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mardi, 05 août 2025

Le monologue de Novalis

Novalis"Il y a quelque chose de drôle, à vrai dire, dans le fait de parler et d'écrire ; une juste conversation est un pur jeu de mots. L'erreur risible et toujours étonnante, c'est que les gens s'imaginent et croient parler en fonction des choses. Mais le propre du langage, à savoir qu'il est tout uniment occupé que de soi-même, tous l'ignorent. C'est pourquoi le langage est un si merveilleux et fécond mystère : que quelqu'un parle tout simplement pour parler, c'est justement alors qu'il exprime les plus originales et les plus magnifiques vérités. Mais qu'il veuille parler de quelque chose de précis, voilà alors le langage et son jeu qui lui font dire les pires absurdités, et les plus ridicules. C'est bien aussi ce qui nourrit la haine que tant de gens sérieux ont du langage. Ils remarquent sa pétulante espièglerie ; mais ce qu'ils ne remarquent pas, c'est que le bavardage négligé est justement le côté infiniment sérieux de la langue. Si seulement on pouvait faire comprendre aux gens qu'il en va, du langage, comme des formules mathématiques : elles constituent un monde en soi, pour elles seules ; elles jouent entre elles exclusivement, n'expriment rien si ce n'est leur propre nature merveilleuse, ce qui justement fait qu'elles sont si expressives, que justement en elles se reflète le jeu étrange des rapports entre les choses. Membres de la nature, c'est par leur liberté qu'elles sont, et c'est seulement par leurs libres mouvements que s'exprime l'âme du monde, en en faisant tout ensemble une mesure délicate et le plan architectural des choses. De même en va-t-il également du langage : seul celui qui a le sentiment profond de la langue, qui la sent dans son application, son délié, son rythme, son esprit musical; - seul celui qui l'entend dans sa nature intérieure et saisit en soi son mouvement intime et subtil pour, d'après lui, commander à sa plume ou à sa langue et les laisser aller : oui, celui-là seul est prophète. Tandis que celui qui en possède bien la science savante, mais manque par contre et de l'oreille et du sentiment requis pour écrire des vérités comme celles-ci, la langue se moquera de lui et il sera la risée des hommes tout comme Cassandre pour les Troyens.

Mais si je pense avoir, par ceci, précisé de la façon la plus claire l'essence même et la fonction de la poésie, je sais aussi que pas un homme ne le saurait comprendre et que, l'ayant voulu dire, j'ai dit quelque chose de tout à fait stupide, d'où toute poésie est exclue. Pourtant s'il a fallu que je parle ? si, pressé de parler par la parole même, j'avais en moi ce signe de l'intervention et de l'action du langage ? et si ma volonté n'avait aucunement voulu ce qu'il a fallu que je dise? Alors il se pourrait bien que ce fût là, à mon insu, de la poésie, et qu'un mystère de la langue eût été rendu intelligible... Et aussi, donc, que je fusse un écrivain de vocation, puisqu'il n'est d'écrivain qu'habité par la langue, puisque l'écrivain né n'est seulement qu'un inspiré du verbe!"

Novalis

dimanche, 27 juillet 2025

Le temps

Marcel Proust, Paul HufCar l’homme est cet être sans âge fixe, cet être qui a la faculté de redevenir en quelques secondes de beaucoup d’années plus jeune, et qui entouré des parois du temps où il a vécu, y flotte, mais comme dans un bassin dont le niveau changerait constamment et le mettrait à portée tantôt d’une époque, tantôt d’une autre.
Marcel Proust, La fugitive.
Photo : Paul Huf, Summer, 1953

samedi, 19 juillet 2025

Je ne t'oublie pas

le bonheur est un drôle de serpent, Carlos Santana"Du côté de mes amis, c’était plutôt la dispersion. On avait vécu si près les uns des autres pendant des années, dans les mêmes appartements, que par un mouvement naturel sans doute, chacun avait volé de ses propres ailes. Valentin - j’avais partagé tant d’aventures avec lui - se laissait lentement envahir par l’alcool. Il avait un talent fou pour la musique, l’amitié. Un humour, une ironie mordantes. Il ne pouvait s’empêcher de regarder l’autre côté des choses. Et presque uniquement celui-là. Ce « presque » l’avait rattaché à la vie, mais pas longtemps. Un jour, à force de tutoyer le néant, il l’avait rejoint. Parti vivre aux Pays-Bas après des études de psycho, à son retour il n’était plus le même. Il pouvait se passer de boire, mais s’il avait le malheur de commencer, il ne s’arrêtait qu’ivre mort. Son regard si pétillant devenait hagard, il répétait les mêmes phrases, bientôt il titubait et c’était fini. Tout le temps de mon absence, il avait demandé de mes nouvelles. Et je n’en avais donné à personne. C’était terrible de le voir ainsi, à l’occasion de ses rares passages à Montpellier.
Il jouait divinement de la guitare. Quand j’entends Sampa pa ti, son morceau fétiche, je vois ses doigts courir sur le manche. Souvent, on finissait nos soirées au London Tavern. Fabrice, au piano, flottait au-dessus des événements, sourire fin à travers ses verres épais. On buvait, on parlait avec n’importe qui au London, tout était vrai, parce qu’on ne jugeait rien. Sauf dans les moments où l’alcool l’égarait, j’avais une complicité stupéfiante avec Valentin. Aujourd’hui, j’écoute Flor d’luna et je pense à lui. Un jour, j’en avais assez, je voulais quitter Laure, et lui si discret en général, m’avait répondu sans hésiter : “Ne le fais pas, tu ne pourrais pas vivre sans elle”. Quoi qu’il en soit, mon pote Valentin, j’entends tes phrases, tes notes et je ne t’oublie pas."
Raymond Alcovère, Le bonheur est un drôle de serpent, roman, Lucie éditions, 2009, extrait

vendredi, 18 juillet 2025

Claire, logique et nerveuse

Maupassant, Bernard Plossu«La langue française, d’ailleurs, est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide ses modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles, de ces efforts impuissants. La nature de cette langue est d’être claire, logique et nerveuse. Elle ne se laisse pas affaiblir, obscurcir ou corrompre. »
Guy de Maupassant — Pierre et Jean, Éditions chez Paul Ollendorff (1888) 
Photo : Bernard Plossu

mercredi, 16 juillet 2025

Liberté de la lumière…

Le Sourire de CézanneLéonore vit avec Cézanne. Beaucoup de tapage autour de lui aujourd’hui. Comme tant d’autres, il est devenu un alibi au tourisme, un produit, qui voit vraiment ses tableaux ? C’est plutôt un nom. Son sourire si fin devant Les Baigneuses. A croire qu’il contemple amusé le spectacle, un siècle plus tard. Les aixois l’ont mal accepté de son vivant, lettres de menaces, injures anonymes, calomnies. Il a pourtant passé le plus clair de son temps près de la Sainte-Victoire. Quand même, il n’a jamais peint la ville, toujours l’extérieur. Il préférera Le Jas de Bouffan, “ La bergerie des vents ”, ses arbres, son bassin, ses marronniers, son lavoir. Liberté de la lumière…

Raymond Alcovère, extrait de Le Sourire de Cézanne, roman, éditions N&B, 2007

dimanche, 13 juillet 2025

Au moment où tout nous semble perdu

voyage seul.jpg« Mais c'est quelquefois au moment où tout nous semble perdu que l'avertissement arrive qui peut nous sauver, on a frappé à toutes les portes qui ne donnent sur rien, et la seule par où on peut entrer et qu'on aurait cherchée en vain pendant cent ans, on y heurte sans le savoir, et elle s'ouvre. »
Marcel Proust, Le temps retrouvé.

samedi, 12 juillet 2025

Courrier Sud

Courrier Sud, Saint-Exupéry« Devant lui une terre vêtue de soleil, l’étoffe claire des prés, la laine des bois, le voile froncé de la mer. »

Courrier Sud ; Saint-Exupéry.

vendredi, 11 juillet 2025

Sur les rives du Lez...

Média (8).jpg« Au Moyen Âge, sur les rives du Lez, la laine lavée importée d’Espagne ou d’Afrique apportait avec elle des graines lointaines. Ces plantes ont poussé ici, discrètes mais bien réelles. Elles ont changé à jamais le paysage. Aujourd’hui encore, elles participent du sentiment d’étrangeté que l’on éprouve en parcourant certaines portions du Lez dont la physionomie végétale diffère tant des autres paysages méridionaux »
A voir l'expo : L'arbre aux mille mains de J.R. au Carré Sainte-Anne à Montpellier, puissant hommage à l’histoire, à la diversité et à la richesse humaine de la ville ; entrée gratuite.

dimanche, 06 juillet 2025

Si vous marchez sur mes rêves, amis

Yves Heurté" Si vous marchez sur mes rêves, amis, soyez moins lourds ! Hélas, très peu de vous ont la légèreté voulue. Seuls quittent leurs semelles de plomb ceux qui traversent leur vie en enfants, en poètes, ces ingénieurs d'amour. Ils posent leurs pattes nues sur mon tapis bleu comme un moineau, un hérisson, un petit animal inconnu. Ce tapis qui depuis toujours est censé ne servir à rien. »

Yves Heurté

16:32 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves heurté

La nuit

 Vivant Denon« La nuit était superbe ; elle laissait entrevoir les objets, et semblait ne les voiler que pour donner plus d’essor à l’imagination. »

Vivant Denon, Point de lendemain

16:18 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vivant denon

vendredi, 04 juillet 2025

En sous-main

 Edoardo Pellegrini.jpg« J’ai toujours cru moi aussi que les livres étaient des instruments magiques, indiquant quand il faut l’attitude à avoir, le chemin à suivre. Ils font semblant d’être inertes, mais ils agissent en sous-main. Le papier renferme des  atomes non encore connus, l’encre secrète des particules invisibles. »

Philippe Sollers

Photo : Edoardo Pelligrini

Naples

Naples, Jean-Noël SchiffanoC'est le début de ce livre de Jean-Noël Schiffano : Naples, dans la collection Petite Planète qui, il y a bien longtemps, m'a donné envie d'y aller :« Nous revenions de l’étang de feu, de soufre embrasé, par la voix royale du voyageur venant de Rome, celle que vous indique le rocher en tour de Babel, la voie que vous ouvre la porte de Terracina sur l’ancien royaume des Bourbons et qui, longeant la mer Tyrrhénienne, épousant la courbe voluptueuse des eaux de Gaète, traverse, avant de glisser sous une grotte au pied de Naples, les Champs Phlégréens. Cette route est celle de Cumes, celle de l’Averne, celle des Enfers : la route dite 7 Quater, la route alchimique des quatre éléments, la route des sept degrés d’initiation aux mystères du dieu solaire, Mithra, la route des origines et de l’Apocalypse : de la révélation. »

CQFD !

L'imagination au pouvoir.jpghttps://www.gqmagazine.fr/article/chat-gpt-vous-rend-chaque-jour-un-peu-plus-bete-et-c-est-de-votre-faute-selon-les-scientifiques

09:06 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chat gpt

mardi, 01 juillet 2025

Le réchauffement

carte de France.jpgMagnifique travail de Perrin Remonté : l'hexagone si tous les glaciers venaient à fondre !

La carte poursuit un scénario fictif mais elle saisit la gorge : face au réchauffement climatique, bien des lieux, même sous des scénarios optimistes, seront bousculés, surement noyés.

Lorsque la géographie, l'art et l'environnement s'épousent, de nouveaux chemin de sagesse apparaissent pour comprendre et surtout pour agir !

Du côté de l'obscur

intérieur baroque.jpg"Ce qui nous avons de plus nôtre, de plus précieux est obscur à nous-même."

Paul Valéry

19:15 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul valéry

lundi, 23 juin 2025

Une autre vision se dessine

A l'eau.png"Il y a des écrits qu’on lit distraitement, ceux qu’on lit en sachant qu’on ne les relira jamais, et puis, en très petit nombre, ceux qu’on relit sans cesse. On les sait presque par cœur, à la virgule près, mais, rien à faire, ils révèlent toujours quelque chose de nouveau, ils sont actifs sans en avoir l’air, ce sont des émetteurs constants, des trésors. Ils font signe. Du coup, une autre vision se dessine."

Philippe Sollers

lundi, 09 juin 2025

La montagne des fleurs

Jacki MaréchalJacki Maréchal expose en 6 lieux à Oyonnax du 13 juin au 31 juillet. Il m'a proposé ainsi qu'à Christian Cottet-Emard d'écrire un texte qui figure dans sa plaquette de présentation ; le voici :

dimanche, 25 mai 2025

La plus gigantesque armée de la Méditerranée

Débarquement, Histoires vraies en mer Méditerranée260 000 combattants français vont ainsi débarquer dont 5 000 auxiliaires féminines. Seulement 10 % de cette armée est originaire de la métropole. 90 % viennent d’Afrique du nord, répartis presque à égalité entre maghrébins et pieds-noirs. S’y ajoutent des volontaires venus de partout : Africains d'Afrique Equatoriale Française et d’Afrique Occidentale française, Malgaches, mais aussi Indochinois et Pondichériens, Tahitiens, Calédoniens et Canaques, Libanais et Syriens, Antillais, fusiliers-marins, marsouins, anciens du Levant, légionnaires et évadés de France par l'Espagne. Tous attendent depuis 1940 le moment de débarquer en France que la plupart ne connaissent pas.
Extrait de "La plus gigantesque armée de la Méditerranée" dans "Histoires vraies en mer Méditerranée", Raymond Alcovère, Papillon Rouge éditeur.

mercredi, 21 mai 2025

Samedi 24 mai 2025, à 10 h à la médiathèque Kalliope, à Magalas (34)

Histoires vraies en mer Mediterranee.jpgConférence autour de mon livre « Histoires vraies en mer Méditerranée » 

La Méditerranée ; elle ne représente que 0,8 % de l’océan mondial, mais 20 % des pétroliers et 30 % des navires marchands du monde y circulent. Elle est la première destination touristique au monde et tout cela menace bien sûr son environnement et sa survie.

Il faut se méfier de la douceur de son climat, les marins le savent bien, elle est une mer dangereuse ; les tempêtes y sont souvent violentes et soudaines ; d’où l’origine notamment de notre golfe du Lion.

Tout cela laisse des traces et quelles traces. « La mer est le plus grand coffre-fort du monde. » a écrit l’écrivain et navigateur émérite Jean-François Deniau. Plus le temps passe et plus les technologies de recherche et d’observation s’améliorent, plus on y découvre des trésors enfouis, des richesses insoupçonnées.

Il s’y est passé tellement de choses autour de cette mer, son histoire est si complexe que les historiens eux-mêmes s’y perdent souvent. Un d’entre eux, Henri Laurens, a écrit à propos du Liban : « Si vous avez compris quelque chose au Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. » On peut je crois élargir le propos à la Méditerranée tout entière.

Alors, à défaut de l’expliquer, ce livre cherche à la raconter. Pas besoin de fictions, les 25 histoires de ce livre sont toutes vraies.

Infos pratiques ici

 

vendredi, 16 mai 2025

Tenir le monde entre mes doigts de silence

Wang Wei2.jpgTerre de collines.
Ocre et rouge.
Achevalé sur ma monture, je parcours les steppes.
Les ombres jouent avec les replis de la terre, le gris de la roche avec le bleu des montagnes.
Alpha et oméga du monde, rien ne semble avoir été posé ici par hasard.
Ni les vallées, ni les lacs, ni les temples.
Vallées fumeuses de brume, étagées de rizières.
Pays cosmique.
Vérité inscrite dans les pierres.
Élan de la pensée.
Le tumulte s’est arrêté.
Le dénuement de la pierre, de la terre ici, me plaît, j’aime ce désordre lent des vallées, l’air de solitude qui flotte sur les collines.
Reflets velours, incarnat du couchant, montagnes au loin, calquées en lignes bleues.
Grand remuement de vagues, statufiées.

Raymond Alcovère, extrait de L'aube a un goût de cerise, N&B éditions, 2010

Peinture : Wang Wei