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lundi, 18 février 2008

Prophétie

e0712e7d536176b13be0c023b6d744a9.jpg Là
où l'aventure garde les yeux clairs
là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau
saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe
de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois


là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux



là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d'une ruche
plus ardente que la nuit
là où le bruit de mes talons remplit l'espace et lève
à rebours la face du temps
là où l'arc-en-ciel de ma parole est chargé d'unir demain
à l'espoir et l'infant à la reine,


d'avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan
d'avoir gémi dans le désert
d'avoir crié vers mes gardiens
d'avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes


46cafca5836a062645e76864e595b5dc.jpgje regarde
la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant
de la scène ourle un instant la lave
de sa fragile queue de paon puis se déchirant
la chemise s'ouvre d'un coup la poitrine et
je la regarde en îles britanniques en îlots
en rochers déchiquetés se fondre
peu à peu dans la mer lucide de l'air
où baignent prophétiques
ma gueule
ma révolte
mon nom.


Aimé Césaire

Photos de Gildas Pasquet

 

jeudi, 14 février 2008

Est-ce qu'on tue le Remords

9b7ecbf4dd14807ae4a6a713ed49df9d.jpgPartir.
Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot

mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?

Aimé Césaire

Photo : Gildas Pasquet

vendredi, 24 novembre 2006

Le passager clandestin

medium_VUDUECIEL01_LIGHTS_3_.JPGDéchaînement des éléments. La terre va s’engloutir, revenir à sa vérité première. Matière, fusion, évanouissements.

L’homme disparaîtra, lui le passager clandestin, l’invité de la dernière heure. Il s’en ira sur la pointe des pieds après avoir coloré d’un peu de poésie l’or du temps.

Extrait de "L'or du temps" (Raymond Alcovère, 2002) Photo de Gildas Pasquet

jeudi, 23 novembre 2006

Les ailes du désir

medium_VUDUECIEL01_LIGHTS_4_.JPG

Tout a été dit et il reste des mots encore. Tout a été dit et le clair-obscur se recompose. Le feu est à la terre ce que la nuit est au ciel, cet instant ayant été. Pour toujours.

Perche appressando se al suo disire

Nostro intelleto si profonda tanto

Che dietro la memoria non puo ire.

La vie n’est qu’une incarnation passagère, un instant de lumière. L’écriture frôle les ailes du désir.

Extrait de "Une cathédrale de songes" (Raymond Alcovère, 2002) Photo de Gildas Pasquet

02:10 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie

mardi, 21 novembre 2006

Le brochet

Immobile à l'ombre d'un saule, c'est le poignard dissimulé au flanc du vieux bandit

Jules Renard, Histoires naturelles

Sous le ciel en flammes

medium_VUES_DU_CIEL_S2_43_.JPGSous le ciel en flammes

Lointaine une voile, dans mon âme

Une voile

Seishi

Photo : Gildas Pasquet

Un pin sur un pic

Lune claire

Si je renais je voudrais être

Un pin sur un pic

 

Ryôta

jeudi, 16 novembre 2006

Un certain sens de l’apostolat horticole

medium_MILAN_OEUVRE_DS_JARDIN_6_.jpgJe bichonne mes géraniums. À la tombée du soir, je bassine le tilleul, qu’il profite au maximum de la fraîcheur toute relative de nos nuits d’été. Midi est d’une barbarie qui brûle tout par ici ; minuit, guère plus amène, offre parfois le bref répit d’une manière de courant d’air. C’est un tourment quotidien et quasi permanent dans cette encoignure de province où ne poussent que des cailloux et crève tout le reste que s’acharner à faire fleurir un bégonia ou vouloir conserver un peu de son éclat au feuillage du tilleul. Je m’y emploie cependant avec beaucoup d’abnégation et même un certain sens de l’apostolat horticole. Ne voyez dans cet aveu nulle prétention de ma part ; ce serait là, j’en ai parfaite conscience, surajouter à l’inutile de mon existence sottise et ridicule.

Pierre Autin-Grenier, extrait de 11 inédits pour le Banquet, éditions Verdier

Photo : Gildas Pasquet

Ardeur

medium_MILAN_OEUVRE_DS_JARDIN.jpgElle aimait les libellules et les crayons pastel ses ocres calcinées estomper sur sa peau la foudre des couleurs d'une ardeur violette, transformer les Sienne naturelles en lavis nus

Et surtout elle ardorait l'odeur des voix le toucher bruissantes caresses qu'elles abandonnaient dans une pièce longtemps après le départ de celui qui avait parlé, offert ses mots.

Attentive, elle recueillait cérémonieusement leurs éclats dans une boîte translucide et, de ses airs de libellule enfiévrée, elle inspirait leur parfum, le visage penché vers l'intérieur.

Chaque parfum de voix avait sa couleur... Alice eau de fushia, Leïla huile profonde nuit... marine.

Quand elle avait suffisamment joui des parfums de voix, elle refermait la boîte chut, sommeil rose-indien et n'y pensait plus, jusqu'à la prochaine marée de couleurs.  

Parfois pourtant, en approchant de la boîte avant l'heure bleue, elle découvrait les rêves de voix endormies, lovées les unes dans les autres, comme des bébés chats. Leur seul frémissement éveillait ses ailes de chasseur. Alors, sans prendre garde au feu de garance de ses joues, elle plongeait dans les voix, en apnée.

Quand elle fendait la surface, longtemps après, sa vie était couverte de grands bleus. Elle penchait son visage nuage, découvrait l'horizon à l'envers, le ciel dans ses racines. Enfin, elle repliait ses ailes dans ses poches et se mêlait aux turbulences de la ville.

Un pays des voix naissait sous ses pas, prenait feu en couleurs et odeurs vives. Il inventait les marches instinctives et passionnées, l'ardeur où nul mur, jamais, ne pourrait transformer en ruines le profond des voix.

A l'oreille de Van Gogh, elle écoutait...

Mireille Disdero

Photo : Gildas Pasquet

lundi, 13 novembre 2006

Cargos de silence

medium_CIMG3317.jpgLumière odeurs du sommeil. Quand l'étoile au bleu plonge les rêves, en affleurement.

Couleurs nues le matin. Au moment d'ouvrir les yeux.

Puis une respiration, très loin. Seulement un battement d'ailes. Cambrure en haute mer.

Présence encore, mais en pointillés. On bascule vers le jour. Traversant des zones libres. Evitant d'approfondir, pour virer de bord au midi.

Absence. Les paroles ne servent à rien quand elle vient.

Seulement les couleurs. Juste un silence. La fêlure de l'éveil.

Au tréfonds des mots se cherche en apnée la respiration d'écrire.

Mais aujourd'hui, rien. L'absence. Seulement les couleurs en nappes insensées, l'estompe d'un sillon de mots feux qui passent, s'effacent... vers le large... en cargos de silence.

Mireille Disdero

Photo de Michèle Fuxa

samedi, 11 novembre 2006

Et le bouleverser, d'un claquement de cœur le bouleverser !

medium_10.jpgAvant l’enfance au rêve

Andalouse danser

du pied frapper la lumière        

rouge carmin de Goya tournoyer

et le bouleverser, d'un claquement de cœur le bouleverser !

 

Mireille Disdero

Photomontage de Claude Corbier

jeudi, 09 novembre 2006

Ailleurs

medium_CIMG3182.jpg"Il est possible que des objets sans importance résistent à l'attraction désastre... bien longtemps après nous.

 

J'ai commencé à accélérer. Mes battements de coeur surtout, puis mon allure en marchant. Une personne attentive aurait pensé à la bande image qu'on rembobine à toute vitesse. Mais j'étais dans le film, je ne discernais plus les contours ni les limites.

Au bureau, la clim était mal réglée. Une équipe du service technique commençait à démonter le mécanisme. J'ai dit "bonjour" comme j'aurais murmuré "ailleurs". Personne n'a remarqué les yeux rouges ni perçu la voix fissurée... et l'accélération.

Le soir j'ai bouclé ma valise avec mon coeur dedans. Le voyage m'a rappelé la morsure des moments sans importance. Au-dehors les vivants s'estompaient tels des trains fous qui ne s'arrêtent dans aucune gare. J'étais un rail, des champs, la lumière qui couvre les bancs, là-bas, j'étais mille kilomètres qui fonçaient dans l'azur sans assurance vie et... Tellement. J'étais tellement.

C'était ma nature.

Mon premier pas ailleurs a fait taire le voyage. D'un seul coup. Le soir m'a prise dans un café du cinquième, rue des Ecoles, pendant que j'avalais un second coca light. J'ai dévisagé mon reflet dans le miroir qui me faisait face. C'est alors qu'un souvenir a commencé à s'agiter autour de moi. Un collier de chien en cuir usé a glissé de mon sac ouvert. Alors, quelque part sur la terre un barrage a cédé. Un train a déraillé, une enfant a rêvé d'un chien qui gardait ses nuits, ses jours et la douceur contr'elle."

Mireille Disdero

Photo : Michèle Fuxa

 

mercredi, 08 novembre 2006

Naissance

medium_rodin_LaDanaide_mid.jpgJ'avale la nuit dans un café

Ma tasse résonne de ton éclat

Je sais brûler à corps absent

Remonter

Flamme, le courant

Mais

Des siècles à être toi

À me pencher

A te parler dans un reflet

Et

Foule en place de l'Étoile

Juste à l'endroit du cœur

Touchée

Attablée à ta vie

La nuit

Je te bois dans mon café

Puis

Je rentre

Ici ou nulle part

Mon sommeil dans ta poche

Au fond des caniveaux, le soleil

La pluie des yeux

Nos papiers froissés

Je voudrais ne jamais avoir pleuré

Ne jamais avoir parlé

Etre à naître de nouveau

Juste un bébé

Prendre la vie du début

Et

A corps présent

Te trouver.

 

 

Mireille Disdero

Rodin, La Danaïde

jeudi, 02 novembre 2006

Fil

medium_mantegna-andrea-camera-degli-sposi-2402378.jpgIl y a ce fil

Où s’accrochent les plumes

Fil aux facettes miroitantes

La couleur jette des flaques

Sur d’invisibles murs

Et les ballerines dansent

Au vertige

Nénuphar issu des limbes

Le cœur en offrande

Tendre comme une chair de figue

Aux ailes

Cède la nuque

Une mèche glisse

 

Valérie Canat de Chizy

Andrea Mantegna

lundi, 30 octobre 2006

Cristaux de roche

medium_yred.jpgLes heures,

Tu les traînes dans ton sillage

Dans l’attente

D’une prochaine éclipse.

Le sucre te mange.

Se fige le temps

Couleur de caramel.

Sous ta peau

Se forment

Les cristaux

Et les morceaux de roche

Dévalent

Des sommets.

 

Valérie Canat de Chizy

Yves Klein

dimanche, 29 octobre 2006

"Tu m'as tué... mais, comme toi, j'ai oublié de mourir."

Arabian love song: "Mahmoud Darwich, malade d'espoir!"

 A lire ici

samedi, 28 octobre 2006

La profondeur du sentiment pour sillon

medium_n45_klein_l.jpgUne fois le chandail ôté, l'offrande d'une poitrine rouge

Conséquence possible d'un coup de soleil,

Trace probable d'une vieille peinture de guerre

Une fois notre chant sur pilotis

suspendu entre brume et feutre

la profondeur du sentiment pour sillon

Que savoir d'autre de la vie ?

Jean Azarel, extrait de Passage du mortel

Yves Klein

 

mardi, 24 octobre 2006

Et délice d’aimer une pure exigence...

Ce n’est pas dans les géographies

Qu’il faut chercher cette île

Où nous avons vécu.

Délice de sentir celle

Qui jamais ne repose

Effacer sur le sable

Des mots jamais écrits.

Délice d’oublier

Des formes absentes

Et d’attendre un vent

Qui ne veut pas qu’on le nomme.

Et délice d’aimer

Une pure exigence.

Une île qui n’existe pas

Des plages qui s’évanouissent

Un estuaire

Et un cœur qui pourrait se taire.

Un silence

Qui s’enroule dans un coquillage

Au nom tarabiscoté

Et ce pronom

Qui marche de travers

Comme un crabe

Et qu’on écrase !

Bernard Lesfargues, extrait de "La plus close nuit", éditions Fédérop

dimanche, 22 octobre 2006

Bernard Lesfargues

medium_sunset-10.jpgCe soir le ciel est doré

comme un parchemin du seizième siècle

J'essaie de lire ce que les branches

écrivent minutieusement à l'encre noire

sur la splendeur d'un ouest illuminé.

Ce n'est pas facile à lire

ce sont lettres d'un alphabet inconnu.

Le ciel pâlit peu à peu.

Un ange claudiquant souffle la chandelle

et baisse le rideau. Alors

la loutre de la nuit caresse mes jambes,

la loutre qui danse dans la nuit des ruisseaux

jusqu'aux impuretés de l'aube.

Bernard Lesfargues, l'or du ciel, extrait de "La plus close nuit", éditions Fédérop

Poète, traducteur, critique littéraire et fondateur des éditions Fédérop, Bernard Lesfargues est né à Bergerac en 1924. Agrégé d’espagnol en 1954 et diplômé en sociologie américaine, il enseigne pendant 30 ans l’espagnol à Lyon, puis se retire dans son village d’Église-Neuve-d’Issac, en Dordogne, où il vit toujours.

Passionné par le monde hispano-américain et spécialiste du catalan, il est le traducteur en français des plus grands écrivains castillans et catalans du XXe siècle : Jorge Luis Borges, Julio Llamazares, Mario Vargas Llosa, Ramón Sender, Juan Goytisolo, Jesús Moncada, Quim Monzó, Mercè Rodoreda.

Bibliographie et extraits à lire ici

Avec beaucoup de constance

et un tas d'imperfections

j'écris

des poèmes, qui, peut-être,

après ma mort,

trouveront un lecteur.

J'aimerais que ce soit un homme jeune

 et qu'en refermant le recueil

il dise : Bigre !

Ce Lesfargues.

Je suis certain

qu'il aurait pu être un bon poète.

 

dimanche, 24 septembre 2006

Passage du mortel

medium_Email0352.jpgEnfin la lutte épaisse apaisée

Tant de haine égouttée des têtes tranchées sèchant au soleil têté

Nos rêves cois sont cuits

Ombres de chats restées dans le parc

Sous le heaume des lampadaires de peau

Soirées inscrites sur les anneaux d'ondes

Lues en respirations amples

Ombres de los hombres sur tes bras lus

Corps écossés au rite ancien/ Ombres lues en lotus

....

Qu'avons-nous fait de ces espaces miracles

Caresses des épaules de quartz sous la fraîcheur des robes

Soir tombant/ dérobé/ marmonne/ calmant de houle mormon,

langue épilée lactique

L'épileptique abandon de soi modulé pour le sacrement

"je ne suis pas un amuseur"

Des enfants gazouillant près des pompes à huiles essentielles

excommunient les causeries tardives

 

Jean Azarel, extrait de Passage du mortel

Peinture sur bois, petit format : Frédérique Azaïs

18:44 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Jean Azarel, poésie