire de cézanne
samedi, 03 mai 2008
"Je sais qu'après avoir pleuré en me la donnant, elle va se mettre à rire en la revoyant."
Fodie Konté voudrait maintenant retourner à Bamako, embrasser sa mère et lui montrer la couverture qu'il a su garder tout au long de son périple. "Je sais qu'après avoir pleuré en me la donnant, raconte-t-il, elle va se mettre à rire en la revoyant."
07:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, sans papiers, bamako
Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ?
« Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ? C’est qu’il ne suffit pas de connaître les œuvres d’un artiste, il faut savoir aussi quand il les faisait, pourquoi, comment, dans quelles circonstances. Sans doute existera-t-il un jour une science, que l’on appellera peut-être « la science de l’homme », qui cherchera à pénétrer plus avant à travers l’homme créateur. Je pense souvent à cette science et je tiens à laisser à la postérité une documentation aussi complète que possible… Voilà pourquoi je date tout ce que je fais. »
Pablo Picasso00:38 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : temps, art, peinture, pablo picasso, date
vendredi, 02 mai 2008
Look, this is in fashion !
Yasamusa Morimura
23:49 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art, japon, yasamusa morimura
Le Saint chinois
« Il s’exprime dans des discours extravagants, dans des paroles inédites, dans des expressions sans queue ni tête, parfois trop libres, mais sans partialité, car sa doctrine ne vise pas à traduire des points de vue particuliers. Il juge le monde trop boueux pour être exprimé dans des propos sérieux. C’est pourquoi il estime que les paroles de circonstance sont prolixes, que les paroles de poids ont leur vérité, mais que seules les paroles révélatrices possèdent un pouvoir évocateur dont la portée est illimitée. Ses écrits, bien que pleins de magnificience, ne choquent personne, parce qu’ils ne mutilent pas la réalité complexe. Ses propos bien qu’inégaux renferment des merveilles et des paradoxes dignes de considération. Il possède une telle plénitude intérieure qu’il n’en peut venir à bout. En haut, il est le compagnon du créateur ; en bas, il est l’ami de ceux qui ont transcendé la mort et la vie, la fin et le commencement. La source de sa doctrine est ample, ouverte, profonde et jaillissante ; sa doctrine vise à s’harmoniser avec le principe et à s’élever à lui. Et pourtant, en répondant à l’évolution du monde et en expliquant les choses, il offre une somme inexprimable de raisons qui viennent sans rien omettre, mystérieuses, obscures et dont personne ne peut sonder le fond. »
Tchouang-Tseu
09:29 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, tchouang-tseu
jeudi, 01 mai 2008
Mourir avec sa vision la plus forte
« Ma vie n’est qu’un accident, je sens que je ne devais pas naître : acceptez de cet accident la passion, la rapidité et le malheur.» : Chateaubriand. Philippe Sollers, qui fait cette citation dans Femmes continue ainsi : « Rions… On verra… Allez, un autre verre… L’important est de vivre le plus longtemps possible, de mourir avec sa vision la plus forte… »
00:27 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : philippe sollers, chateaubriand, gildas pasquet
Cecilia Bartoli
« Tout son corps est un instrument de souffle. Elle peut être furieuse, idyllique, pseudo-naïve, sentimentale, drôle, sadique, tendre, rêveuse, enfantine. Elle a fait le tour des mille détours. Elle prend les mots à la racine (divin italien), elle les étire et les broie, elle les catapulte, les caresse et les fouette. [...] Une telle aptitude à la volupté abolit, chirurgicalement, des tonnes de musique romantique inutiles. Bartoli est une sorcière, une fée, une débauchée, une fille du peuple sensuelle et gaie, une artiste incroyable, une merveilleuse femme de la vie courante, une camarade, une aristocrate, une reine. Elle descend de tous les tableaux vénitiens, Vénus, saintes, elle est là, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. »
Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise.
00:09 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, venise, cecilia bartoli, philippe sollers
mercredi, 30 avril 2008
Jetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit
Jetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit. Il fait presque toujours doux à Montpellier. Soudain il comprend à quel point il aime cette ville. Pas de façon exclusive, mais à cause de son ouverture, de sa légèreté, cette façon de ne pas être vraiment à soi. Rien de pesant, de trop enraciné ici.
Il retrouve son quartier, Les Halles Castellane, en pleine effervescence. Le moment idéal pour aller dormir, dans une aube lilas. Une dernière pensée vers Léonore, un sourire sur les lèvres. Respecter sa solitude, sans cela, il n’y a rien. Cette image de lui-même, rassurant et protecteur, lui plaît.
Une semaine plus tard, la chair de Léonore bien présente, chez lui. Le feu crépite dans la cheminée. Gaétan contemple son corps endormi pigmenté de rouge par les reflets incandescents.
Son regard est si intense, scrutateur, gourmand, qu’il craint de la réveiller. Elle est sublime, dos nu jusqu’aux reins, on devine l’arrondi des hanches. La dénuder complètement, il en a furieusement envie. Il dévoile les fesses, les cuisses. Clarté rougeoyante. Pas un pouce de son corps qu’il ne vénère. Le monde s’arrête d’être multiple, il s’est envolé, résumé en elle, sa chair.
Il n’aime rien tant chez les femmes que l’effet du repos sur le visage, le relâchement, cette grâce dans l’abandon. La sensualité, visible, palpable, dans le granulé de la peau, les lignes du geste inachevé, la respiration du sommeil. Certaines femmes laissent flotter cette ondulation en permanence autour d’elles, à la lisière. Alors, la rudesse du monde s’estompe. Il éprouve de la fierté à la contempler dans son lit, avec le sentiment du devoir accompli. Plaisir âcre, puissant, paisible.
Raymond Alcovère, extrait du roman "Le Sourire de Cézanne", éditions n & b
Edouard Manet ; Bouquet de pivoines, 1882
Oil on Canvas ( 57 x 45 cm.)
00:20 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : raymond alcovère, le sourire de cézanne, edouart manet
mardi, 29 avril 2008
La danse des arbres
Shitao ; Conversation au bord du vide
Dimensions : 27 x 16,3 cm
Musée de Shenyang (Moukden)
15:22 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : peinture, chine, shitao
C'était hier
Aujourd'hui, le ciel tombe en nuages, mes pensées sont crémeuses...
01:51 Publié dans Instantané | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : raymond alcovère, eddie bonesire
lundi, 28 avril 2008
Multiforme
02:34 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : illumination, montaigne, littérature, gildas pasquet
dimanche, 27 avril 2008
Les chacals finissent toujours par s’entredévorer
Mai 68 a été une formidable explosion de vie, de liberté, aussi on a voulu refermer la porte ! Aussitôt après, crise du pétrole, le chômage qui se développe comme une traînée de poudre, et le retournement, peu à peu, se met en place ! Les fameuses années 80 ! Le désert de nouveau. Le mouvement n’a fait que s’amplifier, se préciser, et là on est en pleine décomposition ! On fait même de Mai 68 la cause de tous nos maux ! Jusqu’où va la science du retournement ! Pour la plupart, les meneurs du mouvement, et ceux qui leur tournaient autour, profitent maintenant du système, c’est le coup classique, on les a achetés, attirés avec des hochets - pouvoir, argent, signes distinctifs, présence dans les médias, la culture, etc. Ceux qui avaient sans cesse le mot de « bourgeois » à la bouche, ont réalisé leur rêve, ils le sont devenus, c’est magnifique non ! Pris au piège, ils en sont en partie conscients, mais la plupart sont fatigués, usés par une vie émolliente ou trop désordonnée c’est selon, les couleuvres avalées, surtout complètement dépassés par les bouleversements qu’ils ont vaguement accompagnés, le plus souvent en les subissant, surtout dans la durée, ils n’ont plus vraiment la conscience de ce qui s’est passé. Evidemment les vrais pouvoirs sont ailleurs, ceux qui tiennent les rênes n’étaient pas sur les barricades, ils n’ont pas vécu toute cette débauche d’énergie, de folie, les nuits de discussion, ils étaient de l’autre côté ou s’en fichaient éperdument ; ils préparaient l’avenir, leur avenir. Les contestataires de l’époque ne les empêchaient pas de dormir ni de faire leurs affaires, eux ont gagné - en apparence - une vague déferlante, triomphante, rien ne leur résiste, si ce n’est la lutte à mort qu’ils se livrent entre eux, elle fait partie du jeu bien sûr, de leur jeu, il est violent, mortel souvent, c’est leur guerre, ils l’aiment, ne peuvent pas s’en passer, ils en mourront sans doute, les chacals finissent toujours par s’entredévorer…
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
07:50 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, roman, raymond alcovère, solaire
samedi, 26 avril 2008
Le présent
"Le présent est le plus infime des atomes connus"
05:17 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : illumination, temps, gildas pasquet
Je ne pensais même pas à dormir.
Je réservais le sommeil aux chaleurs de la journée, sans quoi elles étaient interminables. Je préférais la nuit, les ombres rares dans les rues. Les dessins peuplaient mes rêves de forêts enneigées, de bricks, de goélettes fendant la mer avec le jusant, de palais baroques, de portes dérobées ouvrant sur l’infini. Je voyageais à travers les cinq continents. Traversant les époques, soulevant des rideaux de théâtre, ourdissant des complots, déjouant des embuscades. De ces voyages, je ressortais anéanti mais apaisé. Ils continuaient pendant la journée et les gestes du quotidien s’en trouvaient métamorphosés. Je ne ressentais aucune pesanteur dans les choses. Peut-être avais-je atteint cet état mystérieux, insondable, ce trouble léger qu’on appelle bonheur. Cet état, cette limite plutôt, qui était ma quête, que j’étais venu chercher ici au bout du monde, que tant d’autres avant moi avaient poursuivi et si peu atteint, cette fêlure dans le réel qui fait oublier la rumeur des jours pour nous plonger transis dans une extase fragile et passagère que l’on cherche à recréer sans cesse sans y parvenir souvent. Et il me semblait l’avoir domestiqué ici, m’en être fait un ami pendant ces nuits tropicales où j’étais si heureux que je ne pensais même pas à dormir.
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
00:18 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : le bonheur est un drôle de serpent, raymond alcovère
vendredi, 25 avril 2008
Un matin
Un matin, dans cet état de béatitude légère et un peu irréelle quand je viens de terminer un dessin dont je ne suis pas trop mécontent, avec cette envie de ne penser à rien, d’écouter les gens parler, leur voix rauque et tous ces siècles d’histoire qu’elles charrient, de regarder le soleil se lever sur la Sierra, le vent soulever la poussière des rues vides, de laisser l’amertume de la bière me brûler la gorge, d’écouter un disque de John Coltrane, bref d’être heureux comme un oiseau au vent du matin - le moment le plus accompli, celui où la fatigue se mêle à l’allégresse, au sentiment d’avoir donné le meilleur de moi-même -, il me restait à faire l’ouverture du café avant de me coucher, quand, de son pas léger, sa démarche souple, ses gestes qui coulaient dans l’air, la grâce et la beauté qui ondulaient jusque dans ses cheveux, elle est entrée.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
Matisse, La Tristesse du roi.
04:43 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : raymond alcovère, le bonheur est un drôle de serpent, matisse
jeudi, 24 avril 2008
Pour Germaine, et ne pas oublier...
14:51 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, résistance, germaine tillon
YouTube, l'envers du décor
Personne à YouTube n’est chargé de visionner les vidéos avant leur mise en ligne. Le site s’appuie exclusivement sur les dénonciations des internautes pour procéder à un éventuel retrait.
13:14 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : médias, internet, youtube
Toujours plus !
"Le retour des conflits salariaux naît de la convergence de plusieurs facteurs. Structurellement, la menace du chômage décroît en France du fait du cycle démographique. En termes conjoncturels, il y a la hausse des prix, mais aussi la campagne présidentielle, qui s'est faite essentiellement autour du pouvoir d'achat. Ce faisant, on a justifié les revendications autour du 'gagner plus'. Or demander plus, c'est un chemin plus court encore vers une hausse de salaire que travailler plus."
04:07 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, grèves, coca-cola
mercredi, 23 avril 2008
Le cynisme et l’écrasement qui nous sont infligés ne sont pas insurmontables
Se résigner à absorber ces images dégradantes, considérer que la pensée est inefficace, qu’elle finira nécessairement par être récupérée au profit de lois économiques, comme Adecco récupère Coluche et Gandhi, les réduisant à être des hommes "pleins de ressources humaines" au profit de sa propre campagne publicitaire.
Se résigner au fait qu’il est normal d’être pris pour un con par ceux qui nous manipulent et qui, par-dessus le marché, prennent plaisir à nous le montrer, de la manière la plus explicite qui soit, sans aucune forme de vergogne.
Ne se prend-on pas à rêver d’un nouveau commando antipub lorsqu’on est deux fois l’an confronté à cette complaisante publicité de la publicité?
La suprématie de cet affichage est naturellement fondé sur le postulat que personne ne s’insurgera.
Lire ici à propos d'une campagne d'affichage07:19 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, publicité, société de consommation
Le bleu des pins fraîchit
"A la couleur du soleil, le bleu des pins fraîchit."
Wang Wei
Paul Cézanne. Grand Pin et Terres rouges.
1890-1895. Musée de l'Ermitage (Saint-Pétersbourg).
01:36 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, poésie, wang wei, cézanne