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lundi, 10 octobre 2005

Tout est orangé

Mes peintures me font mal
Je suis trop passionné
Tout est orangé

Cendrars, Journal, 1913

Je n'ai pas pu oublier

Je sais nager comme les autres, seulement j'ai plus de mémoire qu'eux, je n'ai pas pu oublier l'époque où je ne savais pas nager

Kafka

13:38 Publié dans citation | Lien permanent | Commentaires (3)

«On les a dévêtus, déchaussés et envoyés mourir, sans eau»

Il y a d'abord eu les Espagnols qui les ont expulsés ­ illégalement ­ de Ceuta et Melilla, il y a un peu plus d'une semaine, en leur criant : «Puto negro, puto negro !» (putain de nègre). Les forces de sécurité marocaines les ont ensuite raflés aux abords de ces deux enclaves, mais aussi dans d'autres villes du royaume, et, transportés de nuit dans treize autobus, elles les ont abandonnés dans le désert. Sans eau ni nourriture, souvent blessés, écorchés en tentant de passer les doubles barrières métalliques hérissées de barbelés séparant le nord du Maroc des enclaves de Melilla et Ceuta.

Article à lire ici

10:23 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1)

L'errant


Il courait, il courait, le malheureux,
sous la lune et dans les cendres,
son pied glissait sur les plages
et la forêt vierge arrachait ses cheveux.


Il courait, il courait comme un fou,
gesticulant de ses longs membres noirs;
la neige pénétrait son sang,
le sable sa cervelle.


Dans chaque capitale il trouvait des amis
au fond d'un café des faubourgs,
ils l'embrassaient, lui donnaient de l'alcool,
des cigares et des femmes aux yeux bêtes.


Il caressait leurs cheveux,
il mangeait une assiettée de soupe et s'en allait,
ses grands bras ridicules
levés vers un ciel gris et jaune.

Ah! qu'il en avait des amis, des amis,
de vrais amis de par le monde,
il courait, il courait sur les routes et les plages,
parce que ce n'était jamais cela.


Il court encore, mes amis, mes amis,
ne prenez pas cet air stupide,
un oeil de trop, un nez de moins,
et chaque fois le tableau est manqué.


Il court, il court, et dans les bars des faubourgs,
on discute de son cas;
les piles d'assiettes tombent des bras des servantes, chacun rentre chez soi seul, se mordant les lèvres.


Il tourne, il tourne, mes amis,
à s'en rompre les artères.

René Daumal, Le contre-ciel - Poesie Gallimard

10:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 09 octobre 2005

Et moi je marche au ciel...

Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l'eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
    des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d'orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier

Quand les feux du désert s'éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme
    des brins d'herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles Le matin à peine levé
Il y a quelqu'un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées

Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte                                  

règle le mouvement et pousse l'horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent                                                             

Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
        Tout ce qui s'est passé au monde
Et cette fête
    Où j'ai perdu mon temps

Pierre Reverdy, chemin tournant

20:04 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

Le complot des banques, des beaufs et des charognards...

Le complot des banques, des beaufs et des charognards de l’immobilier a toujours été d’en finir avec et d’éliminer une bonne fois pour toutes ces petits cafés de quartier dans la chaleur desquels s’assemblait le populo en fin de son affolant labeur pour, les uns et les autres joyeusement trinquant à la solidarité, rosser en paroles le gendarme, pester contre les prétentions du proprio et le prix du pain, se rebiffer avec la fougue des humiliés contre toute autorité voire même, ainsi que l’ont toujours redouté les banques, les beaufs et les charognards de l’immobilier, manigancer quelque coup tordu à l’encontre de leurs intérêts et de leurs viles magouilles.

Voilà enfin de l'énergie en littérature, un bon coup de poing à la bassesse et à l'imbécillité ambiantes, que ce "Friterie-bar Brunetti"  ! Pierre Autin-Grenier, le prince du texte court, s'est fendu cette fois de 90 pages solidement trempées ! Et qu'on n'aille pas dire que c'est une ode au lapin à la gibelotte ou au Vermouth Cinzano, non c'est bien plus que ça, c'est un précis de décomposition, un pamphlet roboratif, un hymne à la révolte plutôt ! Tous ces personnages haut en couleur, ce bain d'humanité qu'il nous fait prendre, ce n'est qu'un lever de rideau, une mise en bouche, c'est ce bel aujourd'hui qu'il pointe, qu'il montre, qu'il fustige, qu'il apostrophe à longueurs de phrases ! Bel aujoud'hui ? P.A.G. nous avertit : Il est bien temps de se réveiller, il ne tient qu'à nous qu'il ne se transforme pas en horrible trou borgne des démolisseurs, équarrisseurs de toute poésie, et métamorphosés en moins de deux par les promoteurs à bagouses et cravate club en selfs, snacks, Quick et Mac, temples de la finance aseptisés où officie dans une parfaite indifférence une poignée d’automates en uniforme au service de pantins hébétés consommant sans mot dire la merde capitaliste dans une solitude peuplée d’assassins.

Friterie-bar Brunetti de Pierre Autin-Grenier, Gallimard, collection l'Arpenteur

17:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3)

Que se passe-t-il à Marseille ?

Certes Marseille n’est pas la France, c’est même la seule très grande ville qui a voté non à 60% au dernier référendum constitutionnel européen. On peut considérer Marseille comme le négatif photographique de Paris ou de Lyon. Non seulement elle a un maire de droite (élu à 15% des inscrits), alors que les deux autres ont un maire socialiste, mais elle reste une ville populaire jusque dans son centre, alors que Paris est largement une ville où seules les couches dotées de revenus confortables peuvent espérer s’installer. Enfin il faut ajouter que Marseille est la proie d’une agression généralisée...

A lire sur Bella Ciao

Mes funérailles d'insectes

                                                    

MES FUNÉRAILLES D'INSECTES

 (L'auto-stoppeur de Galilée - 9)

Quand j'étais enfant

j'avais un cimetière

où j'enterrais des insectes

et des oiseaux morts sous

un rosier.
J'enterrais les insectes

dans du papier d'argent et des boîtes d'allumettes.

J'enterrais les oiseaux

dans des morceaux de toile rouge.

Tout cela était très triste

et je pleurais

quand je pelletais la terre

dans leurs petites tombes

avec une cuiller.

Baudelaire arrivait

et se joignait

à mes funérailles d'insectes

disant de petites prières

de la taille

d'oiseaux morts.

MY INSECT FUNERAL                            

(The Galilee Hich-Hiker - part 9)                

When I was a child                                      

I had a graveyard                                         

where I buried insects                                 

and dead birds under                                    

a rose tree.                                                   
I would bury the insects                              

in tin foil and match boxes.                             

I would bury the birds                                      

in pieces of red cloth.                                      

It was all very sad                                           

and I would cry                                               

as I scooped the dirt                                        

into their small graves                                     

with a spoon.                                                   

Baudelaire would come                                  

and join in                                                       

my insect funerals,                                          

saying little prayers                                         

the size of                                                        

dead birds.   

Richard Brautigan

Extraits inédits en français de The Pill versus the Springhill Mine Disaster.

San Francisco, Four Seasons Foundation, 1968.

Traduction : Eric Dejaeger

12:46 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

Dans un bistro

DANS UN BISTRO

  J'ai regardé un homme dans un bistro plier une tranche

de pain comme s'il  pliait un certificat de naissance

ou comme s'il regardait la photo

d'une maîtresse défunte.

IN A CAFE                                                                

  I watched a man in a cafe fold a slice                          

of bread as if he were folding a birth                           

certificate or looking at the photograph                       

of a dead lover.                                                               

Richard Brautigan

Extraits inédits en français de The Pill versus the Springhill Mine Disaster.

San Francisco, Four Seasons Foundation, 1968.

Traduction : Eric Dejaeger

 

11:45 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

Un astre si l'on veut

Le mimosa

Sur fond d'azur le voici, comme un personnage de la comédie italienne, avec un rien d'histrionisme saugrenu, poudré comme Pierrot, dans son costume à pois jaunes, le mimosa.
Mais ce n'est pas un arbuste lunaire : plutôt solaire, multisolaire…
Un caractère d'une naïve gloriole, vite découragé.
Chaque grain n'est aucunement lisse, mais formé de poils soyeux, un astre si l'on veut, étoilé au maximum.
Les feuilles ont l'air de grandes plumes, très légères et cependant très accablées d'elles-mêmes ; plus attendrissantes dès lors que d'autres palmes, par là aussi très distinguées. Et pourtant, il ya quelque chose actuellement vulgaire dans l'idée du mimosa ; c'est une fleur qui vient d'être vulgarisée.
… Comme dans tamaris il y a tamis, dans mimosa il y a mima.

F. Ponge, La Rage de l'expression, 1952

Le Jardin de la Fontaine, à Nîmes

Par dessus tout, ce côté rose et doré des murs, rampes et balustrades, des pavés et des statues, - ce côté grand élan, grandes draperies fougueuses des pins s'élevant en torsades au fond jusqu'à cette rose terminale, comme une fleur de magnolia, la tour Magne; ces frondaisons, au rez – de - chaussée, ordonnées par un élève de Lenôtre, ce côté touffes ou buissons de roses ordonnées, composés avec les architectures, avec la pierre; le caractère magnifique, royal, somptueux, parfumé de ce décor, adossé par ailleurs à la garrigue, c'est -à - dire à la sécheresse parfumée, à l'aridité, à l'austérité, presque à la stérilité, mais si éblouissante, comme Rome au milieu de sa Campagne stérile.

Francis Ponge

samedi, 08 octobre 2005

La bougie

La nuit parfois ravive une plante singulière dont la lueur décompose les chambres meublées en massifs d'ombre.

Francis Ponge

18:29 Publié dans Ponge | Lien permanent | Commentaires (6)

En troisième acte

« J’ai la tête et les mains si pleines du troisième acte qu’il ne serait pas étonnant  que je me transforme moi-même en troisième acte »

Mozart

17:39 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1)

Car on entend quelquefois le silence

Il en est des baisers comme des confidences : ils s'attirent, ils s'accélèrent, ils s'échauffent les uns par les autres. En effet, le premier ne fut pas plus tôt donné qu'un second le suivit ; puis, un autre : ils se pressaient, à peine enfin laissaient-ils aux soupirs la liberté de s'échapper. Le silence survint ; on l'entendit (car on entend quelquefois le silence) : il effraya. Nous nous levâmes sans mot dire, et recommençâmes à marcher.

Extrait de "Point de lendemain", Vivant Denon, 1812

Une bougie qui parle bien

UNE BOUGIE QUI PARLE BIEN

J'avais une bougie qui parle bien

la nuit dernière dans ma chambre.

J'étais très fatigué mais je voulais

que quelqu'un soit avec moi,

alors j'ai allumé une bougie

et j'ai écouté sa douillette

voix de lumière jusqu'à ce que je m'endorme.

A GOOD-TALKING CANDLE                                      

I had a good-talking candle                                             

last night in my bedroom.                                                

I was very tired but I wanted                                           

somebody to be with me,                                                 

  so I lit a candle                                                                

and I listened to its comfortable                                       

voice of light until I was asleep.                                       

Extraits inédits en français de The Pill versus the Springhill Mine Disaster.
San Francisco, Four Seasons Foundation, 1968.
108 pages

Traduction : Eric Dejaeger

14:49 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

Candide "candidats" !

A lire sur langue sauce piquante

Me and Bobby Mc Gee

Le 4 octobre 1970 : la mort solitaire de Janis Joplin (à lire sur Bella Ciao)

 

10:25 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2)

Larghetto

Le larghetto du quintette avec clarinette de Mozart est un moment de pure émotion, jamais à ce point la sensation de calme ne s’est rassemblée dans la musique avec une telle intensité, toute la profondeur du monde s’incurve entre les notes, soleil léger,  friselis du vent

10:17 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 07 octobre 2005

Ce que nous sommes

Tout sera accompli, et poursuivi, et mêlé. « L’éternité c’est la mer allée avec le soleil ». Les aigles et les sauterelles plongeront dans l’espace, l’orage grondera puis un calme inouï règnera, une présence à soi si fine que toute méfiance aura disparu. Les mots manqueront,  on comprendra qu’ils n’étaient que des pieuvres, ils nous enchaînaient avec leurs tentacules, les mots deviendront des corps, ils deviendront ce que nous sommes.

Une lumière d'or

Il n’y a pas d’âme, ni moi, ni autre, balivernes… Il y a le tout, l’éternité est l’invisible. Le monde est joie. L’informulable est le silence, et le bruit fondamental qui emplit l’espace. A un moment on ne peut rien entendre d’autre que cette présence, si fine, innervée partout, le monde est réduit en poussière et recouvert d’une lumière d’or.