Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 26 mars 2005

Nous serions tous des artistes...

"Je me rappelle avoir lu quelque part que si nous pouvions voir la réalité telle qu’elle est, nous serions tous des artistes, et nous verrions des tableaux, des sculptures que la vie façonne dans la nature, sans voile"

Jean-Jacques Marimbert, extrait de Raphaëlle, roman.

Un grand théâtre d'ombres...

« ce français qu'on dit parfois inaccentué, sec, raisonneur et gourmé, est une langue très invective, très secrète et très arborescente, faite pour pousser. Très native, très germinative. La plus belle langue du monde, parce que c'est à la fois du grec de cirque, du patois d'église, du latin arabesque, de l'anglais larvé, de l'argot de cour, du saxon éboulé, du picard d'oc, du doux-allemand et de l'italien raccourci. Un grand théâtre d'ombres, de transformismes, de variétés rythmées... »

Valère Novarina

mercredi, 23 mars 2005

L'été, le silence, l'approche de l'aube...

"Pourquoi dans toutes nos langues occidentales dit-on « tomber amoureux » ? Monter serait plus juste. L’amour est ascensionnel comme la prière. Ascensionnel et éperdu. (…) Je la revoyais une nuit à mes côtés, sur la jetée du port de ma ville natale. L’été, le silence, l’approche de l’aube. (…) Je la trouvais superbe. Nous marchions du même pas, sans aucun bruit. Je reconnaîtrais sans peine l’endroit où j’ai senti comme une aveuglante déchirure dans le noir, où j’ai eu les poumons dévorés de bonheur. La vie d’un coup acérée, musicale, intelligible. Surtout ne rien dire. "
Nicolas Bouvier

Une île

"Une île est comme un doigt posé sur une bouche invisible et l'on sait depuis Ulysse que le temps n'y passe pas comme ailleurs"
Nicolas Bouvier

Ciel

Ciel de pagodes,
Lumière effilochée,
Vide parfait.

Tôt

Fleurs ouvertes, épanouies,
Tôt levé,
Journée parmi les nuages.

Matin

Matin gris et bleu,
Ombre portée des nuages,
Ciel de neige.

mardi, 22 mars 2005

Une ombre sur tes yeux


Ton sourire
Le délié de ton corps
Une ombre sur tes yeux

dimanche, 20 mars 2005

Un retournement

"le baroque est un retournement permanent"
P Sollers dans "Mystérieux Mozart"

L'art baroque

"Il est impossible d’oublier que la découverte de l’Extrême-Orient et le développement de l’art baroque au 17 è et 18 è siècle ont été synchroniques et que c’est de la première que le second a probablement reçu l’accentuation définitive"
Paul Claudel

samedi, 19 mars 2005

La lecture

Etre ivre de silence, de mots… Les mots sont pareils au silence, les mots quand ils sont justes et beaux renvoient au silence, tout d’un coup le calme dégage de la page, s’insinue tout autour, on rentre en soi, et miracle le monde est là, pas comme on l’avait abusivement cru dans le continuel tapage ambiant, non c’est autre chose, une certaine épaisseur de vérité, une épaisseur curieusement légère, extraordinairement dense, vivace, vivante, épanouie, durable pour peu qu’on lui prête vie, là, maintenant, une présence à soi, aux autres et au monde.

vendredi, 18 mars 2005

La lettre du voyant

"La poésie ne rythmera plus l'action; elle sera en avant. Ces poètes seront ! Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme - jusqu'ici abominable, - lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? - Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons."

Rimbaud

La profonde éternité...

"La douleur dit : Passe !
Mais toute joie veut l'éternité -,
Veut la profonde, profonde éternité !"

Nietzsche

Etincelle d'or...

"J'écartais du ciel l'azur, qui est du noir, et je vécus, étincelle d'or, de la lumière nature"

Rimbaud

mercredi, 16 mars 2005

Les radis bleus

Après "Toute une vie bien ratée" et "Je ne suis pas un héros", notre futur académicien publie un nouveau Folio ces jours-ci :
Les radis bleus
Lundi 15 août
Assomption

Est-il parfaitement utile d’occuper ses journées à la conquête du monde, alors qu’à nos pieds jouent de jeunes enfants à écorcher de leurs rires libres les morales et les lois du jour ? Le législateur comme le philosophe ne voudront admettre jamais qu’ils sont l’un et l’autre ce cheval vide, lancé au galop vers rien du tout et dont demain dévore déjà le ventre.

Oh ! le dérisoire de toute ambition quand le regard faussement candide d’un garnement suffit pour qu’aussitôt toutes vos certitudes frôlent la catastrophe ! Orgueil, agonie méconnue, qui fait qu’on croit pouvoir solidement raisonner dans la pérennité des choses, alors que la chute d’une feuille, l’ébréchure d’une porcelaine ...

En cela le privilège du poète est immense de pouvoir, d’un mot qui à peine murmuré déjà ne lui appartient plus, longtemps après saisons et ébréchures, un instant encore faire trembler imperceptiblement une âme.

P.A.G


extrait de « Les Radis bleus », folio n° 4163 / 336 pages - 6,20 €.

Noces à Tipasa

Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. A certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent autour des cils. L’odeur volumineuse des plantes aromatiques racle la gorge et suffoque dans la chaleur énorme.A peine, au fond du paysage, puis-je voir la masse noire du Chenoua qui prend racine dans les collines autour du village, et s’ébranle d’un rythme sûr et pesant pour aller s’accroupir dans la mer.

Albert Camus

mardi, 15 mars 2005

Un aller retour perpétuel

Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne me sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent, apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. (…) L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher

Albert Camus, discours de Suède, 10 décembre 1957

Brûler tous les livres

L’homme qui ordonna la construction, aux frontières de la Chine, d’une muraille presque infinie, fut ce même empereur, Chi Hoang-ti, qui fit également brûler tous les livres antérieurs à lui

Borges

Le livre des transformations

Confucius déclara à ses disciples que si le destin lui avait accordé cent années supplémentaires de vie, il en aurait occupé la moitié à l’étude du Yi-king, et l’autre moitié à celle de ses commentaires

Borges

Je me suis soudain senti américain

Ce matin au réveil, longtemps avant l'aube, les choses allaient bien ; chaque chose avait pris tout de suite sa juste place dans ma tête – celles qui devaient être à l'ombre, à l'ombre ; celles qui demandaient du soleil étaient déjà au soleil – tout semblait vouloir bien se présenter pour la journée à venir et ça, il faut le dire, c'est plutôt rare. D'ordinaire des charrettes remplies de chiens enragés font la course sur les pavés disjoints de ma cervelle, ou alors d'une oreille l'autre une tringle de fer rouillée vient me perforer les idées et, dans de telles conditions, devoir exister encore jusqu'au soir c'est comme tenter l'impossible. Mais ce matin, hop ! allons-y, vivre démarrait très fort et, pour une fois, c'était tant mieux. C'est en arrivant dans la salle de bains que, comment dire ?, je me suis soudain senti américain.

Pierre Autin-Grenier