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lundi, 10 décembre 2007

Taslima Nasreen encore et toujours menacée

Vu sur l'excellent blog de Blandine Longre, ce lien sur celui de la Quinzaine Littéraire, à lire ici donc

dimanche, 09 décembre 2007

Shi Tao

7cfadaaf40332fbf9706f060f32c4f53.jpg« Le monde et moi-même nous nous rencontrons en esprit, et les traces se transforment. »

Shi Tao (Shih T'ao) 1640-1718?

Lire ici

22:05 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Chine, Shi Tao

Une moderne Olympia

5adbfee5d07631dfbdc6021a339c693a.jpgIl ouvre un livre : L’Oeuvre de Zola. Dans les premières pages, au milieu d’un Paris pluvieux, l’orage gronde. Claude Lantier, alias Cézanne, trouve une jeune fille perdue devant sa porte. Il l’héberge pour la nuit mais rien ne se passe. Le lendemain matin, le soleil plonge à travers la verrière de l’atelier et jette une lumière chaude, veloutée sur elle. Tout à sa dernière toile, le peintre, à qui manquait un personnage, saisit sa palette, ses pinceaux et lui vole son intimité. Les pensées de Gaétan deviennent un kaléidoscope d’images, de mots, puis emporté par ce vertige, il s’endort.

Raymond Alcovère, extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, éditions n & b, 2007

Cézanne, Une moderne Olympia

samedi, 08 décembre 2007

Téléchargez votre vin !

Un simple clic ici (recommamdé par Pierre Autin-Grenier bien sûr !)

09:59 Publié dans alcool | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : vin

En pleine nuit

69106ff1fdfa2600a421978f5cc03148.jpgIl y a une expérience, un voyage (le seul que j’ai fait) que je ne t’ai jamais raconté, je suis allée une fois avec des amies en Grèce. Et le souvenir le plus fort est arrivé au début du voyage, sur la route : une halte à Venise, en pleine nuit. Il était trois heures du matin, on est reparties au lever du jour. Traversée de la ville, ses ombres et ses lumières comme une fête. Personne dans les rues, plongée dans un décor de théâtre, le plus fabuleux qui soit, et c’était vrai, tant de beauté réunie : jamais depuis je n’ai ressenti d’émotion aussi forte en un endroit de la terre. Ce n’était pas le jour mais la nuit et Venise n’est pas sur terre, mais dans le ciel …

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Claude Monet, Le Palais de Mula

vendredi, 07 décembre 2007

La marche virtuelle de Bali

1ae58dd52340ea72160e86610a00ac5d.jpgC'est ici, et la pétition

Photo : Nina Houzel

Comment contourner l'orthographe !

J'aime bien cette histoire, trouvée chez C.C. :

Le propriétaire d'une ménagerie écrit à un marchand d'animaux : "Pouvez-vous me procurer deux chacaux ?"
Ce pluriel lui paraissant bizarre, il recommence sa lettre :
"Pouvez-vous me procurer deux chacals ?"
Toujours hésitant, il recourt à une troisième formulation :
"Pouvez-vous me procurer un chacal ?
P.S. : Pendant que vous y êtes, mettez-en deux."

01:28 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Orthographe, chacals

jeudi, 06 décembre 2007

"Cézanne m'apprit à regarder la nature chinoise"

A lire ici, sur pileface, un article de Viktor Kirtov : A partir de mon roman : "Le Sourire de Cézanne" et de cette citation de Zao Wou Ki, vous y trouverez des éléments sur ce peintre (dont une interview de France Huser) et diverses considérations sur la Chine.

Soutine à Paris

d6eec1a414ef0ffaeea54dcdf92d5cc6.jpgA Paris, à la Pinacothèque, voir ici

Ou sur Lunettes rouges, ici et

02:11 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Soutine

mercredi, 05 décembre 2007

Où l'on reparle de Maame Royal

Quand Michel Rocard vient exiger, sûr de son fait, qu’elle se désiste en sa faveur, elle amortit:

"Je me suis inventé, dans ces circonstances, un regard d’ethnologue. Je me mets en situation d’observation, comme si j’étais face à une tribu étrange, ou en voie de disparition, et donc passionnante à observer."

Lire ici sur Rue89

mardi, 04 décembre 2007

Les réfractaires

0646232432cb0a2aea651833167540f1.jpgComment atteindre la négation de la négation, l’affirmation même ? ça les préoccupe très tôt, les réfractaires. On croit les élever, les éduquer, les terroriser, les domestiquer, on obtient avec eux les résultats minimaux, ils apprennent anormalement vite à lire et à écrire, mais c’est comme si ce don particulier ne les menait à rien, ils le gardent pour eux, on ne comprend pas ce qu’ils projettent d’en faire. Ils ne partagent pas volontiers, ne semblent pas attirés par les sacrifices et les mortifications, l’ascèse ou lla discipline. Le garçon sera un salarié bidon, un déserteur, un simulateur, incapable de la moindre carrière. La fille ne sera ni actrice, ni mannequin, ni professeur, ni docteur, ni publicitaire, ni bonne mère, et encore moins hystérique ou anorexique. Que leur reste-t-il ? L’art ? Mais comme, là encore, le caractère réfractaire persistera dans cette dérivation, il y a fort à parier qu’il s’agira d’un art non conforme à ce que les contemporains considèrent comme tel. Un art de vivre, alors ? Ce n’est pas impossible, c’est même ce qui fait peur. Que voulez-vous, ce sont des irresponsables. On dirait qu’ils se moquent de leur réputation. Ils s’habillent n’importe comment (mais aussi, parfois, avec une élégance inexplicable), dépensent tout leur argent, interrompent leurs relations d’un moment à l’autre, se lèvent et partent sans s’excuser dans des dîners, oublient leurs amis, leurs femmes, leurs maris, leurs amants, leurs maîtresses, ne font pas de cadeaux, ne donnent aucune indication sur leurs maladies ou leurs états d’âme. Ce sont des asociaux, même pas conservateurs, incontrôlables, irrécupérables. Mal vus à droite, mal vus à gauche, vomis par le centre, étrangers aux marges, où voulez-vous les mettre ? Dans l’au-delà ? Même pas.

Philippe Sollers, L'étoile des amants

Frédérique Azaïs, Histoires

lundi, 03 décembre 2007

Des rêves d'Orient

468817aca70fa0528f816e0d1528e09d.jpgLe Midi a ses plaisirs décalés, la plage en hiver et le cœur des villes en été. Écrasées par la chaleur d’août, assoupies, on peut saisir leur substance, le rythme des pierres, s’y promener sans se presser, ne penser à rien. Seulement des notes de musique en tête, ou un désir d’architecture. Les rues vides, tout souci de rendement a disparu. Ces villes du Sud redeviennent les cités antiques qu’elles n’ont jamais cessé d’être, des rêves d’Orient.

Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent" : roman en cours d'écriture

Photo : Nina Houzel

 

dimanche, 02 décembre 2007

Histoires, de Frédérique Azaïs

cccc3f4dda26f22d71370ea440789cad.jpgJusqu'au 20 décembre au

CLUB HOUSE de la JALADE 
4 rue de la Jalade MONTPELLIER
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du 10 au 20 décembre ATELIER PORTES OUVERTES
de 10h à 20h  3 avenue de Montpellier VENDARGUES
Présentation d’un nouveau travail évolutif & modulable…

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Dimanche 16 décembre Marché de Noël de Vendargues devant les Arènes.

Visite de l’atelier tous les jours sur rendez-vous au 04 67 87 54 56 et quand la porte est ouverte… !



Frédérique Azaïs

04 67 87 54 56
06 87 27 62 91

Un grand calme

b3af1c0ddee1c8a99a3a2a2874c5fa62.jpgElle parcourt l’œuvre des modernes. De plus en plus elle aime cette liberté du non figuratif, mouvement, sensation pure, féerie des couleurs, formes, matières en écho, sauts, chutes, ruptures, tensions, harmoniques. La peinture, tout en gardant le stimulant de la vie réelle, pouvait devenir elle-même, a écrit Larionov. Son regard se modifie. Ces couleurs assemblées, dans l’œuvre de Miro ou Klee, arabesques, strates, linéaments, on les retrouve dans le désordre des feuilles d’automne, au fond d’une rivière, au creux de la roche tendre et friable de la montagne, sur le bleu de la mer ou les nuages en écharpe. Se débarrasser des canons classiques, de la peinture figurative ne les éloigne pas de la nature, au contraire. Zao Wou-Ki a écrit : Picasso m’avait appris à dessiner comme Picasso, mais Cézanne m’apprit à regarder la nature chinoise. J’avais admiré Modigliani, Renoir, Matisse. Mais c’est Cézanne qui m’aida à me retrouver moi-même, à me retrouver peintre chinois. Voilà l’hypothèse confirmée, Cézanne a montré le chemin, il a trouvé le lieu et la formule, l’harmonie intérieure, grâce à sa recherche de l’unité du tableau. Pourquoi divisons-nous le monde ? dira-t-il à Gasquet. Pour les chinois, la peinture n’est pas représentation du monde, elle est le lieu de sa présence réelle. Les tableaux de Zao Wou-Ki sont des giboulées de couleurs affrontées, la création de la terre racontée, jaillissement, effraction, on a percé un secret. Des arbres accrochés aux montagnes, feu rampant, glissant sur la toile, parfois on discerne en échos lointains l’œuvre de Corot, Le Lorrain ou Degas, cieux de neige, ouragans en formation ; toujours une fête de l’esprit. Une peinture qui parle de l’âme, de ses dérangements, en pointillés. Emotions, rêve, brisures mais épanouissement, vertige atteints, perte du sens, plongée dans le plaisir - voilà la leçon de Cézanne à Zao Wou-Ki -, le plaisir guide et on est sauvé, on découvre des portes, de nouveaux horizons, ceux d’avant étaient factices, des images s’instillent, glissent, surgissent, un dévoilement progressif, un opéra, musique symphonique, harmonies entrecroisées, légèreté, l’énergie de la matière concentrée en si peu de temps, les deux dimensions du tableau largement dépassées, oubliées, rien à voir. La vie parfois ressemble à une mélodie de Gershwin, drôle, inattendue, iconoclaste, pétillante. Transformer les couleurs, les notes en mots, du rythme et toujours surprendre. Perfection dans la composition.  Votre couleur préférée ? L’harmonie générale a répondu Cézanne. On est assailli de flèches contradictoires, certaines vous atteignent, d’autres non, arrive une toile, un andante, un livre et tout s’éclaire.

Raymond Alcovère, extrait de "le Sourire de Cézanne", roman, éditions n & b, 2007

vendredi, 30 novembre 2007

L'éloigner de soi

abf9c7f655d50c59521692feb751a297.jpgAprès tout pourquoi pas ! Pourquoi pas le désir ! Ce que j’aime avant tout en Elle. Le velouté de sa peau, une étoffe, une seule sur son corps, le visible et  l’invisible, ce qu’à mesure Elle dévoile, ses tressaillements, la légèreté de son corps, soudain, cet abandon qui n’en est  pas un, cette liberté... Tout ce qui s’envole, ces émotions qui disparaissent  à peine éprouvées. Je donnerai cinq ans de ma vie pour une heure de plaisir avec Elle. Une heure de grâce. Une heure de folie et de mort. C’est dans le sexe qu’on est le plus près de la mort, et c’est pour ça justement qu’on en est le plus loin, qu’on veut absolument la fuir, l’éloigner de soi. 

Raymond Alcovère, extrait de "Fugue baroque", éditions n & b, prix 98 de la ville de Balma

Photo : Nina Houzel

 

jeudi, 29 novembre 2007

Ondoiements et frissons

c9d1a3d92c0fb234c0961fc6442f6d6f.jpgba8ecb1a018d3bcc407057f4159cf7c7.jpg884835332d81429dd08c41995c9b3930.jpgPhotos de Jean-Louis Bec

21:38 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : photo, Jean-Louis Bec

Un cri, de Pierre Autin-Grenier, prix Léo Ferré 2007, remis par la ville de Grigny

4c688d3d83c226bd95412f223842e75d.jpg« Et maintenant, comme je l'ai dit au début, nous pressions le pas sous la Grande Ourse. Dissipée notre frayeur nous avancions, résolus, comme aspirés par l'horrible trou borgne de la nuit, en direction de cette interminable agonie. En somme on marchait à la recherche d'un cri. L'essentiel n'était-il pas de trouver d'où cela venait ? Après, nous verrions bien...» Une nuit d'hiver, les habitants d'une ferme partent dans les bois pour découvrir l'origine d'une inquiétante plainte, « du côté des collines ».

Accompagnés de l'éclat d'une lune « étrangement écarlate », de lanternes, de chiens, et du souvenir du « crime des Granges Rouges », les hommes s'enfoncent dans l'obscurité. « Il se passe, en décembre, des faits bien étranges à l'écart de nos bourgs »... Le cri devient grognement, ricanement ; malgré la nuit et l'inextricable maquis, les bruits de bête et les craquements d'arbres, le curieux cortège ne cèdera pas à la panique, et sera bientôt à deux doigts de percer le mystère...

La première parution d'Un cri, dans le recueil de nouvelles L'Ange au gilet rouge (aux éditions Syros) a marqué un tournant dans l'oeuvre de Pierre Autin-Grenier : l'auteur de poésie « noire » nous a offert, depuis, des récits où se côtoient le fantastique et le surréalisme (Toute un vie bien ratée, L'Éternité est inutile). Avec l'habileté d'un conteur à la veillée au coin du feu, Pierre Autin-Grenier sait manier à la perfection une langue gouailleuse et musicale, populaire et élaborée à la fois. Le rythme des scènes entretient merveilleusement le suspense, jusqu'au tableau final d'une beauté rare, une « vision d'apocalypse » dévoilée dans la toute dernière phrase.

Un cri : nouvelle de Pierre Autin-Grenier, illustrations de Laurent Dierick, préface de Dominique Fabre Collection « Texte au carré », 14x14 cm, 36 pages, Prix : 9 euros

-CADEX EDITIONS 19 rue d'en Quissé Russan 30 190 Sainte-Anastasie Tél/Fax : 04 66 22 47 74 cadex@cadex-editions.net

http://www.cadex-editions.net

mercredi, 28 novembre 2007

Des paroles

0ac53bff6c46ca32471e44bed357ee02.jpg"Ce pour quoi nous trouvons des paroles, c'est que nous l'avons dépassé"

Nietzsche, Crépuscule des idoles

Photo : Nina Houzel

mardi, 27 novembre 2007

Latérite, de Jean-Jacques Marimbert

81ba7284914eb516a95b4b2b9e803dea.jpgJe me disais, n'y va pas. Tu n'en reviendras pas, trop loin, de tout, de tes mots, de tes chemins. Tu cours les yeux fermés, n'y va pas. Je me disais aussi : ce sont des chemins trop anciens, beaucoup trop, tu vas t'y casser le nez. D'un haussement d'épaule j'ai fait le fier, celui qui a lu Conrad, Bouvier ou je ne sais qui, quand je dis lu, bouffé oui, vite mâché, sans voir que le fil tendu entre les pages me piégeait, me ligotait les pieds. N'y va pas. Tu n'es pas bien ici ? La Garonne, les briques, le tremble au fond du jardin, trois oiseaux, le puits, tari mais un puits, des iris, l'été finissant. Je n'en ai fait qu'à ma tête. Partir, le verbe a toujours bourdonné, partir. Filer. Vers quoi ? qui ? Un nom, une sonorité, l'ombre d'un nid, le cri d'une chouette : Cotonou. N'y va pas. Reste et rêve, si tu veux, c'est mieux, tu arrêtes tout quand tu veux, tu fermes les yeux et repars quand tu veux ; mais une fois quitté ici, une fois là-bas -- je n'ose même pas t'imaginer là-bas -- que feras-tu ? C'est décidé : tout noter. Ce refus de sauter, je le note. Cotonou. Tu t'attaches trop aux sons. Tu es matérialiste, dans ton genre. Pour un vieux, c'est douteux. Poésie à trois sous, un enfant aurait honte, rirait de toi. Justement, enfant, tu n'es qu'un enfant. Tu m'avais déjà fait le coup. C'est à peine si tu savais lire... Himalaya et hop, tu t'étalais en plein ciel, te vautrais, tout blanc, et l'écho, plus tard tu disais que l'écho habitait le nom comme une  salle vide. Himalaya, un cri lointain et long écho, i...a...a...a..., sur à-pic blancs, rochers pointus, turlututu ! Pareil avec Istanbul, Valparaiso, Médines et des tas, des tas de villes. Même pas. De la musique ? Rien que de la musique ? Tu as beau accélérer le pas, tu vas rater l'avion, il le faut. Tu sais rater un avion, tu l'as déjà fait, tu les as tous ratés jusqu'à présent, alors un de plus... Tu peux tirer ta valoche, pas usée par les soutes des longs courriers, ça non ! Et puis tu es vieux ! Penses-y : dans trois fois rien septante ! Avant, passe encore, brin de folie, le regard vacillant devant une photo, nez collé à la vitrine d'une agence de voyages, cocotiers, paquebots, châteaux forts, casbahs, ces noms, même pas les lieux, les noms. Une vraie collection sur tes cahiers, pas classés, au hasard. Preuve, tu n'as jamais été bon en géo. Mais qui te parle de géographie ? Je veux seulement savoir ce qu'il y a dans ce nom. C'est la terre qui importe. La terre ou la Terre ? La géo c'est de la couture, voyage immobile sur un bâti, et moi je désorganisais, je glissais toujours au-delà des faufils, longs pointillés pour préparer la guerre, on connaît, ailleurs c'était mieux, et une fois là, je prenais n'importe quelle route, une ligne de dénivelé, un fleuve, j'évitais les villes, je sautais les reliefs, je planais sur les Océans ! La Terre. Tu fermais les yeux, tu disais : "la Terre !" Un enfant,  ça se comprend, mais tu as mal aux os, arthrose, tu craques de partout, tu oublies... La terre m'a toujours ému. J'aurais aimé être vigie et crier "Terre !" après des mois de mer, de solitude, de soleil à n'en plus pouvoir. C'est ton côté stylite ! Grimper à la grand'hune du monde et rêvasser, faire d'un nid de pie ton territoire, ta patrie, à deux pas du divin pour ainsi dire. "Terre !" Libération ! Déflagration ! La mer est là, le ciel immense, quel vent!, naseaux salés, tout tangue et roule, "Terre !" L'air expulsé, jusque-là confiné par un coup de glotte tétanisé, précieux viatique en vue de ce seul moment où libéré il te coupe le sifflet ! Avec la mer, mouillé, avec le fer, feu. Mais terre, c'est solide, le sol tremble sous le talon, juste avant la douceur de l'air, à poumons fermés. Souffle inouï, d'emblée scindé, sifflé, empêché, murmuré, rauque. Air vague ou tassé, feulé, toujours teinté, aux couleurs du temps. L'air du temps, voilà la terre, rouge ici, brune, ocre jaune, noire, pâleur de nacre au fond d'un ravin, et c'est de l'eau qui coule, irrigue, inonde, recouvre. Et sous le terre, terre encore, tôt ou tard enfouie, tassée, aussi noire que lait dessous, là où tout se joue, tes os, dans le secret des odeurs musquées, d'invisibles copulations moléculaires au hasard d'ondulations symphoniques, déplacement mathématique des astres. N'y va pas. Tu rentreras déglingué, perclus de symptômes bizarres dont personne ici ne saura quoi te dire. Croûte latéritique des régions tropicales, alumine, oxyde de fer. Latérite, sang de brique d'où sourd l'humide ambiguïté, le bois parfait, totémique. N'y va pas. À Cotonou, tu ne connais personne. Justement. Tu te vois en Afrique ? Désert, ou bien indescriptible fouillis végétal et humain, au choix ! Entre les deux, des zones inclassables, des acacias avec des épines grandes comme ça, à peine de bois tordu, pâle, calciné par le sable, pour faire cuire des riens, quelques chèvres, un puits tous les..., des chameaux qui se dandinent en blatérant ! Toi tu veux aller plus loin, encore plus loin, là où tout est enchevêtré, inextricable ? Il paraît que tout pousse à une allure folle, que l'humidité, parlons-en, l'humidité n'est pas qu'un mot ! Et ça grouille, bestioles, insectes, racines, les villages bouffés au termites, les enfants faméliques, les yeux traversés de filaires et... Qu'est-ce que tu me chantes ! Je tire ma valise. J'emporte trop de trucs. À tous les coups je vais avoir un excédent de bagages. N'y va pas. J'ai peur. Ouf ! De justesse, la voilà dans la file sur le tapis roulant. Toujours glacé, ces aéroports, illisibles ces billets d'embarquement. Monde fou. Si j'avais pu y aller en bateau ! Porte 48, immédiat. Il fait un froid de canard dans ce coucou ! Une revue, papier glacé, dossier sur la Suède, je sors mon pull et ma carte : Afrique de l'Ouest. Je regarde cette épaule de l'Océan et ne vois rien. Lanières multicolores des pays découpés dans la chair, galons d'une uniforme de carnaval. C'est bon, on vole. La clim' me fait claquer des dents. Toute la nuit comme ça ! Le plaid est minuscule, on va finir gelés. Vers l'avant, un écran muet où s'agite une fille et un gars qui s'engueulent, non, ils rigolent, ne savent pas ce qu'ils veulent, je mets le casque, anglais, j'appuie, allemand, le fil se débranche, ils s'embrassent à bouche goulue, ma voisine sors un masque de décontraction, il fait de plus en plus froid. Je cale mon regard entre Togo et Nigeria, fais le Yo-Yo du nord au sud, accroche çà et là des syllabes vides, rejoins le sud, l'eau, Cotonou, bleu atlantique, ocre béninois. L'atmosphère se stabilise entre vibration et relative apesanteur. Je me lève pour dérouiller mes poulies, manque rester pour l'éternité dans le cercueil des toilettes, décide de dormir jusqu'aubout du voyage. L'écran est mort. Ma voisine est livide, légèrement bleutée. Ici et là, des corps affalés. La carlingue fonce dans la nuit. Je sonne l'hôtesse, superbe métisse type antilope. Je finis par somnoler en suçotant un armagnac parcimonieux. Plus que six heures ! Une ribambelle hétéroclite d'impressions, des images par vagues molles cheminent derrière mes paupières. Je recompose à tâtons l'itinéraire qui m'a mené à ce siège étroit, dur, inconfortable. La pêche est maigre. Toujours revient une fascination ancienne, indatable, détachée de tout souvenir d'enfance, cependant étrangère à aucun. Un mélange pâteux m'envahit, où germe, incertaine puis évidente, la nécessité de ne pas mourir sans avoir vu la Côte des Esclaves.

Latérite : Jean-Jacques Marimbert (texte paru dans la revue L'instant du Monde). Dernier livre paru : "Le Corps de l'océan" : Carnet des Sept Collines, éditions Jean-Pierre Huguet

Bona Mangangu, huile sur toile 

Vous devez travailler plus pour penser moins ! C’est ça le fond des choses.

Lire ici l'intervention de Philippe Sollers face à Valérie Pécresse, chez Guillaume Durand