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mardi, 04 novembre 2008

Sarx

A8162web.jpgA l’heure où les écrans et tout ce qui nous entoure nous éloigne de plus en plus des sensations vraies – par exemple la plupart des objets avec lesquels nous sommes en contact au quotidien sont des produits manufacturés et ne sont plus faits directement par la main de l’homme -, Jacki Maréchal, dans une série de douze tableaux (dont ces trois là font partie) a choisi d’aborder symboliquement la problématique de la chair et du « toucher » Le terme « sarx » signifie « chair » en grec ancien.  

A8163web.jpgProlongement de tous les autres sens, la main ici volontairement traitée de manière symbolique, touche un autre corps qui souvent n’est qu’ombre, voir poussière, ou mieux encore, pure ontologie.

A8165web.jpgIl faut lire dans cette série de toiles une démarche allégorique, qui lie au toucher, une structure de notre conscience de l’autre et de sa corporéité unique. De l’harmonie de l’action dépendra la subtilité de relation qui va du monde extérieur vers cet unique intime, et de là, vers la richesse illimitée du toucher.

Le projet est de révéler dialectiquement le toucher, par un art purement visuel qui s’adresse à l’œil de l’autre, et donne envie de franchir la frontière vers cet autre à la main tendue, miroir affranchi par l’horizon du corps de celui qui voit. La main, ici symbole du sens du toucher, montre la limite de l’œil et le surpasse au final.

Pour toutes informations et projets : jackimarechal@yahoo.fr

http://jacki-marechal.com/

lundi, 03 novembre 2008

Diogène jetant son écuelle

jetant_cuelle_nicolas_poussin_1648_1.jpgL’écuelle était le seul objet usuel de Diogène. Comme les moines zen, il la transportait partout avec lui pour manger et pour boire. Jusqu’au jour où il vit un enfant boire à la fontaine dans ses deux mains en creux. Il jeta alors l’écuelle – luxe inutile. Nicolas Poussin l’a représenté en 1648.

23:05 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : diogène, poussin

Bureau national des allogènes, de Stanislas Cotton

MAIL BNA 25 SMALL2.jpgCie Les Perles de Verre

Mise en scène Hélène de Bissy et Béla Czuppon / Avec Babacar M’Baye Fall et Béla Czuppon

 Rigobert Rigodon, petit fonctionnaire, examine et trie les requêtes des demandeurs d’asile. Mais un jour, ce «monsieur tout le monde » saute par la fenêtre et s ’écrase quelques mètres plus bas. Pourtant, son âme continue à flotter parmi les vivants,pour raconter son étrange rencontre avec Barthélémy Bongo venu lui demander si, en tant qu’être humain, il pouvait rester ici…

Allogène : D'une origine différente de celle de la population autochtone et installé tardivement dans le pays.

Au théâtre d'Ô

Rond point du Château d'eau
34090 Montpellier  

Tel : 04 67 67 73 73
Fax : 04 67 67 73 74
Réservations : 04 67 67 66 66

Infos pratiques :

Le 05/11/08 de 19:00 à 20:25 : Mercredi
Du 06/11/08 au 07/11/08 de 20:30 à 21:55 : Jeudi, Vendredi
Le 08/11/08 de 19:00 à 20:25 : Samedi

samedi, 01 novembre 2008

J'interromps si souvent une pensée par un morceau de paysage

web-lisboa.jpgJe reste toujours ébahi quand j'achève quelque chose. Ébahi et navré. Mon instinct de perfection devrait m'interdire d'achever ; il devrait même m'interdire de commencer. Mais voilà : je pèche par distraction, et j'agis. Et ce que j'obtiens est le résultat, en moi, non pas d'un acte de ma volonté, mais bien d'une défaillance de sa part. Je commence parce que je n'ai pas la force de penser ; je termine parce que je n'ai pas le courage de m'interrompre. Ce livre est celui de ma lâcheté.
La raison qui fait que j'interromps si souvent une pensée par un morceau de paysage, qui vient s'intégrer de quelque façon dans le schéma, réel ou supposé, de mes impressions, c'est que ce paysage est une porte par où je m'échappe et fuis la conscience de mon impuissance créatrice. J'éprouve le besoin soudain, au milieu de ces entretiens avec moi-même qui forment la trame de ce livre, de parler avec quelqu'un d'autre, et je m'adresse à la lumière flottant, comme en ce moment, sur les toits de la ville, mouillés sous cette clarté oblique ; à la douce agitation des arbres qui, haut perchés sur les pentes citadines, semblent tout proches cependant, et menacés de quelque muet écroulement ; aux affiches superposées que font les maisons escarpées, avec pour lettres les fenêtres où le soleil déjà mort pose une colle humide et dorée.

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité

vendredi, 31 octobre 2008

Au fil des ans, j'ai bon temps de sommeil

GEOMETRIE ROCHALAISE (22).JPGTrouvé sur l'excellent blog de Lignes de fuite ceci :

Les oulipiens ont joué à utiliser en aller-retour le traducteur automatique de Google, ce qui peut s'avérer très amusant :

du français au grec et du grec au français :

Longtemps je me suis couché de bonne heure
Για πολλά χρόνια I slept εγκαίρως
Pendant de nombreuses années, j'ai dormi dans les délais

en chinois :

Longtemps je me suis couché de bonne heure
多年來我睡覺好時機
Au fil des ans, j'ai bon temps de sommeil

en japonais !

Longtemps je me suis couché de bonne heure
長年にわたり寝過ごして楽しい時間を過ごす
Oversleep et manquez de nombreuses années, d'avoir du plaisir

et, si on enchaîne plusieurs langues, mêmes européennes, le génial traducteur nous emmène directement à la dernière page de la Recherche :

Longtemps je me suis couché de bonne heure
For many years I slept good time
Per molti anni ho dormito per tempo
Durante muchos años he dormido en el tiempo
Por muitos anos eu tenho dormido no tempo
Pendant de nombreuses années, j'ai dormi dans le temps

Photo de Gildas Pasquet

On a pas la thune

1394123241.jpgVoir et écouter ici la chanson de Damien Saez : Ce mot thune d'abord apparu au pluriel, revient maintenant au singulier, comme ici. A l'origine, il désigne bien une pièce de 5 francs.

jeudi, 30 octobre 2008

Tout se transforme !

boite-Pizza.jpgVous commandez une pizza. Vous la sortez du carton, jetez celui-ci. Vous ignorez que vous venez de mettre à la poubelle l'autobiographie déchirante, dans la première de ses réincarnations. Le papetier qui a acheté les cubes de livres pilonnés les a fondus dans ses bains chimiques pour en tirer des cartons à chaussures, des cahiers, des emballages, du papier journal. Lesquels reviendront à leur tour dans le cycle des métempsycoses. La poésie confidentielle et la littérature alimentaire nourrissent indifféremment cette industrie.

Lire ici : Le cauchemar du pilon, par Pierre Jourde

C’est le combat qui continue

Mannequins (4).jpg(Un dernier inédit de Pierre Autin-Grenier)

 Ça y est, depuis un bon mois les surmulots ont délaissé leurs sarabandes dans les égouts pour venir faire ripaille dans la rue, les cafards eux-mêmes ne se cachent plus qui affrontent impunément le plein jour et dont l’odeur fétide infecte jusqu’à l’atmosphère des beaux quartiers et bien au-delà, la banlieue, les campagnes alentour, le diable vauvert, le bout de l’horizon, tout, quoi. C’est miracle qu’on puisse encore respirer. Miracle aussi que le va-et-vient bruyant de la  vie persiste au beau milieu de ce merdier.

     Trois semaines déjà que tout le monde se barricade derrière des volets clos en permanence dans le fol espoir d’échapper autant que faire se peut à cette pestilence; pour rien, tant la puanteur insoutenable qui monte du pavé encore humide des dernières pluies telle l’eau dans le sable s’insinue partout jusqu’à venir pourrir le restant de bœuf en daube dans votre assiette. Et quand, ici ou là, une ou plusieurs de ces montagnes d’immondices qui submergent depuis des lustres toute la ville sont enflammées, souvent de nuit, par des mains malveillantes ou quelques riverains excédés et irresponsables, que les pompiers, largement débordés par la besogne, n’interviennent pas tambour battant et c’est alors un épais nuage toxique qui vient noircir sans appel les façades, encrasser jusqu’au dernier croissant de lune le fond du ciel.

     Dans certaines ruelles particulièrement resserrées du vieux quartier, on dit que ces tonnes de détritus accumulées avec constance une éternité durant permettraient tout juste le passage pour les accès d’immeubles et, dans cet état de choses, la circulation automobile y serait devenue impossible. Ne rapporte-t-on pas de même qu’il serait vain, dans d’autres coins, de vouloir s’accouder aux balcons des premiers étages, des monceaux de sacs-poubelles éventrés montant jusqu’aux balustrades. Tout cela sans parler du fait que dans des secteurs comme l’avenue de la Victoire, ou  l’interminable boulevard de la Révolution Nationale qui mène à la gare, les voitures ne se croisent qu’à peine quand elles ne roulent pas sur une seule file, en alternance, comme dans une tranchée creusée dans les ordures; cela je l’ai vu et bien vu de mes propres yeux.

     La situation se dégrade de semaine en semaine, empire à bientôt nous faire toucher le fond de la répugnance, l’écœurement devient universel et l’incurie des pouvoirs publics à nous soulager de ce fléau est telle que nous n’attendons plus aucun secours de nos dirigeants qui, par ignorance, lâcheté, ou trop occupés à de douteuses tractations, semblent pour toujours avoir renoncé à s’attaquer sérieusement à la question. Ce que nous redoutons le plus maintenant c’est l’apparition de la leptospirose dans la population à cause de ces hordes de rats dans nos rues, une contamination des eaux par la dioxine et, plus angoissant encore, le retour du choléra que nombre de médecins au sein du Conseil de l’Ordre, et non des moindres, considèrent comme inéluctable à plus ou moins long terme si rien ne s’améliore sensiblement sous peu.

     Voilà à quelle apocalypse nous a réduits ce régime dont le chef continue pourtant à promettre monts et merveilles au peuple lors de ses incessantes parades en province devant des parterres de miliciens bornés et d’adeptes conquis, voire face à des assemblées de travailleurs médusés. D’une fenêtre audacieusement entrouverte sur cet abîme me parviennent, c’est étrange, des petits morceaux de musique , fugue parfois sonatine d’autres; ainsi, par-delà puanteur et oppression, quelqu’un du voisinage trouve-t-il encore la force d’occuper ses journées à jouer du piano. Tout n’est donc pas perdu, je me dis, et d’une certaine façon, avec cette envolée de notes dans la rue, c’est le combat qui continue. 

 

P.A.G

Extrait de « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) » inédit.

Pierre Autin-Grenier sera au Salon Place aux livres, place Bellecour à Lyon, sur le stand des éditions Cadex et des éditons du Chemin de Fer, du 7 au 9 novembre 2008.

Voir ici le site du Salon avec  toutes les infos

 

Photo de Gildas Pasquet

 

 

 

mercredi, 29 octobre 2008

Indifférence

Marseille.jpgUn inédit de Pierre Autin-Grenier

Le peu que je connaissais du bonhomme, tout de raccroc ou par ouï-dire, ça frisait le rien du tout. Il m’était arrivé certes de le surprendre, au saut du lit, crachant par la fenêtre de son sixième étage dans la rue après avoir jeté un coup d’œil alentour, manière de faire qui ne m’inspirait pas autrement la sympathie, on m’aura vite compris; je l’avais croisé de très rares fois, au bas de l’immeuble ou tard sur le boulevard, traînant le délabrement de ses vieux jours comme chiffonnier une charrette de misère, pour le reste je n’en savais guère plus. C’était un tout-seul, trop tôt veuf d’une moulinière retrouvée pendue par un fil de soie à son métier, des lustres de cela, et qui végétait depuis dans ses quarante mètres carrés tel un Indien dans sa réserve, replié sur le passé, s’étant même débarrassé de la compagnie d’un poisson rouge en tirant la chasse d’eau, à ce qui se disait méchamment ici ou là.

     La couturière du deuxième, qui se veut toujours très informée et connaissant bien des dessous, me rapporte qu’il avait pour habitude, ses minces économies serrées dans sa ceinture, d’aller chaque soir à nuit tombante et en rasant les murs acheter un demi-pain, une brique de lait ou le plus souvent des sardines en conserve à la supérette de la rue Barrot, qu’il en revenait comme un voleur pour vite s’enfermer à double tour dans sa caverne d’où rien ne ressortait jamais, ni des emballages pas plus que des maigres reliefs de table, conservant tous ces déchets avec une maniaquerie méticuleuse dans un coin de cuisine à en faire suinter de pourriture la peinture cloquée du galandage. Dans quelles sinistres pensées pouvait-il bien se perdre ces journées entières passées à remâcher inlassablement la mistoufle de toute une vie cloîtré dans ce qui était devenu petit à petit un vrai taudis?

     Outre les petites gens aux mœurs simples et les bourgeois bien-pensants, nos quartiers sont peuplés aussi de ces miséreux brisés sous le fardeau de la vieillesse et que l’effrayante solitude des exclus parfois précipite dans la folie. La foule grouillante et pressée des boulevards dans sa hâte d’arriver nulle part les ignore, des milliers de regards le jour durant leur passent au travers comme on franchit un obstacle, sans même les voir. Vieux monsieur esseulé laissant volontairement tomber son porte-monnaie vide sur le trottoir dans l’espoir d’attirer l’attention, qu’un quidam le lui ramasse, se confondre alors en remerciements et pouvoir peut-être entamer un bout de conversation. À l’inverse, d’autres se retranchent définitivement du monde, abandonnent la vie et doucement glissent dans le gouffre sans fond de l’oubli. Il appartenait, pour sûr, à cette seconde catégorie.

     Ce matin donc rebelote, sirènes et pin-pon à crever les tympans de tout le canton, grande échelle, bris de vitres, branle-bas général! Les pompiers sont de retour. La même équipe venue il y a peu éteindre l’incendie de couple du cinquième opère cette fois-ci à l’étage au-dessus. Des voisins incommodés par la puanteur tenace qui émanait depuis huit jours de l’appartement se sont enfin décidés à donner l’alerte. Le pauvre diable serait passé de vie à trépas au moins deux semaines de cela au dire du toubib appelé sur place.  Dans la fière indifférence des uns et des autres, avec pour seul avis de décès cette pestilence d’enfer par-dessous sa porte.

 

P.A.G

Extrait de « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) » inédit.

 

 

Pierre Autin-Grenier sera au Salon Place aux livres, place Bellecour à Lyon, sur le stand des éditions Cadex et des éditons du Chemin de Fer, du 7 au 9 novembre 2008.

Voir ici le site du Salon avec  toutes les infos

 

Photo de Gildas Pasquet (Marseille)

mardi, 28 octobre 2008

Retournement

Montpellier 2004 Millenaire (8).jpgUn autre inédit de Pierre Autin-Grenier :

Il ne faisait pas bon se trouver tout à l’heure dans le voisinage de la Bourse ni même dans un large périmètre alentour si l’on ne voulait pas se faire hacher menu par les bataillons de la Police Armée du Peuple qui, après avoir dispersé sans mollir un attroupement de petits porteurs naïfs ruinés par l’effondrement des cours, pourchassaient dans les rues adjacentes les pauvres diables qui avaient eu la folle outrecuidance d’accorder crédit aux promesses mirifiques du pouvoir, s’étaient trop vite rêvés rentiers pour se retrouver aujourd’hui sans toit et condamnés à la soupe populaire ou peu s’en faut. C’était comique de voir ces costume-cravate hier encore épris du nouveau système autant que d’eux-mêmes, laudateurs intrépides de ses chefs les plus retors et chantres des causes les plus abjectes se faire courser comme vulgaires volailles et massacrer sur le pavé par les petits malfrats de la P.A.P. qui n’y allaient vraiment pas de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire.

     Nous passions précisément par là, Martin et moi, quand un de ces petits margoulins, souffle court et occiput à portée de bidule, en désespoir de cause vint se jeter dans nos bras pour échapper à ses poursuivants. Tout en chair de poule le pauvre ne put que bredouiller un vague appel au secours en nous postillonnant à profusion dans la figure tant il était dans le trente-sixième dessous, aussi le spectacle de cet infortuné en pleine débandade nous inspira-t-il quand même une miette de compassion et c’est Martin mieux que moi, fertile en ruses et stratagèmes comme personne, qui sut finalement lui sauver d’extrême justesse la mise. L’instant de terreur passé, écarté tout danger immédiat, nous nous sommes enfilés sans trop faire les fiers dans la première ruelle venue et, pressant le pas, avons rejoint ensuite les quais par un dédale de traboules toutes plus discrètes les unes que les autres entraînant avec nous notre nouvelle recrue qui n’en menait pas large.

     Mon rendez-vous à la Friterie-bar Brunetti, où je devais retrouver l’un des nôtres, étant pour cinq heures et comme nous en approchions nous voilà tous les trois attablés autour d’un pot de mâcon pour nous remettre de nos émotions. Notre homme, toujours baigné de sueur, ne fut pas long à dévider devant nous son chapelet de misères. C’était en fait un poète distingué, un érudit laborieux et subtil ayant soutenu une thèse sur La théorie du principe de l’existence dynamique, donné à des sociétés savantes diverses communications sur Les noms d’animaux et de plantes dans la poésie amoureuse de Heinrich von Morungen, que sais-je encore! Bref, rien de ces pitoyables minus aux penchants pour les coups tordus et la castagne qu’enrôle en général le régime et qui finissent par s’enrichir on sait trop comment. Non, dans une mauvaise passe il avait seulement tenté pour s’en sortir de tripoter en dilettante à la Bourse, un joli jackpot l’avait poussé à fricoter ensuite dans l’immobilier et pour finir, ayant renoncé à la poésie, il s’était complètement avachi dans les affaires, de là son soutien aveugle au pouvoir en place. Et maintenant il étouffait à grand-peine ses larmes en nous racontant ça.

     Ce fut dès lors un jeu d’enfant que de le faire revenir aux dures réalités du moment, lui dessiller les yeux sur la vraie nature du régime et l’amener à franchir le Rubicon pour s’engager à nos côtés dans la clandestinité. À cinq heures pétantes, quand mon contact arriva, je fis les présentations; passé un bref échange tout en sympathie, il fut décidé sur-le-champ qu’il rejoindrait la section du Troisième dès samedi. Un brave gars, pour tout dire.

 

 

P.A.G

Extrait de « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) » inédit.

Pierre Autin-Grenier sera au Salon Place aux livres, place Bellecour à Lyon, sur le stand des éditions Cadex et des éditons du Chemin de Fer, du 7 au 9 novembre 2008.

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Photo de Gildas Pasquet

 

 

Restrictions

Unknown.jpegUn inédit de Pierre Autin-Grenier :

Depuis quelques jours c’est la croix et la bannière pour se procurer un quart de miche ou une demi-baguette dans le quartier. Devant les rares boulangeries qui pétrissent encore ce sont des queues et des attentes interminables, les boutiques sont littéralement assiégées dès avant potron-minet si bien qu’à l’ouverture des portes c’est la ruée, la prise d’assaut par des foules de ménagères très remontées qui se disputent sans ménagements les trois quignons restants, les dernières miettes de la fournée quand tout a disparu en moins de deux du peu que le pauvre boulanger a pu cuire avec le ridicule quota de farine qui lui est alloué. Sans compter que le prix du pain a quasi quintuplé depuis janvier et qu’au train où vont les choses il faudra tantôt deux liasses de dix pour se payer une simple ficelle; bienheureux alors les brèche-dents qui pourront se contenter d’une bouillie d’épeautre pour tout casse-croûte en attendant l’improbable miracle de la multiplication.

On ne s’était déjà accoutumés qu’à grand-peine à la pénurie de viande rouge, de volailles et de lapins disparus comme par enchantement des étals avant même que les autorités n’aient eu besoin d’imposer quelque rationnement que ce soit en rétablissant, c’est toujours possible, l’usage des tickets; perspective qui reste cependant dans l’air au ministère de l’Alimentation pour les denrées de consommation courante et dont les anciens gardent un souvenir assez cuisant. Le journal “Libération” récemment autorisé à reparaître une fois par semaine, n’affirmait-il pas dans les colonnes de sa dernière édition, et ce malgré la vigilance sans cesse redoublée de la censure, que ce projet était sérieusement à l’étude et verrait sans doute le jour dès l’automne prochain? Devrons-nous, d’ici décembre, ne plus pouvoir compter que sur les centaines de tonnes de phacochère et de buffle nain que le Burkina Faso s’est engagé, dit-on, à nous livrer sous peu à titre d’entraide?

C’est en vain que les Brigades de Jeunes Travailleurs pourchassent sans-emploi, pensionnés, inactifs et nécessiteux aux coins des rues pour faire régner un semblant d’ordre et ne pas contrarier l’idée de prospérité du pays dont la propagande assénée par les journaux et les télévisions nous rebat les oreilles à longueur de journée : il y a beau temps que tous ces miséreux ne fouillent plus les poubelles à la recherche de quelque nourriture de rebut; elles sont désespérément vides de la moindre marchandise avariée, du plus petit os susceptible d’encore une fois pouvoir être rongé. Nos concitoyens ne jettent plus rien de ce qui pourrait, fût-ce au prix d’un sérieux effort, être avalé et leur desserrer un tant soit peu l’estomac; le soir, dans la basse ville, des familles entières font même bouillir des emballages alimentaires et des papiers gras dans de grands faitouts pour tout potage. Que cette période de disette se prolonge au-delà du supportable, que la population soit décidément exténuée par l’épreuve et les privations de toutes sortes et nulle autorité ne pourra plus répondre de rien; plus que probable, cela paraît certain.

Sans doute, malgré les mines tristes et renfrognées, c’est le calme plat en ce moment, je dois bien le noter. Mais qu’en conclure, et qui peut dire quel jour suivra demain ?

P.A.G

Extrait de « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) » inédit.

Pierre Autin-Grenier sera au Salon Place aux livres, place Bellecour à Lyon, sur le stand des éditions Cadex et des éditons du Chemin de Fer, du 7 au 9 novembre 2008.

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lundi, 27 octobre 2008

En Grèce, le miracle est la fleur inévitable de la nécessité

bacchusetariane_492X450.jpg"Mer, douceur automnale, îles baignées de lumière, voile diaphane de petite pluie fine qui couvrait l’immortelle nudité de la Grèce. Heureux, pensais-je l’homme à qui il est donné, avant de mourir, de naviguer dans la mer égéenne.
Nombreuses sont les joies de ce monde – les femmes, les fruits, les idées. Mais fendre cette mer-là, par un tendre automne, en murmurant le nom de chaque île, je crois qu’il n’est pas de joie, qui, davantage, plonge le coeur de l’homme dans le paradis. Nulle part ailleurs on ne passe aussi sereinement ni plus aisément de la réalité au rêve. On dirait qu’ici, en Grèce, le miracle est la fleur inévitable de la nécessité ».

N. Kazantzaki, « Alexis Zorba »

Titien, Bacchus et Ariane

 

dimanche, 26 octobre 2008

Vous êtes à la campagne, il pleut,

Vous êtes à la campagne, il pleut, il faut tuer le temps, vous prenez un livre, le premier livre venu, vous vous mettez à lire ce livre comme vous liriez le journal officiel de la préfecture ou la feuille d’affiches du chef-lieu, pensant à autre chose, distrait, un peu bâillant. Tout à coup vous vous sentez saisi, votre pensée semble ne plus être à vous, votre distraction s’est dissipée, une sorte d’absorption, presque une sujétion, lui succède, vous n’êtes plus maître de vous lever et de vous en aller. Quelqu’un vous tient. Qui donc ? ce livre.

Un livre est quelqu’un. Ne vous y fiez pas.

Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc ; ce sont des forces ; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l’une dans l’autre, pivotent l’une sur l’autre, se dévident, se nouent, s’accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraîne, telle ligne subjugue. Les idées sont un rouage. Vous vous sentez tiré par le livre. Il ne vous lâchera qu’après avoir donné une façon à votre esprit. Quelquefois les lecteurs sortent du livre tout à fait transformés.

Victor Hugo, "Du Génie", Proses philosophiques de 1860-65

Lignes de fuite

pierre-desproges.jpgDécouvert ce blog, grâce à Guy Tournaye, en voici un florilège

"Le film que se raconte le milieu littéraire français, depuis plus de trente ans, peut d’ailleurs être décrit comme un western classique, sans cesse rejoué, avec, de temps en temps, adjonction de nouveaux acteurs. Il y a un Beau, un Bon, un Vertueux exotique, Le Clézio, et un Méchant, moi. Je m’agite en vain, Le Clézio est souverain et tranquille, il s’éloigne toujours, à la fin, droit sur son cheval, vers le soleil, tandis que je meurs dans un cimetière, la main crispée sur une poignée de dollars que je ne posséderai jamais. Modiano, lui, a un rôle plus trouble : il est à la banque, il avale ses mots, il a eu de grands malheurs dans son enfance, il est très aimé des habitants de cette petite ville culpabilisée de l’Ouest, aimé, mais pas adoré, comme Le Clézio, dont la photo, en posters, occupe les chambres de ces dames. Le Diable, ne l’oubliez pas, c’est moi. Je suis un voleur, un imposteur, un terroriste, un tueur à la gâchette facile, un débauché, un casseur, j’ai des protections haut placées, des hommes et des femmes de main, je sème la peur, je ne crois en rien, j’expierai mes fautes."

Philippe Sollers, Un vrai roman : Mémoires (Plon, 2007, p.151)

Et puis Flaubert, toujours :

"Pourquoi publier, par l’abominable temps qui court ? Est-ce pour gagner de l’argent ? Quelle dérision ! Comme si l’argent était la récompense du travail, et pouvait l’être ! Cela sera quand on aura détruit la spéculation : d’ici là, non. Et puis comment mesurer le travail, comment estimer l’effort ? Reste donc la valeur commerciale de l’oeuvre. Il faudrait pour cela supprimer tout intermédiaire entre le producteur et l’acheteur, et quand même cette question en soi est insoluble. Car j’écris (je parle d’un auteur qui se respecte) non pour le lecteur d’aujourd’hui, mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter, tant que la langue vivra. Ma marchandise ne peut donc être consommée maintenant, car elle n’est pas faite exclusivement pour mes contemporains. Mon service reste donc indéfini et, par conséquent, impayable."

Gustave Flaubert, Lettre à George Sand, mercredi 4 décembre 1872

Et enfin, si certains d'entre vous restaient dubitatifs...

samedi, 25 octobre 2008

On ne traduit plus

LaStrada.jpgLes titres de films, lire ici

(Ils sont quand même superbes tous les deux !)

Dernière séance ce soir pour "Bagdad mon amour"

BAGDAD.jpgVoir ici

Où sont-ils passés (écrire au journal qui transmettra)

25 000 milliards de dollars partis en fumée

Mon île

lartigue.jpgJ’aime la regarder par la fenêtre

Quand je suis seule

Sans bruit

Je crains toujours qu’ils puissent me surprendre du dehors Quand ils retournent à leur maison

Et qu’ils découvrent que je brûle pour elle

Ce sont des craintes inutiles, je ne veux pas, mais qu'y faire ?

Elles me dominent à jeun

C’est la vérité

 

 

Comme vous sans doute à cet instant

En train de me lire et de sourire sans lever les yeux vers la mer

Vous n’aimez pas les exilés. Non 

Ils n’ont pas de patrie et traînent  des maladies

J’entends vos murmures croisés, votre compassion provisoire


Mais vous la verrez forcement à un moment ou à un autre
Elle n’est pas pour moi seule, mais pour tous ceux qui attendent comme moi aux périphéries d’autres villes


Si je l’étouffe

Elle renaîtra au milieu des vagues

Et je regretterai longtemps mon geste

Mais je n’en ai pas l’intention tant qu’elle ne m’a pas renié

Je n’ai lieu qu’en elle, je l’avoue

 

Chaque matin, me lever tôt et être la première à la regarder

A six heures et demie, à la fin de l’été il n’y a personne

La rue est  humide de l’odeur de la nuit

Tournée vers elle, que mes  yeux puissent la toucher

Je prie que la mer reste calme dans l’archipel
J’attends à l’orée du doute

Puis elle se détache et flotte sur l’eau comme une tache.


Parfois à un orage passager

Elle se plie comme une ombre sous les rafales du vent presque noyé

Saisie de panique je me dis que je devrais la chercher

J’implore plus d'une fois le vent de ne pas trop appuyer son souffle sur les vagues,  tendant le cou pour essayer de l’apercevoir entièrement

 

Et j’ai mal

Plus je m’approche plus je la vois entr’ouverte, offerte par la mer

 

Je me se réjouis de l’apercevoir de ma fenêtre, de me jeter dans sa nudité

Comme une prairie claire posée sur l’eau  
Elle est superbe à cette distance
Elle vient parfois jusqu'à moi,  comme un insecte

Et quand la mer infinie l’avale en chantant, elle s'esquive.

Je hurle : reviens ! Puis je descends le store, ferme les yeux

Et refoule un long soupir

Je me dis: « Malheur au père qui a exilé tout un peuple !

Malheur à l’Amérique, cause de ma perte ! »

Et le passé, par bribes floues se réveille

Tel un serpent qui sort de la paille

Il ramène les choses sans les avoir cherchées

A cet instant

La mer pose sa main sur mon épaule
Elle me prépare

Que je sois prête

Lorsqu’elle va réapparaître sur ma rétine

 

Je ne sais pas si je suis en train de perdre mon temps ou d’y vivre de quelque façon

Je n’ai pas la réponse

 

Mais je dois me raisonner, ne pas me laisser aller

Est-ce une hallucination qui me nargue depuis l’enfance

Son appel persistant surplombe la mer et vient en moi

A cette force mystérieuse qui nous entraîne l’un vers l’autre

Je n’ai pas la réponse

Je dois vendre la maison pour acheter un bateau et embarquer vers l’île

Mon île

Sandy Bel, poète amérindienne

Photo de Jacques-Henri Lartigue

 

vendredi, 24 octobre 2008

Les derniers mots de Fernando Pessoa

076.jpg"Donnez-moi mes lunettes" ; Il était très myope et voulait entrer dans l'autre monde avec ses lunettes.

Antonio Tabucchi, Nocturne indien

Photo de Jean-Luc Aribaud

jeudi, 23 octobre 2008

Frédérique Azaïs-Ferri au Café Léon, vernissage ce jeudi

Email0343.jpgDans le cadre d'Art Saint Roch, Art & Culture Méditerranée, Frédérique Azaïs-Ferri a le plaisir de vous inviter à un vernissage 
Jeudi 23 octobre à 18h30
dans un lieu nouveau : 
Le Café Léon (restaurant agricole) 12 rue du Plan d'Agde  (StRoch)
expose jusqu'au 17 novembre.