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mardi, 24 octobre 2006

Et délice d’aimer une pure exigence...

Ce n’est pas dans les géographies

Qu’il faut chercher cette île

Où nous avons vécu.

Délice de sentir celle

Qui jamais ne repose

Effacer sur le sable

Des mots jamais écrits.

Délice d’oublier

Des formes absentes

Et d’attendre un vent

Qui ne veut pas qu’on le nomme.

Et délice d’aimer

Une pure exigence.

Une île qui n’existe pas

Des plages qui s’évanouissent

Un estuaire

Et un cœur qui pourrait se taire.

Un silence

Qui s’enroule dans un coquillage

Au nom tarabiscoté

Et ce pronom

Qui marche de travers

Comme un crabe

Et qu’on écrase !

Bernard Lesfargues, extrait de "La plus close nuit", éditions Fédérop

dimanche, 22 octobre 2006

Bernard Lesfargues

medium_sunset-10.jpgCe soir le ciel est doré

comme un parchemin du seizième siècle

J'essaie de lire ce que les branches

écrivent minutieusement à l'encre noire

sur la splendeur d'un ouest illuminé.

Ce n'est pas facile à lire

ce sont lettres d'un alphabet inconnu.

Le ciel pâlit peu à peu.

Un ange claudiquant souffle la chandelle

et baisse le rideau. Alors

la loutre de la nuit caresse mes jambes,

la loutre qui danse dans la nuit des ruisseaux

jusqu'aux impuretés de l'aube.

Bernard Lesfargues, l'or du ciel, extrait de "La plus close nuit", éditions Fédérop

Poète, traducteur, critique littéraire et fondateur des éditions Fédérop, Bernard Lesfargues est né à Bergerac en 1924. Agrégé d’espagnol en 1954 et diplômé en sociologie américaine, il enseigne pendant 30 ans l’espagnol à Lyon, puis se retire dans son village d’Église-Neuve-d’Issac, en Dordogne, où il vit toujours.

Passionné par le monde hispano-américain et spécialiste du catalan, il est le traducteur en français des plus grands écrivains castillans et catalans du XXe siècle : Jorge Luis Borges, Julio Llamazares, Mario Vargas Llosa, Ramón Sender, Juan Goytisolo, Jesús Moncada, Quim Monzó, Mercè Rodoreda.

Bibliographie et extraits à lire ici

Avec beaucoup de constance

et un tas d'imperfections

j'écris

des poèmes, qui, peut-être,

après ma mort,

trouveront un lecteur.

J'aimerais que ce soit un homme jeune

 et qu'en refermant le recueil

il dise : Bigre !

Ce Lesfargues.

Je suis certain

qu'il aurait pu être un bon poète.

 

dimanche, 16 juillet 2006

Rois à la barbe noire et crépelée...

Rois à la barbe noire et crépelée, rois frottés d'huile, rois aux pupilles étincelantes comme des rubis,

dans les sarments de vos mains vous avez pris une poignée de boue

et longuement, en crachant dessus, vous l'avez pétrie avec votre salive de menthe et de romarin,

et sont nés la tête, les grands yeux où je sombre, le cou fragile, les seins palombes effarouchées, le long chemin du dos pour les escargots de mes lèvres, les fesses pour mon plaisir, le ventre d'ivoire, les cuisses ma grand-route, et doux, chaud, fou, le nid de joie, de mousse et d'armoise qui m'enclôt, prison de miel, prison moelleuse, prison de pétales et de glaieuls, prison de rosée, jamais fermée à clé, ma prison où vous m'acceillez vous,

loin du vautour, sans craindre le dragon,

vous m'y accueillez, rois de santal et de cannelle, rois des noires filles de l'Ethiopie, rois des sables dorés de Tartessos.

Bernard Lesfargues, extrait de "La brasa et lo fuoc brandal"  

A découvrir sur le tout nouveau site des édtions Jorn, poésie occitane contemporaine