Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 17 novembre 2005

Des visions seulement, des éclairs

Le temps nous encercle, nous sommes au centre, nous sommes ce temps. Il tourne autour de nous comme un kaléidoscope, on peut jouer avec. Les émotions, les désirs le traversent comme des étoiles filantes, ondulent sans cesse, vibrent, l’art est là pour les relier, pour construire un monde autour. De ce voyage fugace nous nous tenons éloignés, nous avons des visions seulement, des éclairs. Sauf à plonger dans cet océan, s’y noyer pour en ressortir, haletant, surpris, éveillé, différent.

mercredi, 16 novembre 2005

En banlieue

« En banlieue, c’est surtout par les tramways que la vie vous arrive le matin. Il en passait des pleins paquets avec des pleines bordées d’ahuris brinquebalant, dès le petit jour, par le boulevard Minotaure, qui descendaient vers le boulot.

     Les jeunes semblaient même comme contents de s’y rendre au boulot. Ils accéléraient le trafic, se cramponnaient aux marchepieds, ces mignons, en rigolant. Faut voir ça. Mais quand on connait depuis vingt ans la cabine téléphonique du bistrot, par exemple, si sale qu’on la prend toujours pour les chiottes, l’envie vous passe de plaisanter avec les choses sérieuses et avec Rancy en particulier. On se rend alors compte où qu’on vous a mis. Les maisons vous possèdent, toutes pisseuses qu’elles sont, plates façades, leur c¦ur est au propriétaire. Lui on le voit jamais. Il n’oserait pas se montrer. Il envoie son gérant, la vache. On dit pourtant dans le quartier qu’il est bien aimable le proprio quand on le rencontre. Ça n’engage à rien.

      La lumière du ciel à Rancy, c’est la même qu’à Détroit, du jus de fumée qui trempe la plaine depuis Levallois. Un rebut de bâtisses tenues par des gadoues noires au sol. Les cheminées, des petites et des hautes, ça fait pareil de loin qu’au bord de la mer les gros piquets dans la vase. Là-dedans, c’est nous.

      (...) Au matin donc le tramway emporte sa foule se faire comprimer dans le métro. On dirait à les voir tous s’enfuir de ce côté-là, qu’il leur est arrivé une catastrophe du côté d’Argenteuil, que c’est leur pays qui brûle. Après chaque aurore, ça les prend, ils s’accrochent par grappes aux portières, aux rambardes. Grande déroute. C’est pourtant qu’un patron qu’ils vont chercher dans Paris, celui qui vous sauve de crever de faim, ils ont énormément peur de le perdre, les lâches. Il vous la fait transpirer pourtant sa pitance. On en pue pendant dix ans, vingt ans et davantage. C’est pas donné.

      (...) Comprimés comme des ordures qu’on est dans la caisse en fer, on traverse Rancy et on odore ferme en même temps, surtout quand c’est l’été. Aux fortifications on se menace, on gueule un dernier coup et puis on se perd de vue, le métro avale tous et tout, les complets détrempés, les robes découragées, bas de soie, les métrites et les pieds sales comme des chaussettes, cols inusables et raides comme des termes, avortements en cours, glorieux de la guerre, tout ça dégouline par l’escalier au coaltar et phéniqué et jusqu’au bout noir, avec le billet de retour qui coûte autant à lui tout seul que deux petits pains.     

      La lente angoisse du renvoi sans musique, toujours si près des retardataires (avec un certificat sec) quand le patron voudra réduire ses frais généraux. Souvenirs de « Crise » à fleur de peau, de la dernière fois sans place, de tous les Intransigeants qu’il a fallu lire, cinq sous, cinq sous…des attentes à chercher du boulot… Ces mémoires vous étranglent un homme, tout enroulé qu’il puisse être dans son pardessus « toutes saisons ».

      (…) Tout le monde toussait dans ma rue. Ça occupe. Pour voir le soleil, faut monter au moins jusqu’au Sacré-Coeur, à cause des fumées.

     De là alors c’est un beau point de vue ; on se rend bien compte que dans le fond de la plaine, c’était nous, et les maisons où on demeurait. Mais quand on les cherche en détail, on les retrouve pas, même la sienne, tellement que c’est laid et pareillement laid, tout ce qu’on voit.

      (…) Quand on habite Rancy, on se rend même plus compte qu’on est devenu triste. On a plus envie de faire grand chose, voilà tout. À force de faire des économies sur tout, à cause de tout, toutes les envies vous sont passées. »

 

Louis-Ferdinand CÉLINE
Voyage au bout de la nuit.

mardi, 15 novembre 2005

John Lennon

Le meurtrier de John Lennon, Mark Chapman, a expliqué dans un enregistrement que la télévision américaine diffusera vendredi, comment il tua le musicien, poussé par une irrépressible pulsion. "C'était un besoin absolu," raconte Chapman, aujourd'hui âgé de 50 ans, qui a abattu Lennon de cinq balles dans le dos il y a près de 25 ans, le 8 décembre 1980, devant l'immeuble new-yorkais du musicien.
"Je suis profondément convaincu en mon âme et conscience que je n'aurais rien pu faire à ce stade pour m'empêcher, j'en suis totalement convaincu... C'était comme un train, un train sans conducteur, que rien ne pouvait arrêter. Rien n'aurait pu m'arrêter", dit-il dans ces enregistrements audio de 1991 et 1992 jusque-là jamais diffusés. Ce témoignage fait partie d'un documentaire que la chaîne britannique Channel 4 doit programmer à l'occasion de l'anniversaire de la mort du Beatle, et ces extraits seront diffusés par le réseau américain NBC vendredi. Chapman, qui avait été arrêté sur les lieux du drame, purge une peine de prison à perpétuité dans l'Etat de New York. L'an dernier, sa demande de liberté conditionnelle a été rejetée, la justice évoquant ses "intentions extrêmement malveillantes". Dans l'enregistrement, il livre une explication amère de son crime. "Voila un homme qui avait le monde à ses pieds, et moi... j'étais juste une personne, sans personnalité. Quelque chose en moi s'est cassé... Et je me souviens avoir pensé que peut-être mon identité se révélerait dans le meurtre de John Lennon." Il évoque aussi le jour du crime, quand il voit la limousine de Lennon se garer devant le Dakota building. "Alors je sais que c'est lui, j'ai ce sentiment incroyable... J'entends une voix dans ma tête qui dit "fais-le, fais-le, fais-le". Et tandis qu'il passe devant moi, je sors l'arme, je vise son dos et j'appuie cinq fois sur la détente". (Dépêche AFP)

22:20 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1)

L'avenir sera mythique ou ne sera pas

En littérature, les mythes auront beaucoup à nous réapprendre et de cette identification proprement religieuse émergera une citoyenneté-monde mais aussi une grande poésie-monde qui passera tout de même par l'échec de Babel, de cette illusion avec laquelle on n'en a pas encore fini. Une poésie-monde après l'économie-monde que nous connaissons.

Interview de Paul Virilio à lire ici in extenso

22:00 Publié dans Futurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Contrôler Internet

L’hégémonie sur Internet donne aux Etats-Unis, en théorie, le pouvoir de limiter l’accès à tous les sites du réseau dans quelque pays que ce soit. Ils peuvent aussi bloquer tous les envois de messages électroniques de la planète. Jusqu’à présent, ils ne l’ont jamais fait. Mais ils ont la possibilité de le faire. Et cette simple éventualité inquiète au plus haut point de nombreux pays.
Article en entier à lire ici

21:53 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

La douceur d'un mystère

tandis que les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de l'obscurité et du silence. Et comme l'art recompose exactement la vie, autour des vérités qu'on a atteintes en soi-même flottera toujours une atmosphère de poésie, la douceur d'un mystère qui n'est que le vestige de la pénombre que nous avons dû traverser, l'indication, marquée exactement comme par un altimètre, de la profondeur d'une oeuvre.

Marcel Proust, Le temps retrouvé

République inachevée ou à jeter ?

Rarement accusé, le libéralisme est pourtant à la source de la révolte sociale qui secoue les banlieues.

Article entier à lire ici

09:18 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 14 novembre 2005

Faire une œuvre d'art

Car les vérités que l'intelligence saisit directement à claire-voie dans le monde de la pleine lumière ont quelque chose de moins profond, de moins nécessaire que celles que la vie nous a malgré nous communiquées en une impression, matérielle parce qu'elle est entrée par nos sens, mais dont nous pouvons dégager l'esprit. En somme, dans ce cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse d'impressions comme celles que m'avait données la vue des clochers de Martinville, ou de réminiscences comme celle de l'inégalité des deux marches ou le goût de la madeleine, il fallait tâcher d'interpréter les sensations comme les signes d'autant de lois et d'idées, en essayant de penser, c'est-à-dire de faire sortir de la pénombre ce que j'avais senti, de le convertir en un équivalent spirituel. Or, ce moyen qui me paraissait le seul, qu'était-ce autre chose que faire une œuvre d'art?

Marcel Proust, Le temps retrouvé

Poème instantané capté sur le vif (Jack Chi)

A lire ici, par Hozan Kebo

21:54 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

Un bruit de baiser ferme le monde

M’a-t-on coupé le fil de la mémoire
Que je n’entende plus le ventre du passé ?
Il m’étrangle en mon cri dépassé dans le noir
Jusqu’à la flamme unique où le fil a brûlé

L’avenir a cassé dans ma tête le vent
Le passé a repris les cloches de ses soirs
Le remords a rongé les sons de la mémoire
Et le bruit d’un baiser déchire les instants

Au sein des toits la flamme détord ses étoiles
La mort a pris l’allure d’un fauteuil de vieux
La rage du souvenir souffle toutes les voiles
Jusqu’au dernier murmure des yeux.

Jean-Pierre Duprey

21:50 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

Un peu de temps à l'état pur

Me rappelant trop avec quelle indifférence relative Swann avait pu parler autrefois des jours où il était aimé, parce que sous cette phrase il voyait autre chose qu'eux, et de la douleur subite que lui avait causée la petite phrase de Vinteuil en lui rendant ces jours eux-mêmes tels qu'il les avait jadis sentis, je comprenais trop que ce que la sensation des dalles inégales, la raideur de la serviette, le goût de la madeleine avaient réveillé en moi, n'avait aucun rapport avec ce que je cherchais souvent à me rappeler de Venise, de Balbec, de Combray, à l'aide d'une mémoire uniforme ; et je comprenais que la vie pût être jugée médiocre, bien qu'à certains moments elle parût si belle, parce que dans le premier cas c'est sur tout autre chose qu'elle même, sur des images qui ne gardent rien d'elle qu'on la juge et qu'on la déprécie. (...) Je glissais rapidement sur tout cela, plus impérieusement sollicité que j'étais de chercher la cause de cette félicité, du caractère de certitude avec lequel elle s'imposait, recherche ajournée autrefois. Or, cette cause, je la devinais en comparant entre elles ces diverses impressions bienheureuses et qui avaient entre elles ceci de commun que je les éprouvais à la fois dans le moment actuel et dans un moment éloigné où le bruit de la cuiller sur l'assiette, l'inégalité des dalles, le goût de la madeleine allaient jusqu'à faire empiéter le passé sur le présent, à me faire hésiter à savoir dans lequel des deux je me trouvais ; au vrai, l'être qui alors goûtait en moi cette impression la goûtait en ce qu'elle avait de commun dans un jour ancien et maintenant, dans ce qu'elle avait d'extra-temporel, un être qui n'apparaissait que quand, par une de ces identités entre le présent et le passé, il pouvait se trouver dans le seul milieu où il pût vivre, jouir de l'essence des choses, c'est-à-dire en dehors du temps. Cela expliquait que mes inquiétudes au sujet de ma mort eussent cessé au moment où j'avais reconnu, inconsciemment, le goût de la petite madeleine, puisqu'à ce moment-là l'être que j'avais été était un être extra-temporel, par conséquent insoucieux des vicissitudes de l'avenir. Cet être-là n'était jamais venu à moi, ne s'était jamais manifesté qu'en dehors de l'action, de la jouissance immédiate, chaque fois que le miracle d'une analogie m'avait fait échapper au présent. Seul il avait le pouvoir de me faire retrouver les jours anciens, le Temps Perdu, devant quoi les efforts de ma mémoire et de mon intelligence échouaient toujours. (...) Tant de fois, au cours de ma vie, la réalité m'avait déçu parce que au moment où je la percevais, mon imagination qui était mon seul organe pour jouir de la beauté, ne pouvait s'appliquer à elle en vertu de la loi inévitable qui veut qu'on ne puisse imaginer que ce qui est absent. Et voici que soudain l'effet de cette dure loi, s'était trouvé neutralisé, suspendu, par un expédient merveilleux de la nature, qui avait fait miroiter une sensation - bruit de la fourchette et du marteau, même inégalité de pavés - à la fois dans le passé ce qui permettait à mon imagination de la goûter, et dans le présent où l'ébranlement effectif de mes sens par le bruit, le contact avait ajouté aux rêves de l'imagination ce dont ils sont habituellement dépourvus, l'idée d'existence - et grâce à ce subterfuge avait permis à mon être d'obtenir, d'isoler, d'immobiliser - la durée d'un éclair - ce qu'il n'appréhende jamais: un peu de temps à l'état pur. L'être qui était rené en moi quand avec un tel frémissement de bonheur j'avais entendu le bruit commun à la fois à la cuiller qui touche l'assiette et au marteau qui frappe sur la  roue, à l'inégalité pour les pas des pavés de la cour Guermantes et du baptistère de Saint-Marc, cet être-là ne se nourrit que de l'essence des choses, en elles seulement il trouve sa subsistance, ses délices. Il languit dans l'observation du présent où les sens ne peuvent la lui apporter, dans la considération d'un passé que l'intelligence lui dessèche, dans l'attente d'un avenir que la volonté construit avec des fragments du présent et du passé auxquels elle retire encore de leur réalité ne conservant d'eux que ce qui convient à la fin utilitaire, étroitement humaine qu'elle leur assigne. Mais qu'un bruit, qu'une odeur, déjà entendu et respirée jadis le soient de nouveau, à la fois dans le présent et dans le passé, réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits, aussitôt l'essence permanente et habituellement cachée des choses se trouve libérée et notre vrai moi qui parfois depuis longtemps, semblait mort, mais ne l'était pas autrement, s'éveille, s'anime en recevant la céleste nourriture qui lui est apportée. Une minute affranchie de l'ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l'homme affranchi de l'ordre du temps.

Marcel Proust, A la recherche du temps perdu, Le Temps retrouvé

Les petits métiers

Ange gardien, arracheur d’ailes, ramasseur de crottes, boyautier, loueuse de sangsues, cueilleur d’orphelins, marchande d’arlequins... C'étaient des  petits métiers, à lire sur  Langue sauce piquante en date du 14/11

dimanche, 13 novembre 2005

Pierrot ou Ginette ?

Même si leur tonalité diffère ­ - douce-amère chez Dominique Fabre ; grinçante chez Pierre Autin-Grenier ­ - ces deux écrivains discrets ont plus d'un point en commun. Outre la teneur plus ou moins autobiographique de leurs textes, tous deux ont choisi la forme brève (nouvelles, romans courts, fragments) pour arpenter et dépeindre, avec une profonde humanité, un monde aux marges des villes, du faste, de l'abondance et de la réussite, où tentent de vivre gens de peu, sans-grade et autres éclopés de la vie. Rien d'étonnant dès lors de retrouver ces deux subtils prosateurs dans un café, ce lieu qui, dans la chaleur d'un instant partagé parvient à "faire tenir debout" des existences chancelantes et usées.

La suite de l'article de Christine Rousseau dans Le Monde des livres, à lire ici

22:18 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

Vertige fondamental

Dans l’analyse qu’il fait de la Flagellation, de Piero della Francesca, Alain Jaubert écrit ceci, à propos du point de fuite : « Notre propre monde est lui-même illusion, il est comme l’émanation, le rêve d’une autre histoire qui aurait eu lieu dans un passé très ancien et qui se répète à l’infini, de génération en - génération. Piero a donc construit tout son tableau sur ce vertige fondamental. (...) Piero est contemporain de Christophe Colomb, il - appartient à cette génération d’hommes qui prétend justement affronter l’infini, qu’il soit océanique ou mathématique. Tous les savoirs sont convoqués dans un tableau manifeste qui traduit le passage d’un monde fini à un univers infini. »

21:38 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4)

Piero della Francesca

Rien de plus apaisant que les fresques de Piero della Francesca. Comme Cézanne il a poursuivi un chemin solitaire, sans chercher la gloire ni la protection d’hommes influents, préférant la poursuite de l’œuvre aux intrigues du monde. Reste la plénitude, un sentiment d’éternité, l’ensorcellement. Personne n’a imprimé à ses personnages autant de grâce, de sérénité sur les visages, jamais on n’a pu lire une telle absence d’anxiété jusque dans les scènes de violence, de guerre.

 

Une sorte de demi-mondain

Souvent, je regrette d'être venu moi-même en ce bas monde; non pas que je haïsse le monde. Non.... J'aime le monde, le grand monde et même le demi-monde, étant personnellement une sorte de demi-mondain.
Mais que je suis venu faire sur cette Terre si terrestre et si terreuse?
Y ai-je des devoirs à remplir? Y suis-je venu pour accomplir une mission - une commission?
M'y a-t-on envoyé pour m'amuser? pour me distraire un peu?... pour oublier les misères d'un au-delà dont je ne me souviens plus? N'y suis-je pas importun?
Que répondre à toutes ces questions?
Croyant bien faire, presque à mon arrivée, ici-bas, je me suis mis à jouer quelques airs de Musique que j'inventai moi-même....
Tous mes ennuis sont venus de là...
(Erik Satie, Écrits réunis par Ornella Volta, Éditions Champ Libre, 1981, p. 176)


 

21:10 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

Par scrupule

J'ai connu autrefois un pauvre homme qui, par scrupule, n'a jamais voulu coucher chez lui, disant que son nom était un nom à coucher dehors. Ce souvenir ne m'est pas désagréable.
(Erik Satie, Écrits réunis par Ornella Volta, Éditions Champ Libre, 1981, p. 157)

21:05 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0)

Rien des apparences actuelles

Tu en es encore à la tentation d'Antoine. L'ébat du zèle écourté, les tics d'orgueil puéril, l'affaissement et l'effroi.
Mais tu te mettras à ce travail: toutes les possibilités harmoniques et architecturales s'émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s'offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la curiosité d'anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu? En tout cas, rien des apparences actuelles.

Rimbaud, Les Illuminations

vendredi, 11 novembre 2005

Au coeur de l'Amérique, derniers jours

Il vous reste deux jours pour voir cette pièce étonnante et très forte de Naomi Wallace.

Ecrite à la suite de la première guerre du Golfe, "Au coeur de l'Amérique" fouille les zones d'ombre de l'idéologie guerrière américaine. Naomi Wallace a choisi de mélanger les temps, les lieux, les sentiments, comme pour mieux nous bousculer. Elle parvient, sans aucun manichéisme, à créer un trouble violent, dérangeant, en nous plongeant au coeur des passions et des contradictions humaines en prise avec un monde où la mort, l'amour, la sensualité et la haine sont inextricablement mêlés.

Née à Prospect, dans le Kentucky, Naomi Wallace travaille aux États-Unis et au Royaume-Uni. Dramaturge, scénariste et poétesse, elle s'est tout d'abord fait connaître par ses poèmes publiés aux États-Unis et en Europe.

Une production de la compagnie Amadée, mise en scène de Flavio Polizzy

au Théâtre Jacques Coeur à Lattes (sortie de Montpellier)

Mas de Civade, 34970 Lattes, renseignements 04 99 52 95 00

Vendredi 11 nov à 20 H 30

Samedi 12 nov à 20 H 30

14:06 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1)

Le vin noir

Cet excellent caviste de Montpellier a donné ce nom à sa boutique à cause du Texte de P.A.G. du même nom paru dans  la revue "L'instant du monde" n° 6. N'hésitez pas à y aller, c'est un vrai amoureux du vin, vous y ferez des découvertes. D'ailleurs il se murmure que l'honorable académicien viendrait y faire une lecture-dégustation au mois de décembre...

Le vin noir, 3 boulevard Renouvier, 34 000 Montpellier, 04 67 06 54 92.

Âge tendre, femmes faciles et bonbons acidulés, toute une jeunesse, nez en l’air et mains aux poches, très vite s’envole qui nous est dérobée par le travail aux pièces, le capital et sa sordide industrie, les guerres de cent ans aussi. Le temps de l’adolescence à l’adultère et déjà nous voici en salopette courant dans les brouillards matinaux vers des pointeuses anonymes; le cœur serré, trop tôt souillé par la suie des usines.
Elles ont fait long feu les fracassantes utopies de nos vingt ans qui devaient nous conduire, flamberge au vent, aux rivages de nouvelles Ethiopies. Quelqu’un, un jour d’été, a brisé une bouteille au flanc du navire, l’espoir un instant a pétillé dans nos yeux et sans nous le navire s’en est allé. Depuis, des manigances de voyou ont meublé nos rêves, on a chiné des bribes de souvenirs aux brocantes de l’aube; mais tout en vain et, telle l’eau s’écoule, s’est enfuie l’inutile éternité.
Quand même il en faudrait parfois bien peu pour qu’on se laisse distraire une seconde du quotidien, que nous enflamme alors à nouveau le souffle de la révolte. Un verre de vin noir certains soirs y suffirait.

Pierre Autin-Grenier

12:35 Publié dans alcool | Lien permanent | Commentaires (14)