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mercredi, 09 février 2005

Rouge roman : un tableau de Frédérique Azaïs

L’univers était d’abord incandescent. Puis la matière s’est concentrée un instant. Une fraction de seconde l’univers s’est rassemblé en un point qui en contenait toute l’énergie. Et là a eu lieu l’explosion, laquelle n’est pas terminée. Nous sommes aujourd’hui encore en train de dériver, de nous éloigner du centre, pulvérisés hors de nous-mêmes, échappée belle ou tragique, c’est selon… Mais sans doute n’y a-t-il pas de direction, l’univers tourne et retournera jusqu’à la fin des temps – battements de cœur d’un organisme plus grand ? - et peut-être le temps comme l’espace sont infinis, c’est le plus difficile à imaginer pour nous pauvres mortels, et qui sait ne sommes-nous même pas mortels, le peu qui nous est donné pour vivre ne nous permet pas d’appréhender ce sans limites, trop habitués à circonscrire le monde, le découper, l’ordonner, l’oublier en définitive, vivre à côté… Comme si on pouvait enfermer la beauté alors qu’elle est la plus grande dispersion, qu’elle est jaillissement, effraction, explosion, bouleversement... Etre bouleversé, au comble de l’émotion… Le roman comme la peinture c’est cela, aller au plus profond, plus loin, dans le désordre du monde, dans toutes les directions en même temps, explorer, détourner, puiser, vibrer, détruire, plonger dans l’univers des possibles, dans la vie même et trouver un chemin, tortueux, étroit même, mais peu à peu limpide, évident, immuable…

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mardi, 08 février 2005

Fleurs

Tel qu'un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses.

Arthur Rimbaud

Un clin d'oeil à Pierre Autin-Grenier

Par le poète chinois Lieou Ling (221-300) :

Pour le maître parfait
Ciel et Terre ne durent qu’un matin
Les dix mille temps, un seul instant.
Soleil et Lune sont ses fenêtres,
Les huit déserts forment sa cour.
Ses pas ne laissent nulle trace,
Nulle part il ne demeure.
Plafond du ciel, tapis de la terre,
Il suit son bon plaisir.
Son repos : saisir la coupe.
Son mouvement : vider la cruche.
Le vin est son seul travail ;
Il ne sait rien d’autre.

lundi, 07 février 2005

Pensées et sentiments

Nos pensées sont les ombres de nos sentiments, elles sont toujours plus obscures, plus vides, plus simples que ceux-ci.

Nietzsche

Turquoise

Bleu pâle, turquoise. Reflets, eau luisante. Le jour descend, la mer se retire. Ondes renouvelées de plaisir. L’humidité - fines gouttelettes - se mêle à l’eau qui dort. Ton corps est là, dans la ligne d’horizon. Immobile. Bleu. Turquoise.

La lumière de Cézanne

Voir c’est capter l’esprit du monde, le sensible, peindre, saisir du regard l’ensemble, le devenir. Ce sera la lumière chez Cézanne, l’amour ingénu chez Chagall, la sensualité, sa finesse chez Titien, la compassion chez Greco, l’harmonie chez Poussin. Regard qui perce l’univers, trouve le lien, le point nodal. La force centrale, agissante. Rembrandt l’ombre, Caravage la rage, Fragonard la volupté... Cézanne la plénitude. Il échafaude, construit, lentement, pièce après pièce, le puzzle de la lumière. Posée comme équation fondamentale, elle vibre, éclatante, jubilatoire, sur la toile. Aucun peintre ne s’en est approché autant, peut-être.

dimanche, 06 février 2005

Brillants soleils

Le succès de Da Vinci code nous ramène à la ritournelle du complot. Il ne s’agit là au demeurant que d’une version habile et forcément édulcorée. Sagesse populaire qui pressent l’hypocrisie, la fausseté fondamentale du monde ? Le vrai détournement est ailleurs bien sûr, pas dans le fait que Marie-Madeleine était la femme de Jésus (n’importe quoi !) ni même que la religion chrétienne ait perverti la féminité du monde (tiens, tiens nous y voilà justement !). Le vrai complot est à plus grande échelle, généralisé, constant… C’est un détournement du temps, de l’instant, de la pensée, de la sensation, des corps... Le monde d’aujourd’hui n’est que l’extension généralisée et rationalisée de ce détournement qui traverse l’histoire, entrecoupé ça et là de quelques brillants soleils…

Tiepolo

Dans un plafond de Tiepolo, le ciel se poursuit dans la peinture et la peinture dans le ciel. Anges bondissant, bleu, or, vert, pourpre, turquoise, superposés, enlacés. Le rose, l’or et le vert se mêlent, ronde magique. Les drapés se fondent dans les nuages, corps aimés, gestes amples, souples, sourires, mains tendues. Eros n’est ni dans le ciel, ni sur cette terre, il est dans cet entre-deux et nous y sommes, tout d’un coup, un coup de baguette magique, celle du peintre. L’amour est un désir de littérature…

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samedi, 05 février 2005

L'année radieuse

Que serait une musique qui ne nous emporterait pas au-delà de toutes les musiques ? Le Larghetto du Quintette avec clarinette en la nous plonge immédiatement dans l’envers du monde, du bruit et de la fureur. Directement en prise avec le bonheur d’exister. 1789 est l’année radieuse de Mozart, celle aussi de Cosi fan tutte. Deux ans avant de mourir. Il y aura encore La flûte enchantée.

Le cardinal Mazarin mourant...

On raconte que le cardinal Mazarin mourant, le flambeau à la main, en larmes, se fit porter en chaise à porteur parmi ces cinq cent quarante-six peintures suspendues sur les murs de son palais de la rue de Richelieu.

Pascal Quignard

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vendredi, 04 février 2005

Un retournement

Temps étonnants… Tout le monde semble emmitouflé… Attaqué de toutes parts (droits sociaux, intégrité du corps, contrôle social…) chacun se protège, se replie… Et ça ne fonctionne pas, chacun s’en rend plus ou moins compte, comme si il y avait là une pente, un mouvement irréversible qui entraîne tout le monde, sans possibilité de retournement…
L’art est un retournement permanent… Et si toutes les époques sont pareilles, le retournement aura bien lieu… Sans doute même est-il déjà commencé, mais on peut à peine le voir…

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jeudi, 03 février 2005

Se voir en peinture...

Notre temps est devenu fou. Ordre, contrôle, rentabilité. Alors que bonheur et plaisirs sont faits de rien. De riens. Ce rien on vous le laisse comme disait Léo Ferré. Eh bien prenons-le ! Prenons la parole, s’il ne reste que ça ! Même si ça ne sert à rien, ou justement à cause de cela ! Reste à jouer ! D’ailleurs la parole des grands écrivains est faite de silence. Quand on lit un grand texte, aussitôt le silence se fait, un silence de neige, tout autour. Comme si le monde s’arrêtait de tourner, si tout le bruit inutile apparaissait d’un coup comme ce qu’il est vraiment, c’est à dire vide, creux et inutile.
Il y a ces grands textes et puis la peinture. Certains tableaux happent le monde, l’insèrent, l’intègrent à eux, subrepticement...
Les regardant, vous êtes happés, intégrés à eux. Attention la chose peut même se faire à votre insu. Regardez mieux un tableau de Watteau, Delacroix, Poussin, Véronèse ou Fragonard…
Observez attentivement, peut-être vous y découvrirez-vous, dans un coin, tenant une guitare, ou dialoguant avec l’ange…

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