mercredi, 13 février 2008
Je ne connais pas la Provence
Je ne connais pas la Provence. Quand j'entends parler de ce pays, je me promets bien de ne jamais y mettre les pieds. D'après ce qu'on m'en dit, il est fabriqué en carton blanc, en décors collés à la colle de pâte, des ténors et des barytons y roucoulent en promenant leur ventre enroulé de ceintures rouges; des poètes officiels armés de tambourins et de flûtes "bardent" périodiquement en manifestations lyriques qui tiennent moins de la poésie que d'une sorte de flux cholériforme.
J'aime la noblesse et la grâce, et cette gravité muette des pays de grande valeur. Non, je n'irai jamais dans cette Provence qu'on me décrit.
Pourtant j'habite les pentes d'une colline couverte d'oliviers et, devant ma terrasse, Manosque et ses trois clochers s'arrondit comme une ville orientale.
La Durance qui coule au fond de notre petite vallée sent déjà s'approcher les grandes plaines du Comtat. Pendant les crues de cet hiver, les hautes barres d'eau qui traversaient notre vallée mettaient à peine sept heures pour aller à Avignon.
Et la montagne de Lure nous abrite; or elle bouche le mont Ventoux, et ce pays-ci je ne le quitterai jamais; il m'a donné, il me donne encore chaque jour, tout ce que j'aime.
On est d'abord touché par un silence qui repose sur toute l'étendue du pays. Sur les vastes plateaux recouverts d'amandiers à l'époque où les arbres sont en fleur, on entend à peine le bruit des abeilles. On peut marcher des journées entières seul avec soi-même, dans une joie, un ordre, un équilibre, une paix incomparables. Non pas tous à la fois, mais un à un, vous laissant toujours un ami végétal et fleuri qui vous accompagne un peu plus loin puis vous laisse, vous ayant confié à un autre, et ainsi la terre peu à peu monte et vous fait pénétrer dans le ciel à mesure que vous passez des bras de l'amandier aux mains des tilleuls, puis des châtaigniers, puis des trembles et alors l'ondulation des terres vierges toutes nues se compose devant vous avec les lentes harmonies d'une ivresse divine.
Il faut alors quelques pas - et ils ont l'air de parcourir une distance magique - pour apercevoir la toiture du monde; les immenses montagnes avec leurs pentes glacées. Il a suffi d'un jour pour que ce pays vous ait fait comprendre l'organisation la plus noble de la terre. Sa simplicité pleine de sagesse vous a obligé à la plus paisible, à la plus durable des joies. Il vous a entouré d'une logique si éblouissante que vous êtes désormais habité par un dieu de lumière et de pureté.
Mais il prépare votre retour par des chemins noués à des ruisseaux. Rien ne troublera plus votre sérénité. Le mariage de votre âme et de ce pays ne se défera plus. Pour retrouver les hommes, vous n'avez plus besoin de descendre. Vous les trouverez à cette hauteur: silencieux et sévères comme la terre, travaillant dans des champs qui entourent des temples, labourant des vergers d'oliviers au milieu de l'ordre des collines, reposant leurs regards par le spectacle de leurs villages agglomérés comme des nids de guêpes au milieu de la blanche odyssée des nuages.
Vous aurez le désir d'être comme eux; vous entrerez sous la couverture de tuiles du village gris. On vous verra peut-être encore une fois au détour du chemin et puis vous pénétrerez sous la toiture du village et on ne vous verra plus: comme ces ruisseaux d'eau pure que personne ne voit, qui vivent sous la toiture des montagnes, dans la splendeur des roches profondes; comme tous ceux qui on disparu ici dont on n'entend jamais plus parler, et puis, un jour, à la croisée d'un chemin, on rencontre un homme, on se dit:
"Mais je le connais."
Puis on se dit:
"Mais non, voyons, il n'était pas si vert."
Ne l'ayant pas reconnu tel que la joie et la paix quotidiennes l'ont changé.
Il paraît qu'il existe une Provence en félibres.
Je ne la connais pas.
Jean Giono
00:55 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Jean Giono, Paul Cézanne, Provence
mardi, 12 février 2008
Fruits
Jean Giono – Philémon
17:07 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Jean Giono, littérature
Toute humeur est tumeur
« Toute humeur est tumeur. Il y a des gens qui transforment tout en guérilla. Ils sont dangereux, chefs ou ministres, ils font du gouvernement une faction. Ils ont le sens faussé et le cœur gâté. Le seul moyen de gagner avec eux, c’est de les fuir aux antipodes.»
Baltasar Gracian
11:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, littérature, Baltasar Gracian
lundi, 11 février 2008
Rainbow pour Rambaud
19:50 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, Sarkozy
La littérature et le mal : questionnements
"Après l’avènement du Mal absolu, l’acte de barbarie réside au contraire dans le renoncement même à la poésie." A propos du livre de François Meyronnis : De l’extermination considérée comme un des beaux-arts, lire ici quelques considérations sur la littérature et le mal, après le succès des livres de Michel Houellebecq et Jonathan Littell
14:13 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, Michel Houellebecq, Jonathan Littel, François Meyronnis
dimanche, 10 février 2008
Les Bienveillantes
Ca y est "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell est sorti en poche. (Belle réalisation au passage, les 1400 pages ne forment pas un ensemble excessivement épais et la taille des caractères est convenable). J'ai commencé la lecture ; tout de suite on sent qu'on est face à une oeuvre majeure, un voyage dont forcément on sortira différent. Lecture difficile, insoutenable par moments, mais livre profond et qui (me semble-t-il après 250 pages) évite les écueuils qu'on aurait pu craindre face à un tel sujet...
21:13 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Les Bienveillantes, Jonathan Littell
Une lettre imaginaire de Paul Cézanne
03:39 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : n&b, portfolio, Cézanne, Raymond Alcovère
samedi, 09 février 2008
Le blog du Poulpe, c'est parti !
16:06 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Blog du Poulpe, JB Pouy
Appel à textes
Le Magazine Autour des Auteurs recherche des textes, inédits, mais aussi chroniques de livres (récents ou oubliés) ou événements liés au livre, vous pouvez faire circuler l'info...
Contact : Françoise Renaud, rédac-chef : renaudfran@free.fr
15:05 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Appel à textes, Autour des auteurs
Enigmatiques portraits du Fayoum
Ce portrait a près de deux mille ans, lire ici
02:27 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Fayoum, Egypte, John Berger
vendredi, 08 février 2008
Lâché par les siens ?
17:35 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, Sarkozy
Une coupe de champagne à 138 000 euros.
Ca plane pour eux ! Lire ici
01:30 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Sarkozy, avions
jeudi, 07 février 2008
Un épisode inédit de la Saga de L'inspecteur Maigros, par Eric Dejaeger

MAIGROS — Épisode 55 — CONTRÔLE « TOLÉRANCE ZÉRO »
À peine rentrée de Dublin, la dive a lancé une opération « tolérance zéro » pour ce samedi soir. « Faut de temps en temps montrer qu’on bosse, Maigros. » s’est-elle justifiée auprès de l’inspecteur principal. Le désintéressé, qui déteste travailler de nuit encore plus que de jour, s’est consolé en prenant Snot comme équipière. La jeune femme est tout excitée à l’idée d’enfin pouvoir travailler et, surtout, de verbaliser. Elle ne tient plus en place dans le combi que Maigros a préféré à la vieille Mazda.
— Tu mouilles, Snot ?
— Toujours aussi romantique, Inspecteur. Merci de m’avoir laissé m’habiller en policière plutôt qu’en sex-symbol.
— Wé. On disait qu’c’était carnaval. Mais t’emballe pas, c’t’une exception.
Ils tournent sur le ring de Charleroi à la recherche d’une première victime.
— Là ! crie Snot, fort allumée. La Golf noire ! Y sont au moins à six dedans !
Maigros enclenche la sirène, monte à la hauteur du véhicule. Snot fait signe au conducteur de se ranger sur la bande d’arrêt d’urgence. Le combi s’arrête derrière. Les deux policiers descendent.
— Laisse-moi faire, Snot. T’as pas l’habitude avec les MITAC. Faut y aller molo, surtout qu’j’ai pas pu mett’ mon pare-balles : j’ai dû grossir d’puis la dernière fois qu’on a fait des contrôles. Pas moyen d’l’enfiler... Bonsoir. C’est pour un contrôle de routine, pas d’panique, les jeunes. Z’êtes à combien, là ?
— Six.
— Wé, c’est limite, l’aurait pas fallu qu’y en aurait un septième. J’peux voir les papiers du véhicule ?
— J’les ai oublié à la maison. On les laisse jamais dans la bagnole, cause qu’on pourrait nous les taxer, et j’ai pas pensé à les prent’ en partant.
— C’est b’en, ça, d’pas laisser les papiers dans l’voiture. Permis d’conduire et carte d’identité ?
— J’ai jus’ ma carte, M’sieur l’agent. Voilà...
— Inspecteur, si vous v’lez b’en. Bon... Si j’vois b’en, t’auras dix-huit ans dans deux mois...
— Kès ça change, Inspecteur ? Vous croyez que j’conduirai mieux dans deux mois ?
— T’as pas tout à fait tort. Dis donc, j’ai pas spécialement l’nez très fin mais ça sentirait pas un peu la gnôle dans l’habitac’ ?
— C’est jus’ qu’on a sifflé un coup d’whisky pour pas avoir froid.
— Quelle marque ?
— Salvatore, c’est quoi, la marque au whisky ?
— J’sais pas trop, j’ai pas r’gardé quand j’l’ai piqué au Carrefour. Ça doit pas êt’ de la merde, y avait un antivol. Attends... Où t’as planqué la bouteille, Kader ?... Passe !... C’est du Glen... Morangie.
— C’est du bon, ça ? Vous mêlez pas d’ça, Snot !
— Vous voulez goûter, Inspecteur ?
— C’est pas d’refus. Hum... Pas dégueu. Je m’permets d’confisquer, vu le statut d’mineur.
— Pas d’problème, Inspecteur.
— Et la d’moiselle, là, c’est quoi sa cigarette qui sent si bon ? Non, Snot ! Retournez dans l’combi !
— Mais, Chef...
— C’T’UN ORT’ ! N’oubliez pas les photos !... Allez, au combi ! Alors, c’est quoi, c’tabac provencal ?... Allez, z’avez pas l’âche non plus pour fumer. Aboulez les cibiches ou v’z’allez m’obliger à fouiller l’véhicule ! Faites pas les cons, j’suis d’bonne humeur mais ça pourrait changer rapid’ment.
Trois paquets de cigarettes changent de propriétaires.
— Et la d’moiselle, elle a une culotte sous sa jupette, au moins ? Lève un peu pour voir !... Mignon ! C’est b’en, p’tite ! J’aurais pas voulu t’coller un attentat à la pudeur. Bon, allez, filez ! J’sens qu’Lauteur arrive en bas d’pâche et qu’y va d’voir conclure. Que j’vous r’trouve pas su’l’ring ce soir !
La Golf démarre. Maigros revient au combi. Snot pleure à chaudes larmes.
— Chef... C’est une voiture... qui a été volée avant-hier... à Zottegem...
— Eeeh ! T’imagines le temps qu’ça aurait pris en pap’rasserie ? Allez, fume ça et bois un coup !
©Éric Dejaeger – 2008
11:40 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Eric Dejaeger, L'inpecteur Maigros, inédit
mercredi, 06 février 2008
Le jeudi 14 février c’est aussi...
...l’inauguration des nouveaux locaux du Vin Noir, au 3 place Bouschet de Bernard, à Montpellier
A partir de 18h30 avec surprise musicale et dégustation…22:03 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Le Vin noir, dégustation, vin, Pierre Autin-Grenier
Ca vire au pathétique
13:38 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rupture, politique, Sarkozy
mardi, 05 février 2008
Poulpe fiction
En ces temps "rupture", rien de mieux que d’avoir de la suite dans les idées. Vous allez croire qu’on réchauffe les plats, mais non: le Poulpe, personnage né en 1995 dans une série de "romans policier de gare", héros de 200 romans très inégaux immortalisé à l’écran par Jean-Pierre Darroussin, existe encore. A partir du 9 février, il aura son Blog sur Rue89. Pour cela, nous comptons sur des auteurs de polars, mais aussi sur vous. Rappels des faits, décryptage et prévisions.
21:16 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Le Poulpe, rue89
Un inédit de Pierre Autin-Grenier : Forces spéciales
Extrait de son prochain livre : « C’est tous les jours comme ça (Les dernières notes d’Anthelme Bonnard) »
Midi n’a pas sonné qu’on commence déjà à trouver le temps long, l’atmosphère par trop étouffante. Les nez s’allongent et sur les trottoirs les rares passants requis par leurs obligations pressent l’allure; la mine renfrognée ils vont sans voir les blindés postés à chaque coin de rue non plus les molosses démuselés qui salivent au pied des uniformes. Si tout un chacun adopte un profil bas, on sent dans l’air qu’une sourde colère contre le pouvoir et ses agissements couve dans les esprits; bientôt ce bouillonnement de révolte et de désirs trop longtemps contenu débordera sans doute les forces d’oppression, peut-être pourra-t-on espérer des jours meilleurs alors. Pour l’heure tout le monde serre les poings et s’interroge en son for intérieur quant aux raisons qui auraient pu motiver un tel acharnement à notre encontre. Certes notre quartier reste rebelle et frondeur, de renommée comme de par son histoire, et s’est organisée ici, mieux que partout ailleurs, une solide résistance au régime avant même que ses instigateurs ne soient parvenus à leurs fins mais, que je sache, nulle escarmouche non plus la moindre anicroche n’est venue troubler l’ordre public depuis belle lurette et le quotidien offre toutes les apparences d’un lieu calme et tranquille où la population vit et s’active au rythme des réformes en parfaite harmonie avec le pouvoir central.
Que faire face à cette politique de pression et de chantage dont nous faisons les frais plus souvent qu’à notre tour, et combien de temps cela va-t-il durer encore ? On ne sait pas.
15:41 Publié dans Inédits | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Pierre Autin-Grenier, inédit, Gildas Pasquet
lundi, 04 février 2008
Le duc, le duc !
Vous ouvrez son énorme livre n’importe où, et vous êtes emporté, subjugué, soumis à un véritable électrochoc. La comédie humaine a beau changer de costumes, c’est toujours la même chose, en beaucoup plus vulgaire, évidemment. On voit mal Louis XIV dire brusquement à ses ministres : « Attention, mon histoire avec la Maintenon, c’est du sérieux. »
Comme il a eu raison, Monsieur Rambaud de pasticher Saint-Simon, relisons-le, relisons-le sans cesse !
19:35 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Rambaud, Saint-Simon, Gildas Pasquet
vendredi, 01 février 2008
Une petite pause...
17:35 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Gildas Pasquet, photo
Comment être chinois ? Réponse de Flaubert
« J'ai un casque de fer sur le crâne. Depuis 2 heures de l'après-midi (sauf 25 minutes à peu près pour dîner), j'écris de la Bovary. Je suis à leur Baisade, en plein, au milieu. On sue et on a la gorge serrée. Voilà une des rares journées de ma vie que j'ai passée dans l'Illusion, complètement, et depuis un bout jusqu'à l'autre. Tantôt, à six heures, au moment où j'écrivais le mot attaque de nerfs, j'étais si emporté, je gueulais si fort, et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que j'ai eu peur moi-même d'en avoir une. (...) N'importe, bien ou mal, c'est une délicieuse chose que d'écrire ! que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. Aujourd'hui, par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d'automne, sous des feuilles jaunes, et j'étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu'ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s'entre-fermer leurs paupières noyées d'amour. »
Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 1953
Willem de Kooning (1904-1997) Sans titre (1956-58)
Pastel et collage sur papier (51 x 37)
A Louise Colet. 23 décembre 1853.
00:20 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Flaubert, De Kooning