jeudi, 09 juin 2005
Après le cri de la gargouille, voici celui du philosophe !
À propos de labo démocratique : je voudrais dire à quel point il est rassurant de vivre dans un beau pays comme le nôtre. Prenez un exemple parmi d'autres : ce matin, première épreuve du bac, en philosophie. Ah ! Cette exception française si prisée (vous savez, pays des Droits de l'Homme, de la liberté, de la Révolution, etc.) et pourtant sans cesse trahie par mille opinions, que la philosophie justement s'évertue à déraciner depuis… l'Antiquité. À croire que c'est "son destin". Bref, entendu ce matin encore, comme tous les ans à pareilles date et heure, l'interview d'un ou deux candidats bien dans le vent, dont il ressort, comme toujours, que, en philosophie, il n'y a pas besoin de "réviser", parce qu'il n'y a "rien à réviser", on va tout trouver sur place, ben voyons !, bref, les médias cautionnent une connerie crasse et avilissante pour ceux qui "l'expriment" en toute "innocence" (ignorance), et rabaissent le travail accompli par des enseignants qui ont à lutter contre millle et mille idées reçues qui résistent à tout, dont celles-ci, bien sûr : philosopher, c'est donner son "opinion", dire ce qu'on "pense" à propos de tout et de n'importe quoi, une sorte de Starac des idées, où de toute façon personne ne sort vraiment agrandi, sinon celui qui s'en est "sorti", avant même d'y être entré, ce dont "on" se fout d'ailleurs royalement, tant l'intérêt général est ailleurs, dans les paillettes et les schémas réducteurs sur tout. Cela me met de mauvaise humeur. Cette indignation me semble être le dernier signe d'une santé chancelante, car le jour où on ne s'indigne plus, alors on a atteint le désespoir le pire qui soit, celui dont on n'a même plus conscience ! Quelle maladie ! Comme si on pouvait parler, que dis-je, réfléchir (eh oui, verbe oublié par les médias friands d'anecdotes bas de gamme) sur la justice, le savoir, la morale, l'art, comme ça, miraculeusement, sans avoir eu à fournir l'effort de s'interroger sur le sens et la valeur de ces notions, comme si la réflexion pouvait naître d'un tas de fumier, les lieux communs, comme les microbes au XIXe siècle, spontanément ! Bref, tant qu'on entretiendra cette "idée" de la culture et de la pensée, on peut être sûr qu'il faudra se faire du souci pour la démocratie, justement ! Comment peut-on sans honte laisser dire qu'il n'y a rien à "réviser" en philosophie, alors que le simple examen de nos idées, première forme de "révision", premier pas philosophique, nous enseigne à quel point elles sont souvent courtes et pauvres ! Que de banalités, que de superficialité dans les "opinions" ici ou là répandues ! Certes, il ne s'agit pas de faire de tout citoyen un "philosophe", c'est autre chose, de même que de savoir compter ne fait pas un mathématicien, mais je trouve qu'entre cet excès et l'autre, il vaudrait mieux viser le haut plutôt que le bas et, hélas !, tirer vers le bas, c'est tellement plus facile ! Démocratie et démagogie ! Bon, j'arrête.
Jean-Jacques Marimbert
10:05 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (13)
Commentaires
Il faut garder espoir face au prejuger publique. Je me souviens bien des discussions du cours de philo en terminale (c'etait y'a pas si longtemps j'espere)
- "La pensee differencie l'humain de l'animal."
- "Mais pourquoi vous dites que les animaux ne pensent pas? Vous avez une preuve? Mon chien Nigaud... " ou encore "les dauphins..." (selon les pensees zoophiles de chacun)
Comprendre la necessite de connaitre une peu l'histoire des idees et admettre le fait qu'il est necessaire d'avoir certains postulats en pholosophie (quitte a devoir les dementir plus tard) est necessaire a la construction d'une pensee personnelle. Malheureusement, l'education secondaire n'a pas toujours les moyens d'inculquer cela.
Reste a esperer qu'en interogeant ces memes jeunes hypes a la sortie de leurs etudes universitaires, ils diraient peut etre autre chose.
Écrit par : sweetyft | jeudi, 09 juin 2005
Oui, je suis bien d'accord, et cette réponse de est à elle seule déjà porteuse d'espérance. Et puis je voudrais modérer la généralité que j'ai employée à propos "des médias", car il va sans dire qu'ici ou là on entend aussi des propos rassurants. Par exemple, il y a cinq minutes, sur France Inter (que je visais ce matin), le journaliste a donné la parole à une prof de philo pour commenter les sujets et c'était très intéressant. N'empêche, je ne retire rien. Question de vigilance.
Écrit par : J.-J. M. | jeudi, 09 juin 2005
C'est vrai que les médias sont en grande partie dépendants du système, en même temps ils sont un reflet et ils savent que s'ils veulent continuer à être un bon reflet (dans la logique de concurrence où ils s'inscrivent) ils doivent tenir compte quand même des mouvements de la société, or elle bouge...
Écrit par : Ray | jeudi, 09 juin 2005
A quoi il faut rajouter le succès grandissant des nouveaux médias (comme les blogs) qui n'est pas que factice, on l'a vu lors du référendum ; même s'il faut être vigilant là-dessus aussi, j'ai l'impression que beaucoup de gens ne sont pas dupes des imbrications (trop étroites) entre les médias classiques et le pouvoir.
Écrit par : Ray | jeudi, 09 juin 2005
Buchez les gars. Voici les 3 sujets de ce matin par chez nous:
1.
Qu'attendons-nous de la technique ?
2. L'action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l'histoire ? (je trouve cette question très intéressante)
3.
Un texte de Kant tiré des Leçons d'éthique que j'ai la paresse d'écrire. Le thème: les lois de moralité
Écrit par : Calou | jeudi, 09 juin 2005
Question subsidiaire : a-t-on le droit à la paresse ? (ce qui se traduit dans la langue locale : volem rien foutre al pais)
Écrit par : Ray | jeudi, 09 juin 2005
Non Ray. Pas le droit mais le devoir. C'est quand on ne fait rien qu'on fait réellement quelque chose de profond et d'intelligent ;-).
Écrit par : Calou | jeudi, 09 juin 2005
Putain ! Je viens de comprendre pourquoi j'étais si con !
Écrit par : Ray | jeudi, 09 juin 2005
Heureux, l'imparfait "j'étais" ! L'espoir fait vivre…
Écrit par : J.-J. M. | jeudi, 09 juin 2005
Un imparfait (c'est le cas de le dire) de narration, autrement dit qui continue dans le présent...
Écrit par : Ray | jeudi, 09 juin 2005
"...comme si la réflexion pouvait naître d'un tas de fumier, les lieux communs, comme les microbes au XIXe siècle, spontanément !"
Heureusement, J.J.M., que tu as précisé : "au XIXe siècle" !
Sans rire, j'enseigne depuis 26 ans (en Gelbique) à des 12-15 ans. Depuis dix ans, il y a une régression incroyable au niveau de la culture générale. Un gars de 15 ans peut te dire qui a fait deuxième à la Starac'ons 3 (III, il ne comprend pas) mais ne sait pas que Néron a brûlé Londres en 1515 à Waterloo ! C'est le genre de réponses (j'amalgame) que j'obtiens pour un "history quiz" en anglais. Alors, la philo, tu penses !
Écrit par : Rick Hunter - Président des saoulréalistes du Hainaut | jeudi, 09 juin 2005
A titre personnel, ayant ete humblement enseignante de FLE pendant deux ans et demi pour une compagnie privee, j'en suis venue a me mefier un peu de ce qu'on appelle "la culture g".
Est-il vraiment plausible que le survole et le rabachage acharne arrivent a inculquer a des milliers de personnes chaques annees les bases de l'Histoire, de l'Histoire de la litterature et de l'Histoire des idees? Pour moi le "Neron qui a brule Londre en 1515 a Waterloo" est le pur produit de cette methode d'enseignement.
Écrit par : sweetyft | vendredi, 10 juin 2005
Sérieusement, vous avez enseigné le FLé (Français Langue étrangère) ?
Écrit par : Rick Hunter - Président des saoulréalistes du Hainaut | samedi, 11 juin 2005
Les commentaires sont fermés.