mardi, 04 octobre 2005
Je me précédais normalement
LA PROVINCE
Dans le salon en sac arabe, nous regardions passer le dimanche.
Il avait une échelle sous le bras et une truelle en bandoulière.
L 'horloge sonnait précieusement, dans une odeur de poires conservées.
Sur un fauteuil traînait un bout de fil : c'était la semaine.
Paul Colinet (1898-1957) Extrait de « Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 22.
LA ZONE DE RECUL
Je me rassasiais de misérables et je m'emboîtais le pas.
Quand la cage sortait de l'oiseau, j'arrivais à ma rencontre.
Quand la niche mangeait le chien, je confondais corps et biens.
Mais, au grand jour, je reprenais mes distances et me précédais normalement.
Paul Colinet (1898-1957) Extrait de « Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 43-44.
"Paul Colinet, probablement le moins connu et le plus discret des membres du "groupe des surréalistes bruxellois". C'était un grand ami de Scutenaire" nous dit Eric Dejaeger, qui envoie ces textes (merci à lui)
02:45 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 octobre 2005
La robe de cloches
Ses cheveux sont dorés, ses fenêtres unies croisent leurs regards.
L'image en couleurs d'un grand chien, un joli panier de rosée, un long fusil de cristal la gardent.
Sur le seuil, un buisson secoue ses médailles.
La porte est ouverte, mais le buisson hésite depuis toujours: il ne voit pas qu'il est invité.
Tout doucement, la maison se creuse, fait tinter sa robe, bruire son cœur : le buisson ébloui ne comprend pas.
C'est un jeu très compliqué.
De temps en temps, le fusil de verre parle tout seul et casse une tuile.
Paul Colinet (1898-1957)
Extrait de « Œuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 19-20.
10:21 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (1)
Trop d’importations viennent de l’étranger
09:32 Publié dans Sauce piquante | Lien permanent | Commentaires (1)
Série, je me sens rajeunir
05:55 Publié dans Edition | Lien permanent | Commentaires (15)
L'été et les frasques de la neige
L'été, après s'être épuisé en poussières blanches sur les routes et en myrtilles dans les bois, le grand été débraillé et fourbu est rentré, par le toit, dans son château d'osier dont la forme est celle d'une nasse.
Maintenant, il se néglige: des oeufs de fourmis lui bouchent le nez et jusqu'à la fente de ses yeux une barbe malade lui pousse, une barbe de feuillages pourrissants qu'on appelle l'automne.
Paul Colinet (1898-1957)
Extrait de «Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 14.
LES FRASQUES DE LA NEIGE
La neige est rouge. La neige, c'est l'été, un rouet en croupe.
La neige est joyeuse comme du verre cassé, un doigt sur la bouche, ses petits pieds nus derrière l'oreille.
La neige est verte. Elle est folle comme un losange et sage comme la pointe de ses petits yeux.
Elle joue et elle déjoue, courbe et pensive, soudaine et mate.
La neige court toute nue, avec ses genoux chatouillés d'hirondelles.
La neige rit, voyage et meurt, sur le vent qui est tendu comme une voile.
La neige est blanche.
La neige ne sait plus le temps ni le pays.
Elle a mis son bras sur ses yeux. Elle aime.
Paul Colinet (1898-1957)
Extrait de «Oeuvres », s.l., Éditions Lebeer Hossmann, 1980, 15-16.
"Paul Colinet, probablement le moins connu et le plus discret des membres du "groupe des surréalistes bruxellois". C'était un grand ami de Scutenaire" nous dit Eric Dejaeger, qui envoie ces textes (merci)
04:50 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 02 octobre 2005
Son incapacité à accepter le compromis
Nous sommes tous en apparence capables de vivre parce que nous avons eu un jour ou l’autre recours au mensonge, à l’aveuglement, à l’enthousiasme, à l’optimisme, à une conviction ou à une autre, au pessimisme ou à quoi que ce soit. Mais lui est incapable de mentir, tout comme il est incapable de s’enivrer. Il est sans le moindre refuge, sans asile. C’est pourquoi il est exposé, là où nous sommes protégés. Il est comme un homme nu au milieu de gens habillés. C’est une manière d’être qui est déterminée, qui existe en elle-même, débarrassée de tout l’accessoire, de tout ce qui pourrait l’aider à qualifier la vie – beauté ou misère, peu importe. Et son ascétisme est totalement dépourvu d’héroïsme, ce qui le rend, à vrai dire, plus grand et plus noble. Tout « héroïsme » est mensonge et lâcheté. Ce n’est pas un homme qui construit son ascétisme comme un moyen d’accéder à un but, c’est un homme qui est contraint à l’ascétisme par sa terrible lucidité, par sa pureté, par son incapacité à accepter le compromis.
Lettre de Milena à Max Brod, août 1920
17:46 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5)
Nocturne
Plongé dans la nuit. Tout comme on penche parfois la tête pour réfléchir, être ainsi profondément plongé dans la nuit. Tout autour dorment les hommes. Une petite comédie, une innocente illusion qu’ils dorment dans des maisons, dans des lits solides, sous des toits solides, étendus ou blottis sur des matelas, dans des draps, sous des couvertures ! Ils se sont en réalité rassemblés comme jadis et comme plus tard dans le désert, un camp en plein vent, un nombre incalculable d’hommes, une armée, un peuple sous un ciel froid, sur la terre froide ; des hommes que le soleil avait jetés à terre à l’endroit même où ils se trouvaient, le front pressé sur le bras, le visage contre le sol, respirant tranquillement… Et toi, tu veilles, tu es un des veilleurs, tu aperçois le plus proche à la lueur de la torche que tu brandis du feu brûlant à tes pieds… Pourquoi veilles-tu ? Il faut que l’un veille, dit-on ! Il en faut un !
Kafka
03:05 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (15)
samedi, 01 octobre 2005
Comme sur ces feuilles de papier d'étain
Elle se tenait tournée vers le levant, là où sont les grandes montagnes; il y avait, entre deux pointes, une échancrure qui faisait comme un nid; c'est là que le soleil venait de se montrer. On aurait dit qu'il battait des ailes. Une espèce de duvet rose, beaucoup de tout petits nuages roses se sont mis à monter dans les airs au-dessus de lui. Comme quand le coq se dresse sur ses ergots, ouvrant ses ailes qu'il fait briller, puis il les ramène à soi, alors toute sorte de petites plumes s'envolent, - qui étaient roses et en grand nombre, glissant mollement dans le ciel, pendant que sur les derniers champs de neige la lumière s'est allumée comme sur ces feuilles de papier d'étain que les enfants lissent du doigt.
C.F. Ramuz, La beauté sur la terre
19:06 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (16)
Les longs muscles du fleuve
Tous les matins Antonio se mettait nu. D'ordinaire, sa journée commençait par une lente traversée du gros bras noir du fleuve. Il se laissait porter par les courants ; il tâtait les noeuds de tous les remous ; il touchait avec le sensible de ces cuisses les longs muscles du fleuve et , tout en nageant, il sentait, avec son ventre, si l'eau portait, serrée à bloc, ou si elle avait tendance à pétiller. De tout ça il savait s'il devait prendre le filet à grosses mailles, la petite maille, la navette, la gaule à fléau, ou s'il devait pêcher à la main dans les ragues du gué.
Jean Giono, Le chant du monde
17:55 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5)
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15:21 Publié dans Petites Annonces | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans les autres mondes
Tout est venu de ce jour de mai : le ciel était lisse comme une pierre de lavoir ; le mistral y écrasait du bleu à pleine main ; le soleil giclait de tous les côtés ; les choses n’avaient plus d’ombre, le mystère était là, contre la peau ; ce vent de perdition arrachait les mots aux lèvres et les emportait dans les autres mondes
Jean Giono, Le serpent d'étoiles
14:25 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
Temps doux et humide
Temps doux et humide, aimerais être à Florence cette après-midi, regarder couler l'Arno et aller visiter les Offices
13:46 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)
Salon nomade
Le Salon Nomade, animé par Pascal Payen-Appenzeller et Claude Polak, est un salon littéraire itinérant qui se tient chez l’un des membres du Club des Fondateurs ou dans un lieu privilégié. Le troisième mardi de chaque mois entre 14h 45 h et 17h45. 40 à 50 auditeurs se réunissent et, au cours d’un dialogue toujours passionné et passionnant, découvrent un écrivain. La séance se termine par une collation amicale et, pour ceux qui le souhaitent, les œuvres les plus significatives de l'auteur sont mises à disposition par un libraire et dédicacées. Pascal Payen Appenzeller est historien et conférencier, Claude Polak médecin et journaliste.
Mardi 15 novembre à 14 h 45 : rencontre avec Alain Rey
Au Théâtre Dejazet, 41 Bd du Temple Paris XI (Métro République)
Créé en 1851, c'est le dernier théâtre du "boulevard du Crime".
Cette salle évoque Les Enfants du Paradis, de Marcel Carné, les scènes d'intérieur y ont d'ailleurs été tournées. Et le plafond de 120 m2, qui retrace cette histoire, a été peint par Daumier.
Alain Rey, lexicographe et professeur de linguistique, est l'âme des "Robert" depuis près de cinquante ans. Il incarne l'histoire des mots, de notre langue et de ses dictionnaires. Cet homme affable, à longue chevelure blanche, dont on entend chaque matin la voix à la radio sur France Inter (à 8 h 55) dans"Le dernier mot", présente également sur France 2 "Démo des Mots". Mémoire et culture prodigieuses, il est à lui seul plusieurs dictionnaires. Après des études de Sciences politiques et de Lettres, Alain Rey est en 1951 le premier collaborateur de Paul Robert, fondateur des célèbres dictionnaires et devient bientôt rédacteur en chef des publications des éditions "Le Robert". Le "Petit Robert" est vendu à 300.000 exemplaires chaque année. En octobre 2005, Alain Rey publie son "Dictionnaire culturel de la langue française".
Mardi 29 novembre à 14 h 45 : rencontre avec Noëlle Chatelet À l’Hôtel de Béhague (Ambassade de Roumanie) 5,rue de l'Exposition 75005 (angle rue Saint Dominique-avenue Bosquet, Métro Ecole Militaire) Restauré par Gabriel Hippolyte Destailleur en 1862, dans le style Louis XV, l’Hôtel de Béhague c'est "l'un des plus beaux palais" de Paris, selon l'écrivain Henri de Régnier. D'abord comédienne, Noëlle Châtelet est maître de conférence à Paris V et écrivaine. Elle a épousé le grand philosophe François Chatelet, décédé en 1985. Dans ces nombreux romans, Noëlle Châtelet élabore depuis près de trente ans une réflexion originale sur les questions du corps, du vieillissement, de l'identité et de la liberté. Liberté du corps (Corps sur mesure), d'être sage (La dame en bleu), d'aimer à 70 et 80 ans (La Femme coquelicot), ou à six ans (La petite aux tournesols). Avec "La tête en bas", elle va un peu plus loin, puisque son héros est double : hermaphrodite. Enfin dans "La dernière leçon" (2004), grand succès de librairies, elle évoque la liberté de choisir sa mort.
Inscription indispensable (de préférence entre 10 heures et midi) auprès de :
-Madame Claudine ROBINEAU - 01 45 53 32 70 - 4, villa de Longchamp, 75116 PARIS
-Madame Pierrette VACCANI –01 46 65 69 31- 8, rue de Berry, 94230 CACHAN
Participation à la séance : 18 € (30 € pour les couples).
13:25 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (0)
C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il
Il [Bergotte] mourut dans les circonstances suivantes : Une crise d'urémie assez légère était cause qu'on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Ver Meer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu'il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu'il ne se rappelait pas) était si bien peint qu'il était, si on le regardait seul, comme une précieuse oeuvre d'art chinoise,d'une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l'exposition. Dès les premières marches qu'il eut à gravir, il fut pris d'étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l'impression de la sécheresse et de l'inutilité d'un art si factice, et qui ne valait pas les courants d'air et de soleil d'un palazzo de Venise ou d'une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant le Ver Meer, qu'il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu'il connaissait, mais où, grâce à l'article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu'il veut saisir, au précieux petit pan de mur. " C'est ainsi que j'aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune".
Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l'un des plateaux, sa propre vie, tandis que l'autre contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu'il avait imprudemment donné la première pour le second. "Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition. "
Il se répétait : "Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune." Cependant il s'abattit sur un canapé circulaire ; aussi brusquement il cessa de penser que sa vie était en jeu et, revenant à l'optimisme, se dit " C'est une simple indigestion que m'ont donnée ces pommes de terre pas assez cuites, ce n'est rien. " Un nouveau coup l'abattit, il roula du canapé par terre, où accoururent tous les visiteurs et gardiens. Il était mort.
La Prisonnière, Marcel Proust
12:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
Ca saute, ça danse !
Voilà le sommet des arbres qui disparaît, les collines qui s'abaissent ; je vois les villes comme des taches d'encre éclaboussées, les routes telles que des pattes d'insectes qui se prolongent et s'amincissent. La mer ne remue plus, elle est toute plate, on la dirait solide comme la terre, et c'est la terre au contraire qui se balance en oscillant. Je vois les pics des montagnes couverts de neige, qui se tassent les uns près des autres comme des moutons qui se rassemblent en troupeau. Ca saute ! ça danse ! L'air pèse sur ma poitrine, j'étouffe ! Le vent par grandes bouffées me donne des coups dans la figure.
La Tentation de Saint Antoine (version de 1849) Gustave Flaubert
11:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 30 septembre 2005
Ciel brouillé
On dirait ton regard d'une vapeur couvert ;
Ton oeil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?)
Alternativement tendre, rêveur, cruel,
Réfléchit l'indolence et la pâleur du ciel.
Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés,
Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcelés,
Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord,
Les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.
Tu ressembles parfois à ces beaux horizons
Qu'allument les soleils des brumeuses saisons...
Comme tu resplendis, paysage mouillé
Qu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouillé !
Ô femme dangereuse, ô séduisants climats !
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,
Et saurai-je tirer de l'implacable hiver
Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ?
Baudelaire
Rembrandt, paysage avec un moulin
23:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0)
Miroirs...
"La France est fascinée par ce spectacle et on la comprend. On doute qu’il lui ai jamais été mis sous les yeux un miroir aussi clair de ce qu’elle est devenue. Elle peut voir là en vraie grandeur et en temps réel ce que sont ses enfants les jeunes gens d’aujourd’hui, quel est le résultat de son système d’éducation, et plus généralement de son système social de transmission des connaissances et des valeurs et ce que c’est que d’être vivant et d’habiter la terre maintenant parmi nous aujourd’hui pour des garcons et des filles à l’orée de l’âge adulte. Elle peut entendre ce qu’est sa langue, elle peut appréhender ce qu’est le sens des mots au sein d’un groupe considéré comme représentatif d’une tranche d’age et mesurer le degré de richesse, de complexité et d’éfficacité des instruments syntaxiques des sujets sous observation. Par voie de conséquence elle a tout loisir d’apprécier le type de rapports humains qui fleurissent grâce à ces instruments là, les idéaux qu’ils autorisent ou qu’ils suscitent, la weltanschauung d’une génération. Ce qui lui créve les yeux c’est le néant, non pas certes le grand néant métaphysique dont sont sortis les œuvres intrépides, d’immenses courants de pensée, des religions entières et quelques dizaines de civilisations plus ou moins raisonnables non un tout petit néant de rien du tout , un néant sans ombres et sans échos, sans rien qui puissent suggérer la plus élémentaire abîme. Trente ou quarante siècles de culture de l’âme ou du regard n’ont pas laissé la moindre trâce. Les parthénons ont été batis en vain, les comédies humaines et divines sont lettres mortes. Si des hymnes à la joie ont jamais retenti aucun écho n’en ait jamais parvenu jusqu’au loft. Qu’il y ait eu des peintures qu’il y en ait peut-être encore, que des paysages aient émus des voyageurs, qu’une sorte de lyrisme ait pu sourdre des mots, qu’on ait jamais pu s’exhalter pour une cause, pour une patrie, pour une idée fausse, un pan de mur jaune, le chagrin d’un peuple ou d’un roi, une fleur sur le tapis rien de tout cela n’émet plus la moindre perceptible vibration entre les lofteurs. Le sens s’arrête au bout des gestes de manger, de saisir, de désirer, de jouer, aucun tremblement sématique dans l’air et moins encore dans le temps. Sauf à quitter une bonne fois la condition humaine et le statut d’être conscient il ne semble pas qu’on puisse aller moins loin, convoquer moins de mots, ni tracer un cercle signifiant plus étroit. "
Renaud Camus
Magritte (les amants)
(Merci à Alina Reyes qui m'a permis de reproduire ce texte envoyé en commentaire sur son blog par et Guillaume)
18:00 Publié dans Télévision | Lien permanent | Commentaires (8)
L'étoile a pleuré rose
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins ;
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.
Rimbaud
Frida Kahlo, autoportrait, 1926
15:30 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
Ô Beauté ? ton regard infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l'air d'un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
Ô Beauté, monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?
De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds.
Charles Baudelaire (extrait des Fleurs du Mal)
14:35 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Think tank
12:19 Publié dans Sauce piquante | Lien permanent | Commentaires (2)