mercredi, 13 juin 2007
Un ogre dans la ville
Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.
00:10 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, critique, Mireille Disdero, Un ogre dans la ville
Commentaires
Cette sensibilité-là me parle, me chuchote des sensations folles, un vent de liberté souffle dans ma tête
3 bises
Écrit par : christian JULIA | mercredi, 13 juin 2007
Bonjour Ray
Merci pour ce rappel de 'Un Ogre dans la ville'.
Samedi dernier, le livre et moi-même étions place des Centuries à Salon de Provence, avec Catherine Carruggi* : à côté, Pierre Magnan avait bien chaud sous la tente. Calme et tranquille, il attendait que passent les heures et que se vendent ses livres.
Les animations se succédaient. Des acteurs d'Equivog (théâtre d'aventure) 'jouaient' les textes des différents auteurs présents ; Marseille pourtant manquait au tableau, pour cette ambiance qui circule, je crois, tout au long des pages du roman. Pour cet air marin qui mouvemente toujours un peu... les humeurs et les gens.
Écrit par : Mireille Disdero | mercredi, 13 juin 2007
Ce que tu dis de ce livre et le coté poétique de l'extrait donne de fortes envies de lecture. Dans le commentaire de Mireille Disdero, j'ai lu le nom de Pierre Magnan, un de mes auteurs préféré. Je n'ai pas trop le temps, en ce moment, d'aller visiter les blog amis mais je suis toujours certaine quand je viens chez toi de trouver à me nourrir. Bises.
Écrit par : ariaga | vendredi, 15 juin 2007
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