dimanche, 04 septembre 2005
Petit panorama subjectif de la littérature française récente
Profitant de l’arrivée de Houellebecq, j’ai eu envie de regarder dans le rétroviseur, et voir ce qui s’était passé dans le « désert » de la littérature française de ces vingt ou trente dernières années. J’ai signalé dans un précédent commentaire que plusieurs écrivains avaient nourri quelque espoir puis n’avaient pas confirmé. Tel fut le cas pour moi de Philippe Djian, dont dans les années 80 j’avais aimé « 37 ° 2 le matin » et « Bleu comme l’enfer » puis qui s’est peu à peu enlisé jusqu’à vouloir complètement changer de style (passage chez Gallimard !) et devenir passablement illisible. Dans un tout autre genre Christian Bobin, un peu plus tard, avait apporté un sang neuf (une écriture, un univers), mais au fur et à mesure, ces livres se ressemblaient trop il me semble, et je me suis lassé. J’avais eu la même impression quelques années avant, avec Michel Tournier, après quelques livres forts comme « Le roi des Aulnes » ou « Les météores ». J’ai une préférence par contre pour les derniers livres de Marguerite Duras, et leur style très épuré. De même que ceux de Beckett, écrits en français (mais est-ce un écrivain français ?). De même Claude Simon, encore que j’aime moins sa toute dernière production. Julien Gracq aussi n’a pas retrouvé il me semble dans ses derniers livres la force et le souffle du « Château d’Argol » et du « Rivage des Syrtes ». Je n’ai jamais été totalement convaincu par Modiano, Le Clézio, malgré de belles choses bien sûr. Pascal Quignard a écrit de beaux livres. Plus intéressants aussi me semblent Michon et Bergougnioux, surtout le premier. Dans le même mouvement, Autin-Grenier et Jouanard ont apporté un univers et une écriture. J’aimais beaucoup Queneau, mais j’avoue ne pas avoir une grande passion pour l’OULIPO, même Perec ne m’a jamais totalement emballé, et ceux qui l’ont suivi encore moins. Côté polar, c’est mieux, avec Manchette qui a créé un nouveau souffle, et amplement renouvelé le genre dans les années 80 ; depuis le polar français est parti de nouveau un peu dans toutes les directions. La série des « Poulpes » crées par Jean-Bernard Pouy ne manquait pas d’intérêt et Franck Pavloff a frappé un grand coup avec « Matin brun ». Nicolas Bouvier, par la qualité de son écriture, a largement transcendé le genre « littérature de voyage », il est pour moi un des écrivains les plus forts de cette période. Pour finir ce bref panorama, celui qui m’a le plus marqué (et Houellebecq le cite aussi en référence) reste Philippe Sollers, le seul dont j’ai lu pratiquement toute la production (elle est très importante, notamment les livres d’interviews, certains d’entre eux devenant à la longue un peu répétitifs). Dans les romans « Femmes » me semble de loin le plus fort (étonnantes pages où il raconte les dernières années et la mort de Roland Barthes), et j’aime beaucoup aussi « Le secret » où il livre justement la plupart des ses secrets. « La guerre du goût » et « L’éloge de l’infini » (recueils d’articles) sont des mines inépuisables, qui permettent surtout de découvrir ou redécouvrir les « Classiques » mais aussi d'interroger la Chine à laquelle Sollers se réfère en permanence, et toujours avec bonheur. Le personnage s’est toujours ingénié à paraître détestable, et le plus amusant (car c’est un jeu et il s’en explique lui-même dans ses livres) est que beaucoup de gens sont tombés dans le panneau. Restent les livres et là où il a été le meilleur justement et annoncé Houellebecq est qu’il n’a cessé d’interroger l’histoire contemporaine, ses mouvements de fond, - la religion, le sexe et la poésie étant ses questionnements permanents – ce que n’ont pas vraiment fait, même si le propos est sans doute à nuancer et ça reste leur défaut principal, la plupart des auteurs français de la période. D’où le coup de balai (salutaire) houllebecquien. Bonnes lectures et pardon pour ceux que j’ai oubliés !
05:45 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (43)
samedi, 03 septembre 2005
Le numéro 31 de Microbe vient de paraître
Au sommaire, des textes courts d’Éric Allard, Pierre Autin-Grenier (un extrait des « Radis bleus »), Marc Bonetto, Daniel Charneux, Alexandre de Wind, Pascal Feyaerts et Joaquim Hock. Des aphorismes de Jacques Carrier et Jean L’Anselme (extraits de « Ça casse pas trois pattes à un canard »). Des poèmes de Laurence Emily, Frédérick Houdaer, David Sabini, Bruno Toméra, Alice Van Windekens et Lila Widmer. Illustrations : Perlette Adler.
Renseignements : rvmicrobe@yahoo.fr
19:54 Publié dans Revues | Lien permanent | Commentaires (0)
Le Titien
«Ce peintre vit la nature mieux qu'aucun autre et il la peignit plus ressemblante. Il avait un esprit solide, tranquille, plein de sagacité, porté à chercher la vérité plutôt que le neuf et le spécieux. C'est par ces qualités qu'il est arrivé à être regardé généralement comme un des quatre plus grands peintres de l'Italie.»
Stendhal
11:05 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (20)
vendredi, 02 septembre 2005
Pourquoi Houellebecq est si important
Il suffit d'un écrivain parfois, d'un seul, pour rendre caduque, "ringarde", presque toute la production d'une époque, laquelle prend soudain un coup de vieux considérable. Pourquoi ? Parce que Houellebecq considère que le sexe est une question centrale, et qu'il la traite comme telle, et surtout qu'il montre à quel point elle est instrumentalisée par la société d'aujourd'hui, et de plus en plus : il raconte même dans "La possibilité d'une île" jusqu'où nous mènera cette instrumentalisation. Ce qui nous amène au deuxième point, Houellebecq est attentif comme personne à l'évolution de la société qu'il scrute comme un entomologiste, et notamment ses découvertes scientifiques (encore un aspect oublié par la plupart des romanciers), en particulier tout ce qui touche au vivant et à la reproduction mécanique des corps (les clones). Ce qui est remarquable chez lui est justement sa faculté d'observation, il a ce sens du détachement - une certaine froideur qu'on retrouve dans son écriture, et qui lui est souvent reprochée, encore qu'avec son dernier roman le style soit plus fluide et plus ondoyant - et une façon très particulière de mettre de côté à la fois les affects et les déterminants sociaux (et toujours dans une perspective historique) pour décrire le réel, qui donne tant d'acuité et de finesse à son regard, voilà ce qui dérange...
14:02 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (42)
«Et maintenant, la politique»
«Et maintenant, la politique». Tiens donc, tout le reste n'était donc pas de la politique ? Bien sûr que non. Toutes ces images d'escaliers délabrés, de carlingues rouillées, de pays inondés, ce n'est pas de la politique. Ni de l'économie. Les incendies de taudis ? De tragiques faits divers. L'augmentation du prix de l'essence ? Une fatalité météorologique. D'ailleurs, n'est-elle pas liée au cyclone Katrina, lui-même fatalité ? Et à propos, regardez donc ces belles images de La Nouvelle-Orléans évacuée..."
10:28 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2)
Le lever du soleil
Le lever du soleil
au couvent du mont Po-chan
"La lumière pure d'une belle matinée pénètre déjà dans le vieux couvent ;
Déjà la cime éclairée des grands arbres annonce le retour du soleil.
C'est par de mystérieux sentiers qu'on arrive à ce lieu solitaire,
Où s'abrite la cellule du bonze, au milieu de la verdure et des fleurs.
Dès que la montagne s'illumine, les oiseaux, tout à la nature, se réveillent joyeux ;
L'œil contemple des eaux limpides et profondes, comme les pensées de l'homme dont le cœur s'est épuré.
Les dix mille bruits du monde ne troublent jamais cette calme retraite ;
La voix harmonieuse des pierres sonores est la seule qui s'élève ici."
Chang Jian
06:58 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 01 septembre 2005
Nous faire réfléchir à ce que nous vivons
"Il suffit de se plonger dans la lecture de La possibilité d'une île pour oublier complètement, après un quart d'heure de lecture, le tapage et le clabaudage qui ont précédé la parution de ce livre. Tel est, en effet, le miracle de la vraie littérature que de nous transporter dans un monde parallèle à la fois imaginaire et tout aussi réel pourtant, plus signifiant en tout cas que la réalité brute. C'est d'ailleurs le propos même de La possibilité d'une île que de nous faire réfléchir à ce que nous vivons, en nous en donnant une image aux traits décalés, forcés, parfois même dérangeants ou insupportables par leurs grimaces. Or, le protagoniste contemporain de ce roman est justement un grimacier: un bouffon, un de ces humoristes médiatiques auxquels il est aujourd'hui permis, par exorcisme, de dire tout haut ce que pensent ou ressentent tout bas les «braves gens», dans les limites récemment rappelées par l'affaire Dieudonné."
09:29 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (5)
Rentrée ou sortie ?
En ouvrant, mardi 30 août, leur boîte aux lettres électronique, plus d'une centaine de milliers de dirigeants de petites entreprises ont pu lire un message commercial dont voici quelques extraits : "Madame, Monsieur, profitez du nouveau dispositif "contrat nouvelles embauches" (CNE). Embaucher sans risque ? C'est possible depuis le 4 août ! Profitez-en ! Des procédures d'embauche et de rupture simplifiées et sans contrainte ! La rupture du contrat par simple lettre recommandée ; Une période de préavis limitée à 2 semaines au cours des 6 premiers mois ; Une indemnité de rupture de contrat bien plus légère pour l'employeur. Votre recrutement à partir de 4 000 euros seulement !"
06:39 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 31 août 2005
Il n'y a pas que Houellebecq...
A tricher sur son âge... Scoop à découvrir sur le blog de Jean-Jacques Nuel... L'autre monument des Lettres françaises, Pierre Autin-Grenier aussi... Depuis les rumeurs les plus folles courent... Certains observateurs audacieux auraient même cru reconnaître l'écrivain dans la célèbre Bacchanale du Titien (visible ici en date du 30 août), dans le personnage allongé sur la partie droite de la toile, manifestement dans un état d'ébriété avancé, ce qui ne laisse pas de nous surprendre quand on connaît la sobriété légendaire de notre ami...
11:51 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (5)
Le bonheur
" Jusqu’à présent, l’on a décrit le malheur, pour inspirer la terreur, la pitié. Je décrirai le bonheur pour inspirer leurs contraires ".
Lautréamont, Poésies.
09:50 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
La tempête
"Laissez passer les touristes, restez simplement là, devant ce tableau, oubliez tout. Il a lieu maintenant, pour vous, pour vous seul. Il vous parle du temps par-dessus le temps, comme Venise le fait constamment. C’est sa vocation, sa grandeur, son calme. |
Ce tableau est une étoile, un aimant. Je le vois d’ici, à Paris, par-delà le bruit et la fureur de l’histoire. Il fait le vide, il est évident. Il est d’un temps nouveau: le plus-que-présent permanent. J’aimerais le voler, le garder pour moi, dormir près de lui, être le seul à le voir matin et soir. Je voudrais survivre en lui, me dissoudre en lui, haute magie, alchimie. Je devine le passage secret qui l’a rendu possible"
Philippe Sollers
09:05 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
Les inédits de Bukowski (encore)
Au sujet de la première
lecture de l'immortelle
littérature mondiale
les écoliers
referment violemmentleurs lourds
livres
et s'encourentheureux comme jamais
vers la
cour de récré
ou
encore plus
alarmant -
s'en retournent vers
leurs
horribles
foyers.
il n'est rien d'aussi
ennuyant
que
l'immortalité.
Traduction : Éric Dejaeger
UPON FIRST READING THE
IMMORTAL LITERATURE
OF THE WORLD
the school children
bang closed
their heavy
books
and run
ever so gladly
to the
yard
or
even more
alarming-
back to
their
horrible
homes.
there is nothing so
boring
as
immortality.
Charles Bukowski
War All the Time (Poems 1981-1984), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1996, 129.
00:00 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 30 août 2005
Exercice de développement personnel
L'un des exercices de développement personnel les plus efficaces consiste à prêter attention aux gestes que nous faisons machinalement - par exemple, respirer, cligner des yeux, remarquer les objets qui nous entourent. Ce faisant, nous permettons à notre cerveau de travailler plus librement, sans l'interférence de nos désirs. Certains problèmes qui paraissent insolubles finissent par se résoudre, certaines difficultés que nous pensions insurmontables finissent par se dissiper sans effort. Lorsque vous devez affronter une situation délicate, efforcez-vous de recourir à cette technique. Elle exige un peu de discipline, mais les résultats peuvents se révéler surprenants.
19:38 Publié dans Développement personnel | Lien permanent | Commentaires (0)
Quarante
"La vie commence à cinquante ans, c'est vrai ; à ceci près qu'elle se termine à quarante."
Michel Houellebecq, la possibilité d'une île
17:24 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (22)
Les inédits de Bukowski (suite)
il y a des choses pires que
d'être seul
mais ça prend souvent des décades
pour s'en rendre compte
et le plus souvent
quand vous y arrivez
il est trop tard
et il n'y a rien de pire
que
trop tard.Traduction : Éric Dejaeger
OH, YES
there are worse things than
being alone
but it often takes decades
to realize this
and most often
when you do
it's too late
and there's nothing worse
than
too late.
Charles Bukowski
War All the Time (Poems 1981-1984), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1996, 100.
13:03 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Un inédit de Charles Bukowski
quand les femmes cesseront de
transporter des miroirs avec
elles partout où elles vont
peut-être qu'alors
elles pourront me parler
de
libération.
Traduction : Éric Dejaeger
A BEGINNING
when women stop carrying
mirrors with them
everyplace they go
maybe then
they can talk to me
about
liberation.
Charles Bukowski
War All the Time (Poems 1981-1984), Santa Rosa, Black Sparrow Press, 1996, 66.
12:21 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 29 août 2005
Une manière d’adopter l’affirmation
"A vrai dire, tout être est autre, tout être est soi-même. Cette vérité ne se voit pas à partir de l’autre, mais se comprend à partir de soi-même. Ainsi il est dit : l’autre sort de soi-même, mais soi-même dépend aussi de l’autre. On soutient la doctrine de la vie, mais en réalité la vie est aussi la mort, et la mort est aussi la vie. Le possible est aussi impossible, et l’impossible est aussi possible. Adopter l’affirmation, c’est adopter la négation ; adopter la négation, c’est adopter l’affirmation. Ainsi le saint n’adopte aucune opinion exclusive et s’illumine au Ciel. C’est là aussi, une manière d’adopter l’affirmation."
Tchouang-Tseu
23:55 Publié dans Taoisme | Lien permanent | Commentaires (0)
Sur l'île déserte
J'emporterais :
Le Yi King, Homère, la Bible, Tchouang-Tseu, La Fontaine, Pascal, La Bruyère, La Rochefoucauld, Voltaire, Novalis, Chateaubriand, Hugo, Stendhal, Baudelaire, Flaubert, Rimbaud, Lautréamont, Nietzsche, Proust, Kafka, Joyce, Giono, Valéry, Pessoa, Camus, Hemingway, Borges, Kerouac, Debord, Sollers.
Et s'il n'en restait que trois : Le Yi King, la Bible et Rimbaud
Et un seul : Rimbaud.
09:42 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (9)
dimanche, 28 août 2005
La nuit
Notre époque est comparable au II ou III ème siècle après JC. Cinq siècles de merveilles athéniennes puis la nuit. Cinq siècles de splendeurs italo-françaises puis brouillard et brouillage hyper-techniques...
10:57 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (18)
Quelque chose de grand
"Le monde reste toujours le même, et ce qu'il ne supporte pas, c'est d'être contemporain de quelque chose de grand"
Kierkegaard
09:41 Publié dans Philo | Lien permanent | Commentaires (5)