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dimanche, 26 juin 2005

L'émotion du départ

"La connaissance intime du paysage dissout l'émotion du départ"

Wang Wei

samedi, 25 juin 2005

Une oeuvre ailée

On peut passer des dizaines de fois devant un tableau de Poussin et ne rien voir. A son ami Chantelou : "Les choses esquelles il y a de la perfection ne se doivent pas voir à la hâte, mais avec temps, jugement et intelligence. Il faut user des mêmes moyens à les bien juger comme à les bien faire". L’émotion tisse son œuvre. L’espace est baigné d’une douce lumière, transfiguré, présence de la volupté, mais aussi de la volonté farouche des hommes, touches graciles de vert dans le jade du ciel. Une perfection qu’on devinait confusément est là, manifeste, sur la toile. Lumière romaine, tour à tour triomphante et souple, sensualité des corps, justes, voluptueux, jamais idéalisés, tout précise l’harmonie, la souplesse, l’éternel retour...
Cette œuvre : Le temps calme. Le bleu de l’eau et des météores se contemplent, enserrent le paysage, un rêve entre les deux, lui aussi dédoublé par son reflet. Sinon presque rien, des animaux paisibles, la montagne se fond dans l’architecture des nuages, les feuilles de l’arbre sur la droite s’effilochent irréelles, ténues, graciles, les nuages s’envolent vers le haut du ciel, la sensation de calme est rassemblée, ramenée partout, innervée.
Un homme au premier plan s’appuie sur une canne, près de lui un chien mais leur regard flotte indifférent à cette beauté, ils en sont tellement pénétrés qu’ils n’ont pas besoin de la regarder. Le mouvement de leur corps est le lever de rideau de la scène. D’autres personnages, minuscules, des cavaliers, l’un d’entre eux lance sa monture à toute vitesse, il va quitter le tableau, il n’a pas place ici, son départ imminent le montre, la tranquillité va reprendre sa place.
Partout dans l’œuvre de Poussin, ces nuances de teintes qui sculptent le paysage, répandues sur les contours, cieux déchirés, adamantins, douceur infinie des regards, apaisante. Souvent, les personnages sont pris de frénésie, c’est l’orage, le grand vent de l’Histoire, la Bible, rien n’échappe à ce déferlement. Toujours les météores, les nuées décrivent l’action, les sentiments, la palette est infinie. Son but, la délectation, la sensualité pure, l’arrondi des corps, cette chair que l’on respire. Plus on regarde un tableau de Poussin, plus on y décèle d’harmonie, plus la vue s’éclaire, prend de l’expansion, devient assurée. La fièvre subtile qui se dégage de la composition gagne le spectateur.
Ainsi dans le Paysage avec les funérailles de Phocion, la lumière du soir est posée subreptice, dans une fureur printanière, multitude des plans entrelacés. Un arbre torturé berce sa palme avec indolence. A un moment il y a résonance entre la composition, le motif, les émotions décrites. Des tableaux comme des opéras. Une œuvre ailée.

(Extrait de "Le sourire de Cézanne", roman)

23:30 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (5)

Faire oublier l’histoire dans la culture

« L’art est une vaste histoire de chaque instant. La prétendue histoire de l’art est faite, le plus souvent, pour oblitérer cette science possible des moments. Elle parle du spectateur, pas du créateur, elle travaille à la mise en spectacle de l’acte, à sa consommation passive. Elle évacue l’histoire hors de l’art, elle fait de celui-ci une activité prévisible rejoignant sans fin le ciel des idées, c’est-à-dire sa mise à prix. Picasso a une conscience aiguë et dramatique de l’irréversibilité du temps. Or « la classe des possesseurs de l’économie, qui ne peut pas rompre avec l’histoire économique, doit aussi refouler comme une menace immédiate tout autre emploi irréversible du temps » (Debord). Il en résulte que « le spectacle a la fonction de faire oublier l’histoire dans la culture » (id). Le spectacle procédera donc par rituels de commémoration, sur fond de programmation amnésique.»

Extrait de Picasso le héros, dans L’éloge de l’infini (Philippe Sollers)

11:11 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 24 juin 2005

Je suis peintre

"La couleur me possède. Je n'ai plus besoin de la rechercher. Voici ce que signifie ce moment heureux : moi et la couleur nous ne formons plus qu'un. Je suis peintre."
Paul Klee, Journal

10:10 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1)

mercredi, 22 juin 2005

"L'ermite parle" et "mes roses"

"L'ermite parle
L'art de fréquenter les hommes repose essentiellement sur l'habitude (qui suppose un long excercice) d'accepter, d'absorber un repas dont la préparation n'inspire pas confiance. En admettant que l'on vienne à table avec une faim d'ogre, tout ira facilement ("la plus mauvaise compagnie te permet de sentir-comme dit Méphistophélès) ; mais on ne l'a pas, cette faim d'ogre, lorsqu'on en a besoin ! Hélas ! combien les autres sont difficiles à digérer. Premier principe : prendre son courage à deux mains, comme quand il vous arrive un malheur, y aller hardiment, être plein d'admiration pour soi-même, serrer sa répugnance entre les dents, avaler son dégoût. Deuxième principe : rendre l'autre "meilleur", par exemple par une louange, pour qu'il se mette à suer de bonheur sur lui-même ; ou bien prendre par un bout ses qualités bonnes et "intéressantes" et tirer jusqu'à ce que l'on ait fait sortir toute la vertu et que l'on puisse draper l'autre dans ses plis. Troisième principe : l'autohypnotisation. Fixer l'objet de ses relations comme un bouton de verre jusqu'à ce que, cessant d'éprouver du plaisir ou du déplaisir, l'on s'endorme imperceptiblement, que l'on se raidisse, que l'on finisse par avoir du maintien : un moyen domestique emprunté au mariage et à l'amitié, abondamment expérimenté et vanté comme indispensable, mais non encore formulé scientifiquement, Son nom populaire est -patience.

Mes roses
Oui ! mon bonheur - veut rendre heureux !
Tout bonheur veut rendre heureux !
Voulez-vous cueillir mes roses ?

Il faut vous baisser, vous cacher,
Parmi les ronces, les rochers,
Souvent vous lécher les doigts !

Car mon bonheur est moqueur !
Car mon bonheur est perfide ! -
Voulez-vous cueillir mes roses ?"

Nietzsche, le gai savoir

Le solitaire

Je déteste autant de suivre que de conduire.
Obéir ? Non ! Et gouverner jamais !
Celui qui n'est pas terrible pour lui, n'inspire la terreur à personne
Et seul celui qui inspire la terreur peut conduire les autres.
Je déteste déjà me conduire moi-même !
J'aime, comme les animaux des forêts et des mers,
A me perdre pour un bon moment,
A m'accroupir, rêveur, dans des déserts charmants,
A me rappeler enfin moi-même, de loin,
Et à me séduire moi-même


Nietzsche, Le gai savoir

mardi, 21 juin 2005

En se séparant d'un voyageur

"Je descendis de cheval ; je lui offris le vin de l'adieu,
Et je lui demandai quel était le but de son voyage.
Il me répondit : Je n'ai pas réussi dans les affaires du monde ;
Je m'en retourne aux monts Nanshan pour y chercher le repos.

Vous n'aurez plus désormais à m'interroger sur de nouveaux voyages,
Car la nature est immuable, et les nuages blancs sont éternels."

Wang Wei

Merde !

"Fin janvier 1872. Dans l'entresol d'une brasserie du quartier Saint-Sulpice, les Vilains Bonhommes récitent des sonnets académiques ; Rimbaud, du fond de la salle, ponctue chaque vers d'un Merde retentissant."
Alain Borer, Rimbaud l'heure de la fuite.

lundi, 20 juin 2005

Gigantesque supercherie

La mascarade continue et s'amplifie ! l'échec du sommet de Bruxelles est à demi-mot ou ouvertement imputé aux nonistes. J'ai même entendu ce matin sur France-info que les Juncker et autres Chirac défendaient une Europe sociale et politique, Blair au contraire une Europe libérale, on nous prend vraiment pour des CONs !

09:28 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)

Les inédits de Brautigan - 6

FRAGMENT

I am looking
at wooden crosses
so old
that nothing
is written
on them anymore,
there are
huge stacks
of crosses
here,
there are
crosses leaning
against
fine marble
tombs,
there are
crosses thrown
into the
trees,
there are
a dozen crosses
sticking on
the same
grave.

FRAGMENT

Je regarde
des croix en bois
si vieilles
que plus rien
n'est écrit
sur elles,
1l y a
d'énormes tas
de croix
ici,
il y a
des croix appuyées
contre
des tombes
de marbre fin,
il y a
des croix jetées
dans les
arbres,
il y a
une douzaine de croix
fichées dans
la même
tombe.

HERMAN MELVILLE IN DREAMS,
MOBY DICK IN REALITY

In reality Moby Dick
was a Christ-like goldfish
that swam through the aquarium
saving the souls of snails,

and Captain Ahab
was a religious Siamese cat
that helped old ladies
start their automobiles.

HERMAN MELVILLE EN RÊVE,
MOBY DICK EN RÉALITÉ

En réalité Moby Dick
Etait un poisson rouge semblable au Christ
qui nageait. dans tout l’aquarium
en sauvant les âmes d’escargots,

et 1e capitaine Achab
était un chat siamois dévot
qui aidait les vieilles dames
à faire démarrer leurs voitures.


Traduction de Eric Dejaeger

dimanche, 19 juin 2005

Appel du 19 juin

On ne peut que constater un décalage croissant entre la réalité, la réalité vécue et le discours de nos gouvernants. Les systèmes dans lequel ils sont pris les rendent incapables de comprendre ce qui se passe, et du coup d'y répondre par des moyens appropriés. La machine s'emballe, et la remise à plat nécessaire est en train de se faire, nolens volens. Toutes ces balivernes de cent jours ou de cri de la gargouille n'y feront rien, un mouvement est en train de naître et s'amplifier. A chacun là où il est d'en prendre conscience, de continuer le débat et d'agir. La difficulté est dans l'action. La prise de conscience, même si elle est en cours, a eu lieu. Nous sommes nombreux maintenant à avoir analysé, disséqué les blocages, empêchements, compromissions et autres trafics qui plombent la réalité, empêchent les énergies de s'exprimer, de se manifester. Il est nécessaire maintenant de passer à un stade plus actif, de s'impliquer, aller sur le terrain, développer des initiatives - même si ce sont des micro-initiatives -, de chercher des solutions, concrètes, effectives. Le danger environnemental qui pèse sur la planète, sa survie en tant que telle sont aujourd'hui à l'ordre du jour. C’est aussi ce danger dont il faut prendre conscience. Il demande des réponses adaptées à cette urgence : cela implique notamment de taire certaines inhibitions, frilosités et éventuelles luttes internes qui ne manqueront pas de se manifester. Sans esprit d’ouverture à l’autre rien ne sera possible. C'est maintenant ou jamais. La solution viendra des prises de conscience, de la volonté d’agir de chacun, là où il se trouve, avec les moyens dont il dispose, dans un esprit de tolérance, d’écoute, mais aussi de fermeté. Chaque geste, chaque idée, chaque désir comptent. A nous de les démultiplier, les nourrir, les aider à grandir, les confronter, les faire connaître. Ce seront autant de leviers pour l’action. Tant qu’il en est encore temps.

15:07 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)

Les inédits de Brautigan - 5

NIGHT

I went to the castle to see the queen.
She was in the garden burning flowers.
"I see you are here on time as always,"
she said, striking a match to an orchid.

The petal caught on fire and burned
like the clothes of an angel.
I took out a knife and cut off my finger.
The queen put it in her pocket.
"These flowers,” she said smiling,
"don.t they burn with a beautiful light? "

NUIT

Je me rendis au château pour voir la reine.
Elle était au jardin à brûler des fleurs.
"Je vois que vous êtes à l'heure comme toujours,"
dit-elle, craquant une allumette vers une orchidée.

Le pétale s'enflamma et brûla
comme les vêtements d'un ange.
Je sortis un couteau et me coupai un doigt.
La reine le mit dans sa poche.
"Ces fleurs," dit-elle en souriant,
"ne brûlent-elles pas avec une belle lumière ? "


Traduction de Eric Dejaeger

vendredi, 17 juin 2005

Cosmique

D'après les informations dont je dispose, de grands bouleversements (dont certains ont d'ailleurs commencé à se manifester) sont à prévoir pendant les années à venir. L'univers va boycotter tous ceux qui ont des idées préconçues et s'ouvrir à la nouveauté, au changement. Toutes les idées, excepté celles qui reposent sur des préjugés, auront une chance de se manifester.

12:07 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (9)

Participations recherchées - précisions

Une précision pour cette info : pour les questions techniques sur la peinture, le format, les matériaux pour l'expo, le mail de Frédérique Azaïs est interrompu pendant une dizaine de jours. Les téléphones fonctionnent, sinon vous pouvez aussi m'envoyer un mail, je transmettrai.
Pour répondre à quelques questions posées, le matériau utilisé est totalement libre, papier, bois, toile, etc. , il peut y avoir plusieurs oeuvres graphiques dans le panneau (chacun est libre de l'utiliser comme il veut, sachant que la contrainte du format 20 F (73/60) est maintenue pour des raisons d'harmonie globale de l'expo), enfin la participation aux frais d'imprimerie & vernissage sera de 20 euros.

Expo texte-image : participations recherchées
Musique ! participations recherchées ;
Écrivains, artistes plasticiens, photographes,
Pour une exposition du 27 au 30 octobre 2005 à Vendargues (34) ;
Croiser le texte et l’image sur le thème de la musique.
Une douzaine de panneaux (texte-image) sur le thème de la musique pour croiser le texte et l’image à la manière de la Revue L’INSTANT du MONDE.
Un catalogue de l’exposition sera réalisé et diffusé.
Les œuvres seront présentées en regard sur des doubles panneaux. Le texte d’un côté l’image de l’autre, mais le texte peut être aussi incorporé à l’image, il peut y avoir un seul panneau pour la création commune.
L’une ou l’autre œuvre (texte ou image) peut être indifféremment à l’origine du projet, peu importe. Plus il y a travail commun, échange entre le peintre (ou photographe) et l’écrivain, plus on est « dans l’esprit ».
Pour que le texte soit facilement lisible par le public, on demande aux écrivains un texte court et inédit, maximum 2 000 signes, espaces compris (1 feuillet =1 500 signes).
L’exposition ensuite sera itinérante. (si le budget le permet)
 Les œuvres seront en Noir et Blanc et FORMAT 20F (73/60)
 Les artistes devront être disponibles pour le vernissage (probablement le 28 Octobre)
 Les écrivains pourront dédicacer leurs livres à l’occasion de l’exposition.
 Participation aux frais d'imprimerie & vernissage

Contacts et pour toute information :
Ecrivains : Raymond Alcovère : raymond.alcovere@neuf.fr
06 87 21 09 41
Plasticiens et photographes et organisation : Frédérique Azaïs
frederique.azais@wanadoo.fr ou presencedesarts34@wanadoo.fr
04 67 87 54 56 / 06 87 27 62 91

11:59 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

Les inédits de Brautigan - 4

THE FERRIS WHEEL

The world was opening
And closing
Its insane asylums
and churches
like a forgetful old man
buttoning up his pants
instead of unbuttoning them.

Are you going to go
to the toilet
in your pants,
old man?

The rain was a dark Ferris wheel
bringing us closer
to Baudelaire and General Motors

We were famous
and we kicked walnut
leaves.

LA GRANDE ROUE

Le monde ouvrait
Et fermait
Ses asiles de fous
et églises
comme un vieil homme distrait
reboutonnant son pantalon
au lieu de le déboutonner.

T’apprêtes-tu à aller
à la toilette
avec ton pantalon,
vieil homme ?

La pluie était une grande roue sombre
nous rapprochant
de Baudelaire et de General Motors.

Nous étions célèbres
Et nous donnions des coups de pied dans
Des feuilles de noyer.


Traduction : Eric Dejaeger

mercredi, 15 juin 2005

Les inédits de Brautigan - 3

HANSEL AND GRETEL

I have always wanted to write a poem about
Hansel and Gretel going through the forest,
leaving behind them pieces of apple pie to form
a sort of bridge between dream and reality, and
being followed by those gentle birds that
embrace both illusions like violins eating pieces
of apple pie.

HANSEL ET GRETEL

J'ai toujours voulu écrire un poème sur Hansel
et Gretel traversant la forêt, laissant derrière
eux des morceaux de tarte aux pommes pour
former un genre de pont entre le rêve et la
réalité, et suivis par ces gentils oiseaux qui
embrassent les deux illusions comme des violons
mangeant des morceaux de tarte aux pommes

APRIL GROUND

Digging in the April ground with a shovel that
looked like Harpo Marx, I cut a worm in two;
and one half crawled toward the infinitesimal,
and the other half crawled toward the eternal.

TERRE D’AVRIL

En creusant dans la terre d'avril avec une bêche
qui ressemblait à Harpo Marx, j'ai coupé un ver en
deux. et une moitié rampa vers l'infinitésimal et
l’autre moitié rampa vers l’éternel.


La septième livraison aux non-membres du NFCRB propose des extraits de Lay The Marble Tea, premier véritable recueil de Richard Brautigan paru chez Carp Press en 1959. Tirage: 500 exemplaires. Le recueil compte 24 textes dont 15 n'ont jamais été repris ailleurs. Le site internet de Ken Lopez (Book seller) vend(ait ?) cet exemplaire à... $4500 !!
Si je peux vous proposer des extraits de ce recueil, c'est grâce à mon pote Catfish McDaris de West Allis (Wisconsin) qui en a dégotté un exemplaire dans une bibliothèque publique et me l'a aimablement photocopié. Qu'est-ce qu'on dit à ce brave Catfish ? Tous en chœur : "Thanks a lot, Catfish!"


Traduction et notes : Éric Dejaeger

La politique

On n’invente rien, on compose, on confronte, on frotte, on se frotte, chocs, violences, ruptures, cris, hurlements, et puis il y a ces murs, partout, dedans surtout, on croit qu’ils sont dehors mais ils sont dedans, alors souvent le combat est vain. Mais bien sûr on n’a rien voulu, et ces murs du dedans évidemment ils nous viennent du dehors, alors on cherche dehors, et on trouve des causes, des preuves, des raisons, de lutter, d’espérer, de se battre…

mardi, 14 juin 2005

Des automates plus ou moins programmés

Ce jour, j’ai compris – c’était une pointe acérée de ma conscience, profonde et limpide, j’écoutais La passion selon Saint-Jean de Bach – tout ce qui est autour est absolument vide, incroyablement léger du coup, et même agréable. La plupart des gens se battent pour du vent. Savoir lire, simplement lire, vous mettra bientôt au rang des dieux. Lire et écrire sont un même mouvement, il est des gens qui atteignent cette grâce en faisant l’amour, ou en étant parfaitement chastes. L’amour ou la chasteté ou la générosité c’ est la même chose.
Expérience alchimique, le vide se répand autour, la vie des marionnettes, immense et constant ballet, tonitruant, lancinant, tout d’un coup on sait, on ne pourra jamais plus revenir en arrière, le reste est faux, rideau de fumée. Nécessaire sans doute puisque la plupart des gens y croient – sauf les fous, les enfants, les amoureux, les artistes et les saints. Il n’est même pas besoin d’entrer en rupture avec le monde, c’est lui qui s’acclimate, la légèreté qui se dégage de soi apaise les cœurs et les corps autour, les rend disponibles, légers même, une onde de désir se propage. Certains peut-être, pas ceux qu’on attendait, peut-être les plus proches, ceux qui ont vraiment senti ce qui se passait, vous en tiendront rigueur, tenteront de vous faire rentrer dans le rang, revenir parmi eux, actes malveillants, souvent inconscients, pourquoi nous quitte-t-il ? En fait vous ne les quittez pas, vous êtes toujours là, comme jamais même, mais sans impatience. Vous sentez tout de suite cette agression gratuite, elle n’a pas de prise, ce qui peut faire redoubler l’agressivité, peu importe vous tiendrez bon, il n’y a aucune raison de céder, cette force-là vous la tenez maintenant, elle ne vous lâchera pas.
Monde de couleurs vives, rires, sostenuto, porté, emporté, comme dans une église baroque, ors partout, repères éclatés, uniquement le plaisir, nul besoin d’autre chose pour supporter le décor, comme dans un tableau de Watteau, hors du temps, plaisir en filigrane, plaisir fondateur. Le monde se structure autour, danse du soir, satyres fauves, faunes dansant, sarabande effrénée, ronde des plaisirs.
Notre temps est devenu fou. Ordre, contrôle, rentabilité. Alors que bonheur et plaisirs sont faits de rien. De riens. Ce rien on vous le laisse comme disait Léo Ferré. Eh bien prenons-le ! Prenons la parole, s’il ne reste que ça ! Même si ça ne sert à rien, ou justement à cause de cela ! Reste à jouer ! Et puis qui sait, parfois miracle… La parole des grands écrivains est faite de silence. Quand on lit un grand texte, aussitôt le silence se fait, un silence de neige, tout autour. Comme si le monde s’arrêtait de tourner, si tout le bruit inutile apparaissait d’un coup comme ce qu’il est vraiment, vide, creux et inutile. Il y a ces grands textes et puis la peinture. Certains tableaux happent le monde, l’insèrent, l’intègrent à eux, subrepticement... Les regardant, vous êtes happés, intégrés à eux. Attention la chose peut même se faire à votre insu. Regardez mieux un tableau de Watteau, Delacroix, Poussin, Véronèse ou Fragonard… observez attentivement, peut-être vous y découvrirez-vous, dans un coin, tenant une guitare, ou dialoguant avec l’ange… Vous y êtes…
Légèreté, plaisir, rythme, temps effacé, rompu. La société veut nous faire croire au sérieux de toutes choses. L’amour, la grâce, l’écriture nous prouvent le contraire.
Et s’il n’y avait rien. Rien sinon dieu qui frappe là où il veut, quand il veut et nous qui errons comme des fourmis, des automates plus ou moins programmés.

lundi, 13 juin 2005

Un autre inédit en français de Richard Brautigan

DEATH IS A BEAUTIFUL CAR PARKED
ONLY

Death is a beautiful car parked only
to be stolen on a street lined with trees
whose branches are like the intestines
of an emerald.

You hotwire death, get in, and drive away
like a flag made from a thousand burning
funeral parlors.

You have stolen death because you're bored.
There's nothing good playing at the movies
in San Francisco.

You joyride around for a while listening
to the radio, and then abandon death, walk
away, and leave death for the police
to find.

LA MORT EST UNE BELLE VOITURE GARÉE
SEULEMENT

pour Emmett [Grogan]

La mort est une belle voiture garée seulement
pour être volée dans une rue bordée d'arbres
dont les branches sont comme les intestins
d'une émeraude.

Tu court-circuites la mort, tu montes et tu démarres
comme un drapeau fait de mille
funérariums en feu.

Tu as volé la mort parce que tu t'ennuyais.
On ne joue rien de bien dans les cinémas
de San Francisco.

Tu fais un tour en t'amusant tout en écoutant
la radio, et puis tu abandonnes la mort, tu pars
à pied, et tu laisses la mort pour que la police
la trouve.

RICHARD BRAUTIGAN

Traduit par Éric Dejaeger en juin 99 sous l'influence d'un Château Grand Montreuil 1997 offert par le papa de Coco.


samedi, 11 juin 2005

Les désirs sont trompeurs

"La vie est une lutte. Si l'on veut être soi-même, libre, éprouver du plaisir, il faut se parer, employer moult stratégies. On est d'abord envahi par les désirs, l'imagination, tout ce qui constitue la jeunesse, puis l'on apprend à accomoder, à se défendre, parer les attaques. (...) Les désirs sont trompeurs, la jouissance doit passer avant ; sagesse, réflexion, vertu et tempérance sont ici indispensables."
Baltasar Gracian, L'homme de cour.