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dimanche, 18 novembre 2007

Une photo de Nina Houzel

724e88a868763ecbd6c916592edd21b8.jpgParue dans la revue "L'Instant du monde" n° 5, avec un texte de Jean-Jacques Marimbert : "La Lettre"

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12:40 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : photo, Nina Houzel

samedi, 17 novembre 2007

Une interview de Eric Naulleau

A voir ici

21:06 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Eric Naulleau

Véronèse de plus en plus

d3d56e779d77846e579c7b97d84e542e.jpg« Celui-là, il était heureux. Et tous ceux qui le comprennent, il les rend heureux. C’est un phénomène unique. Il peignait comme nous regardons, sans plus d’efforts. En dansant. Des torrents de nuances lui coulaient du cerveau. Il parlait en couleurs. Il me semble que je l’ai toujours connu. Je le vois marcher, aller, venir, aimer, dans Venise, devant ses toiles, avec ses amis ... Tout lui rentrait dans l’âme avec le soleil, sans rien qui le sépare de la lumière. Sans dessin, sans abstractions, tout en couleurs ... On a perdu cette vigueur fluide que donnent les dessous ... Regardez cette robe, cette femme contre cette nappe, où commence l’ombre sur son sourire, où la lumière caresse-t-elle, imbibe-t-elle cette ombre, on ne sait pas. Tous les tons se pénètrent, tous les volumes tournent en s’emboîtant. Il y a continuité ... Le magnifique, c’est de baigner toute une composition infinie de la même clarté atténuée et chaude et de donner à l’œil l’impression vivante que toutes ces poitrines respirent véritablement, mais là, comme vous et moi, l’air doré qui les inonde. Au fond, j’en suis sûr, ce sont les dessous, l’âme secrète des dessous qui, tenant tout lié, donnent cette force et cette légèreté à l’ensemble ... L’audacieux de tous les ramages, les étoffes qui se répondent, les arabesques qui s’enlacent, les gestes qui se continuent. .. Vous pouvez détailler : tout le reste du tableau vous suivra toujours, sera toujours là, présent, vous sentirez la rumeur autour de la tête, autour du morceau que vous étudierez. Vous ne pouvez rien arracher à l’ensemble. »

Cézanne, à propos de Véronèse

Ici, une œuvre de jeunesse . Les Pèlerins d'Emmaüs
Vers 1559

Ici Un diaporama de l’exposition « Véronèse profane »


 

vendredi, 16 novembre 2007

La 3 è vente aux enchères de tableaux Occi'zen

C'est mardi 20 novembre, salle Rabelais, à Montpellier, 20 H

Voir ici

Richard Bruston ; quelque chose comme un ordre gracieux de l’instant

74e29fbb782fb883b413a0979085c620.jpgC’est très rare chez les photographes, tu n’a presque jamais fait d’exposition personnelle, mais beaucoup travaillé avec d’autres créateurs , pourquoi ?

 

Mes photographies ne sont pas égotiques. J’ai le “ moi ” en horreur, mon postulat procède de l’autre en tant qu’être radicalement différent. Ma quête est la recherche du vrai dans ce que je vis dans l’instant, c’est-à-dire ce qui m’est donné de voir, de sentir au moment du face à face (ce qui est montré et caché) et cela m’applique et m’implique dans mes couilles et mon cœur. A chaque fois, il s ‘agit d’épousailles réussies ou loupées. Je place très haut le collectif “ qui est au cœur de l’art lui-même ” selon le mot de Jaurès, c’est pourquoi j’aime se faire croiser toutes sortes de différences réunies par le biais de la photographie.

 

Une des constantes de ton travail est ton voisinage avec les écrivains, quel rapport entretiens-tu avec l’écriture ?

 

Les écrivains se risquent par jeu avec talent dans la photographie. J’aime à faire avec eux un chemin où peuvent coexister l’écriture et l’écriture photographique. Je me sens toujours gratifié d’un quelque chose en plus. Leur compagnie m’enchante, j’aime être envahi, démoli par un texte. Je suis souvent en apesanteur avec l’écriture poétique. Sinon, mes seuls rapports avec l’écriture sont, banalement, intimes. Comme tout le monde, j’écris. Cela me différencie de l’écrivain.

 

A regarder ton parcours, on s’aperçoit que tu as souvent travaillé sur la question du handicap ou avec les laissés pour compte de la société, milieux défavorisés, psychiatrie, maisons d’arrêts, sourds et muets, pourquoi ?

 

Les êtres en perdition sont vrais, ils ne jouent pas. Ils sont vrais comme leur visage, ils ne cherchent pas à paraître, face au gouffre de ce qu’ils vivent. Ils sont l’abîme même du verbe être. La société s’en moque éperdument. Qui d’entre nous s’intéresse à leur immense solitude (prison, psychiatrie) ? Idem pour le ghetto historique dans lequel vivent les personnes sourdes.

 

Tu as souvent fait des portraits, qu’est-ce que ce travail a de spécifique pour toi, est-ce que tu l’affectionnes particulièrement, quel type de relation humaine est-ce que cela instaure entre toi et la personne ?

 

Le portrait résume tout de l’histoire d’une personne. On voit tout d’un visage, y compris ses zones d’ombre : le visage et son contraire (le retenu, le caché), ombre et lumière où cette dualité s’affronte. Pas un être n’échappe à ses contradictions, c’est une constante de l’humain. Ce qui peut arriver dans l’échange est unique, quelque chose comme un ordre gracieux de l’instant. J’aime le présent. Je n’ai pas envie de creuser plus, c’est mon côté superficiel.

 

Tu fais de la photographie artistique depuis plus de trente ans, qu’est-ce qui t’a le plus marqué, de cette expérience ?

 

Mes rencontres, celles qui m’ont fait grandir à tous les âges de la vie, toutes mes non-rencontres aussi.

 

Sur l’île déserte, quel(s) livre(s) emporterais-tu ?

 

La Bible et Robert Musil.

Cette interview du photographe Richard Bruston est parue dans la revue Salmigondis n°  19

00:15 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Richard Bruston

jeudi, 15 novembre 2007

Concours de nouvelles "Court, fort et bien serré"

Règlement ici

Sacré Vendredi 13 !

83bdd4a8c39e41e86435c468d57fb0b4.jpgÇa commence mal cette histoire. À peine servis les apéritifs la discussion s’engage sur un point de doctrine des plus byzantins à la façon d’un combat entre les Horaces et les Curiaces. J’aurais plutôt poussé, moi, à débattre pépère des mérites des boulomanes castels-bonisontains comparés aux vertus des vélocipèdistes de La Ricamarie ou de tout autre sujet laissant place à la respiration et offrant de multiples raisons de trinquer ensemble  —  tchin-tchin  —  et vider quelques verres sous ce ciel de vendanges que venaient taquiner des envolées de moucherons. Après tout nous nous retrouvons entre amis autour d’un lapin tombé au champ d’honneur et vite fricassé en gibelotte pour papoter sur pluie et beau temps, et non pour catéchiser l’incrédule à coups  d’arguties branlantes, de raisonnements spécieux s’effilochant en mille querelles d’Allemand cependant que les glaçons fondent en larmes dans les anisettes et que le frichti risque le coup de feu sur le fourneau. Mais inutile de se tortiller sur sa chaise à chercher en vain nouvel ordre du jour et tenter ainsi de rompre les chiens, l’affaire est mal partie même si je ne sais plus quel trouble-fête a lancé la question de croire ou non aux bons et mauvais présages, chats noirs ou merles blancs, et autres superstitions. Maintenant, voilà : c’est la vraie foire d’empoigne où l’un agonit l’autre, l’autre incendie l’un, tous se chamaillant à qui mieux mieux. Nous ne sommes même pas douze apôtres réunis pour célébrer les qualités de ce lapin qu’on se croirait déjà treize à table !

 

 Une fois   —  je raconte à nouveau  —   je me suis trouvé moi-même nez à nez, figurez-vous, avec un pendu. Je devais avoir sept ans et cela s’est passé dans un bois près de Claveisolles,  j’étais sans doute aux  champignons ; “ Non, pas du tout hallucinogènes ! ” je réplique à Anne-Marie qui, certes, a entendu cent fois l’histoire mais prétend maintenant que j’invente, qu’à chaque nouvelle version j’en rajoute. Mon bonhomme se balançait bel et bien au bout d’une branche, il tirait une drôle de langue et son cou de poulet saucissonné par la cravate de chanvre achevait de lui donner cet air flapi qu’ont les pantins de chiffon accrochés à leur patère la farce terminée. Longtemps j’ai tenu la chose secrète, de jeudi en jeudi me rendant en catimini aux pieds de mon pendu lui faire mes confidences, tenter aussi d’obtenir son intercession auprès des puissances obscures qui régissent nos destinées dans l’espoir idiot d’échapper ainsi à la vie de traîne-chagrin qui m’était faite alors. Eh bien, ne croyez ni à Dieu ni à Diable si vous voulez, mais quand l’automne venu des braconniers à la traque d’un sanglier sont tombés dessus et se sont partagé un bout de corde pourtant déjà bien élimé, dans la saison l’un s’est enrichi d’un champ d’une centaine d’arpents tandis que l’autre, du même coup, héritait d’un troupeau de trente cornes. Que mon pendu ait porté bonheur à toute la paroisse n’empêcha point cependant qu’il fût pour moi porte-poisse puisque, sitôt l’affaire classée, je quittai la communale et, pour me permettre de mieux oublier, on m’enferma illico presto dans une boîte de curés.

 

Comme Anne-Marie convient qu’il serait finalement trop facile de dénicher un macchabée chaque matin pour qu’à midi vous tombent dans le bec des cailles toutes rôties accompagnées de leurs cèpes farcis et qu’aussi ma petite anecdote à double tranchant a drôlement égayé l’atmosphère, une seconde j’espère que nous allons embrayer sur sujet moins branquignol que les superstitions et autres croyances absurdes en l’au-delà et qu’est-ce que vous pensez je dis, comme ça, de la dernière récolte qui nous promet, je crois, un bon millésime pour les bordeaux et de fameux pots de côtes à venir, non ? … Un ange passe.  Tout le monde alentour me fait d’abord des yeux de merlan frit, mais bien vite se ressaisit pour aussitôt relancer de plus belle la machine à tricoter les théories fumeuses, les jacasseries sans fin et  —  Hardi, petit !  —  voilà que c’est reparti comme en quatorze ! Quand l’irrationnel s’est emparé d’esprits échauffés, qu’il a bien fait son nid dans la conversation au point de tout accaparer, alors vous ne pourrez jamais empêcher que Pierre n’ait une vague expérience de table tournante à mettre sur le tapis tandis que la langue de Paul lui démange déjà d’expliquer comment, ayant sans mauvais calcul écrasé le matin un chat noir, il fut de manière bizarre pris de coliques néphrétiques dès le soir. Et maintenant même ma femme lâchant ses casseroles décide d’entrer dans la danse, d’ajouter son grain de sel, férue à tous crins de réincarnation et de polka des planètes. Je présage que ce charivari va tantôt tourner vinaigre et , pour finir, ce damné lapin nous aura jeté le mauvais œil, voilà tout.

 

Sans doute eût-il été plus sage, avant que de claironner ripaille, d’examiner en bon aruspice les entrailles de ce garenne pour décider de l’opportunité d’une telle réunion plutôt que de les abandonner à la voracité des bâtards du voisinage et voir ainsi de quel oracle auraient accouché Dionysos, Artémis d’Éphèse ou les divinités champêtres et de la convivialité réunies. Comment aurais-je pu imaginer, à moi tout seul et avec ma franche naïveté, que le sacrifice de ce malheureux mammifère allait tous nous précipiter dans des polémiques de chiffonniers, crêpages de chignons et furieuses prises de becs ; rendus les uns comme les autres aux confins de la folie ? Aurais-je jamais pu soupçonner, il y a seulement deux lunes, que nombre de mes amis fussent à ce point tourmentés par diableries, sciences occultes et trèfles à quatre feuilles jusqu’à vouer aux gémonies ceux d’entre nous qui, ayant les deux pieds bien établis sur terre, ne se soucient d’avoir à passer sous une échelle pas plus qu’ils n’envisagent se rendre à La Mecque en pédalo et n’ont cure des “ Abracadabra ” de la cabale pas davantage que des “ Alléluia ” de la calotte. Boniments de chaisières un poil foldingues ou de bedeaux illuminés, préceptes de gourous berrichons ou prédictions d’astrologues carpentrassiens semblent ainsi en avoir saisi plus d’un qui, croyant dur comme fer à ce bric-à-brac mystique et redoutant partout couteaux en croix et salières renversées, s’est mis martel en tête pour convertir le reste de la tablée à son dada surréaliste et maintenant, dans le brouhaha des controverses, les rodomontades des uns et les cris d’orfraie des autres, c’est comme la vague et confuse appréhension d’une menace qui soudain plane sur l’ensemble de l’assistance. Oiseau de malheur que ce maudit lapin !

 

Sous la tonnelle les senteurs vives et framboisées des vendanges alentour que traversent, par effluves, les parfums mêlés de l’été finissant et des premiers labours d’automne pourtant voudraient incliner à plus large tolérance, à rire aussi ensemble de bon cœur et pour un rien, — je ne sais pas, moi —  à cause des pétanqueurs castels-bonisontains par exemple ou peut-être des cyclistes moustachus de La Ricamarie, enfin danser le chahut copains-copains et nous féliciter de l’heureuse participation du soleil à ces agapes de septembre plutôt qu’abdiquer toute raison et courir à la castagne à force de furie des croyances à mystères pour les uns et d’acharnement dans une incrédulité sans partage pour les autres. Le monde n’appartient à personne, hasarde Anne-Marie espérant de la sorte calmer le jeu, et l’éternité aussi est inutile. Elle a lâché ça d’une petite voix rose bonbon certes, mais presque sans avoir l’air de rien en somme et pensant bien faire. Quand même, c’est un peu comme si, tout d’un coup, elle s’était mise à brailler à pleins poumons  “ Il n’est de sauveurs suprêmes : ni Dieu, ni César, ni tribun ; joyeux ripailleurs sauvons-nous nous-mêmes, décrétons le salut commun ! ” Devant le hourvari de clameurs que soulève aussitôt dans chaque camp semblable assertion et la pagaille qui s’ensuit, les plus sensés un instant songent à se réfugier dans les montagnes du Montana pour échapper au pire tandis qu’Anne-Marie, profil bas, pique du nez dans son assiette sur deux tibias de lapin croisés là on ne sait ni par qui ni comment. On sent bien malgré la douceur de l’air ambiant et les suaves odeurs d’automne que quelque chose entre nous vacille, chancelle et menace de sombrer qui va, pour finir, nous laisser le souvenir de ce satané lapin en travers de l’estomac.

 

Au dessert l’étripage est à son comble et l’indifférence générale envers l’île flottante pour laquelle personne ne semble maintenant avoir le moindre goût. Personne non plus ne prête attention à cette escadrille de moucherons qui depuis lurette nous tournicote devant les mirettes et, subitement, se lance à l’attaque des tours d’or et d’argent du World Trade Center plantées dans la crème anglaise comme une décoration certes assez prétentieuse et imbécile au milieu des blancs d’œufs battus en neige. Quand Anne-Marie hurle  “ Attention ! ” il est déjà trop tard. Déstabilisée par les habiles bestioles l’une des Twin Towers s’effondre dans mon arabica, l’autre s’affaisse lamentablement dans la tasse d’Anne-Marie. “ MERDRE ! ” tout le monde crie, éclaboussé. C’en est fait de mon café, il fout le camp et remontent à la surface des flopées de dollars en marmelade cependant que vibrionnant autour de nous le gang des moucherons entame avec insolence le fameux “ In God we trust ”.  Sacré vendredi 13, j’en conclus à part moi, pour une histoire qui, si mal commencée, ne pouvait finir autrement que dans la panade.

 

Pierre Autin-Grenier

Extrait de « L’Éternité est inutile » (Gallimard/L’Arpenteur, 2002).

Cette nouvelle et le tableau de Annie Caizergues ont paru dans la revue L'instant du monde n° 1 (2002) 

 

mercredi, 14 novembre 2007

Franck Pavloff

 

82974042c1f070ca955c6e1ac7df2b88.gifVoici un entretien que j'avais réalisé avec l'écrivain Franck Pavloff  (le 11 février 2004) pour la revue Salmigondis n° 21 (un dossier lui était consacré)

Ø Il y a chez vous en tant qu’écrivain un désir de parler du réel.  Pourquoi avoir choisi la fiction ?

Je suis un écrivain du réel, inscrit fortement dans la vie sociale ; c’est ça pour moi le réel.   Professionnellement aussi, ce qui m’intéresse c’est la réalité du monde. Mais je ne suis pas journaliste ; le privilège de l’écrivain c’est de s’appuyer sur le réel pour en dire plus. Bizarrement, si on ne parle que du réel, on ne s’approche pas forcément de la réalité.  Par exemple ici, nous sommes dans un bar, il y a des gens autour, apparemment tout est calme, mais il se passe peut-être dans leur vie des tempêtes, des drames, des bonheurs, qu’on ne voit pas. L’écriture justement, permet de raconter cela. C’est dire l’autre face du réel. La fiction c’est cette capacité qu’un écrivain doit avoir de pousser le réel dans ses retranchements. Pour y mettre de la tension.  Et la fiction quand elle est réussie, c’est aussi ce qui permet d’atteindre à l’universel.

ØVous êtes un écrivain intéressé par d’autres formes d’expression ?

Oui, je trouve que l’écriture est un support un peu lent. J’ai envie de me frotter avec d’autres moyens d’expression, la photo, le théâtre, le cinéma. Aujourd’hui, ce qui raconte le plus le monde aux jeunes, c’est l’image ; je suis très intéressé par un échange avec d’autres formes d’expression. Les arts plastiques ont fait un travail que l’écriture n’a pas fait ; il me semble que l’écriture reste policée, elle est un peu “ le gardien du temple ”.  Pourtant l’invention de l’image animée a changé l’écriture. Le polar est à peu près contemporain du cinéma. L’écriture de polar, par la tension qu’elle implique, a changé la donne. C’est pour ça que j’aime le roman noir, car il implique une écriture comportementaliste, ce qui constitue un bouleversement par rapport au roman psychologique du XIX ème.

ØVous êtes spécialiste du droit des enfants, vous intervenez à ce titre pour des tribunaux, et vous êtes aussi directeur de collection pour la jeunesse : c’est un aspect important de votre activité ?

Oui j’ai toujours beaucoup travaillé avec les jeunes : l’avantage du roman noir pour eux c’est qu’il reflète leur vie de tous les jours : on parle d’eux, en un sens le livre leur appartient, ce n’est pas un objet éloigné du réel, de leur réel, il devient accessible. Le noir aussi c’est la couleur de l’initiation, le roman noir c’est un roman d’initiation : comme dans les rites initiatiques en Afrique par exemple, où le héros doit traverser un certain nombre d’épreuves avant d’entrer dans le monde des adultes. C’est ce qui fait la différence avec le roman noir pour adultes ; dans le roman jeunesse, le héros doit sortir vainqueur de l’épreuve.

Sinon j’ai écrit aussi pour dénoncer la maltraitance des enfants, la prostitution en Asie notamment : sur ce genre de sujets l’écriture s’avère à mon sens un meilleur moyen d’expression, car la télévision parfois n’échappe pas au voyeurisme. Et puis il y a cette liberté de la lecture, qu’on peut interrompre à son gré et qui n’existe pas avec le défilement des images. Sur ces questions du droit des enfants, je travaille avec des ONG, Terre des Hommes Lausanne, Handicap International, etc. et c’est un travail qui a commencé de porter ses fruits, il existe maintenant des lois pour lutter contre le tourisme sexuel : pour faire avancer le droit des enfants, il faut un “ coup de gueule ” puis un “ coup de droit ” , c’est ainsi !

ØVous voyagez beaucoup : que pensez du monde aujourd’hui ?

Je ne suis pas pessimiste pour le monde, il est terriblement complexe, mais je trouve beaucoup d’intérêt chez les jeunes, ils ne font pas que regarder la télévision. Suite à “ Matin brun ”, je suis intervenu dans des dizaines et des dizaines de classes, et j’y ai rencontré beaucoup d’enthousiasme, de nombreux jeunes ont envie de faire autre chose aujourd’hui…

Ø  Sur l’île déserte, quel(s) livre(s) emporteriez-vous ?

“ Les saisons ” de Maurice Pons, un livre qui m’emporte dans un imaginaire lourd de sens, où la dérision se mêle à la poésie, l’or à la suie, un univers d’images glaciales et brûlantes, que je lis et relis, chahuté par le rire, l’émotion, la tendresse et le désespoir. Ensuite un exemplaire de la Pléiade avec au moins 2000 pages de  papier bible vierges (je triche un peu), et écrire enfin totalement isolé du monde réel et apprivoiser la page blanche.

 

mardi, 13 novembre 2007

Moscou est belle comme une sainte napolitaine

2c5c7f2827d0f91c5df174c290f4c963.jpg« Moscou est belle comme une sainte napolitaine. Un ciel céruléen reflète, mire, biseaute les mille et mille tours, clochers, campaniles qui se dressent, s’étirent, se cabrent ou, retombant lourdement, s’évasent, se bulbent comme des stalactites polychromes dans un bouillonnement, un vermicellement de lumière »

Blaise Cendrars

A lire ici, un extrait du livre de Jean-Louis Kuffer : "Les Passions partagées", dont est tirée cette citation

lundi, 12 novembre 2007

Frédérique Azaïs, expo

 
745b8ebbfd1241c8f4a8dcee5ab76d23.jpgdu 15 novembre au 20 décembre au
CLUB HOUSE de la JALADE 
4 rue de la Jalade MONTPELLIER
 
VERNISSAGE jeudi 15 novembre à 19h « en présence » du….. Beaujolais Nouveau !!

¨   
du 10 au 20 décembre ATELIER PORTES OUVERTES
de 10h à 20h  3 avenue de Montpellier VENDARGUES
 
Présentation d’un nouveau travail évolutif & modulable…

¨   
Dimanche 16 décembre Marché de Noël de Vendargues devant les Arènes.

 
Visite de l’atelier tous les jours sur rendez-vous au 04 67 87 54 56 et quand la porte est ouverte… !



Frédérique Azaïs

04 67 87 54 56
06 87 27 62 91

dimanche, 11 novembre 2007

Le concours d'Eric

Vous êtes là, dans le plus vieux théâtre du monde, et vous pouvez proférer une phrase de dix mots que le monde entier entendra.

Elle sera publiée dans Microbe, la revue d'Eric Dejaeger.

A vous de jouer

samedi, 10 novembre 2007

Médias: les petits coups de ciseaux de Bernard Arnault

à lire ici, sur Rue89

09:05 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, LVMH

Le Magazine de Autour des Auteurs n° 5 est en ligne

Ici

vendredi, 09 novembre 2007

Non seulement la France s'ennuie, mais en plus, tout le monde se cherche !

Six mois après la présidentielle et les législatives, la blogosphère politique est en plein doute

Lire ici

Le lieu d'où l'on regarde

c5ac67a157808fc22f20ca83a363c8ea.jpgLe mot grec "theatron" signifie "le lieu d'où l'on regarde"

Théâtre de Delphes

18:28 Publié dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Théâtre, Delphes

Grèves: et si on voyageait gratuit au lieu d'être "pris en otage"?

Lire ici

13:59 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Grèves, Rue89

Cet exquis mélange

ac02d1f7179279c0506867d886a54c58.jpg« Cet exquis mélange de curiosité et de mélancolie qu’on éprouve les jours où le temps se gâte d’heure en heure ».

Jean Giono – Voyage en Italie

jeudi, 08 novembre 2007

Le plus beau baiser de l'histoire du cinéma

Ici

Jack Kerouac

5ce03dc208f2174c9c3f560fad5e6a88.jpg"On était dans les montagnes ; il y avait une merveille de soleil levant, des fraîcheurs mauves, des pentes rougeoyantes, l’émeraude des pâturages dans les vallées, la rosée et les changeants nuages d’or. (…) Bientôt ce fut l’obscurité, une obscurité de raisins, une obscurité pourprée sur les plantations de mandariniers et les champs de melons ; le soleil couleur de raisins écrasés, avec des balafres rouge bourgogne, les champs couleur de l’amour et des mystères hispaniques. Je passais ma tête par la fenêtre et aspirais à longs traits l’air embaumé. C’étaient les plus magnifiques de tous les instants."

Rarement sans doute un livre a aussi bien “ collé ” à un génération, servi de révélateur à une époque. Sur la route, écrit en 1951 (publié en 1957) sera un phénomène. Il va incarner la “ Beat Generation ”, mouvement né de la rencontre en 1943-44 entre Jack Kerouac, Allan Ginsberg et William Burroughs, tous trois écrivains et poètes. Beat au départ signifie vagabond, puis renvoie au rythme de l’écriture, proche de celle du jazz, et même à béatitude (Kerouac sera très influencé par sa rencontre avec Gary Snider qui l’initiera au bouddhisme et à la spiritualité, expérience qu’il racontera dans Les clochards célestes). Ainsi vont naître les beatniks. Une déferlante que Kerouac incarnera malgré lui et qui le dépassera. Mais c’est une autre histoire. Reste le livre. Et sa force, sa puissance, la sincérité qui s’en dégage. Ecrit en trois semaines, sur un unique rouleau de papier. On y croise des centaines de personnages, de lieux, poussés par une écriture rythmée, endiablée, frénétique. Une écriture comme un souffle, une pulsation, un battement, un “ beat ”. "Je veux être considéré comme un poète de jazz soufflant un long blues au cours d’une jam-session un dimanche après-midi", écrira-t-il. Comme le souligne Yves Le Pellec, "Kerouac est nettement plus préoccupé de rythme, de relief, d’intensité que de pensée". (…) Son texte laisse toujours une large place au hasard et à l’arbitraire. En effet, son écriture est physique. Il mouillait sa chemise, au sens propre du terme. Comme un musicien se sert de son corps, il utilisait les mots comme des notes.

Avant tout, Sur la route, c’est le portrait d’un personnage invraisemblable et pourtant bien réel, Neal Cassidy (Dean ” dans le roman), qui fut l’ami et l’inspirateur de Kerouac  : "Un gars de la race solaire, tel était Dean. Ma tante avait beau me mettre en garde contre les histoires que j’aurais avec lui, j’allais entendre l’appel d’une vie neuve, voir un horizon neuf, me fier à tout ça en pleine jeunesse ; et si je devais avoir quelques ennuis, si même Dean devait ne plus vouloir de moi comme copain et me laisser tomber, comme il le ferait plus tard, crevant de faim sur un trottoir ou sur un lit d’hôpital, qu’est-ce que cela pouvait me foutre ? … Quelque part sur le chemin je savais qu’il y aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare."

En pleine période du maccarthysme, d’Einsenhower, une autre Amérique se dessine : "Un soir de lilas, je marchais, souffrant de tous mes muscles, parmi les lumières de la Vingt-septième Rue et de la Welton, dans le quartier noir de Denver, souhaitant être un nègre, avec le sentiment que ce qu’il y avait de mieux dans le monde blanc ne m’offrait pas assez d’extase, ni assez de vie, de joie, de frénésie, de ténèbres, de musique, pas assez de nuit. Je m’arrêtais devant une petite baraque où un homme vendait des poivrons tout chauds dans des cornets de papier ; j’en achetai et tout en mangeant, je flânai dans les rues obscures et mystérieuses. J’avais envie d’être un mexicain de Denver, ou même un pauvre Jap accablé de boulot, n’importe quoi sauf ce que j’étais si lugubrement, un “ homme blanc ” désabusé."

Une Amérique dont les lieux mythiques sont le Mississipi : "Une argile délavée dans la nuit pluvieuse, le bruit mat d’écroulements le long des berges inclinées du Missouri, un être qui se dissout, la chevauchée du Mascaret remontant le lit du fleuve éternel, de brunes écumes, un être naviguant sans fin par les vallons les forêts et les digues et San Francisco bien sûr : Soudain, parvenus au sommet d’une crête, on vit se déployer devant nous la fabuleuse ville blanche de San Francisco, sur ces onze collines mystiques et le Pacifique bleu, et au-delà son mur de brouillard comme au-dessus de champs de pommes de terre qui s’avançait, et la fumée et l’or répandu sur cette fin d’après-midi."

Cette Amérique-là ne peut trouver son point d’orgue qu’au Mexique, la terre promise : "Derrière nous s’étalait toute l’Amérique et tout ce que Dean et moi avions auparavant appris de la vie, et de la vie sur la route. Nous avions enfin trouvé la terre magique au bout de la route et jamais nous n’avions imaginé le pouvoir de cette magie. Un peu plus loin : Chacun ici est en paix, chacun te regarde avec des yeux bruns si francs et ils ne disent mot, ils regardent juste, et dans ce regard toutes les qualités humaines sont tamisées et assourdies et toujours présentes."

Même si la frustration, le désespoir ne sont jamais absents, un sentiment de jubilation, de frénésie traverse tout le livre. Tout semble toujours possible, et cette route qui défile et ne s’arrête jamais (à l’image de ce rouleau de papier lui aussi ininterrompu), c’est le grand courant de la vie qui la traverse de part en part. Le plus extraordinaire dans tout ça, c’est que tout est vrai, rien n’est inventé. Kerouac a bourlingué (comme Cendrars), observé et il a une mémoire extraordinaire. Yves Le Pellec le résume bien, "Kerouac est un prodigieux badaud, il est obsédé de la totalité, il voudrait tout faire entrer dans ses phrases tentaculaires, entêtées" : Il a expliqué lui-même sa technique : "Ne pars pas d’une idée préconçue de ce qu’il y a à dire sur l’image mais du joyau au cœur de l’intérêt pour le sujet de l’image au moment d’écrire et écris vers l’extérieur en nageant dans la mer du langage jusqu’au relâchement et à l’épuisement périphérique."

Kerouac est avant tout un écrivain. Avant son succès foudroyant il venait d’écrire 12 livres en 7 ans (1950-1957), sans répit, sans aide, sans confort, sans argent et sans reconnaissance. Aussi il vivra mal le succès, le vedettariat qui va l’assaillir d’un coup. Il sombrera dans l’alcool, la paranoïa. "Toute ma vie, écrira-t-il en 1957 dans un bref résumé autobiographique à la demande d’un éditeur, je me suis arraché le cœur à écrire."

Sur la route, Les clochards célestes ainsi que la plupart des romans de Jack Kerouac sont disponibles en Folio Gallimard. On pourra consulter aussi :

Jack Kerouac. Le verbe vagabond. Yves Le Pellec. Belin, collections voix américaines.

L’ange déchu, vie de Jack Kerouac illustrée, Steve Turner, aux éditions Mille et une nuits

18:10 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Jack Kerouac

Pleuvoir

«Elle fit pleuvoir sur moi l’averse étincelante et céleste de son sourire ».

Marcel Proust – Le côté de Guermantes