dimanche, 25 octobre 2009
Le Bonheur est un drôle de serpent, sortie
Laure travaille pour Médecins du monde ; Léo lui, doute beaucoup sur la question de l’engagement. Après leur rencontre au Mexique, ils joueront au chat et à la souris. Léo dessine sans relâche, c’est sa passion ; il voudrait peindre, mais se sent incapable de passer à la couleur. Il va retrouver sa ville, Montpellier, en pleine effervescence intellectuelle et artistique ; son éducation sentimentale se doublera d’une éducation philosophique et politique. Il va comprendre que ce moment de l’Histoire que nous vivons ne ressemble à aucun autre. Face aux menaces actuelles sur l’avenir de la planète, tout repenser est nécessaire. C’est enfin dans un pays très pauvre, Madagascar, qu’il prendra conscience de son destin et du sens de la vie.
Ca y est, le voilà sorti et disponible, n'hésitez pas à me le commander, je vous le ferai parvenir, mail ci-dessus, à droite, prix : 15 euros
01:22 Publié dans Le Bonheur est un drôle de serpent | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : le bonheur est un drôle de serpent
samedi, 24 octobre 2009
Un Ogre dans la ville, de Mireille Disdero
Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.
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vendredi, 23 octobre 2009
fin ch'han dal vino
23:53 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mozart
La Théorie du K.O., de Lilian Bathelot
"Il n'en reste pourtant pas des masses, des endroits où les pauvres persistent à s'entraider." Ce polar de Lilian Bathelot clôt le cycle sétois entamé par Avec les loups et poursuivi par Spécial Dédicace. La Théorie du K.O. c'est le nom de code d'une opération décidée par le ministère de l'intérieur. Le nom a été trouvé par un des chefs des services spéciaux qui a fait ses classes à La Havane, il y a bien des années de là, et pour d'autres causes, tout passe... De fait quelques péquenots sétois comme les appellent les superflics parisiens vont leur donner du fil à retordre. Tout ceci se passe sur fond de manipulation bien sûr. Les services de sécurité du Président du Conseil local, noyautés par un parti fasciste, ont commis quelques bavures, du coup c'est un véritable chaos qui enflamme L'île singulière. Priorité sera donnée à la protection du président, et toute l'opération sera maquillée en règlement de comptes de mafias rivales. Lilian Bathelot articule son polar de main de maître, les scènes d'action, la description du dessous des cartes de la politique locale, tout s'imbrique judicieusement comme la manipulation qu'il décrit. On en a le souffle coupé tout du long et on réfléchit en même temps à l'enchaînement des faits et des causes, au rapport entre les médias et le pouvoir, entre l'histoire secrète et l'histoire officielle. C'est bien un regard politique que nous livre ici Lilian Bathelot.
éditions Jigal
13:23 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lilian bathelot, la théorie du k.o.
Paradis
Êtes-vous assez joyeux pour le paradis ?
Philippe Sollers, Grand beau temps
00:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : philippe sollers, paradis
jeudi, 22 octobre 2009
Que veut une femme ?
Pénélope tarde à reconnaître Ulysse, elle ne le reconnaît que dans la façon dont il lui décrit son lit. Cela me permet de dire de Pénélope, retrouvant après vingt ans son Ulysse sur lequel elle a beaucoup pleuré, qu’elle couche à ce moment là davantage avec un lit qu’avec un homme. Il faudrait que tous les maris de la terre, pour autant qu’ils ont noué ce lien toujours teint de sacralité avec une femme, sachent qu’au bout du compte, elles couchent plutôt avec un lit qu’avec un homme.
Pourquoi ? Que veut une femme ? se demandait beaucoup Freud. Homère ; sans effort, nous montre la solution : ce qu’elle veut, en tant qu’elle n’est pas contaminée de divin, c’est un lien, c’est même un lien absolu.
Philippe Sollers, Guerres Secrètes
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : philippe sollers, giacometti
mercredi, 21 octobre 2009
Greguerias, Ramon Gomez de la Serna
La forme brève invite paradoxalement à la lenteur. On y revient, on la savoure. Le texte court, par le peu de place qu’il occupe, n’envahit pas les pages ni l’emploi du temps. L’aphorisme, le trait, la maxime, légers, primesautiers en apparence, mais parfois incisifs comme un coup de poignard peuvent nous laisser sans défense en quelque sorte. Le court n’a pas bonne presse en Occident – rien de tel au Japon avec l’art du haïku – pourtant que serait-on sans La Rochefoucauld, Vauvenargues, Joubert ou Chamfort ?
Pas ou très peu de moralisme chez Ramon Gomez de la Serna. Les « greguerias » , écrites entre 1910 et 1962, sont plutôt du côté du clin d’œil, de la poésie, du merveilleux, elles ouvrent le regard, le transforment parfois…
Lorsqu’une femme se repoudre après un entretien, on dirait qu’elle efface tout ce qui a été dit
Pelez une banane, elle vous tirera la langue
Le problème avec l’hélicoptère c’est qu’il a toujours l’air d’un jouet
Les aboiements des chiens sont de véritables morsures
La lune baigne les sous-bois d’une lumière de cabaret
La pluie nous rend tristes parce qu'elle nous rappelle l'époque où nous étions poissons
La bouteille de champagne a ceci d’aristocratique qu’elle refuse qu’on la rebouche
Les ailes des automobiles sont comme les moignons des ailes d’avion qu’elles auraient pu être
Le drapeau grimpe au mât comme s’il était l’acrobate le plus agile au monde
Lorsqu’une femme marche pieds nus sur les dalles le bruit de ses pas provoque une fièvre sensuelle et cruelle
Ne disons pas de mal du vent, il n’est jamais très loin
Les animaux sauvages, lorsqu'ils parlent de ceux qui vivent dans les parcs zoologiques, les qualifient, avec mépris, de "bureaucrates"
« Tuer le temps » est une rodomontade de bravache
L’histoire est un prétexte pour continuer à tromper l’humanité
Le crépuscule est l’apéritif de la nuit
Le poisson est toujours de profil
Le q est un p qui revient de la promenade
Le pire avec les médecins c’est qu’ils vous regardent comme si vous étiez quelqu’un d’autre
Les larmes désinfectent la douleur
Editions Cent pages, Grenoble, 1992. Présentation de Valéry Larbaud, 160 pages.
Photo de René Maltête
00:10 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : greguerias, ramon gomez de la serna, rené maltête
mardi, 20 octobre 2009
Un pastiche, sinon rien !
13:34 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pastis
Le gnostique
Le gnostique cherche une victoire sur la mort à l’intérieur même du temps. C’est exactement ce que je fais, comme Roland Barthes a bien voulu s’en rendre compte dans Sollers écrivain, lorsqu’il évoque ce qui est en jeu dans Drame comme un « éveil » qui serait un « temps complexe, à la fois très long et très court ». « C’est un éveil naissant – dit-il -, un éveil dont la naissance dure. » Le savoir de la résurrection comme seconde naissance se donne et se redonne sans arrêt. Il n’est jamais acquis. On peut le définir très exactement comme une « naissance qui dure ». Le temps qu’on nous inflige n’est pas celui que je dis. Ne croyez pas là une formule, mais la ligne de risque de mon existence. Je n’en ai jamais eu d’autre. Et c’est ce qui, dans mon cas, restera inexpiable pour le Gros Animal qu’est la société.
(Philippe Sollers, LIGNE DE RISQUE, n°24, 2009)
00:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philippe sollers, gnose
lundi, 19 octobre 2009
La musique
« La musique vous parle de vous-même et vous raconte le poème de votre vie : elle s’incorpore à vous, et vous vous fondez en elle. Elle parle de votre passion, non pas de manière vague et indéfinie, mais d’une manière circonstanciée, positive, chaque mouvement du rythme marquant un mouvement connu de votre âme, chaque note se transformant en mot, et le poème entier entrant dans votre cerveau comme un dictionnaire doué de vie. »
Baudelaire
On pourra écouter ici la Symphonie n°39 en mi bémol majeur de Mozart, dernier mouvement
Les Baigneuses de Fragonard, Musée du Louvre
00:13 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : mozart, baudelaire, fragonard
dimanche, 18 octobre 2009
Dans la pensée
"Dans la pensée, toute chose devient solitaire et lente."
Heidegger
Peinture de Guan Ze Ju
00:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : heidegger, guan ze ju
samedi, 17 octobre 2009
Il peignait comme nous regardons. Sans
"Il peignait comme nous regardons. Sans plus d'efforts. En dansant." : Cézanne à propos de Veronese... On pourra écouter en même temps Mozart, ici...
00:19 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : veronese, mozart, et incarnatus est
vendredi, 16 octobre 2009
Extrait de « Considérations éthiques », de Jean Azarel
Plus tard quand l’enfant devient adolescent, la tentation de la cigüe flirte avec la satiété de la fraise des bois, la langue tourne sept fois dans la bouche avant de sécher car dehors il bruine. Il bruine sur ta jupe. Il bruine sur tes seins. Il bruine si longtemps que ton âme est mouillée, tu voudrais te corrompre d’un rayon de soleil, tu me tends tes frissons mais moi je suis l’homme qu’irrigue le sang noir des fourrés, le sang de la mûre, la pulpe de la myrtille, le pus du carré de chocolat de quatre heures et de la noirceur de l’âme, en moi s’agite l’angle aigu de la foi sans loi. Je jouis de peu de choses comme tous les hommes qui ne possèdent rien. Un mal de dos d’avoir rangé du bois. Une ruse de gibier. Des allées de sorbiers rougis par l’automne. Les poumons transpercés d’air pur après une marche en montagne. Des vaches dominos pâturant paisibles. De l’eau minérale fraichie dans le ruisseau avant de dévaler le gosier. Certains matins d’hiver les folles fiançailles succombent. Il ne reste entre le désespoir et l’épaisseur de ma peau qu’un espoir d’amour impossible. Plus tard encore je suis resté un homme des forêts. Je serpente vers les sources puisque les truites remontent haut. Mal aux reins, mal au bras, douceur pourtant de l’émerveillement recommencé à déplier les embouts de la canne à pêche, poser sur le napperon liquide tendu entre les blocs de granite la sauterelle que vient happer la belle noire à points rouges libertaire. Les fleurs d’altitude à même le lit. Un chevreuil surpris dans sa contemplation narcissique. Ses yeux fous de bête apeurée. Des édredons de granite. Les caches sous la pierre. Chaos secret où la respiration tourne au ralenti. Un « floc » discret. L’eau qui sourit. La canne qu’on relève entre les branches avec au bout de cinquante centimètres de nylon seize centièmes le tortillement divin de vingt deux centimètres d’insoumission qu’aucune paire de fesses n’égale dans le gigotement des cages de nuit. Dix neuf heures, la sueur. Assoiffé. Trempé. Des auréoles sur le tricot. Les anges rentrés dans la peau. La vraie lumière du monde, dorée comme une tranche de pain perdu. Le ciel ouvert au souffle, renversé dans le regard d’un plat limpide. Fin août, déjà des œufs dans le ventre que le couteau défait. Odeurs des origines. Suaves. Sauvages. Délicieusement païennes. Il est temps de fermer le ban. Ouf, je t’ai oublié une fois de plus. Au milieu du lit poussent des framboises. Arrêt cueillette. Plus bas les myrtilles descendent jusqu’à la berge, c’est l’endroit où elles sont le plus grosses à cause de l’humidité. Je ne sens plus ma peine, envolées les visions de supermarchés, les bas résilles exaltant des jambes fières, le tas de catalogues consuméristes, tes désirs d’avenir, la taxe carbone, les tétines dans les yeux sont crevées. L’haleine manque un peu beaucoup sur la pente, mes jambes sont lourdes, la chaleur embrase les poumons mais une brise vient encore, ponctuellement, raviver le courage de monter. Tout en haut, le ruisseau joue des coudes, oblique, disparaît, se vide. Un couple de rapaces décrit des arabesques dans le lointain, s’enlace à distance concentrique. J’ai fait la conquête de la fatigue. Etonnement recommencé. Après les pluies quand la terre est encore chaude des brûlures des jours de plomb, ne pas oublier le Laguiole pour couper dignement les cèpes qui viennent sur les bordures.
Extrait de « Considérations éthiques »
Jean Azarel 2009
Peintures de Guan Ze Ju
00:15 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean azarel, guan ze ju
jeudi, 15 octobre 2009
Hiroshige mon amour
20:53 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : hiroshige
En passant...
C'est banal certes, mais on peut le dire quand même (envoyé par l'ami Jacki Maréchal, je répercute) : Deux informations dans la presse ce matin : LES ECHOS Le CAC près des 3.900 points
Bonus : année record pour les banquiers de Wall Street Wall Street préparerait, selon le «Wall Street Journal», à verser près de 140 milliards de dollars en salaires, bonus et divers (santé, retraites) cette année. Un record absolu.
LIBERATION - Monde : 14/10/2009 à 18h13 Plus d'un milliard de personnes frappées par la faim dans le monde La faim a progressé dans le monde en raison de la crise économique mondiale en 2008-2009 et touche aujourd'hui un sixième de la population mondiale, selon un rapport publié mercredi par la FAO, une agence de l'ONU. |
14:23 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : politique, faim dans le monde
Les bruits du dehors
Les bruits du dehors m’arrivent dans leur vraie matérialité, une page s’ouvre, peut-être la dernière, alors mieux vaut ne pas la rater. Les bruits, les odeurs, les souvenirs, mon corps, mon sexe, tout se mélange et c’est de se mélange là que je vis, une vie plus intense, plus drôle, plus forte, éternelle. Tout ce qu’on nous apprend est faux. La seule issue est dans la connaissance, ce que précisément on veut nous empêcher.
00:13 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (2)
mercredi, 14 octobre 2009
La cime de l'arbre
"Je ne suis rien d'autre que la cime de l'arbre protégeant et abritant les racines dont il se nourrit."
Shakespeare
20:35 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : shakespeare, nina houzel
mardi, 13 octobre 2009
Jack for ever
On était dans les montagnes ; il y avait une merveille de soleil levant, des fraîcheurs mauves, des pentes rougeoyantes, l’émeraude des pâturages dans les vallées, la rosée et les changeants nuages d’or. (…) Bientôt ce fut l’obscurité, une obscurité de raisins, une obscurité pourprée sur les plantations de mandariniers et les champs de melons ; le soleil couleur de raisins écrasés, avec des balafres rouge bourgogne, les champs couleur de l’amour et des mystères hispaniques. Je passais ma tête par la fenêtre et aspirais à longs traits l’air embaumé. C’étaient les plus magnifiques de tous les instants. Rarement sans doute un livre a aussi bien “ collé ” à un génération, servi de révélateur à une époque. Sur la route, écrit en 1951 (publié en 1957) sera un phénomène. Il va incarner la “ Beat Generation ”, mouvement né de la rencontre en 1943-44 entre Jack Kerouac, Allan Ginsberg et William Burroughs, tous trois écrivains et poètes.
Beat au départ signifie vagabond, puis renvoie au rythme de l’écriture, proche de celle du jazz, et même à béatitude (Kerouac sera très influencé par sa rencontre avec Gary Snider qui l’initiera au bouddhisme et à la spiritualité, expérience qu’il racontera dans Les clochards célestes). Ainsi vont naître les beatniks. Une déferlante que Kerouac incarnera malgré lui et qui le dépassera. Mais c’est une autre histoire. Reste le livre. Et sa force, sa puissance, la sincérité qui s’en dégage. Ecrit en trois semaines, sur un unique rouleau de papier. On y croise des centaines de personnages, de lieux, poussés par une écriture rythmée, endiablée, frénétique. Une écriture comme un souffle, une pulsation, un battement, un “ beat ”. Je veux être considéré comme un poète de jazz soufflant un long blues au cours d’une jam-session un dimanche après-midi, écrira-t-il. Comme le souligne Yves Le Pellec, Kerouac est nettement plus préoccupé de rythme, de relief, d’intensité que de pensée. (…) Son texte laisse toujours une large place au hasard et à l’arbitraire. En effet, son écriture est physique. Il mouillait sa chemise, au sens propre du terme. Comme un musicien se sert de son corps, il utilisait les mots comme des notes.
Avant tout, Sur la route, c’est le portrait d’un personnage invraisemblable et pourtant bien réel, Neal Cassidy (Dean ” dans le roman), qui fut l’ami et l’inspirateur de Kerouac “ : Un gars de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j’aurais avec lui, j’allais entendre l’appel d’une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi comme copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d’hôpital, qu’est-ce que cela pouvait me foutre ? … Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare.
En pleine période du maccarthysme, d’Einsenhower, une autre Amérique se dessine : Un soir de lilas, je marchais, souffrant de tous mes muscles, parmi les lumières de la Vingt-septième Rue et de la Welton, dans le quartier noir de Denver, souhaitant être un nègre, avec le sentiment que ce qu’il y avait de mieux dans le monde blanc ne m’offrait pas assez d’extase, ni assez de vie, de joie, de frénésie, de ténèbres, de musique, pas assez de nuit. Je m’arrêtais devant une petite baraque où un homme vendait des poivrons tout chauds dans des cornets de papier ; j’en achetai et tout en mangeant, je flânai dans les rues obscures et mystérieuses. J’avais envie d’être un mexicain de Denver, ou même un pauvre Jap accablé de boulot, n’importe quoi sauf ce que j’étais si lugubrement, un “ homme blanc ” désabusé.
Une Amérique dont les lieux mythiques sont le Mississipi : Une argile délavée dans la nuit pluvieuse, le bruit mat d’écroulements le long des berges inclinées du Missouri, un être qui se dissout, la chevauchée du Mascaret remontant le lit du fleuve éternel, de brunes écumes, un être naviguant sans fin par les vallons les forêts et les digues et San Francisco bien sûr : Soudain, parvenus au sommet d’une crête, on vit se déployer devant nous la fabuleuse ville blanche de San Francisco, sur ces onze collines mystiques et le Pacifique bleu, et au-delà son mur de brouillard comme au-dessus de champs de pommes de terre qui s’avançait, et la fumée et l’or répandu sur cette fin d’après-midi.
Cette Amérique-là ne peut trouver son point d’orgue qu’au Mexique, la terre promise : Derrière nous s’étalait toute l’Amérique et tout ce que Dean et moi avions auparavant appris de la vie, et de la vie sur la route. Nous avions enfin trouvé la terre magique au bout de la route et jamais nous n’avions imaginé le pouvoir de cette magie. Un peu plus loin : Chacun ici est en paix, chacun te regarde avec des yeux bruns si francs et ils ne disent mot, ils regardent juste, et dans ce regard toutes les qualités humaines sont tamisées et assourdies et toujours présentes. Même si la frustration, le désespoir ne sont jamais absents, un sentiment de jubilation, de frénésie traverse tout le livre. Tout semble toujours possible, et cette route qui défile et ne s’arrête jamais (à l’image de ce rouleau de papier lui aussi ininterrompu), c’est le grand courant de la vie qui la traverse de part en part.
Le plus étonnant dans tout ça, c’est que tout est vrai, rien n’est inventé. Kerouac a bourlingué (comme Cendrars), observé et il a une mémoire extraordinaire. Yves Le Pellec le résume bien, Kerouac est un prodigieux badaud, il est obsédé de la totalité, il voudrait tout faire entrer dans ses phrases tentaculaires, entêtées : Il a expliqué lui-même sa technique : Ne pars pas d’une idée préconçue de ce qu’il y a à dire sur l’image mais du joyau au cœur de l’intérêt pour le sujet de l’image au moment d’écrire et écris vers l’extérieur en nageant dans la mer du langage jusqu’au relâchement et à l’épuisement périphérique. Kerouac est avant tout un écrivain. Avant son succès foudroyant il venait d’écrire 12 livres en 7 ans (1950-1957), sans répit, sans aide, sans confort, sans argent et sans reconnaissance. Aussi il vivra mal le succès, le vedettariat qui va l’assaillir d’un coup. Il sombrera dans l’alcool, la paranoïa. Toute ma vie, écrira-t-il en 1957 dans un bref résumé autobiographique à la demande d’un éditeur, je me suis arraché le cœur à écrire.
Sur la route, Les clochards célestes ainsi que la plupart des romans de Jack Kerouac sont disponibles en Folio Gallimard.
On pourra consulter aussi : Jack Kerouac. Le verbe vagabond. Yves Le Pellec. Belin, collections voix américaines. L’ange déchu, vie de Jack Kerouac illustrée, Steve Turner, aux éditions Mille et une nuits
(Article paru dans la revue "Sol'Air" n° 23, janvier 2003)
16:57 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jack kerouac, beat generation
lundi, 12 octobre 2009
Un pur moment de bonheur
Un (film) qui n'a pas pris une ride, c'est le "Amadeus" de Milos Forman, passé hier soir à la télévision de service public. Virevoltant, endiablé, bande son impeccable, un pur moment de bonheur
13:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : amadeus, mozart
dimanche, 11 octobre 2009
Un jeu
Vu chez l'ami JLK, si le coeur vous en dit...
Ne réfléchissez pas pour répondre. Écrivez 15 titres de livres auxquels vous vous sentez particulièrement liés. Notez les 15 premiers qui vous viennent à l'esprit en 15 minutes maximum.
1 Le Yi-king
2 A la recherche du temps perdu, Marcel Proust
3 Les Mémoires d'Outre-tombe, Chateaubriand
4 Les Voyageurs du temps, Philippe Sollers
5 Sur la route, Jack Kerouac
6 La Bible
7 Les Ecrits gnostiques de la Bible
8 Madame Bovary, Gustave Flaubert
9 Les Fleurs du mal, Baudelaire
10 Les Poésies, Lautréamont
11 Oeuvres complètes, Rimbaud
12 La Société du spectacle, Guy Debord
13 Le vieil homme et la mer, Hemingway
14 Le Rouge et le noir, Stendhal
15 Candide, Voltaire
00:15 Publié dans Jeux | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jeu