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mardi, 06 mai 2008

Un an déjà !

Rue89

lundi, 05 mai 2008

Baigneuses

521770425.jpgLe dessin et la couleur ne sont plus distincts, quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude.

Paul Cézanne, Baigneuses.

Guerres secrètes

"Il y a une guerre incessante : celle qui nous saute à la figure à travers le terrorisme déchaîné par la stratégie directe. Et une guerre plus secrète qui se mène sans cesse, pas seulement économique, et dont les Chinois sont en train de tirer la plupart des fils. Si l’adversaire est unilatéral, je vais faire du multilatéralisme ; comme l’adversaire est capitaliste, je vais devenir encore plus capitaliste. Pratiquer la défensive stratégique, utiliser la force de l’adversaire pour la retourner en ma faveur. Le Chinois s’appuie d’instinct sur la compréhension interne de ce que l’adversaire ose, veut, calcule et est obligé de faire. Il mène une guerre défensive qui peut durer une éternité : sa conception du temps n’est pas la nôtre. Cette guerre peut se prolonger indéfiniment pour user l’adversaire. Elle ne cherche pas l’anéantissement, mais la domination."

Philippe Sollers, Guerres secrètes, Editions Carnets Nord, 2007

(Un livre indispensable si l'on veut comprendre les conflits d'aujourd'hui)

Festival des Arts du Pont d’Oye

30613629.jpgDe Villon à Jarry, du carnaval à la pataphysique, joli programme, voir ici

dimanche, 04 mai 2008

Elisabeth Molimard, tourneuse sur bois de la montagne ardéchoise

1390329174.jpgLe Tournage sur Bois, rencontré il y a une vingtaine d'années, est pour elle une véritable passion. Allez voir son site avant, peut-être, une visite dans la montagne ardéchoise.

Usé par la pluie

Tenant le fusil de mon père dans la main gauche
je le fais passer dans la fumée de *sweetgrass,
puis mets la cartouche remplie d’un calibre six pour oiseaux
au contact de la blessure dans ma chair qui ne se refermera pas.
Il fait sombre, les nuages sont en selle sur une lune affamée
trois jours après sa plénitude, pas un souffle de vent,
j’enfonce la cartouche dans la chambre
puis lève la crosse à mon épaule.
Je pointe le canon vers le ciel endeuillé,
en direction du sud-est , puis je dis
Grand Père*, j’envoie ceci de l’endroit
où il est venu, que la guérison commence.
Le bruit sourd de la détonation résonne dans mes oreilles.
L’odeur de cordite est aussi douce que celle du silex frappé
et quelque part, après ce tonnerre, décrivant une courbe,
une étoile verte en colère tombe.
Cette nuit, cinq hivers après son décès,
Je rêve encore de la voix de mon père.
Takwanipihisan, dit-il. Un guide
lui avait donné ce nom dans le Nouveau monde.
Et maintenant apparaît
celui des temps anciens, la promesse des temps de paix,
celui dont le nom fut donné par Le Peuple De L’Aube,
parce qu’il parle des couleurs du ciel

Joseph Bruchac, écrivain amérindien


takwanipihisan  "  Manteau Usé Par La Pluie . "
* Sweetgrass : herbe sacrée que les Indiens brûlent afin que sa fumée purifie. Nom scientifique : Hierochloe Odorata


Grandfather : mot utilisé pour les invocations au ciel. Les Indiens disent familièrement Grand-Père le ciel, Grand-Mère la lune.

Étonnante amitié entre Cézanne et Zola

1175312627.jpgÉtonnante amitié entre Cézanne et Zola, nouée dans l’enfance. Zola a pressenti le génie de Cézanne, il l’a encouragé, poussé à persévérer. Puis comme s’il avait reconnu en lui sa part maudite, ses doutes, sa difficulté à créer, il ne l’a plus supporté. Il le tue symboliquement dans L’Œuvre, ce roman qui provoquera la rupture, où Cézanne découvre son portrait déformé. Après avoir lu le livre, il écrit sa dernière lettre à Zola et termine par ses mots : Tout à toi sous l’impulsion des temps écoulés. La vie de l’écrivain était devenue de plus en plus publique, celle du peintre retirée. Au début, c’était le contraire. Tout avait commencé avec les pommes. Zola adolescent chétif, renfermé, italien par son père et parisien par son accent, est mal accepté ; il est mis en quarantaine par les autres. Un jour, Cézanne, plutôt solide, bien dans son corps et de deux ans son aîné, transgresse l’interdit : “ Je ne pouvais m’empêcher de lui parler quand même ”. Il reçoit une raclée de toute la cour, petits et grands. Le lendemain, pour le remercier, Zola lui offre un plateau de pommes. Lesquelles reviendront constamment dans sa peinture. Leur amitié venait de naître, elle ne cesserait pas. Malgré la rupture, l’éloignement, quand il apprendra sa mort, bien des années plus tard, Cézanne, fou de douleur, s’enfermera dans sa chambre. Toute sa vie il peindra des pommes. La pomme, cet objet idéal pour qui veut régler simultanément par la modulation les problèmes du volume, de l’espace, de la lumière et de la couleur, a écrit Jean Arrouye ; ronde, elle n’est jamais sphérique. Étrange intimité entre cet homme de cent ans son aîné, et Léonore. Elle n’a pas envie pour autant de fouiller sa biographie, des années à tout reconstituer, décortiquer. Qu’en aurait-il pensé lui ? Ca n’a pas de sens, la vie d’un homme n’entrera jamais dans les travaux d’un biographe. Le soleil caresse les toits. Les rayons bas traversent le studio. L’artiste décompose puis recompose le monde. Volume, éclairage, couleurs, forme, les éléments s’assemblent dans un ordre amoureux. Comme dans les Variations Goldberg, les lignes mélodiques sautillent, s’avancent, mordent l’une sur l’autre, se déchirent, s’entrechoquent, reviennent au point de départ, plus tout à fait les mêmes, puis s’envolent comme des sinusoïdes ou des parallèles, à ne jamais se rejoindre. Les couleurs chez Cézanne se parlent, lancent des cris, des injures parfois, ensuite douceur, repos. L’ensemble est réconcilié. On a vu d’abord une mer en furie, le déchaînement des éléments, flux et reflux de l’ombre et du soleil. Une multitude de plans apparaissent, des ouvertures, des contrechamps. Une résonance, un abîme, des passerelles.

Raymond Alcovère, extrait du roman "Le Sourire de Cézanne", éditions n & b

 

samedi, 03 mai 2008

"Je sais qu'après avoir pleuré en me la donnant, elle va se mettre à rire en la revoyant."

Fodie Konté voudrait maintenant retourner à Bamako, embrasser sa mère et lui montrer la couverture qu'il a su garder tout au long de son périple. "Je sais qu'après avoir pleuré en me la donnant, raconte-t-il, elle va se mettre à rire en la revoyant."

Lire ici

Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ?

1944624978.jpg« Pourquoi croyez-vous que je date tout ce que je fais ? C’est qu’il ne suffit pas de connaître les œuvres d’un artiste, il faut savoir aussi quand il les faisait, pourquoi, comment, dans quelles circonstances. Sans doute existera-t-il un jour une science, que l’on appellera peut-être « la science de l’homme », qui cherchera à pénétrer plus avant à travers l’homme créateur. Je pense souvent à cette science et je tiens à laisser à la postérité  une documentation aussi complète que possible… Voilà pourquoi je date tout ce que je fais. »

Pablo Picasso

vendredi, 02 mai 2008

Look, this is in fashion !

376161214.jpgYasamusa Morimura

Le Saint chinois

1449915176.jpg« Il s’exprime dans des discours extravagants, dans des paroles inédites, dans des expressions sans queue ni tête, parfois trop libres, mais sans partialité, car sa doctrine ne vise pas à traduire des points de vue particuliers. Il juge le monde trop boueux pour être exprimé dans des propos sérieux. C’est pourquoi il estime que les paroles de circonstance sont prolixes, que les paroles de poids ont leur vérité, mais que seules les paroles révélatrices possèdent un pouvoir évocateur dont la portée est illimitée. Ses écrits, bien que pleins de magnificience, ne choquent personne, parce qu’ils ne mutilent pas la réalité complexe. Ses propos bien qu’inégaux renferment des merveilles et des paradoxes dignes de considération. Il possède une telle plénitude intérieure qu’il n’en peut venir à bout. En haut, il est le compagnon du créateur ; en bas, il est l’ami de ceux qui ont transcendé la mort et la vie, la fin et le commencement. La source de sa doctrine est ample, ouverte, profonde et jaillissante ; sa doctrine vise à s’harmoniser avec le principe et à s’élever à lui. Et pourtant, en répondant à l’évolution du monde et en expliquant les choses, il offre une somme inexprimable de raisons qui viennent sans rien omettre, mystérieuses, obscures et dont personne ne peut sonder le fond. »

Tchouang-Tseu

 

jeudi, 01 mai 2008

Mourir avec sa vision la plus forte

810249243.jpg« Ma vie n’est qu’un accident, je sens que je ne devais pas naître : acceptez de cet accident la passion, la rapidité et le malheur.» : Chateaubriand. Philippe Sollers, qui fait cette citation dans Femmes continue ainsi : « Rions… On verra… Allez, un autre verre… L’important est de vivre le plus longtemps possible, de mourir avec sa vision la plus forte… »

Photo de Gildas Pasquet

 

Cecilia Bartoli

380499331.jpg« Tout son corps est un instrument de souffle. Elle peut être furieuse, idyllique, pseudo-naïve, sentimentale, drôle, sadique, tendre, rêveuse, enfantine. Elle a fait le tour des mille détours. Elle prend les mots à la racine (divin italien), elle les étire et les broie, elle les catapulte, les caresse et les fouette. [...] Une telle aptitude à la volupté abolit, chirurgicalement, des tonnes de musique romantique inutiles. Bartoli est une sorcière, une fée, une débauchée, une fille du peuple sensuelle et gaie, une artiste incroyable, une merveilleuse femme de la vie courante, une camarade, une aristocrate, une reine. Elle descend de tous les tableaux vénitiens, Vénus, saintes, elle est là, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe. » 

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise.

mercredi, 30 avril 2008

Jetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit

2064790162.jpgJetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit. Il fait presque toujours doux à Montpellier. Soudain il comprend à quel point il aime cette ville. Pas de façon exclusive, mais à cause de son ouverture, de sa légèreté, cette façon de ne pas être vraiment à soi. Rien de pesant, de trop enraciné ici.

Il retrouve son quartier, Les Halles Castellane, en pleine effervescence. Le moment idéal pour aller dormir, dans une aube lilas. Une dernière pensée vers Léonore, un sourire sur les lèvres. Respecter sa solitude, sans cela, il n’y a rien. Cette image de lui-même, rassurant et protecteur, lui plaît.

Une semaine plus tard, la chair de Léonore bien présente, chez lui. Le feu crépite dans la cheminée. Gaétan contemple son corps endormi pigmenté de rouge par les reflets incandescents.

Son regard est si intense, scrutateur, gourmand, qu’il craint de la réveiller. Elle est sublime, dos nu jusqu’aux reins, on devine l’arrondi des hanches. La dénuder complètement, il en a furieusement envie. Il dévoile les fesses, les cuisses. Clarté rougeoyante. Pas un pouce de son corps qu’il ne vénère. Le monde s’arrête d’être multiple, il s’est envolé, résumé en elle, sa chair.

Il n’aime rien tant chez les femmes que l’effet du repos sur le visage, le relâchement, cette grâce dans l’abandon. La sensualité, visible, palpable, dans le granulé de la peau, les lignes du geste inachevé, la respiration du sommeil. Certaines femmes laissent flotter cette ondulation en permanence autour d’elles, à la lisière. Alors, la rudesse du monde s’estompe. Il éprouve de la fierté à la contempler dans son lit, avec le sentiment du devoir accompli. Plaisir âcre, puissant, paisible.

Raymond Alcovère, extrait du roman "Le Sourire de Cézanne", éditions n & b

Edouard Manet ; Bouquet de pivoines, 1882
Oil on Canvas ( 57 x 45 cm.)

mardi, 29 avril 2008

La danse des arbres

1300416813.jpgShitao ; Conversation au bord du vide
Dimensions : 27 x 16,3 cm
Musée de Shenyang (Moukden)

Lire et voir ici

15:22 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : peinture, chine, shitao

C'était hier

2087440755.jpgAujourd'hui, le ciel tombe en nuages, mes pensées sont crémeuses...

Photo d'Eddie Bonesire

lundi, 28 avril 2008

Multiforme

2097609807.jpg"La vie est un mouvement inégal, irrégulier et multiforme."

Montaigne

Photo de Gildas Pasquet

dimanche, 27 avril 2008

Les chacals finissent toujours par s’entredévorer

705769969.jpgMai 68 a été une formidable explosion de vie, de liberté, aussi on a voulu refermer la porte ! Aussitôt après, crise du pétrole, le chômage qui se développe comme une traînée de poudre, et le retournement, peu à peu, se met en place !  Les fameuses années 80 ! Le désert de nouveau. Le mouvement n’a fait que s’amplifier, se préciser, et là on est en pleine décomposition ! On fait même de Mai 68 la cause de tous nos maux ! Jusqu’où va la science du retournement ! Pour la plupart, les meneurs du mouvement, et ceux qui leur tournaient autour, profitent maintenant du système, c’est le coup classique, on les a achetés, attirés avec des hochets - pouvoir, argent, signes distinctifs, présence dans les médias, la culture, etc. Ceux qui avaient sans cesse le mot de « bourgeois » à la bouche, ont réalisé leur rêve, ils le sont devenus, c’est magnifique non ! Pris au piège, ils en sont en partie conscients, mais la plupart sont fatigués, usés par une vie émolliente ou trop désordonnée c’est selon, les couleuvres avalées, surtout complètement dépassés par les bouleversements qu’ils ont vaguement accompagnés, le plus souvent en les subissant, surtout dans la durée, ils n’ont plus vraiment la conscience de ce qui s’est passé. Evidemment les vrais pouvoirs sont ailleurs, ceux qui tiennent les rênes n’étaient pas sur les barricades, ils n’ont pas vécu toute cette débauche d’énergie, de folie, les nuits de discussion, ils étaient de l’autre côté ou s’en fichaient éperdument ; ils préparaient l’avenir, leur avenir. Les contestataires de l’époque ne les empêchaient pas de dormir ni de faire leurs affaires, eux ont gagné - en apparence - une vague déferlante, triomphante, rien ne leur résiste, si ce n’est la lutte à mort qu’ils se livrent entre eux, elle fait partie du jeu bien sûr, de leur jeu, il est violent, mortel souvent, c’est leur guerre, ils l’aiment, ne peuvent pas s’en passer, ils en mourront sans doute, les chacals finissent toujours par s’entredévorer…

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

 

Photo de Gildas Pasquet

samedi, 26 avril 2008

Le présent

649139082.jpg"Le présent est le plus infime des atomes connus"

Photo de Gildas Pasquet

Je ne pensais même pas à dormir.

Je réservais le sommeil aux chaleurs de la journée, sans quoi elles étaient interminables. Je préférais la nuit, les ombres rares dans les rues. Les dessins peuplaient mes rêves de forêts enneigées, de bricks, de goélettes fendant la mer avec le jusant, de palais baroques, de portes dérobées ouvrant sur l’infini. Je voyageais à travers les cinq continents. Traversant les époques, soulevant des rideaux de théâtre, ourdissant des complots, déjouant des embuscades. De ces voyages, je ressortais anéanti mais apaisé. Ils continuaient pendant la journée et les gestes du quotidien s’en trouvaient métamorphosés. Je ne ressentais aucune pesanteur dans les choses. Peut-être avais-je atteint cet état mystérieux, insondable, ce trouble léger qu’on appelle bonheur. Cet état, cette limite plutôt, qui était ma quête, que j’étais venu chercher ici au bout du monde, que tant d’autres avant moi avaient poursuivi et si peu atteint, cette fêlure dans le réel qui fait oublier la rumeur des jours pour nous plonger transis dans une extase fragile et passagère que l’on cherche à recréer sans cesse sans y parvenir souvent. Et il me semblait l’avoir domestiqué ici, m’en être fait un ami pendant ces nuits tropicales où j’étais si heureux que je ne pensais même pas à dormir.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture