mercredi, 09 novembre 2005
Pensées par une nuit calme
Devant mon lit brille la lune
Serait-ce sur le sol du givre ?
Je lève la tête, contemple la lune
Je baisse la tête, pense à mon village natal
Li Po
23:15 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3)
Noël approche, voici quelques papillotes
Ce que je reproche aux journaux, c'est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes, tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles.
(Proust, Du côté de chez Swann)
Je me moque de savoir beaucoup de choses : je veux savoir des choses que j'aime.
(Jules Renard, Journal, 22 décembre 1893)
Cette jolie idée de Saint-Pol-Roux que les arbres échangent des oiseaux comme des paroles.
(Jules Renard, Journal, 7 mai 1894)
Je cite l'exemple de Pascal qui combattait ses maux de tête avec des problèmes de géométrie.
- Moi, dit Tristan Bernard, je combattais la géométrie en feignant d'avoir des maux de tête.
(Jules Renard, Journal, 17 juillet 1894)
Écrire, c'est une façon de parler sans être interrompu.
(Jules Renard, Journal, 13 avril 1895),
Je sais pourquoi je déteste le dimanche : c'est parce que des gens occupés à rien, se permettent d'être oisifs comme moi.
(Jules Renard, Journal, 29 juin 1895)
Prendre des notes, c'est faire des gammes de littérature.
(Jules Renard, Journal, 18 janvier 1896)
15:50 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (2)
L'absence
Comme tous ceux qui possèdent une chose, pour savoir ce qui arriverait s'il cessait un moment de la posséder, il avait ôté cette chose de son esprit, en y laissant tout le reste dans le même état que quand elle était là. Or l'absence d'une chose, ce n'est pas que cela, ce n'est pas un simple manque partiel, c'est un bouleversement de tout le reste, c'est un état nouveau qu'on ne peut prévoir dans l'ancien.
(Marcel Proust, Du côté de chez Swann)
12:31 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (21)
Le style et la pensée
Qu'importe ce que je fais ! Demandez-moi ce que je pense.
Jules Renard, Journal (12 avril 1890)
Le style, c'est l'oubli de tous les styles.
idem (7 avril 1891)
12:25 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (2)
Pour ne pas en finir avec Michel Houellebecq
Ce qui caractérise Michel Houellebecq il me semble c'est la lucidité. Comme pour beaucoup de gens - sauf que chez lui c'est de manière réfléchie, il sait jouer avec les médias, il s'en amuse, s'en moque quand il veut. Nietzsche a écrit dans "Le crépuscule des idoles" : "Même le plus courageux d'entre nous a rarement le courage d'assumer ce qu'il sait", Houellebecq repousse cette limite - en tout cas il s'efforce de, et bien sûr on ne s'aventure pas sans risques dans ces zones dangereuses, il lui arrive de déraper, de se tromper - mais c'est en ça qu'il est un grand auteur. Comme Proust, Kafka, Artaud, Shakespeare et quelques autres qui ont su chacun à leur manière repousser certaines limites et nous éclairer sur des aspects de l'âme humaine que sans eux nous n'aurions fait qu'entr'aparcevoir. Quoiqu'il arrive, ce sont toujours ces auteurs-là qui gagnent, à la fin. Ce n'est pas le choix de la facilité, libre à chacun d'aller voir ou non de ce côté-là.
05:24 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (14)
mardi, 08 novembre 2005
La modestie
La modestie va bien aux grands hommes. C'est de n'être rien et d'être quand même modeste qui est difficile.
Jules Renard, Journal -2 décembre 1895
22:35 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (4)
S'égayer ou s'égailler ?
Tout cela est assez dionysien, à lire sur Langue Sauce piquante
11:42 Publié dans Sauce piquante | Lien permanent | Commentaires (7)
Presque remplacer Dieu
« Décider de ne pas être un salopard permet de se sentir plutôt bien... Ca pourrait presque remplacer Dieu. »
[ Ernest Hemingway ] - Le soleil se lève aussi
08:58 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
Suspendre l’activité de son imagination
« La lâcheté est presque toujours due à la simple incapacité de suspendre l’activité de son imagination. »
[ Ernest Hemingway ] - Men at war
08:56 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
Pas assez
"L'écriture d'un roman doit tuer le romancier. S'il en reste quoi que ce soit, c'est qu'il n'a pas travaillé assez."
Ernest Hemingway
08:50 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (3)
lundi, 07 novembre 2005
Une de ces impressions qui sont peut-être pourtant les seules purement musicales
L’année précédente, dans une soirée, il avait entendu une œuvre musicale exécutée au piano et au violon. D’abord, il n’avait goûté que la qualité matérielle des sons sécrétés par les instruments. Et ç’avait déjà été un grand plaisir quand au-dessous de la petite ligne du violon mince, résistante, dense et directrice, il avait vu tout d’un coup chercher à s’élever en un clapotement liquide, la masse de la partie de piano, multiforme, indivise, plane et entrechoquée comme la mauve agitation des flots que charme et bémolise le clair de lune. Mais à un moment donné, sans pouvoir nettement distinguer un contour, donner un nom à ce qui lui plaisait, charmé tout d’un coup, il avait cherché à recueillir la phrase ou l’harmonie—il ne savait lui-même—qui passait et qui lui avait ouvert plus largement l’âme, comme certaines odeurs de roses circulant dans l’air humide du soir ont la propriété de dilater nos narines. Peut-être est-ce parce qu’il ne savait pas la musique qu’il avait pu éprouver une impression aussi confuse, une de ces impressions qui sont peut-être pourtant les seules purement musicales, inattendues, entièrement originales, irréductibles à tout autre ordre d’impressions. Une impression de ce genre pendant un instant, est pour ainsi dire sine materia. Sans doute les notes que nous entendons alors, tendent déjà, selon leur hauteur et leur quantité, à couvrir devant nos yeux des surfaces de dimensions variées, à tracer des arabesques, à nous donner des sensations de largeur, de ténuité, de stabilité, de caprice. Mais les notes sont évanouies avant que ces sensations soient assez formées en nous pour ne pas être submergées par celles qu’éveillent déjà les notes suivantes ou même simultanées. Et cette impression continuerait à envelopper de sa liquidité et de son «fondu» les motifs qui par instants en émergent, à peine discernables, pour plonger aussitôt et disparaître, connus seulement par le plaisir particulier qu’ils donnent, impossibles à décrire, à se rappeler, à nommer, ineffables,—si la mémoire, comme un ouvrier qui travaille à établir des fondations durables au milieu des flots, en fabriquant pour nous des fac-similés de ces phrases fugitives, ne nous permettait de les comparer à celles qui leur succèdent et de les différencier. Ainsi à peine la sensation délicieuse que Swann avait ressentie était-elle expirée, que sa mémoire lui en avait fourni séance tenante une transcription sommaire et provisoire, mais sur laquelle il avait jeté les yeux tandis que le morceau continuait, si bien que quand la même impression était tout d’un coup revenue, elle n’était déjà plus insaisissable. Il s’en représentait l’étendue, les groupements symétriques, la graphie, la valeur expressive; il avait devant lui cette chose qui n’est plus de la musique pure, qui est du dessin, de l’architecture, de la pensée, et qui permet de se rappeler la musique. Cette fois il avait distingué nettement une phrase s’élevant pendant quelques instants au-dessus des ondes sonores. Elle lui avait proposé aussitôt des voluptés particulières, dont il n’avait jamais eu l’idée avant de l’entendre, dont il sentait que rien autre qu’elle ne pourrait les lui faire connaître, et il avait éprouvé pour elle comme un amour inconnu.
D’un rythme lent elle le dirigeait ici d’abord, puis là, puis ailleurs, vers un bonheur noble, inintelligible et précis. Et tout d’un coup au point où elle était arrivée et d’où il se préparait à la suivre, après une pause d’un instant, brusquement elle changeait de direction et d’un mouvement nouveau, plus rapide, menu, mélancolique, incessant et doux, elle l’entraînait avec elle vers des perspectives inconnues. Puis elle disparut. Il souhaita passionnément la revoir une troisième fois. Et elle reparut en effet mais sans lui parler plus clairement, en lui causant même une volupté moins profonde. Mais rentré chez lui il eut besoin d’elle, il était comme un homme dans la vie de qui une passante qu’il a aperçue un moment vient de faire entrer l’image d’une beauté nouvelle qui donne à sa propre sensibilité une valeur plus grande, sans qu’il sache seulement s’il pourra revoir jamais celle qu’il aime déjà et dont il ignore jusqu’au nom.
Marcel Proust, Du côté de chez Swann
22:35 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2)
Toute ressemblance...
Nous sommes très longs à reconnaître dans la physionomie particulière d'un nouvel écrivain le modèle qui porte le nom de " grand talent " dans notre musée des idées générales. Justement parce que cette physionomie est nouvelle, nous ne la trouvons pas tout à fait ressemblante à ce que nous appelons talent. Nous disons plutôt originalité, charme, délicatesse, force ; et puis un jour nous nous rendons compte que c'est justement tout cela le talent.
(Marcel Proust, Du côté de chez Swann)
17:10 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (9)
Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire
QUAND le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin; quand l'horizon est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des haies; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était encore inscrit. Toute la distance de vous à moi - de la vie qui tressaille à la surface de ma main au sourire mortel de l'amour sur sa fin - chancelle, déchirée. La distance parcourue d'une seul traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon coeur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les décisions tranchantes de l'esprit.
Pierre Reverdy, Reflux, extrait de "Ferrailles"
14:07 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
Au coeur de l'Amérique, de Naomi Wallace
Née à Prospect, dans le Kentucky, Naomi Wallace travaille aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dramaturge, scénariste et poétesse, elle s'est tout d'abord fait connaître par ses poèmes publiés aux États-Unis et en Europe.
Une production de la compagnie Amadée, mise en scène de Flavio Polizzy
au Théâtre Jacques Coeur à Lattes (sortie de Montpellier)
Mas de Civade, 34970 Lattes, renseignements 04 99 52 95 00
Mercredi 9 nov à 19 H
Jeudi 10 nov à 19 H
Vendredi 11 nov à 20 H 30
Samedi 12 nov à 20 H 30
05:55 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0)
Sauf son regard
Le vieil homme était maigre et sec, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque. Les taches brunes de cet inoffensif cancer de la peau que cause la réverbération du soleil sur la mer des Tropiques marquaient ses joues; elles couvraient presque entièrement les deux côtés de son visage; ses mains portaient les entailles profondes que font les filins au bout desquels se débattent les lourds poissons. Mais aucune de ces entailles n'était récente : elles étaient vieilles comme les érosions d'un désert sans poissons.Tout en lui était vieux, sauf son regard, qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.
Ernest Hemingway, Le vieil homme et la mer
00:40 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (6)
dimanche, 06 novembre 2005
Le conseil de prudence de P.A.G.
Est-ce que tu as bien rentré ton auto au garage ce soir ?
23:47 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 05 novembre 2005
Les inédits de Buk
un poème est une ville remplie de rues et d’égouts
remplie de saints, de héros, de mendiants, d’aliénés,
remplie de banalité et d’ivrognerie,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, un poème est une ville en guerre,
un poème est une ville qui demande pourquoi à une horloge,
un poème est une ville en flammes,
un poème est une ville en armes
ses salons de coiffure pour hommes remplis d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
le long des rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit, et pourchassent
le drapeau ; un poème est une ville de poètes,
la plupart assez semblables
et envieux et aigris...
un poème est cette ville maintenant,
à 50 miles de nulle part,
à 9H09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas d’amoureux, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
funèbre sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes de roche dure,
l’océan comme une flamme de lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue des vitres brisées...
un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde...
et maintenant je fourre ceci sous verre
pour l’examen minutieux de l’éditeur fou,
et la nuit est partout
et de pâles dames grises se tiennent en file,
un chien suit un chien jusque l’estuaire,
les trompettes appellent le gibet,
alors que de petits hommes glosent sur des choses
qu’ils ne peuvent pas faire.
Charles BukowskiExtrait de The Days Run Away Like Wild Horses Over the Hills, Santa Rosa, Black Sparrow Press, 2000 [26e edition], 54-55. [Édition originale : 1969]
Traduction : Éric Dejaeger
19:20 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (11)
Sur la non-existence de la Belgique
Malgré toutes mes recherches, je n'ai réussi à trouver nulle part l'origine étymologique du mot BELGIQUE, ce qui est logique dans un pays où l'histoire est uniquement perçue comme une marotte d'antiquaire. En fouillant bien, j'ai repéré pourtant que le mot naît au milieu du Ier siècle et que, dès le IIIe siècle, cette contrée se scinde en Belgique Première et Belgique Seconde. Placée au point névralgique de l'Europe, propice aux incursions, champ de bataille rêvé pour les États voisins à l'appétit desquels elle offre une proie aisée, la Belgique prend ainsi tour à tour l'appellation de mérovingienne, carolingienne ou médiévale. La Gaule Belgique succède belgiquement à la Belgique belgo-romaine dont les occupants belgifiés ou belgicisés optent pour le label de néo-belges. La Belgique étant une nation qui n'existe pas, j'ai perdu sa trace jusqu'à ce qu'elle reparaisse à la fin du XVIIIe siècle, sous forme d'adjectif dans les États belgiques unis, ainsi cités par les révolutionnaires brabançons. La belgiosité, la belginité, voire la belgité ne sont point alors de mise pour citer cette région rikiki qui se pare belgicalement des couleurs de la province du Brabant : jaune, rouge et noir. Les provinces de la Belgique, dites les provinces belges, fécondent plus tard les Provinces belgiques qui se défont des Pays-Bas en 1830. Embelgiqués, embelgifiés, belgiés, les Belghes, comme dit Marc Rombaut, ou encore Belch ! Belch ! , comme crie Jean Muno dans Histoire vénérable d'un héros brabançon (1987), laissent libre cours à leur manie des mots incontrôlés. Des Belgiens de Brel (la la la) aux Belgae de Jean-Louis Lippert, Belgicains, Belgonais, Belgeoisistes, Belgeoisants, Belgeois, Belgoï, Belgitudineux, Belgiciâtres, Belgicophiles ou Belgiophages, tenants de la belgitudinologie, fondus de belgitonnie et de belgilinguie, babils belgicolisés pour libeller la belgisation, la belgopathie d'un lopin qui eût pu aussi s'élire Belgenland ou Belgiëland, puisque débelgicisée par les Belgicistes belligérants et Belgiseurs belliqueux, ralliant l'idiolecte latin d'où naquit l'adjectif belgic, on l'appelle au choix België, Belgien, Belgian, Belgium, Belgicae, Belgica, et plus belgiquement, Belgikè, Bellegique, Belgiqueque ou Belgiqueke.
Patrick Roegiers, Le mal du Pays (Autobiographie de la Belgique), Paris, Seuil, 2003, 53-54.
18:30 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (31)
Spécial végétariens
La faune
Et toi que manges-tu, grouillant ?
- Je mange le velu qui digère le
pulpeux qui ronge le rampant.
Et toi, rampant que manges-tu ?
- Je dévore le trottinant qui bâfre
l'ailé qui croque le flottant.
Et toi, flottant, que manges-tu ?
- J'engloutis le vulveux qui suce
le ventru qui mâche le sautillant.
Et toi sautillant, que manges-tu ?
Je happe le gazouillant qui gobe
Le bigarré qui égorge le galopant.
Est-il bon, chers mangeurs, est-il bon le goût du sang ?
Doux, doux! Tu ne sauras jamais
Comme il est doux, herbivore !
Norge
13:57 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (4)
Lettre à Max Brod
Mon cher Max, peut-être ne me relèverai-je plus cette fois; il est fort probable qu'après ce mois de fièvre pulmonaire une pneumonie se déclarera; et même le fait que je l'annonce par écrit ne pourra pas l'empêcher, encore que cela ait quelque pouvoir. Voici donc dans cette éventualité ma dernière volonté au sujet de ce que j'ai écrit : De tout ce que j'ai écrit, seuls les livres Verdict, Soutier, Métamorphose, Colonie pénitentiaire, Médecin de campagne, et le récit Un artiste de la faim sont valables (les quelques exemplaires de Regard peuvent rester, je ne veux donner à personne la peine de les mettre au pilon, mais rien ne doit être réimprimé). Quand je dis que ces cinq livres et ce récit sont valables, cela ne signifie pas que je souhaite qu'ils soient réimprimés et transmis aux temps futurs; s'ils pouvaient au
contraire être entièrement perdus, cela correspondrait entièrement à mon désir. Simplement, puisqu'ils existent, je n'empêche personne de les avoir, si quelqu'un en a envie. En revanche, tout le reste de ce que j'ai écrit (les textes imprimés dans des revues, les manuscrits, les lettres), […] tout cela sans exception doit être brûlé, ce que je te prie de faire le plus tôt possible.
Franz
12:23 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0)