jeudi, 10 mars 2005
Sur la route, de Jack Kerouac
On était dans les montagnes ; il y avait une merveille de soleil levant, des fraîcheurs mauves, des pentes rougeoyantes, l’émeraude des pâturages dans les vallées, la rosée et les changeants nuages d’or. (…) Bientôt ce fut l’obscurité, une obscurité de raisins, une obscurité pourprée sur les plantations de mandariniers et les champs de melons ; le soleil couleur de raisins écrasés, avec des balafres rouge bourgogne, les champs couleur de l’amour et des mystères hispaniques. Je passais ma tête par la fenêtre et aspirais à longs traits l’air embaumé. C’étaient les plus magnifiques de tous les instants.
Il y a parfois des livres qui éveillent ou qui réveillent. Sur la route fut pour moi de ceux-là. A dix-huit ans j’écoutais de la musique plus que je ne lisais. Et puis Kerouac est arrivé. Avec lui tout un monde. Une autre façon de le regarder. L’écriture comme un souffle, une pulsation. Et puis ce personnage invraisemblable et pourtant réel : Un gars de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j’aurais avec lui, j’allais entendre l’appel d’une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi comme copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d’hôpital, qu’est-ce que cela pouvait me foutre ? … Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare.
Une autre Amérique, plus vraie peut-être : Un soir de lilas, je marchais, souffrant de tous mes muscles, parmi les lumières de la Vingt-septième Rue et de la Welton, dans le quartier noir de Denver, souhaitant être un nègre, avec le sentiment que ce qu’il y avait de mieux dans le monde blanc ne m’offrait pas assez d’extase, ni assez de vie, de joie, de frénésie, de ténèbres, de musique, pas assez de nuit. Je m’arrêtais devant une petite baraque où un homme vendait des poivrons tout chauds dans des cornets de papier ; j’en achetai et tout en mangeant, je flânai dans les rues obscures et mystérieuses. J’avais envie d’être un mexicain de Denver, ou même un pauvre Jap accablé de boulot, n’importe quoi sauf ce que j’étais si lugubrement, un « homme blanc » désabusé.Frustration, désespoir, mais aussi jubilation, frénésie traversent le livre. Et tout est vrai, rien n’est inventé. Kerouac a bourlingué, observé et il a une mémoire extraordinaire. Yves Le Pellec le résume bien, Kerouac est un prodigieux badaud, il est obsédé de la totalité, il voudrait tout faire entrer dans ses phrases tentaculaires, entêtées : Il a expliqué lui-même sa technique : Ne pars pas d’une idée préconçue de ce qu’il y a à dire sur l’image mais du joyau au cœur de l’intérêt pour le sujet de l’image au moment d’écrire et écris vers l’extérieur en nageant dans la mer du langage jusqu’au relâchement et à l’épuisement périphérique.
Avant son succès foudroyant Kerouac venait d’écrire 12 livres en 7 ans (1950-1957). Il mouillait sa chemise, au sens propre du terme. Comme un musicien se sert de son corps, il utilisait les mots comme des notes. Il supportera mal le vedettariat qui va l’assaillir d’un coup. Il sombrera dans l’alcool, la paranoïa. Toute ma vie, écrira-t-il en 1957 dans un bref résumé autobiographique à la demande d’un éditeur, je me suis arraché le cœur à écrire.
Sur la route, Les clochards célestes et la plupart des romans de Jack Kerouac sont disponibles en Folio Gallimard. On pourra consulter aussi :
Jack Kerouac. Le verbe vagabond. Yves Le Pellec. Belin, collections voix américaines.
L’ange déchu, vie de Jack Kerouac illustrée, Steve Turner, aux éditions Mille et une nuits
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mercredi, 09 mars 2005
Gens de Dublin, de James Joyce
La dernière et plus longue nouvelle du recueil Gens de Dublin est un texte poignant, un des plus poignants que je connaisse. Œuvre de jeunesse qui deviendra le chant du cygne d’un grand cinéaste, John Huston qui adaptera ce texte juste avant de mourir avec sa fille Angelica dans le rôle de Gretta. Le texte est construit sur une disproportion entre la préparation et le dénouement. Au début plongée dans l’Irlande du début du siècle, au bal annuel des sœurs Morkan, la veille du jour de l’an : resurgit un univers oublié, toute une galerie de personnages, une façon d’être ensemble aussi, et un pays, l’Irlande à l’histoire constamment déchirée. Il y a bien sûr la musique, présente dans toute l’œuvre de Joyce, et pendant cette soirée (unité de temps et de lieu, sauf pour la scène finale qui se situera dans un hôtel proche) tout tourne autour du piano, des morceaux interprétés, des danses, du bel canto.
Le regard de Joyce est incisif, jamais mièvre. Gabriel, le mari de Gretta, représente l’équilibre, la sagesse, il est le régulateur de l’ensemble. Neveu des sœurs Morkan, les deux vieilles dames qui invitent et qui comptent beaucoup sur lui, comme d’habitude, pour que la fête se passe au mieux, pour empêcher notamment Freddy Malins, qui aime un peu trop l’alcool, de perturber la soirée. Freddy est le pendant de Gabriel, il représente le désordre, l’incongruité. Au bout du compte d’ailleurs, il se tiendra plutôt bien.
Rien de tel, au contraire, pour Gabriel, lui qui maîtrise généralement tout, ce soir-là beaucoup de choses lui échappent. De menus événements, presque anodins mais qui le laissent mélancolique, rêveur. Une maladresse de sa part qui procure une répartie amère d’une jeune fille. Un peu plus tard, un album de photos réveillera des souvenirs désagréables. Ensuite une amie, avec qui il danse, qui lui reprochera dans des termes véhéments d’écrire pour un journal anglais, puis de passer ses vacances hors d’Irlande. Gabriel se sent étrangement absent, il écoute à peine ce qu’on lui dit, il n’a qu’une envie, marcher seul dans la neige… Les sœurs Morkan sont deux vieilles dames maintenant, et tout traduit dans cette assemblée l’usure du temps, un univers qui lentement s’engloutit. Puis vient le discours, c’est Gabriel qui le prononce, il l’a mûrement préparé, il tourne autour de la fuite du temps et de la tradition d’hospitalité des Irlandais qu’ils craignent de voir disparaître avec l’entrée dans le monde moderne. (Gens de Dublin paraîtra pour la première fois à Londres en 1914 mais les nouvelles étaient achevées et prêtes à paraître dès 1907). Le discours n’est pas dénué d’émotion mais convenu bien sûr, Gabriel s’en rend compte. Il sait qu’il est ridicule. Il n’empêche, tout le monde lève son verre en l’honneur des hôtesses, elles essuient une larme, et la soirée touche à sa fin.
Tout va basculer ensuite. La nouvelle atteint ici au sublime et se termine par une méditation sur la mort, sur l’amour, l’apparence des choses. Et tout cela est admirablement rendu par John Huston, scène finale de son dernier film. Alors que l’œuvre de Joyce ne fait que commencer… Mais pour ça il allait quitter l’Irlande.
Gens de Dublin, Pocket, 4 euros.
Le titre original du film est : The Dead. Pour la version française : Gens de Dublin
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mardi, 08 mars 2005
Les greguerias, de Ramon Gomez de la Serna
La forme brève invite paradoxalement à la lenteur. On y revient, on la savoure. Le texte court, par le peu de place qu’il occupe, n’envahit pas les pages ni l’emploi du temps. L’aphorisme, le trait, la maxime, légers, primesautiers en apparence, mais parfois incisifs comme un coup de poignard peuvent nous laisser sans défense en quelque sorte. Le court n’a pas bonne presse en Occident – rien de tel au Japon avec l’art du haïku – pourtant que serait-on sans La Rochefoucauld, Vauvenargues, Joubert ou Chamfort ?
Pas ou très peu de moralisme chez Ramon Gomez de la Serna. Les « greguerias » , écrites entre 1910 et 1962, sont plutôt du côté du clin d’œil, de la poésie, du merveilleux, elles ouvrent le regard, le transforment parfois…
Lorsqu’une femme se repoudre après un entretien, on dirait qu’elle efface tout ce qui a été dit
Pelez une banane, elle vous tirera la langue
Le problème avec l’hélicoptère c’est qu’il a toujours l’air d’un jouet
Les aboiements des chiens sont de véritables morsures
La lune baigne les sous-bois d’une lumière de cabaret
La bouteille de champagne a ceci d’aristocratique qu’elle refuse qu’on la rebouche
Les ailes des automobiles sont comme les moignons des ailes d’avion qu’elles auraient pu être
Le drapeau grimpe au mât comme s’il était l’acrobate le plus agile au monde
Lorsqu’une femme marche pieds nus sur les dalles le bruit de ses pas provoque une fièvre sensuelle et cruelle
Ne disons pas de mal du vent, il n’est jamais très loin
« Tuer le temps » est une rodomontade de bravache
L’histoire est un prétexte pour continuer à tromper l’humanité
Le crépuscule est l’apéritif de la nuit
Le poisson est toujours de profil
Le q est un p qui revient de la promenade
Le pire avec les médecins c’est qu’ils vous regardent comme si vous étiez quelqu’un d’autre
Les larmes désinfectent la douleur
Editions Cent pages, Grenoble, 1992. Présentation de Valéry Larbaud, 160 pages.
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lundi, 07 mars 2005
Faire trait
Les mots liquides et coulants sont les plus beaux et les meilleurs, si l’on considère le langage comme une musique ; mais si on le considère comme une peinture, il y a des mots rudes qui sont fort bons, car ils font trait
Joseph Joubert
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Tu débloques ?
Vraiment, le petit poète blanc aurait préféré être un grand nègre et cabrioler aux trois quarts nu de traboules en savanes dans l'intimité des zébus et la frayeur des éléphants, plutôt qu'être né de cet Occident moqueur et roturier qui compte et recompte ses privilèges dans l'arrière-salle d'une boutique depuis longtemps naufragée. Alors parfois, je lui dis comme ça : « Est-ce que tu aurais épousé un nègre ?... — Oui, elle répond sans hésiter, si c'était toi. » Cela me laisse pantois et un peu perplexe même ; est-ce bien réplique adéquate quand je regarde dans la glace mon visage enfariné de pierrot lunaire ?... Qu'à cela ne tienne, je lui dis, un jour tu seras Malienne et moi Malien, et nous irons loin au fin fond des forêts d'Afrique, peut-être même vivre en tribu avec Koltès et quelques autres joyeux barbares, et ce sera pour de bon une aube nouvelle ! « Tu débloques » elle dit.
Pierre Autin-Grenier
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dimanche, 06 mars 2005
L’élection de Pierre Autin-Grenier à l’Académie Française
Le hasard m’a fait intercepter le blog de Pierre Assouline du 16 avril 2008, le voici en substance…
Une foule avenante et bigarrée se pressait hier, sous la Coupole, pour la réception à l’Académie Française de Pierre Autin-Grenier, au fauteuil de Jean d’Ormesson. Nombre de ses amis étaient là, déjà académiciens comme Jean-Pierre Ostende, Jean-Claude Pirotte et Gil Jouanard ou avec l’espoir de l’être un jour comme Eric Holder ou Philippe Delerm. Très élégant dans son costume dessiné par Christian Lacroix, l’œil pétillant et la démarche altière, l’ancien soixante-huitard dont on connaît le talent et l’ironie mordante a laissé quelque peu perplexes ses auditeurs en prononçant l’éloge du directeur du Figaro Magazine : « Homme de plume mais aussi de combat et ce qui ne gâte rien, d’une immense culture, Jean d’O - comme l’appelaient ses nombreux amis – s’il n’a cessé de côtoyer les puissants, n’en aura pas moins été un défricheur, un chercheur inlassable de vérité. Seul contre tous, il n’hésitera pas à jouer les trouble-fête après mai 1981, à se dresser courageusement, tel Hugo face à Napoléon III, contre François Mitterrand et à faire du Figaro, le grand journal de la contestation d’alors, un rempart contre la pensée unique et une nécessaire alternative, un scrupuleux antidote (...) C’est à cet homme de résistance que je veux rendre hommage aujourd’hui, c’est ce compagnonnage que je revendique, celui de l’irrévérence et de la libre parole, même si nos convictions ont souvent été diamétralement opposées, concluait-il… Quolibets et noms d’oiseaux ont alors fusé ci ou là, vite recouverts par les applaudissements d’usage et le sourire entendu de quelques uns. Tout cela fut oublié grâce à l’éloquence vibrante de Bertrand Poirot-Delpech qui, prononçant l’éloge de Pierre Autin-Grenier, mit l’accent sur « l’ironie convulsive, l’impertinence consubstantielle du nouvel académicien : il n’a jamais voulu appartenir à aucune école, sinon celle des Moins que rien , sous lequel un journaliste fort pertinent – cela existe, c’est prouvé, ajoutait-il - avait regroupé, dans les années quatre vingt dix, quelques unes des plus solides – et des plus caustiques - plumes d’aujourd’hui. Tels ces écrivains du bâtiment dont Hemingway conseillait au siècle dernier la fréquentation aux débutants, Pierre Autin-Grenier n’a cessé d’être prolixe. Son œuvre, au tournant du millénaire, surfant toujours sur ce fil invisible entre désespoir et légèreté, est devenue de plus en plus âpre, corrosive, poignante même, atteignant à l’universel, plus proche du réel à mesure que celui-ci se transformait. On retiendra ce chef d’œuvre : L’insoutenable avenir de la gauche , dont la sortie avait coïncidé avec l’élection à la présidentielle de Bertrand Delanoé. Sans oublier dans sa production récente : Prolétariat mirage ingrat, et peut-être le plus drôle : La France vue de nulle part, qui enterrait définitivement les années Raffarin, et enfin le plus réussi : Il n’y aura plus de révolution, qui imposait son auteur comme le maître à penser de cette nouvelle gauche que l’Europe attendait ».
C’est dans un des quartiers du vieux Lyon qu’il affectionne tant, qu’une partie de cette joyeuse assemblée, par un TGV spécialement affrété, s’est rendue ensuite, pour fêter cet irrésistible événement. Et le vin blanc, comme il se doit, a coulé jusqu’à une heure fort avancée de la nuit ! Les plus vieilles institutions ont parfois aussi leurs moments de folie…
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samedi, 05 mars 2005
Vingt-cinq notes
la musique a sept lettres, l'écriture a vingt-cinq notes
Joseph Joubert
11:13 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
Perte
Je ne puis regretter la perte d’un amour ou d’une amitié sans songer qu’on ne perd que ce qu’on n’a pas réellement possédé
Borges
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Azur
A peine plus
Que quelques lignes
L’azur
Scande les syllabes
La mouette
Et le baiser
Au vol
L’éclat de la mer
Valérie Canat de Chizy
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vendredi, 04 mars 2005
Du plaisir
Les méchants font quelquefois de bonnes actions. On dirait qu' ils veulent voir s'il est vrai que cela fasse autant de plaisir que le prétendent les honnêtes gens.
Chamfort
16:41 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
La plaisanterie
Celui qui ne sait point recourir à propos à la plaisanterie, et qui manque de souplesse dans l’esprit, se trouve très souvent placé entre la nécessité d’être faux ou d’être pédant, alternative fâcheuse à laquelle un honnête homme se soustrait, pour l’ordinaire, par de la grâce et de la gaieté
Chamfort
14:10 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (5)
Un esprit libre
J’avais un ami, il s’appelait Luc, il est mort il y a sept ans maintenant. Je pense à lui souvent. Il a passé sa vie à lire et à écrire, mais sans jamais chercher à publier quoi que ce soit. Il jouait du piano aussi. Ethnologue, il a traversé maintes fois l’Afrique, avant de choisir Madagascar. Il s’intéressait à tout, aux sciences, à la politique, à la poésie. Longtemps il a été mon « dictionnaire », quand je ne savais pas, il comblait mes lacunes ; il savait tout sur tout. Il était un peu asocial, plutôt sauvage, mais c’était un esprit libre
00:20 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
Cézanne, à la fin
Cézanne, à la fin, ne peint plus que des couleurs, un vent de folie balaye ses toiles. La couleur est le lieu où notre cerveau et l’univers se rencontrent. La lumière absolue, irradiante, déborde tout. Le dessin et la couleur ne sont plus distincts : quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude.
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 03 mars 2005
Épicurisme
Si l’épicurisme est une religion, ses églises sont naturellement baroques
13:47 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (6)
Cézanne
Les objets se pénètrent entre eux... Ils ne cessent pas de vivre, comprenez-vous... Ils se répandent insensiblement autour d'eux par d'intimes reflets, comme nous par nos regards et par nos paroles
Cézanne
08:43 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
Miro
Les tableaux de Miro sont des symphonies, des hymnes à la vie. Ciel bleu, céruléen, nuages rouges. Il se voulait catalan universel. Miro, étonnant de simplicité, de clairvoyance, avouant que les mots n’étaient pas sa spécialité. Pourtant : Les choses suivent leur cours naturel. Elles poussent, elles mûrissent. Il faut greffer. Il faut irriguer, comme pour la salade. Ca mûrit dans mon esprit. Aussi je travaille toujours énormément de choses à la fois. Et même dans des domaines différents : peinture, gravure, lithographie, sculpture, céramique. Avec cette idée, de l’impression globale du tableau, qui revient. Pour moi, un tableau doit être comme des étincelles. Il faut qu’il éblouisse comme la beauté d’une femme ou d’un poème. Qu’il ait un rayonnement... Plus que le tableau lui-même, ce qui compte, c’est ce qu’il jette en l’air, ce qu’il répand. Miro, magicien, avec son désir d’être au plus près de la vie, des objets de tous les jours, ramenant de ses promenades sur la plage de Majorque des bouts de bois, de ficelle. Il voulait un art populaire et l’avait trouvé finalement. Partout du rouge, du bleu, de l’indigo, du jaune, la passion, voilà le catalan universel.
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mercredi, 02 mars 2005
La poésie
L’art se situe à l’écart de tout, et nous y transfère immédiatement. La poésie n’est pas un art. Elle est un état. Constamment provisoire et fragile. A l’écart des mots. A cet état il peut se faire que le poème permette d’accéder. Mais cet état n’est pas inscrit dans le poème. Il est en nous. Illisible et muet.
Gil Jouanard
02:25 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (3)
Dire la vérité ?
Les écrivains sont des fabulateurs qui essaient désespérément de dire la vérité. C'est très difficile, de dire la vérité, si difficile qu'il faut passer par le mensonge, ou quelque chose qui y ressemble
Georges-Olivier Châteaureynaud
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Où est le réel ?
Le miracle du langage, ce n’est point de traduire une émotion actuelle, ni une chose présente. C’est d’évoquer des émotions possibles et des choses absentes. Il révèle la vertu qui lui est propre dans l’absence beaucoup mieux que dans la présence : et de l’absence même, il fait une présence plus subtile. Le propre du langage, c’est de représenter ce qui n’est pas plutôt encore que ce qui est. Il applique ma pensée au passé et au futur. Il donne une réalité à l’objet du souvenir et à l’objet du désir. Il n’est pas tout à fait faux de dire que le langage est créateur, il consiste moins à nommer les choses qu’à reproduire leur image quand elles ont disparu, ce qui est proprement les rappeler à la lumière, c’est-à-dire à l’existence.
Plus qu’aucun objet, qu’aucune image ou qu’aucune émotion, il possède une puissance d’évocation qui est véritablement sans limites : car il nous délivre du lieu et de l’instant et il associe à une infinité d’expériences réalisées une infinité d’expériences imaginées. Cela est vrai même des noms propres : ce qui leur donne un prestige qui dépasse souvent celui de la personne de chair et d’os.
Louis Lavelle
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L'innocence
L’innocence est peut-être malgré tout ce qui perce le mieux dans ce monde à travers le tumulte des éléments
Kafka
00:05 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (2)