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vendredi, 30 septembre 2005

Dans l’oubli d’exister à une époque qui survit à la beauté

(Suite et fin du poème de Mallarmé :  Le phénomène futur)

Dans le silence inquiet de tous les yeux suppliant là-bas le soleil qui, sous l’eau, s’enfonce avec le désespoir d’un cri, voici le simple boniment : « Nulle enseigne ne vous régale du spectacle intérieur, car il n’est pas maintenant un peintre capable d’en donner une ombre triste. J’apporte, vivante (et préservée à travers les ans par la science souveraine) une Femme d’autrefois. Quelque folie, originelle et naïve, une extase d’or, je ne sais quoi ! par elle nommé sa chevelure, se ploie avec la grâce des étoffes autour d’un visage qu’éclaire la nudité sanglante de ses lèvres. A la place du vêtement vain, elle a un corps ; et les yeux, semblables aux pierres rares, ne valent pas ce regard qui sort de sa chair heureuse : des seins levés comme s’ils étaient pleins d’un lait éternel, la pointe vers le ciel, aux jambes lisses qui gardent le sel de la mer première. » Se rappelant leurs pauvres épouses, chauves, morbides et pleines d’horreur, les maris se pressent : elles aussi par curiosité, mélancoliques, veulent voir.

Quand tous auront contemplé la noble créature, vestige de quelque époque déjà maudite, les uns indifférents, car ils n’auront pas eu la force de comprendre, mais d’autres navrés et la paupière humide de larmes résignées se regarderont ; tandis que les poëtes de ces temps, sentant se rallumer lers yeux éteints, s’achemineront vers leur lampe, le cerveau ivre un instant d’une gloire confuse, hantés du Rythme et dans l’oubli d’exister à une époque qui survit à la beauté.

Commentaires

Dans une autre vie, j'avais écrit ces quelques mots, dans l'intention seulement de marquer ma cervelle:

«Ciel pâle.
Décrépitude.
Ennui des arbres.
MALADIE IMMORTELLE!
La terre périra. Le monde finira.
Mais il y a des yeux, ici, qui supplient.
On ne les range pas du côté des cigares, des légumes et des fleurs (comme dans la Belgique de Baudelaire).
Ils supplient un soleil sous l’eau.
Pas d’image!
Pas d’enseigne!
Pas de publicité!
Pas de re-présentation!

Une Femme vivante.
Chair heureuse.
Seins levés.
Lait éternel.
Le sel de la mer première, gardée aux jambes lisses! L’ardeur première! faunesque!

Diantre!
Les femmes chauves et morbides ont encore la magnifique grâce d’être mélancoliques!
Curiosité!
Je demande à voir, comme Baudelaire!
Mais Mallarmé dit: curiosité!
Elles veulent voir!

Il y a contemplation.
Par le vestige, ils voient.
Pas le vêtement, un corps.

À la mélancolie des femmes s’ajoute maintenant la gloire d’être navré!
La grâce d’une paupière humide!

Et…
L’embrasement.
Nos yeux sont éteints, oui.
Mais il y a la lampe.
Le cerveau ivre d’une gloire confuse!
(Mon cerveau, minable; mes larmes résignées; mon être navré jusqu’à l’os)
Ils sont hantés.
Ça fait retour.
Ça revient.
Les spectres glorieux!
Une Femme!
Un Poème!
Le Rythme, plutôt!

Alors, oui, on oublie un instant la décrépitude et la poussière, le feuillage blanchi, le ciel pâle, l’ennui des arbres. Le monde, ou ce qui en reste. On oublie qu’on existe dans un monde, ou ce qui en reste, qui a survécu à la beauté.»

Écrit par : Gaspar | vendredi, 30 septembre 2005

Peut-être que tout simplement la beauté est au centre du monde, et qu'on ne la voit pas le plus souvent...
Bonne journée

Écrit par : Ray | vendredi, 30 septembre 2005

C'est en effet ce que je crois et ce que j'espère!
Bonne journée à vous aussi!

Écrit par : Gaspar | vendredi, 30 septembre 2005

Les commentaires sont fermés.