samedi, 31 janvier 2009
300 000 km/s
C'est la vitesse de la lumière, c'est bien ce qu'avait compris Claude Monet, "l'oeil sublime"
Le Pont d'Argenteuil et autoportrait
10:30 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pienture, claude monet, lumière
vendredi, 30 janvier 2009
Tout a lieu maintenant
Piero della Francesca, Le Songe de Constantin
17:21 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : piero della francesca, le songe de constantin
jeudi, 29 janvier 2009
Provocation ?
JT de 20 heures ce soir sur France 2. Après les reportages sur les manifestations, comment vivre avec 900 euros aujourd'hui, interviewes diverses ; un peu après, arrive un reportage sur les palaces parisiens qui pourront enfin afficher 5 étoiles et non plus seulement 4. Soulagement des propriétaires, on visite la suite impériale, 11 000 euros la nuit, interview d'un jeune client : "je me sens ici comme chez moi"...
20:43 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : politique, grève, pauvreté, palace
A vendre : pays pauvres
Au moment où de graves émeutes secouent Madagascar, où 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, et où le président vient d'acheter un deuxième appareil "Air Force 1" (coût : 60 millions de dollars) pour ses déplacements, il est bon de rappeler ce qui s'est passé en fin d'année dernière :
"Début novembre, la Corée du Sud vient de frapper un grand coup en raflant la moitié - vous avez bien lu : la moitié ! - des terres arables de Madagascar "
13:18 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, madagascar, pauvreté
Le nerf de la guerre
Je lis ces temps-ci les Mémoires de Saint-Simon. Il n’y a rien de plus urgent, à mon avis, à lire aujourd’hui. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Ouvrez n’importe quel volume, et vous allez être absolument passionné par la description de l’époque. Je ne parle pas de ceux qui imitent Saint-Simon pour décrire aujourd’hui la situation politico-mondaine dans laquelle nous sommes plongés, je parle de Saint-Simon lui-même. Et si vous lui aviez dit, au duc de Saint-Simon : « Alors, vous faites de la littérature, vous êtes écrivain ? », il vous aurait regardé avec un air de profonde stupéfaction : « Écrivain ? je ne suis pas écrivain ! » Il s’excuse même de son style, alors que c’est le plus brillant qui ait jamais existé en français, le plus remarquable, le plus pointu… « Je n’ai jamais su être un sujet académique, je n’ai jamais pu me défaire d’écrire rapidement. Je ne comprends pas ce que vous dites, je ne suis pas écrivain, je suis le duc de Saint-Simon, j’écris mes Mémoires. De la littérature ! Mais de quoi parlez-vous ? J’écris la vérité, la vérité à la lumière du Saint-Esprit. » Là, tout à coup, le concept de littérature explose. Nous pénétrons dans ce que le langage peut dire à un moment comme vérité. La vérité pour Saint-Simon, c’est quelque chose de tout à fait saisissant : tout est mensonge, corruption, chaos, la mort est là toutes les trois pages, les intrigues n’arrêtent pas, c’est un brasier de complots, l’être humain a l’air de passer comme une ombre, attaché à tout ce qu’il peut y avoir de plus sordide, de plus inquiétant. Lisez, par exemple, son portrait du duc d’Orléans, et vous serez saisi d’admiration. Vous êtes devant quelque chose qu’un universitaire vous dira être de la littérature et, évidemment, c’est tout autre chose: c’est une position métaphysique très particulière, quelqu’un qui écrit en fonction de ce qu’il veut dire comme vérité.
Philippe Sollers, extrait de "La littérature ou le nerf de la guerre", lire ici en entier
Watteau, L'indifférent
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, philippe sollers, saint-simon, guerre, watteau
mercredi, 28 janvier 2009
Rassurant ?
15:35 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : humour, humour ferroviaire, sncf
Fragments d'histoires
Salon Créativa, Parc des Expositions de Montpellier, du 29 janvier au 1 février, de 10 H à 19 H
04 67 87 54 56
06 87 27 62 91
Vernissage vendredi 30 janvier, de 17 H à 19 H précises
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : frédérique azaïs-ferri, peinture, créativa
mardi, 27 janvier 2009
La Fontaine de jouvence
Quand je suis fatigué de mauvais langage, de français lourd, empesé, bref quand tout va mal, je m'administre un bain de jouvence avec les Fables de La Fontaine ; à mon sens, c'est un des sommets de notre langue, personne n'a été aussi précis et percutant à la fois...
Ici (merci Gazelle !) ce sont des illustrations qui replongeront peut-être certains comme moi dans de lointains souvenirs...
Mais les textes eux, dont d'une fraîcheur exceptionnelle !
00:17 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, la fontaine, fables, calvet-rogniat
lundi, 26 janvier 2009
En boucle
Ce qu’il y a de beau et de terrible, désormais, dans le Spectacle généralisé, c’est sa plasticité immédiate. Vous n’êtes jamais sûr d’avoir vu ce que vous avez vu, ni entendu ce que vous avez entendu. Le Spectacle est à la fois puissamment réel, permanent, passé, irréel, de plus en plus virtuel, et malgré tout réel. Hier est déjà très loin, demain a déjà eu lieu, tout se remplace et s’efface. Exemple : vous dites « Gaza », mais s’est-il vraiment passé quelque chose à Gaza ? Vous dites « Fatah », « Hamas », « Hezbollah », mais que recouvrent ces noms, quelle est leur signification profonde ? Vous dites : j’ai vu des ruines, des cadavres, des linceuls à répétition, des visages égarés de souffrance, et puis j’ai entendu des hurlements, des cris, des sirènes, des bombardements, mais ces morts existent-ils, ces bombardements ont-ils eu lieu ? Oui, aucun doute, mais tout disparaît aussitôt pour recommencer. Le film vous est diffusé en boucle, vous l’avez déjà vu, mais ça continue.
Philippe Sollers, Journal du Mois, janvier 2009, lire la suite ici
Kandinsky
02:18 Publié dans Société du spectacle | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, politique, sollers, journal du mois, kandinsky
dimanche, 25 janvier 2009
La Recherche du temps présent
Longtemps, je me couche de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se ferment si vite que je n’ai pas le temps de me dire: Je m’endors. Et, une demi-heure après, la pensée qu’il est temps de chercher le sommeil m’éveille; je veux poser le volume que je crois avoir encore dans les mains et souffler ma lumière; je ne cesse pas en dormant de faire des réflexions sur ce que je viens de lire, mais ces réflexions prennent un tour un peu particulier; il me semble que je suis moi-même ce dont parle l’ouvrage: une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survit pendant quelques secondes à mon réveil; elle ne choque pas ma raison mais pèse comme des écailles sur mes yeux et les empêche de se rendre compte que le bougeoir n’est plus allumé. Puis elle commence à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure; le sujet du livre se détache de moi, je suis libre de m’y appliquer ou non; aussitôt je recouvre la vue et je suis bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demande quelle heure il peut être; j’entends le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrit l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour.
Marcel Proust # Arno Calleja
Arno Calleja traduit La Recherche du Temps Perdu au temps présent.
Felix Valloton, Environs de Cagnes, le soir
00:15 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, proust, calleja, felix valloton
samedi, 24 janvier 2009
La Comtesse de Chinchon
Elle est là, dans un fauteuil dont elle ne sortira plus, dans sa robe de taffetas blanche, juste posée dans la soie, petit bout de soulier en bas, comme si elle tirait la langue. Duex bagues, des bras, un coude, une drôle de petite plante verte sur la tête. Ce n'est pas la duchesse d'Albe, dont la nudité peut encore faire rêver des adolescents avisés, mais une curieuse poule aristocratique, à la bêtise inébranlable et sympathique, vive, aigüe, méchante, innocente (petits yeux noirs lumineux tournés vers la gauche). Elle se laisse prendre par son peintre dont elle ignore absolument le génie, il entre dans son bonnet de dentelle, sa nacre, sa chasteté fade, bouclée. Cette comtesse va vieillir très vite, elle ressasse déjà les platitudes de son temps, elle va rejoindre les vieilles sorcières venimeuses et macabres, mais, pour l'instant, elle est sauvée par les conventions, le protocole. Que serait-elle aujourd'hui ? Une petite-bourgeoise, peut-être ministre. Là, elle vaut beaucoup, et elle ne vaut rien. Elle resplendit de son rien.
Goya, La Comtesse de Chinchon
Sollers, Les Voyageurs du temps
17:56 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, art, peinture, goya, philippe sollers, la comtesse de chinchon, les voyageurs du temps
vendredi, 23 janvier 2009
Le mot "commission"
Dans mes souvenirs d'enfance, ce mot évoquait "une course", au sens très large, "faire une commission", ou "des commissions", il y avait aussi cette expression "je lui ferai la commission" qui évoquait plutôt le service rendu simple et gratuit. Les années passant, je me suis rendu compte que ce mot renvoyait la plupart des gens à une transaction financière, un pourcentage ou un bénéfice pris, signe des temps sans doute...
10:43 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : humeur, commission
Le doute
Comment identifier le doute avec certitude ?
Raymond Devos
Francis Picabia
03:46 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : humour, doute, raymond devos, picabia
jeudi, 22 janvier 2009
L'Arétin et le Tintoret
En rentrant par la place des Prêcheurs, les peintres défilent dans sa tête. Greco, l’émotion brute ; corps, visages étirés, tendus par la douleur, une forme d’humanité rarement atteinte. Vélasquez, Les Menines, phénoménal tableau, le plus extraordinaire de tous peut-être, et La Vénus au miroir, sa sensualité absolue, lisse, froide, brûlante. Rembrandt, ses autoportraits, l’ironie, la nature est une splendeur d’ironie. Caravage, les corps taillés, sculptés par la lumière. Poussin, l’harmonie ; là tout est résumé, compris, entré dans la peinture. Rubens, la perpétuité colorée du sang, écrira Cézanne. Fragonard, l’exaltation, le désir. Delacroix, le feu, la passion. Picasso, à lui seul tout le XX ème siècle, ses chocs, ses ruptures. Et Titien, si fascinant ; talent inouï de coloriste, énergie et raffinement, longévité hors du commun, et son art de déjouer tous les pièges, sa vie durant ; le seul devant qui Charles Quint se soit baissé, pour ramasser ses pinceaux. Et il était l’ami de l’Arétin.
Raymond Alcovère, extrait du roman : Le Sourire de Cézanne
La Rencontre entre L'Arétin et le Tintoret
« On faisait circuler à Venise un sonnet injurieux pour le petit teinturier, qui résolut aussitôt d'imposer silence aux langues venimeuses.
Un jour qu'il aperçut l'Arétin dans les environs de la place Saint-Marc, Jacopo l'aborda poliment, et le pria de venir jeter un coup d'oeil sur ses ouvrages et lui donner une heure de séance, disant qu'il voulait faire d'un personnage si célèbre un portrait au crayon.
L'Arétin, entraîné par tant de courtoisie, et pensant que le jeune peintre n'avait pas connaissance du sonnet, se laissa conduire à San-Luca.
A peine entré dans l'atelier, il vit son hôte fermer la porte avec soin, courir vers un trophée d'armes, en décrocher une dague fort pointue, et s'avancer l'arme au poing.
Jacques Robusti portait bien son nom : ses épaules carrées, sa taille haute, ses bras nerveux, sa mine énergique et l'épaisse forêt de cheveux qui se dressait sur sa large tête, lui donnaient l'apparence d'un athlète solide et de mauvaise rencontre pour un homme qui l'avait offensé.
L'Arétin se repentit trop tard de son imprudence.
— Eh ! Seigneur Robusti, s'écria-t-il en changeant de visage, que voulez-vous faire de cette dague ?
— Tenez-vous droit et ne bougez pas, lui dit brusquement le Tintoret, sans quoi je ne réponds de rien.
L'Arétin, tremblant de tous ses membres, vit Jacopo s'approcher de lui, et le toiser des pieds à la tête avec la dague.
—Vous avez, poursuivit le peintre, deux fois et demie la longueur de cette lame. Ne fallait-il pas, pour faire de vous un portrait exact, que j'eusse la mesure de votre personne ?
Voilà qui est fini; mais n'oubliez pas que, s'il vous arrive de m'insulter dans vos sonnets, je prendrai avec cette dague la mesure de votre coeur et de vos entrailles.
A présent, asseyez-vous dans ce fauteuil, et causons ensemble sans nous fâcher, pendant que je mettrai sur ce papier le visage effaré de votre seigneurie.
Depuis ce moment, l'Arétin ne prononça jamais le nom du Tintoret, et s'abstint de blâme aussi bien que de louange.
Mais la coterie du Titien et de ses amis demeura toujours hostile à Jacques Robusti ; c'est pourquoi il eut l'avantage sur son rival, sinon par le talent, du moins par le caractère.
Jamais le Tintoret ne cessa de professer une égale admiration pour le Titien et Michel-Ange, comme l'attestaient ces deux noms inscrits dans son atelier, pour rappeler aux jeunes gens les deux grands modèles que, selon lui, tout peintre ambitieux se devait proposer.
Cet hommage et cette justice n'apaisèrent point ses ennemis; et lorsque Sansovino acheva les belles portes de bronze de la sacristie de Saint-Marc, il y plaça, parmi ses figurines gracieuses, les têtes de l'Arétin et du Titien à côté de la sienne, et il oublia celle du Tintoret, dont, assurément, le voisinage n'eût point fait tort aux trois autres.
Au contraire, Jacques Robusti, dans ses compositions, se plut, avec une généreuse obstination, à reproduire souvent la figure du grand maître, dont il ne put jamais adoucir la rancune. »
Paul de Musset - Voyage en Italie
00:15 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman, raymond alcovère, tintoretto, le sourire de cézanne
mercredi, 21 janvier 2009
La laitière
La laitière de Bordeaux est un tableau fascinant. On sait qu’à l’époque, de jeunes paysannes venaient des environs apporter du lait en ville. Celle-ci est donc venue, sans doute chaque matin, chez Goya. Elle apparaît recueillie, incurvée, absorbée, nacrée, sur fond de ciel irisée. Elle est très brune et très solide, c’est une annonciation avec ciboire de lait moussant qu’elle apporte, vache sacrée, à son vieux bébé de peintre déjà sourd. Elle est vierge, bien entendu, mais divisée par cette grande avancée de jambes et de cuisses cachées. Attention, très attentive, sérieuse, presque sauvage dans sa tournée. C’est un ange, le ciel l’envoie, comme un caprice de lumière, au milieu des désordres de la guerre, des cauchemars, des tortures, des vampires, des vieilles sorcières édentées. C’est l’éternel retour de la duchesse d’Albe, à l’aube, qu’on a connue autrefois très nue ou très habillée. Elle ne fait que passer chez ce demi-fou, exilé espagnol qu’elle aime, de même que les femmes brunes, d’instinct, n’ont pas manqué de repérer ce jeune Allemand que l’on dit poète. Du vin, du lait.
Extrait de "Les Voyageurs du temps"
Goya, La laitière de Bordeaux
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art, peinture, goya, la laitière, philippe sollers, les voyageurs du temps
mardi, 20 janvier 2009
Du neuf !
"Les dogmes du passé paisible sont inadaptés au présent tempétueux... Puisque nous sommes confrontés à du neuf, nous devons penser neuf et agir neuf."
Abraham Lincoln. Message au Congrès après sa réelection de 1864.
12:02 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, etats-unis, obama, lincoln
Confession
Dans l'art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation, mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence cherchent le nouveau, l'étrange, l'extravagant, le scandaleux. Et moi-même, depuis le cubisme et au-delà, j'ai contenté ces maîtres et ces critiques avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées par la tête, et moins ils me comprenaient, et plus ils m'admiraient.
A force de m'amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rébus et arabesques, je suis devenu célèbre, et très rapidement. Et la célébrité pour un peintre signifie ventes, gains, fortune, richesse. Et aujourd'hui, comme vous le savez, je suis célèbre, je suis riche.
Mais quand je suis seul à seul avec moi-même, je n'ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens grand et antique du mot.
Ce furent de grands peintres que Giotto, Le Titien, Rembrandt et Goya : je suis seulement un amuseur public qui a compris son temps et a épuisé le mieux qu'il a pu l'imbécillité, la vanité, la cupidité de ses contemporains. C'est une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu'elle ne semble. Mais elle a le mérite d'être sincère.'
(Pablo Picasso, lettre à Giovanni Papini, publiée en 1952)
Picasso, Arlequin assis
00:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, picasso, arlequin
lundi, 19 janvier 2009
Les Voyageurs du temps
Voici un très bon papier sur "Les Voyageurs du temps" de Philippe Sollers, signé Yann Moix, dans Le Figaro littéraire :
"On croit toujours qu'un écrivain, c'est quelqu'un qui raconte. Non, désolé : un écrivain, c'est quelqu'un qui pense. Si on aime la fiction, pas la peine de lire : la réalité en est pleine. On aurait tort de laisser la pensée aux philosophes, qui ne sont finalement que des professeurs. Quand ils n'expliquent pas la pensée de leurs grands prédécesseurs, ils expliquent la leur : quelqu'un qui explique une pensée est quelqu'un qui ne pense pas. Seul, face au monde, se dresse donc l'écrivain, le vrai. De la vision du monde d'un philosophe, il ne reste que le monde, ce qui n'a aucun intérêt. De la vision du monde d'un écrivain, il reste avant tout la vision, ce qui n'a pas de prix. C'est là le sujet des Voyageurs du temps de Sollers : si aujourd'hui tout le monde vise la même chose, c'est parce que tout le monde vise de la même façon.
Dans une société où l'homme est de moins en moins capable de produire une œuvre d'art, il ne lui reste plus qu'une arme : se moquer des artistes - en particulier des écrivains. S'en moquer au sens de n'en avoir cure, mais aussi au sens de les tourner en dérision. Hier encore, l'écrivain était une bête curieuse, il est aujourd'hui une bête tout court, et même, nous dit Sollers : la Bête. « La Bête sait au moins une chose : les parasites veulent lui voler sa vie et la nier en bloc. » Les parasites, ce sont ceux qui glosent (universitaires, profs, exégètes), ceux qui ironisent (humoristes, présentateurs de télé), ceux qui jugent (critiques, journalistes), ceux qui jalousent (seconds couteaux, mauvais écrivains), ceux qui méprisent (hommes politiques, hommes d'affaires), bref, ceux qui sont tournés toute la journée, à toute vitesse, vers le « progrès » et qui, aveuglés par l'effet immédiat, le rendement rapide, le résultat instantané, ne connaîtront jamais ce pays magnifique dans lequel Sollers et les siens voyagent, savent, peuvent voyager : le Temps.
Le Temps avec une majuscule, parce que c'est un temps spécial, parallèle, qui est celui de la postérité bien sûr (celle de la Pléiade et non du Panthéon), mais aussi du véritable présent, un présent fait de toute la mort du passé et de toute la vie de l'avenir. Si je pouvais habiter, à l'année, dans une toile de Watteau, dans l'Embarquement pour Cythère par exemple, ou passer deux mois de vacances dans Anna Karénine, ou encore un week-end dans Satin Doll de Duke Ellington, je serais un voyageur du Temps tel que Sollers le définit. Mais je peux aussi habiter toute ma vie dans mon œuvre, afin de préparer mon voyage : comme les saints ont accès à l'éternité du Ciel, il existe une éternité équivalente pour les écrivains, les peintres, les musiciens qui ont marqué (changé ?) l'humanité. Tous les génies y deviennent contemporains de tous les génies : Breton et Dante peuvent converser d'égal à égal, comme dans le Talmud des rabbins séparés de plusieurs siècles dans le temps chronologique et scolaire de l'histoire, se chamaillent sur des versets ou des points de la Michna.
Le temps n'est plus un problème quand on a la même fluidité que lui, quand on est de même nature que lui. Il ne s'écoule plus puisque nous nous écoulons avec lui, au même rythme que lui. Qui se donnera la peine de lire « vraiment » Les Voyageurs du temps ? Sollers n'est pas dupe : « presque » personne.
C'est ce « presque » qui sert de Vercors au résistant qu'il est, à ceci près qu'il est seul dans son propre maquis. Sollers m'aura appris une chose, depuis que je le lis : que la solitude est un enfer qu'il s'agit de retourner, de détourner en paradis. C'est bien cela que la foule parasitaire ne supporte pas : l'homme seul. Or, la figure absolue de l'homme seul, c'est l'écrivain. Certes, quand je lis ici que Sollers conspue violemment (Sollers n'est jamais agressif : il est toujours violent) le « parti intellectuel », la Sorbonne, l'université, les temps modernes et les progressistes, je me demande pourquoi il a tant de réticences sur Péguy, mais je me rassure en me disant qu'il ne l'a pas lu. Le jour où le Bordelais charmeur rencontrera vraiment l'Orléanais colérique, ça risque de faire très mal.
En attendant, je voudrais juste attirer l'attention sur ce fait majeur : au milieu du brouhaha et des rires, du second degré et de la vulgarité ambiante, Philippe Sollers, qu'on le veuille ou non, vient de lancer, depuis la Dogana, une bouteille à la mer du temps : ce livre. Que vous l'achetiez ou pas, que vous le lisiez ou non, aucune importance. Il se trouve que c'est peut-être un chef-d'œuvre. J'en sors bouleversé."
Philippe Sollers, Les Voyageurs du temps. Éditions Gallimard, 244 p., 17, 90 €.
Giorgio de Chirico, La Conquête du philosophe
00:15 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philippe sollers, les voyageurs du temps, yann moix
dimanche, 18 janvier 2009
Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes...
Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes: on se sent mieux à l'abri des hommes.
Un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s'affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.
Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des corneilles dans la prairie de l'étang, et leur perchée à l'entrée de la nuit sur les plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des forêts, que les complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j'entrais en pleine possession des sympathies de ma nature. Rencontrai-je quelque laboureur au bout d'un guéret, je m'arrêtais pour regarder cet homme germé à l'ombre des épis parmi lesquels il devait être moissonné, et qui, retournant la terre de sa tombe avec le soc de la charrue, mêlait sueurs brûlantes aux pluies glacées de l'automne : le sillon qu'il creusait était le monument destiné à lui survivre. Que faisait à cela mon élégante démone? Par sa magie, elle me transportait au bord du Nil, me montrait la pyramide égyptienne noyée dans le sable, comme un jour le sillon armoricain caché sous la bruyère: je m'applaudissais d'avoir placé les fables de ma félicité hors du cercle des réalités humaines.
Le soir je m'embarquais sur l'étang, conduisant seul mon bateau au milieu des joncs et des larges feuilles flottantes du nénuphar. Là, se réunissaient les hirondelles prêtes à quitter nos climats. Je ne perdais pas un seul de leurs gazouillis : Tavernier enfant était moins attentif au récit d'un voyageur. Elles se jouaient sur l'eau au tomber du soleil, poursuivaient les insectes, s'élançaient ensemble dans les airs, comme pour éprouver leurs ailes, se rabattaient à la surface du lac, puis se venaient suspendre aux roseaux que leur poids courbait à peine, et qu'elles remplissaient de leur ramage confus.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-tombe
Picasso, Portrait de Dora Maar
00:19 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : picasso, dora maar, chateaubriand, littérature, peinture, art
samedi, 17 janvier 2009
Temps éternel de l'enfance
"Temps éternel de l'enfance. A nouveau un appel de la vie. Il est parfaitement concevable que la magnificence de la vie soit répandue autour de chacun, et cela toujours dans sa plénitude, mais voilée, dans la profondeur, invisible, fort loin. Elle se trouve là-bas, pas hostile, pas réfractaire ni sourde. Si on l'invoque par le mot juste, par son nom véritable, alors elle vient. C'est là le caractère de la magie qui ne crée pas mais qui invoque."
Kafka, Journal, 18 octobre 1921
Photo de Gildas Pasquet, Chine 2008, Nantong
00:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, kafka, gildas pasquet