lundi, 05 janvier 2009
Feu
"Il y a toujours un moment où toutes les choses deviennent feu."
Héraclite
17:01 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : feu, héraclite
Faites l'expérience
Faites l'expérience de vous dire sans cesse: j'étais là, je suis là, je serai toujours là, je suis avec moi jusqu'à la fin des temps, le ciel et la terre passeront, mais ma certitude ne passera pas. Le résultat est terrifiant ou comique. À moins de prendre tout ça à la légère, sur la pointe des pieds, de marcher sur l'eau, de voler. Regardez : j'ai l'air d'un boeuf mais je plane, je suis une mouette, un faucon, un héron. Ma vie est dans les fleurs, les marais, les vignes, les vagues. Je migre, je transmigre, je me réincarne au jugé. On m'enterre, je ressuscite ; on m'incinère, mes atomes persistent et se recomposent plus loin. Dans le monde humain, il m'arrive d'attendre longtemps avant de me reconnaître. J'ai des rêves, des attaques, des pressentiments, je fais des rencontres, je suis bien obligé d'admettre que je suis un autre, et soudain me revoilà, c'est plus fort que moi. Ici, il faut que je me parle doucement à mi-voix, comme quelqu'un qui a peur de réveiller des gens qui dorment et qu'il aime.
Ph.S.
Une Vie divine, Gallimard, Folio n°4533
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : faites l'expérience, philippe sollers, une vie divine
dimanche, 04 janvier 2009
Merde !
"Fin janvier 1872. Dans l'entresol d'une brasserie du quartier Saint-Sulpice, les Vilains Bonhommes récitent des sonnets académiques ; Rimbaud, du fond de la salle, ponctue chaque vers d'un Merde retentissant."
Alain Borer, Rimbaud l'heure de la fuite.
Coin de table
Henri Fantin-Latour, huile sur toile, 1872.
04:53 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : rimbaud, fantin-latour, alain borer
samedi, 03 janvier 2009
Brassaï, photographe
22:58 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, brassaï
Toute ta présence...
(pour Giya Kancheli)
Toute ta présence dans l'attrait de ce village sous la neige.
Il s'agissait de trouer l'espace, de dissiper les ténèbres
mais l'intense mélodie, véhémente, s'effaçait,
niait le possible retour,
affirmait ses retards, ses motifs de soupir,
se répétait dans des volées de cuivre,
se déformait soudain en notes pantelantes.
Pour qui revenait au pays, tout n'était-il dés lors que contours,
approche austère et insoumise,
double travesti et dissonant ?
La plaine se révélait tantôt résignée,
tantôt revêche et inconstante.
Où étaient donc les couleurs de l'enfance ?
Celles de ta musique ne cessaient de s'altérer, de virer.
Tu l'avais dis Giya : " Le pays de couleur chagrin ".
Pourtant, tout près, le rire des enfants,
la démarche et la souplesse des femmes,
là, l'orange oblique du soleil sur les toits de neige,
plus loin les troupeaux silencieux, les hommes dans de grands gestes.
Cette fugitive et musicale avancée
d'un mirage qui bat dans la poitrine,
cette voix qui appelle entre plume et pierre,
résonnent aujourd'hui de ce que Delacroix avait su reconnaître
dans une autre " musique, tout à coup surgie de l'embuscade,
non plus comme un rapace s'élevant sous l'archet,
ni pour l'oreille où la béatitude
mais pour les muscles, pour les tempes palpitantes ".
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, pierre bouheret, l'instant du monde
vendredi, 02 janvier 2009
Lettre de Fred Vargas : la troisième révolution
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal.
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.
Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.
Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.
La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.
Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi.
Evidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix,
On s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux. D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la
paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).
S'efforcer. Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.
Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.
Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.
Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.
Fred Vargas
Archéologue et écrivain
19:37 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : politique, révolution, fred vargas
Louise-Michel
Encore un petit bijou d'humour noir, ce Louise-Michel, de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Noir, très noir, audacieux, très audacieux, bien construit, magnifiquement joué, idéal pour bien commencer l'année...
00:29 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cinéma, louise-michel
jeudi, 01 janvier 2009
Jeunesse lève-toi !
19:05 Publié dans Chanson | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : chanson, damien saez, jeunesse lève-toi
mercredi, 31 décembre 2008
Que la lumière brille dans les ténèbres !
Ce tableau de Jacki Maréchal pour vous souhaiter une bonne et heureuse année 2009 !
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : art, peinture, jacki maréchal, voeux, 2009
mardi, 30 décembre 2008
Il faut écouter ses photos si on veut les voir
00:15 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : photo, willy ronis, philippe sollers
lundi, 29 décembre 2008
Et cette illusion de bonheur finit par devenir bonheur...
Envie de sortir, de marcher, je suis monté à San Martino. Ce genre de décor somptueux, chargé m’aurait déplu il y a quelques années. Dorures, stuc, marbres polychromes, couleurs fondues, motifs enlacés, anges virevoltants, tout est fait pour dérouter l’âme, qu’elle vacille, l’enlever des griffes du réel, la jeter dans un monde de miroirs corruscants, un crépitement de pierreries, de marbres roses. Les plafonds figurent des ouvertures vers le ciel, vers d’autres images, où rien ne finit jamais. Une illusion de bonheur qui n’a jamais de fin. Toujours plus de couleurs, de rondeurs, de trompe- l’oeil. Et cette illusion de bonheur finit par devenir bonheur...
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, roman
Manet, pivoines
17:13 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, raymond alcovère, fugue baroque, manet
dimanche, 28 décembre 2008
Eden caché
En réalité, personne ne veut du paradis parce qu'il est gratuit. La joie, le bonheur, l'amour sont gratuits. Un amour qui n'est pas gratuit n'est pas de l'amour. C'est la raison pour laquelle le bonheur réel ne peut être que farouchement clandestin dans un monde livré au calcul.
Watteau, embarquement pour l'île de Cythère, détail
17:50 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ede, littérature, philippe sollers, watteau
Il faut le voir pour le croire !
04:07 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique, service public, bernard tapie, sarkozy
samedi, 27 décembre 2008
En lisant Paradis de Philippe Sollers
eh madame la charcutière vous avez des pieds de porc oui oh mais alors ça doit vous gêner pour marcher c'est malin foutez-moi le camp petit imbécile
20:02 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philippe sollers, paradis
Le jour va se lever
Le jour va se lever, je vais aller prendre un café Galleria Umberto I, histoire de croire encore un peu à la réalité. Bruits de réveil dans la ville. La “madrugada”, le meilleur moment de la journée. L’air du matin a toujours cette saveur particulière, crépitement de bruits, enfants qui pleurent, vaisselle qui teinte. Dans les bassi, les lumières clignotent. L’odeur de la nuit est encore là, stagnante, fraîcheur de la mer, proche, rassurante. Dans le dédale des rues, le jour s’est insinué, furtif. Les vaguelettes roulent les galets sur la plage, dans un bruit d’osselets. Premières salves de klaxons, ronflements de moteurs, rythmés par les cloches des églises, de loin en loin. Pour quelques minutes encore la ville a cet aspect irréel, magique de la vie engourdie. Tout est encore informe, en devenir.
Raymond Alcovère, extrait de Fugue baroque, roman
Flora (ou Primavera), fresque du 1er siècle issue de la Villa Arianna, Stabies, Italie
peinture murale, 39 x 32 cm
00:56 Publié dans Fugue baroque | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, raymond alcovère, fugue baroque, flora
Les Noces de Cana bis
Calembour extrait de Paradis, de Philippe Sollers, et Véronèse, Les Noces de Cana, détail
00:20 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art, littérature, philippe sollers, véronèse, cana
vendredi, 26 décembre 2008
Les derniers travaux de Jacki Maréchal
16:37 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, jacki maréchal
Avant Turner il n'y avait pas de brume sur la Tamise
Et un amical bonjour à JLK chez qui j'ai trouvé cette phrase de Oscar Wilde !
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, peinture, turner, oscar wilde, jlk
jeudi, 25 décembre 2008
Longtemps je suis resté
Longtemps je suis resté sans pouvoir, sans savoir peindre la Sainte-Victoire, parce que j'imaginais l'ombre concave, comme les autres qui ne regardent pas, tandis que, tenez, regardez, elle est convexe, elle fuit de son centre. Au lieu de se tasser, elle s'évapore, se fluidise. Elle participe toute bleutée à la respiration ambiante de l'air. Comme là-bas, à droite, sur le Pilon du Roi, vous voyez au contraire que la clarté se berce, humide, miroitante. C'est la mer… Voilà ce qu'il faut rendre. Voilà ce qu'il faut savoir. Voila le bain de science, si j'ose dire, où il faut tremper sa plaque sensible. Pour bien peindre un paysage, je dois découvrir d'abord les assises géologiques. Songez que l'histoire du monde date du jour où deux atomes se sont rencontrés, où deux tourbillons, deux danses chimiques se sont combinées. Ces grands arcs-en-ciel, ces prismes cosmiques, cette aube de nous-mêmes au-dessus du néant, je les vois monter, je m'en sature en lisant Lucrèce. Sous cette pluie fine je respire la virginité du monde. Un sens aigu des nuances me travaille. Je me sens coloré par toutes les nuances de l'infini. A ce moment-là, je ne fais plus qu'un avec mon tableau. Nous sommes un chaos irisé. Je viens devant mon motif, je m'y perds. Je songe, vague. Le soleil me pénètre sourdement, comme un ami lointain, qui réchauffe ma paresse, la féconde. Nous germinons. Il me semble, lorsque la nuit redescend, que je ne peindrai et que je n'ai jamais peint. Il faut la nuit pour que je puisse détacher mes yeux de la terre, de ce coin de terre où je me suis fondu. Un beau matin, le lendemain, lentement les bases géologiques m'apparaissent, des couches s'établissent, les grands plans de ma toile, j'en dessine mentalement le squelette pierreux. Je vois affleurer les roches sous l'eau, peser le ciel. Tout tombe d'aplomb. Une pâle palpitation enveloppe les aspects linéaires. Les terres rouges sortent d'un abîme. Je commence à me séparer du paysage, à le voir. Je m'en dégage avec cette première esquisse, ces lignes géologiques. La géométrie, mesure de la terre. Une tendre émotion me prend. Des racines de cette émotion monte la sève, les couleurs. Une sorte de délivrance. Le rayonnement de l'âme, le regard, le mystère extériorisé, l'échange entre la terre et le soleil, l'idéal et la réalité, les couleurs ! Une logique aérienne, colorée, remplace brusquement la sombre, la têtue géométrie. Tout s'organise, les arbres, les champs, les maisons. Je vois. Par taches. L'assise géologique, le travail préparatoire, le monde du dessin s'enfonce, s'est écroulé comme dans une catastrophe. Un cataclysme l'a emporté, régénéré. Une nouvelle période vit. La vraie ! Celle où rien ne m'échappe, où tout est dense et fluide à la fois, naturel. Il n'y a plus que des couleurs, et en elles de la clarté, l'être qui les pense, cette montée de la terre vers le soleil, cette exhalaison des profondeurs vers l'amour. Le génie serait d'immobiliser cette ascension dans une minute d'équilibre, en suggérant quand même son élan. Je veux m'emparer de cette idée, de ce jet d'émotion, de cette fumée d'être au-dessus de l'universel brasier. Ma toile pèse, un poids alourdit mes pinceaux. Tout tombe. Tout retombe sous l'horizon. De mon cerveau sur ma toile, de ma toile vers la terre. Pesamment. Où est l'air, la légèreté dense ? Le génie serait de dégager l'amitié de toutes ces choses en plein air, dans la même montée, dans le même désir. Il y a une minute du monde qui passe. La peindre dans sa réalité ! Et tout oublier pour cela. Devenir elle-même. Etre alors la plaque sensible. Donner l'image de ce que nous voyons, en oubliant tout ce qui a paru avant nous.
Joaquim Gasquet, Cézanne
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, cézanne, sainte-victoire, joachim gasquet
mercredi, 24 décembre 2008
Premières phrases célèbres
Je hais les voyages et les explorateurs.
Claude Levi-Strauss, Tristes Tropiques
12:58 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : première phrase, littérature, claude levi-strauss