jeudi, 16 novembre 2006
Ardeur
Elle aimait les libellules et les crayons pastel ses ocres calcinées estomper sur sa peau la foudre des couleurs d'une ardeur violette, transformer les Sienne naturelles en lavis nus
Et surtout elle ardorait l'odeur des voix le toucher bruissantes caresses qu'elles abandonnaient dans une pièce longtemps après le départ de celui qui avait parlé, offert ses mots.
Attentive, elle recueillait cérémonieusement leurs éclats dans une boîte translucide et, de ses airs de libellule enfiévrée, elle inspirait leur parfum, le visage penché vers l'intérieur.
Chaque parfum de voix avait sa couleur... Alice eau de fushia, Leïla huile profonde nuit... marine.
Quand elle avait suffisamment joui des parfums de voix, elle refermait la boîte chut, sommeil rose-indien et n'y pensait plus, jusqu'à la prochaine marée de couleurs.
Parfois pourtant, en approchant de la boîte avant l'heure bleue, elle découvrait les rêves de voix endormies, lovées les unes dans les autres, comme des bébés chats. Leur seul frémissement éveillait ses ailes de chasseur. Alors, sans prendre garde au feu de garance de ses joues, elle plongeait dans les voix, en apnée.
Quand elle fendait la surface, longtemps après, sa vie était couverte de grands bleus. Elle penchait son visage nuage, découvrait l'horizon à l'envers, le ciel dans ses racines. Enfin, elle repliait ses ailes dans ses poches et se mêlait aux turbulences de la ville.
Un pays des voix naissait sous ses pas, prenait feu en couleurs et odeurs vives. Il inventait les marches instinctives et passionnées, l'ardeur où nul mur, jamais, ne pourrait transformer en ruines le profond des voix.
A l'oreille de Van Gogh, elle écoutait...
13:41 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie, Mireille Disdero, photo, Gildas Pasquet
Commentaires
Bonjour Ray,
Le titre "Ardeur" signifie ce qu'il signifie mais est aussi un clin d'oeil à "Ada" le roman de Vladimir Nabokov (parmi mes préférés sur la terre d'encre...) : quand on prononce "ardor" en anglais, le mot se rapproche du prénom "Ada" avec l'accent russe. C'est magique, c'est Nabokov.
Mais quel rapport me direz-vous entre ce roman et mon texte ci-haut ? Le rapport est toujours la couleur :
... Un rai de lumière oblique entrait par la porte-fenêtre et projetait ses feux sur le verre à facettes empli d'eau teintée et sur l'émail de la boîte de couleurs. Ada... Sous l'oeil du soleil...
Nabokov, Ada
Mireille
Écrit par : Mireille Disdero | vendredi, 17 novembre 2006
... J'ai oublié de préciser, le titre exact du roman est "Ada or Ardor"
Écrit par : Mireille Disdero | vendredi, 17 novembre 2006
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