dimanche, 17 janvier 2010
16 ans et des poussières
Mireille Disdero conjugue très bien écriture poétique et roman noir. Déjà avec « Un Ogre dans la ville », on découvrait une Marseille onirique, étrange, très différente des clichés habituels. Dans « 16 ans et des poussières », à travers le prisme de l’adolescence, c’est à un nouveau regard qu’elle nous convie. Shayna vient d’avoir 16 ans, elle habite dans les quartiers nord et leurs célèbres barres d’immeubles qui dominent la ville et plus loin la mer. L’univers de Shayna est barré lui aussi ; elle vit seule avec sa mère qui la dédaigne, refuse de prendre en compte sa demande de bourse qui lui permettrait de continuer ses études. Le frigo à la maison est désespérément vide. Heureusement il y a Enzo, l’ami de toujours en train de devenir l’amoureux, Mme Bismuth, la prof de français, qui lui redonne confiance, et la mer justement, qui de la barre d’immeubles, toujours visible, reste comme un horizon, un ailleurs possible, une possibilité de rêves. Et malgré les embûches, c’est sur les toits de leur immeuble, seuls et face à cette immensité que le destin des deux jeunes gens va prendre du sens et se jouer. Le sujet est délicat et pourtant le ton est juste, sans artifices, sans outrances. L'écriture, précise et serrée, n'oublie pas la poésie, au passage.
80 pages, 7 €, éditions du Seuil
19:21 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mireille disdero, 16 ans et des poussières
samedi, 31 octobre 2009
16 ans et des poussières, de Mireille Disdero
Mireille Disdero conjugue très bien écriture poétique et roman noir. Déjà avec « Un Ogre dans la ville », on découvrait une Marseille onirique, étrange, très différente des clichés habituels. Dans « 16 ans et des poussières », à travers le prisme de l’adolescence, c’est à un nouveau regard qu’elle nous convie. Shayna vient d’avoir 16 ans, elle habite dans les quartiers nord et leurs célèbres barres d’immeubles qui dominent la ville et plus loin la mer. L’univers de Shayna est barré lui aussi ; elle vit seule avec sa mère qui la dédaigne, refuse de prendre en compte sa demande de bourse qui lui permettrait de continuer ses études. Le frigo à la maison est désespérément vide. Heureusement il y a Enzo, l’ami de toujours en train de devenir l’amoureux, Mme Bismuth, la prof de français, qui lui redonne confiance, et la mer justement, qui de la barre d’immeubles, toujours visible, reste comme un horizon, un ailleurs possible, une possibilité de rêves. Et malgré les embûches, c’est sur les toits de leur immeuble, seuls et face à cette immensité que le destin des deux jeunes gens va prendre du sens et se jouer. Le sujet est délicat et pourtant le ton est juste, sans artifices, sans outrances. L'écriture, précise et serrée, n'oublie pas la poésie, au passage.
80 pages, 7 €, éditions du Seuil
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jeudi, 11 septembre 2008
Un Ogre dans la ville, de Mireille Disdero
Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.
15:33 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, mireille disdero, un ogre dans la ville, marseille
mercredi, 13 juin 2007
Un ogre dans la ville
Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.
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lundi, 04 juin 2007
Une lecture du "Sourire de Cézanne"
« J'aime dans l'écrit cette distance légère qui permet d'être avec l'autre tout en restant avec soi, une façon de dire les choses comme dans son for intérieur avec l'espoir secret qu'on va être entendu, ce sentiment de liberté extrêmement agréable... »
Le Sourire de Cézanne, Raymond Alcovère
A lire ici une note de lecture, sur "Bleu indigo", le blog de Mireille Disdero
15:50 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, Le Sourire de Cézanne, roman, Raymond Alcovère, Mireille Disdero
mercredi, 27 décembre 2006
Cette nuit blanchie a déchaussé ton pas...
Tu habites la vague hissée à ton rêve
l'embrasure à bord du train de vie
plein cœur sous le manteau des solitudes
cette nuit blanchie a déchaussé ton pas
Tu habites ma joue un claquement de larmes
contre le nid du vent les ombres en guenilles
dans tes semelles abandonnées
cette nuit blanchie a déchaussé ton pas
Courbet, Portrait de Juliette Courbet comme une enfant dormant
03:20 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, littérature, Mireille Disdero, poésie, Courbet
jeudi, 16 novembre 2006
Ardeur
Elle aimait les libellules et les crayons pastel ses ocres calcinées estomper sur sa peau la foudre des couleurs d'une ardeur violette, transformer les Sienne naturelles en lavis nus
Et surtout elle ardorait l'odeur des voix le toucher bruissantes caresses qu'elles abandonnaient dans une pièce longtemps après le départ de celui qui avait parlé, offert ses mots.
Attentive, elle recueillait cérémonieusement leurs éclats dans une boîte translucide et, de ses airs de libellule enfiévrée, elle inspirait leur parfum, le visage penché vers l'intérieur.
Chaque parfum de voix avait sa couleur... Alice eau de fushia, Leïla huile profonde nuit... marine.
Quand elle avait suffisamment joui des parfums de voix, elle refermait la boîte chut, sommeil rose-indien et n'y pensait plus, jusqu'à la prochaine marée de couleurs.
Parfois pourtant, en approchant de la boîte avant l'heure bleue, elle découvrait les rêves de voix endormies, lovées les unes dans les autres, comme des bébés chats. Leur seul frémissement éveillait ses ailes de chasseur. Alors, sans prendre garde au feu de garance de ses joues, elle plongeait dans les voix, en apnée.
Quand elle fendait la surface, longtemps après, sa vie était couverte de grands bleus. Elle penchait son visage nuage, découvrait l'horizon à l'envers, le ciel dans ses racines. Enfin, elle repliait ses ailes dans ses poches et se mêlait aux turbulences de la ville.
Un pays des voix naissait sous ses pas, prenait feu en couleurs et odeurs vives. Il inventait les marches instinctives et passionnées, l'ardeur où nul mur, jamais, ne pourrait transformer en ruines le profond des voix.
A l'oreille de Van Gogh, elle écoutait...
13:41 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, poésie, Mireille Disdero, photo, Gildas Pasquet
lundi, 13 novembre 2006
Cargos de silence
Lumière odeurs du sommeil. Quand l'étoile au bleu plonge les rêves, en affleurement.
Couleurs nues le matin. Au moment d'ouvrir les yeux.
Puis une respiration, très loin. Seulement un battement d'ailes. Cambrure en haute mer.
Présence encore, mais en pointillés. On bascule vers le jour. Traversant des zones libres. Evitant d'approfondir, pour virer de bord au midi.
Absence. Les paroles ne servent à rien quand elle vient.
Seulement les couleurs. Juste un silence. La fêlure de l'éveil.
Au tréfonds des mots se cherche en apnée la respiration d'écrire.
Mais aujourd'hui, rien. L'absence. Seulement les couleurs en nappes insensées, l'estompe d'un sillon de mots feux qui passent, s'effacent... vers le large... en cargos de silence.
Photo de Michèle Fuxa
00:29 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, art, poésie, Mireille Disdero
samedi, 11 novembre 2006
Et le bouleverser, d'un claquement de cœur le bouleverser !
Avant l’enfance au rêve
Andalouse danser
du pied frapper la lumière
rouge carmin de Goya tournoyer
et le bouleverser, d'un claquement de cœur le bouleverser !
00:15 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, art, photomontage, Claude Corbier, Mireille Disdero, poésie
jeudi, 09 novembre 2006
Ailleurs
"Il est possible que des objets sans importance résistent à l'attraction désastre... bien longtemps après nous.
J'ai commencé à accélérer. Mes battements de coeur surtout, puis mon allure en marchant. Une personne attentive aurait pensé à la bande image qu'on rembobine à toute vitesse. Mais j'étais dans le film, je ne discernais plus les contours ni les limites.
Au bureau, la clim était mal réglée. Une équipe du service technique commençait à démonter le mécanisme. J'ai dit "bonjour" comme j'aurais murmuré "ailleurs". Personne n'a remarqué les yeux rouges ni perçu la voix fissurée... et l'accélération.
Le soir j'ai bouclé ma valise avec mon coeur dedans. Le voyage m'a rappelé la morsure des moments sans importance. Au-dehors les vivants s'estompaient tels des trains fous qui ne s'arrêtent dans aucune gare. J'étais un rail, des champs, la lumière qui couvre les bancs, là-bas, j'étais mille kilomètres qui fonçaient dans l'azur sans assurance vie et... Tellement. J'étais tellement.
C'était ma nature.
Mon premier pas ailleurs a fait taire le voyage. D'un seul coup. Le soir m'a prise dans un café du cinquième, rue des Ecoles, pendant que j'avalais un second coca light. J'ai dévisagé mon reflet dans le miroir qui me faisait face. C'est alors qu'un souvenir a commencé à s'agiter autour de moi. Un collier de chien en cuir usé a glissé de mon sac ouvert. Alors, quelque part sur la terre un barrage a cédé. Un train a déraillé, une enfant a rêvé d'un chien qui gardait ses nuits, ses jours et la douceur contr'elle."
Photo : Michèle Fuxa
00:30 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Poésie, Mireille Disdero, littérature, photo, Michèle Fuxa
mercredi, 08 novembre 2006
Naissance
J'avale la nuit dans un café
Ma tasse résonne de ton éclat
Je sais brûler à corps absent
Remonter
Flamme, le courant
Mais
Des siècles à être toi
À me pencher
A te parler dans un reflet
Et
Foule en place de l'Étoile
Juste à l'endroit du cœur
Touchée
Attablée à ta vie
La nuit
Je te bois dans mon café
Puis
Je rentre
Ici ou nulle part
Mon sommeil dans ta poche
Au fond des caniveaux, le soleil
La pluie des yeux
Nos papiers froissés
Je voudrais ne jamais avoir pleuré
Ne jamais avoir parlé
Etre à naître de nouveau
Juste un bébé
Prendre la vie du début
Et
A corps présent
Te trouver.
Rodin, La Danaïde
00:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, poésie, Mireille Disdero, Rodin
vendredi, 03 novembre 2006
Un ogre dans la ville
Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.
19:21 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, ogre, poésie, Mireille Disdero, critique