mercredi, 29 mars 2006
Réalité de l'illusion
On y apprend, dans ces dictionnaires, que la réalité est le “ caractère de ce qui est réel, de ce qui a une existence effective ”, tandis que l’illusion, selon les mêmes dictionnaires, est une “ erreur de la perception ou de l’esprit, qui fait prendre l’apparence pour la réalité ”.
Le bon sens commun, dont la paresse est presque sans limites, se satisfait généralement de telles définitions, et en conclut que, en effet, réalité et illusion sont antinomiques et aussi peu conciliables que le sont, croit-on aussi, le blanc et le noir.
Cependant l’expérience, toujours elle, nous a enseigné que la non intentionnelle et très incréée subtilité de l’univers a prévu, avec le gris, un niveau de conciliation, simple mariage de raison où chacune des parts cède une fraction de sa singularité, dont il résulte cette couleur intermédiaire, composite, qui atténue, en les ménageant, les irréductibles antagonismes chromatiques constitutifs de leur abrupte différentiation !
Ainsi donc réalité et illusion sont-elles, de la même façon, plus qu’on ne croit, non seulement combinables, mais encore susceptible de d’exercer, chacune, une telle force d’attraction sur l’autre qu’en résultera souvent, non pas un moyen terme ou un pis aller, mais une fusion intégratrice, une “ con-fusion ”, produisant soit l’effet du gris, dans le cas du blanc et du noir, soit celui de la mosaïque, du damier ou du patchwork, réalité et illusion s’interpénétrant et se répartissant, dans une même apparence, selon des dosages et des emplacements à tout moment variables.
De ce fait, on pourra dire sans hésiter que l’illusion est une composante décisive de la réalité, qui en est une tout aussi décisive de l’illusion.
C’est du reste cette apparence, mode de perception pas si trompeur qu’on ne dit, qui réconcilie ces deux contraires lexicologiques, que nul esprit libre et actif n’acceptera jamais de considérer comme irréconciliables, voire même comme opposés.
Que serait en effet, depuis la nuit des temps humains, notre réalité d’ “ hommes savants- savants ”, si des éclairs fulgurants d’illusion n’étaient venus, périodiquement, infléchir l’ordre des choses, spontanément végétatif et réactif ?
Qu’est-ce qui a engendré la conscience, la pensée, la parole, la projection puis le projet, l’outillage et son lent perfectionnement, le souci de se construire un abri fixe et de le pérenniser, l’art, sans parler de cet acte rassembleur que fut la religion ? L’illusion, ou son intime moteur, l’imagination, et rien d’autre (si, toute fois, autre chose, de connexe au demeurant : le désir).
L’être humain est celui d’entre les animaux qui aura détourné la fatalité vers des formes de la réalité tout imprégnées de traces d’illusion.
C’est ainsi que, fidèles aux dispositions des derniers hommes du paléolithique, plutôt que soumis aux astreintes pragmatiques des néolithiques purs et durs, les Gaulois continuèrent-ils (pour leur perte, cela est vrai ; mais leur intuition nous aura contaminés par résurgence ou par latence obstinée) à percevoir de toute chose sa dualité, plus encore que sa dualité, sa réversibilité, cette façon qu’elle a de disposer, derrière sa réalité apparente, de masses d’inapparent actif, de non-dit loquace, d’inconnu familier. Les poètes ont su reprendre, tardivement il est vrai, ce message fondamental, celui d’une identité inaliénable de l’endroit et de l’envers non pas “ opposés ”, mais adossés l’un à l’autre, s’étayant, dans leur effort de solidarité. Que s’effondre l’illusion, c’est la réalité qui s’écroulera aussitôt après.
En fait, sans illusion, pas de pensée, pas de rêve, pas de métaphysique, pas d’activités artistiques, pas de spéculations aventureuses, pas de grandes découvertes ; autant dire : pas d’humanité !
Car l’illusion, marqueur spécifique inscrit dans l’épaisse carnation de la réalité humaine, anime celle-ci, et la détermine en l’incitant à constamment se dépasser.
Et c’est ainsi que l’illusion est bel et bien l’un des “ caractères de ce qui est réel, de ce qui a une existence effective ”, ou si l’on veut : une composante décisive, active, de la réalité.
CQFD, comme dirait le principe de réalité, qui n’est que pure illusion.
Gil Jouanard ; contribution au numéro 5 de la revue L'instant du monde, "Réalité de l'illusion"
14:50 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (6)
Bacchanale
Olivier Krapo (peinture créée pour la revue L'instant du monde n° 6 : le vin dans tous ses états)
12:24 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 28 mars 2006
Surréaliste
L'édito de Libé du jour qualifie la situation de surréaliste, c'est assez juste, tout cela paraît irréel ; voilà qui plairait à Jean Baudrillart pour qui la réalité a disparu ! En 1968 la France s'ennuyait, aujourd'hui elle a perdu le contact avec la réalité, avec sa force, son énergie, sa raison d'être, alors un Premier ministre quelque peu fantasque et nostalgique des charges napoléoniennes a décidé de donner un grand coup de pied dans la fourmilière !
11:37 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (13)
Une tranche de poisson
10:20 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 27 mars 2006
Pour les écrivains du Languedoc-Roussillon
Nicole Chartier, la rédactrice en chef du Journal de la Région est en quête de textes "de haute tenue littéraire".
Conditions de publication : nouvelle de 6.000 à 9.000 signes (ou caractères, espaces compris). Droits d'auteur de 300 euros (somme brute, avant déduction AGESSA d'environ 8,50 %, s'ils payent en droits d'auteur pour être en règle, et ils semblent s'y être décidés). Vous pouvez proposer un illustrateur, lequel touchera 200 euros (dans les mêmes conditions).
Et vous envoyez votre texte à : Nicole Chartier journalregion@cr-languedocroussillon.fr
22:40 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (3)
Grève générale
Photo : Jean-Jacques Marimbert, Toulouse jeudi 23 mars 2006
21:09 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans
Le gouvernement prépare actuellement un plan de prévention de la délinquance qui prône notamment une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Dans ce contexte la récente expertise de l’INSERM, qui préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge, prend un relief tout particulier.
Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ?
19:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
La Marseillaise, en Arabe, par une Chinoise
13:41 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (0)
Et maintenant, que faire ?
Mais le pari de Villepin porte plutôt sur la suite : la difficulté pour le mouvement syndical et étudiant de capitaliser sur une réussite. On peut se demander si le fantasme qui est derrière la politique villepiniste n'est pas de type thatchérien: rosser la puissance syndicale, faire la démonstration de l'inutilité des mobilisations militantes en finir avec «la rue». A travers le CPE que ses propres bénéficiaires supposés, les employeurs, trouvent marginal , c'est à une défaite symbolique des organisations de gauche qu'il prétend et c'est bien ainsi que celles-ci l'entendent. Mais pour réagir, une fois la traditionnelle journée d'action réussie et passée, elles devront inventer une riposte à la hauteur du défi. Avant la manif, on connaît la question qui se posera après elle: et maintenant, que faire ? Le prolongement de la grève, proposé par FO, déboucherait vite sur une épreuve sociale d'une dimension inconnue depuis longtemps. Mais rien ne dit que l'intersyndicale y soit prête.
12:21 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (12)
Un dangereux gauchiste
Je crois que tout le monde se trompe sur Dominique de Villepin. C’est un romantique, un poète, un voleur de feu, un ténébreux, un inconsolé, et au fond, un dangereux gauchiste. Il voit la France affaiblie, traînante, douteuse, oublieuse d’elle-même et de son glorieux passé qui va des cathédrales à l’Empire, de la Commune à de Gaulle. Il s’émeut, il rougit, il a honte. Il veut réveiller les énergies, tenter un électrochoc, provoquer une insurrection salvatrice. Contrairement à un Chirac fatigué qui laisserait le pays glisser vers la décadence irréversible, il a l’audace de vouloir faire une révolution contre lui-même. Il appelle la jeunesse à se révolter, il la défie, la bafoue, la précarise, incarne tout à coup les fantasmes de l’Ancien Régime, se réjouit devant les premières voitures brûlées, trouve que les barricade tardent, ressent profondément en lui-même la colère et l’ivresse des manifestants.
Philippe Sollers, Journal du Mois, JDD du 26 mars 2006
10:20 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 25 mars 2006
Une communication physique
Viviane Alleton
07:30 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (5)
vendredi, 24 mars 2006
Porte de la Paix céleste
Etrange et envoûtant roman, le premier de la jeune romancière chinoise Shan Sa, née en 1972. Tout commence dans le bruit et la fureur de la répression des événements de la place Tiananmen, en 1989, pour finir dans les forêts oubliées de la lointaine Chine, où la nature dirait-on a repris ses droits. Entre temps se seront croisés les destins d'une jeune et tempêtueuse égérie de Tiananmen et d'un lieutenant aux ordres du pouvoir. Mais aussi d'autres personnages, tous modelés par l'histoire récente de la Chine, tous solitaires aussi et exaltés, dépassés par un monde qu'ils ne comprennent pas, mais portés par une énergie foudroyante, énergie qu'on sent vibrer dans l'écriture précise, puissante et raffinée de Shan Sa : "Aujourd'hui je comprends l'erreur qui a failli signer ma perte : j'ai trop demandé à la vie, j'ai pensé qu'elle me devait le bonheur et la sérénité. En réalité, la vie n'offre ni le bien ni le mal. Le bonheur est un fruit qu'on cultive et récolte dans son âme. On ne peut le recevoir de l'extérieur."
Porte de la Paix céleste. Shan Sa, Folio.
13:15 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 23 mars 2006
Les Muets de Trécorbier
Voici un thriller "à la française", j'allais dire "à la bretonne", puisque l'action se passe dans une petite île bretonne battue par les vents, et agitée par les passions humaines. On a un peu l'impression d'être dans un roman de Simenon d'ailleurs, et ses fameuses "atmosphères". A la française donc, car si le sang y coule peu, l'action se passe surtout dans les têtes, les états d'âme. Tout s'y déroule en demi-teintes, en non-dits. C'est la grande habileté de ce roman de nous faire toujours douter, hésiter, osciller entre le vrai et le faux, la folie et le bon sens ; deux versions d'une même histoire se croisent... Deux soeurs aussi qui vont aller l'une vers l'autre, à la recherche du passé. Après "L'ombre des tableaux" qui évoquait le peintre Paul Sérusier, voici un deuxième roman bien séduisant de Olivier Cousin.
Les muets de Trécorbier / Olivier Cousin. - Liv'éditions, 2005. (Liv'poche-suspense).
22:15 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0)
Allégorie de toute mon œuvre en quelque sorte
« A 6 ou 7 ans, ma tante m’a emmené faire un tour dans la campagne. Elle était un peu farceuse et un moment elle me dit : “Je me demande si on ne s’est pas perdus.” J’ai eu une trouille ! Puis honte d’avoir eu si peur. Sans doute pour surmonter cette honte, j’ai décidé, aussitôt rentré à la maison, d’écrire un livre, j’avais son titre, La Peur. Avec du bristol découpé, j’ai fait la couverture, mais je me suis arrêté là. Allégorie de toute mon œuvre en quelque sorte », résume-t-il en souriant.
14:21 Publié dans Histoire littéraire | Lien permanent | Commentaires (2)
Les pochtrons zingueurs
la librairie MILLEPAGES (Vincennes) et l’estaminet LA GROSSE MIGNONNE
vous invitent à une soirée lectures de bistrot
Jeudi 30 mars à 20 heures
avec Pierre AUTIN-GRENIER, Franz BARTELT et Dominique FABRE.
Prenez trois écrivains (et pas des moindres) :
Franz Bartelt, Dominique Fabre & Pierre Autin-Grenier.
Une librairie : MILLEPAGES à Vincennes, toujours sur la brèche.
& Un bistrot : La Grosse Mignonne à Montreuil, un lieu comme nous les aimons, inventif et gonflé. Vous agitez le tout afin d'obtenir un cocktail revigorant de convivialité, de bonne bouffe, de vins gouleyants, de lectures en pagaille et de rires en cascade. Pour assister au dîner, nombre de couverts limité, il est impératif de réserver aus 01 43 28 04 15 ou sur millepages@wanadoo.fr. Site la Grosse mignonne : http://www.lagrossemignonne.com
Tableau : Pierre François, paru dans la revue L'instant du monde n° 6, thème le vin dans tous ses états.
09:42 Publié dans Evénements | Lien permanent | Commentaires (4)
mercredi, 22 mars 2006
Quelques haïkus
Fin septembre déjà
pas de poème cette année
les dalhias en fleur.
Très vite fané
le bouquet de mimosa
Son ombre reste belle.
Petit cercle de pierres
Ils se chauffent sous les étoiles
les vieux ancêtres.
Ecrire en marchant
Oui, mais c'est embêtant
d'être à la traîne.
Tous accourent autour
du téléphone comme d'une mare
où plonge une grenouille.
C'était dimanche soir
sur l'huile du fleuve posée
des mouettes quasi mortes.
Deux oiseaux qui jouent
dans les arbres, les arbres,
printemps tout proche.
Fleurs du cerisier
Elles explosent comme du pop-corn
dans mes yeux gris vert.
Grand nettoyage
Ca sent le lilas, dit-elle
C'est l'Ajax liquide.
Ah non ! ce n'est pas
en écrasant une mouche
qu'on fait du vide.
La caissière blonde
cric cric cric cric cric cric cricAu revoir. Merci.
A chaque pas, chaque pas
un petit serpent glisse
sous mes semelles.
Deux papillons blancs
se jettent sauvag'ment sur moi
assis au jardin.
Tu ne les vois pas
mais eux te regardent passer
les vieux platanes.
Oui, elle l'a jeté
cet asparagus que je
détestais, ah oui.
Comme un grand arbre
une femme debout dans la rue
Le vent s'est levé.
Quelle chaleur hier !
Aujourd'hui, il pleut et les
oiseaux volent encore.
Ces feuilles mortes au sol,
ça me rassure de les voir
depuis l'enfance.
Rien ne peut m'atteindre
aujourd'hui, clochard, misère,
rien, non, non, rien, rien.
Jean Antonini, 2000-2002
19:32 Publié dans Haïku | Lien permanent | Commentaires (1)
«Ils font ce que les 30-40 ans n'ont pas réussi»
Erwan Lecoeur, sociologue, souligne que les jeunes bousculent, enfin, les mythes de 68.
13:42 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (7)
Nous allons parler de fort vilaines choses
« La politique dans une œuvre littéraire, c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert, quelque chose de grossier et auquel pourtant il n’est pas possible de refuser son attention. Nous allons parler de fort vilaines choses »
Stendhal, La chartreuse de Parme
12:55 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0)
Le pays de couleur chagrin
Toute ta présence dans l'attrait de ce village sous la neige.
Il s'agissait de trouer l'espace, de dissiper les ténèbres
mais l'intense mélodie, véhémente, s'effaçait,
niait le possible retour,
affirmait ses retards, ses motifs de soupir,
se répétait dans des volées de cuivre,
se déformait soudain en notes pantelantes.
Pour qui revenait au pays, tout n'était-il dés lors que contours,
approche austère et insoumise,
double travesti et dissonant ?
La plaine se révélait tantôt résignée,
tantôt revêche et inconstante.
Où étaient donc les couleurs de l'enfance ?
Celles de ta musique ne cessaient de s'altérer, de virer.
Tu l'avais dis Giya : " Le pays de couleur chagrin ".
Pourtant, tout près, le rire des enfants,
la démarche et la souplesse des femmes,
là, l'orange oblique du soleil sur les toits de neige,
plus loin les troupeaux silencieux, les hommes dans de grands gestes.
Cette fugitive et musicale avancée
d'un mirage qui bat dans la poitrine,
cette voix qui appelle entre plume et pierre,
résonnent aujourd'hui de ce que Delacroix avait su reconnaître
dans une autre " musique, tout à coup surgie de l'embuscade,
non plus comme un rapace s'élevant sous l'archet,
ni pour l'oreille où la béatitude
mais pour les muscles, pour les tempes palpitantes ".
11:05 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 21 mars 2006
Sacré Vendredi 13
Cette peinture de Annie Caizergues a été réalisée en 2002 pour la revue L'instant du monde n° 1, pour répondre au texte de Pierre Autin-Grenier : "Sacré Vendredi 13" publié ensuite dans "L'éternité est inutile", Gallimard collection L'Arpenteur.
18:27 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0)