mercredi, 19 octobre 2005
Par peur
Je suis sûre que ce n'est pas par avidité de posséder que les enfants ne peuvent pas se séparer des choses, c'est par peur. Ils éprouvent une terreur quasi animale lorsqu'une chose qui faisait encore partie d'eux se trouve tout à coup ailleurs, quand l'endroit où elle se trouvait est, tout à coup, vide. Eux-mêmes ne savent plus où est leur place.
(Peter Handke, La courte lettre pour un long adieu)
17:09 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
Pur cliquetis de syllabes
Nul ne peut estimer connaître la vie s'il n'a pas appris à prendre pour un pur cliquetis de syllabes les offres de service qui lui sont faites, les plus spontanées, solennelles et répétées qu'elles puissent être.
(Leopardi, Pensées, trad. Joël Gayraud, p.49, Éd. Allia, 1994)
15:36 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (1)
Savoir
Savoir ne permet pas toujours d'empêcher, mais du moins les choses que nous savons, nous les tenons, sinon entre nos mains, du moins dans notre pensée où nous les disposons à notre gré, ce qui nous donne l'illusion d'une sorte de pouvoir sur elles.
Marcel Proust
14:48 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
La nuit étoilée
Non, Van Gogh n'était pas fou, mais ses peintures étaient des feux grégeois, des bombes atomiques, dont l'angle de vision, à côté de toutes les autres peintures qui sévissaient à cette époque, eût été capable de déranger gravement le conformisme larvaire de la bourgeoisie second Empire et des sbires de Thiers, de Gambetta, de Félix Faure, comme ceux de Napoléon III. Car ce n'est pas un certain conformisme de moeurs que la peinture de Van Gogh attaque, mais celui même des institutions. Et même la nature extérieure, avec ses climats, ses marées et ses tempêtes d'équinoxe ne peut plus après le passage de Van Gogh sur terre, garder la même gravitation.
Antonin Artaud
08:10 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
Autant en emporte le vent
Ce fameux titre de livre et de film, bien avant d'avoir servi de traduction à "Gone with the wind", trouve sa source dans une expression vieille de cinq siècles.
Pour désigner des promesses non tenues, c'est au XV ème siècle que l'expression prend sa forme proverbiale.
Si elle apparaît déjà dans une moralité de 1426 (nous dit le "Dictionnaire commenté des expressions d'origine littéraire, les allusions littéraires" de Jean-Claude Bologne, Larousse, 1989) : "Trop bien oyons blasmer les vices, Mais autant emporte le vent, c'est Villon qui lui assure un succès durable en en faisant le refrain de sa "ballade en vieil langage françois" :
Ont ils bien bouté soubz le nez ?
Autant en emporte ly vens.
On peut même remonter plus haut. Avant de prendre forme proverbiale, l'expression est fréquente sous des formes variées, comme dans la célèbre "Complainte Rutebeuf" réactualisée en son temps par une chanson de Léo Ferré :
Ce sont ami que vens emporte,
Et il ventoit devant ma porte :
Ses emporta
06:47 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (0)
Le papillon
Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleurs
Jules Renard, Histoires Naturelles
06:23 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 18 octobre 2005
Atteindre son avènement à la vie
La qualité n'est pas une propriété extérieure des choses ; elle est leur individualité, leur vie et leur âme. Et pourtant elle n'existe que par nos organes et par notre conscience, qui doivent l'appréhender pour lui donner cette forme sensible sans laquelle elle ne serait rien. Elle est donc un point de rencontre de l'univers et du moi, au point où ils se portent l'un vers l'autre et parviennent à se joindre dans une sympathie et une communion mystérieuses. Et le terme même de sensibilité, par son ambiguïté, suffirait à nous instruire sur la véritable nature de la qualité, puisqu'il désigne à la fois cet usage même des sens par lequel le monde nous est révélé et cette intimité même de chaque être que le moindre contact avec le monde suffit à ébranler. […]
Elle est bien le contraire de la quantité, qui est toujours la même et ne peut que croître ou décroître. C'est parce qu'elle est toujours unique qu'à son extrême pointe elle marque ce caractère incomparable des choses que nous appelons aussi leur valeur.
On ne s'étonnera donc pas que la qualité, puisqu'elle naît d'un accord vivant entre l'âme et le monde, soit profondément engagée dans la durée où se produisent toutes les éclosions […]… Pour Bergson c'est la mobilité qui est le fond ultime du réel […] Mais c'est parce qu'il n'y a point pour lui d'existence toute faite, il n'y a qu'une existence qui se fait. En chaque être il faut atteindre son avènement à la vie, cette sorte de pas inimitable qui lui donne accès dans le monde et qui est son essence même.
Louis Lavelle, L'homme et le philosophe, in "Bergson, Essais et témoignages recueillis".
16:38 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (1)
Le taureau
- Comme il me regarde !
- N'aie pas peur Gloriette, il voit bien que tu as l'air d'une honnête femme.
Jules Renard, extrait des Histoires naturelles
14:30 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (2)
Saule musique
C'est à Pékin que j'ai compris le saule, pas le pleureur, le saule, à peine incliné, l'arbre chinois par excellence. Le saule à quelque chose d'évasif. Son feuillage est impalpable, son mouvement ressemble à un confluent de courants. Il y en a plus qu'on en voit, qu'il n'en montre. L'arbre le moins ostentatoire. Et quoique toujours frissonnant (pas le frissonnement bref et inquiet des bouleaux et des peupliers), il n' a pas l'air en lui-même ni attaché, mais toujours voguant et nageant pour se maintenir sur place dans le vent, comme le poisson dans le courant de la rivière. C'est petit à petit que le saule vous forme, chaque matin vous donnant sa leçon. Et un repos fait de vibrations vous saisit, si bien que pour finir, on ne peut plus ouvrir la fenêtre sans avoir envie de pleurer.
Henri Michaux, Un barbare en Chine.
12:18 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Plaisirs
Les plaisirs dont on se souvient sont plus doux et moins vifs que ceux qu'on imagine.
Joubert (1754-1824), Carnets t.1, p.78, nrf/Gallimard, 1994
09:04 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (0)
Mépris
On n'est moins ennemi de ceux qui nous haïssent que de ceux qui nous méprisent.
Joubert (1754-1824) Carnets t.1, p.65, nrf/Gallimard, 1994
09:01 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (7)
lundi, 17 octobre 2005
Les événements graves
Les événements graves sont hors du temps, soit qu'en eux le passé immédiat soit coupé de l'avenir, soit que les parties qui les forment semblent ne pas découler les unes des autres.
(Jorge Luis Borges, Emma Zunz in L'Aleph)16:33 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (3)
Le roman du coeur
L'amour... n 'est que le roman du cœur : c'est le plaisir qui en est l'histoire .
(Beaumarchais, Le mariage de Figaro)
14:00 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (0)
Sur Jules Verne
" L’imagination du voyage correspond chez Verne à une exploration de la clôture, et l’accord de Verne et de l’enfance ne vient pas d’une mystique banale de l’aventure, mais au contraire d’un bonheur commun du fini, que l’on retrouve dans la passion enfantine des cabanes et des tentes : s’enclore et s’installer, tel est le rêve existentiel de l’enfance et de Verne. L’archétype de ce rêve est ce roman presque parfait : " L’île mystérieuse ", où l’homme-enfant réinvente le monde, l’emplit, l’enclôt, s’y enferme, et couronne cet effort encyclopédique par la posture bourgeoise de l’appropriation : pantoufles, pipe et coin du feu, pendant que dehors la tempête, c’est-à-dire l’infini, fait rage inutilement "
Roland Barthes, Mythologies
10:27 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 16 octobre 2005
Si du moins il m'était laissé assez de temps
Si du moins il m'était laissé assez de temps pour accomplir mon oeuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l'idée s'imposait à moi avec tant de force aujourd'hui, et j'y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l'espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu'ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, - entre lesquelles tant de jours sont venus se placer - dans le Temps.
Marcel Proust, Le temps retrouvé (dernier paragraphe)
21:40 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (4)
Et pourquoi donc ?
Apprendre à mourir! Et pourquoi donc? On y réussit très bien la première fois!
Chamfort
17:45 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (9)
Le résultat d'un acte
Le bien est voulu, il est le résultat d'un acte, le mal est permanent.
Antonin Artaud
17:36 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (3)
C'est dimanche, jour des Greguerias
- Les films que nous aurions voulu voir et que nous n’avons pas vus, sont comme des vies que nous aurions pu vivre et que nous n’avons pas vécues.
- Lorsque l’automobile nous éclaire de ses phares, elle fait de nous des héros de film.
- Méfiez-vous des femmes qui, pour vous embrasser, se pendent à votre coup en levant une jambe coquine.
- Le mari idéal est celui qui dit : « Mon épouse est une femme économe ».
- Le baiser n’est jamais singulier.
- Le plaisir des vieilles dames, c’est de dire « Ca revient à la mode ».
- Le piano est toujours en habit de cérémonie.
- Les paquebots ont la cheminée penchée comme s’ils portaient le haut-de-forme de façon canaille.
Ramon Gomez de la Serna, Greguerias, Editions Cent pages, 1992, traduit de l'espagnol par Jean-François Carcelen et Georges Tyras
09:11 Publié dans Greguerias | Lien permanent | Commentaires (9)
La mer et le ciel semblent se croiser à mi-chemin
La lumière ici est en vérité une puissante magicienne et, avec tout le respect dû à Titien, Véronèse et Tintoret, plus grande artiste qu'eux tous. Il faut voir sur place le matériau qu'elle traite : brique boueuse, marbre rosé et souillé, loques, crasse, délabrement. La mer et le ciel semblent se croiser à mi-chemin, mélanger les nuances avec une douce irisation, un composé scintillant de flots et de nuages, une centaine de reflets ponctuels et indéfinissables, et puis projeter cette texture sur tout objet visible
Henri James, Vacances romaines
08:20 Publié dans Lumière | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 15 octobre 2005
Silence
L'homme discret parle quelquefois pour ne rien dévoiler par son silence
La Rochefoucauld
23:06 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (2)