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lundi, 23 octobre 2023

Le sentiment raisonné et indépendant de ma propre individualité

gustave courbet, baudelaire« J’ai étudié, en dehors de tout esprit de système et sans parti pris, l’art des anciens et l’art des modernes. Je n’ai pas plus voulu imiter les uns que copier les autres. Ma pensée n’a pas été davantage d’arriver au but oiseux de l’art pour l’art. Non ! J’ai voulu tout simplement puiser dans l’entière connaissance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de ma propre individualité. »
Gustave Courbet
Portrait de Charles Baudelaire Musée Fabre, Montpellier

samedi, 23 septembre 2023

"Conseils aux jeunes littérateurs"

380593667_10161065893408872_4357039200977014482_n.jpg" Plusieurs de ceux que j’aime et que j’estime s’emportent contre les popularités actuelles, - Eugène Sue, Paul Féval, - des logogriphes en action ; mais le talent de ces gens, pour frivole qu’il soit, n’en existe pas moins, et la colère de mes amis n’existe pas, ou plutôt elle existe en moins, - car elle est du temps perdu, la chose du monde la moins précieuse. La question n’est pas de savoir si la littérature du cœur ou de la forme est supérieure à celle en vogue. Cela est trop vrai, pour moi du moins. Mais cela ne sera qu’à moitié juste, tant que vous n’aurez pas dans le genre que vous voulez installer autant de talent qu’Eugène Sue dans le sien. Allumez autant d’intérêt avec des moyens nouveaux ; possédez une force égale et supérieure dans un sens contraire ; doublez, triplez, quadruplez la dose jusqu’à une égale concentration, et vous n’aurez plus le droit de médire du bourgeois, car le bourgeois sera avec vous. "
Baudelaire, "Conseils aux jeunes littérateurs"

samedi, 09 septembre 2023

Octobre

Roger Nimier, isadora duncan, Arnold Genthe"Elle était belle comme cinq heures de l'après-midi en octobre"
Roger Nimier
Isadora Duncan, photo de Arnold Genthe

mercredi, 06 septembre 2023

Tout ce qui continue

Albert Camus, Massimo Listri"Ce qui compte c'est la vérité. Et j'appelle vérité tout ce qui continue."
Albert Camus, Le Désert, dans Noces
Photo de Massimo Listri

lundi, 04 septembre 2023

La liberté

romain garyLa liberté avait de tout temps exigé des sacrifices, mais il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'aimer une femme pouvait être aussi un apprentissage de liberté.

Romain Gary

mercredi, 30 août 2023

Une page de Vialatte

alexandre vialatteL’homme date d’une si lointaine époque qu’il est affreusement fatigué.
L’appendicite, les guerres mondiales, le souci d’une nombreuse famille lui ont fait les idées floues et le genou hésitant.
Il a tellement poussé de brouettes sur les routes gluantes de l’automne qu’il en garde les reins courbés (car il a la manie d’attendre toujours l’automne pour ramasser les feuilles mortes des squares au pied de la statue de Blaise Pascal ou de Marguerite de Navarre, parfois même de Charles le Simple).
Il y a aussi tous ces paniers de terre qu’il lui faut remonter dans les Alpes où les jardins sont en terrasses, un peu moins larges qu’un trottoir, au flanc des falaises verticales ; et dans les vignobles du Rhin qui sont bâtis en escaliers ; les suisses aussi, d’ailleurs (c’est une idée gothique).
On ne saurait y cueillir une grappe où une laitue qui ne représente une centaine de petits paniers remontés à bras par un soleil de plomb sur des falaises vertigineuses. Successivement. Et redescendus ! C’est un va-et-vient incessant. Pour une laitue chétive ou une grappe comme trois billes, qui donne un vin acide et rêche comme du sapin mal raboté.
Sans compter les casseroles en cuivre. Quel homme que l’homme ! Il a fallu qu’il invente ça ! Toutes ces casseroles à astiquer.
Etonnez-vous de son épuisement. On voit par là qu’il ne meurt pas, il se tue.
S’il ne se tue pas, il meurt quand même.
Son sort est triste.
Heureusement, un rien l’en distrait.

(L’allegretto de la Septième - La Montagne – 12 juillet 1960)

dimanche, 30 juillet 2023

l'épaisseur de l'ombre


Anh Nguyen.jpg“ Écrire, c'est comme craquer une allumette au cœur de la nuit en plein milieu d'un bois.
Ce que vous comprenez alors, c'est combien il y a d'obscurité partout. La littérature ne sert pas à mieux voir. Elle sert seulement à mieux mesurer l'épaisseur de l'ombre. “
William Faulkner

Photo : Anh Nguyen

jeudi, 27 juillet 2023

La mémoire est une formidable faussaire

3776518456.jpg« Mais dans le souvenir, comme toujours dans les souvenirs, une fois éliminées les sensations physiques immédiates, les odeurs, la couleur, la vue de telle bestiole sous le lavabo, l’événement s’entoure d’un certain flou qui embellit l’image. La réalité passée est toujours moins mauvais qu’elle ne le fut effectivement. La mémoire est une formidable faussaire. »
Antonio Tabucchi, Nocturne indien

mercredi, 26 juillet 2023

Regard

Pantelis Palierakis.jpg« Je ne sais pas qui a dit que le regard en soi comporte toujours un peu de sadisme. J’y pensai un moment mais cela ne me revint pas en mémoire, et pourtant je sentis qu’il y avait quelque chose de vrai dans cette phrase : et je regardai plus voluptueusement encore, avec la parfaite sensation de n’être que deux yeux qui regardaient pendant que moi j’étais ailleurs, sans savoir où exactement.»
Antonio Tabucchi, Nocturne indien
Photo : Pantelis Palierakis

jeudi, 22 juin 2023

Solitude

rainer maria rilke, Claudia d'Auria“Les œuvres d'art sont d'une infinie solitude ; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. ”

Rainer Maria Rilke

Photo : Claudia d'Auria

samedi, 10 juin 2023

Un personnage de roman

georges simenon«Un personnage de roman, c'est n'importe qui dans la rue, mais qui va jusqu'au bout de lui-même.»
Georges Simenon

dimanche, 04 juin 2023

Ce que Lautréamont condamne dans ses Poésies

LautréamontLes perturbations, les anxiétés, les dépravations, la mort, les exceptions dans l’ordre physique ou moral, l’esprit de négation, les abrutissements, les hallucinations servies par la volonté, les tourments, la destruction, les renversements, les larmes, les insatiabilités, les asservissements, les imaginations creusantes, les romans, ce qui est inattendu, ce qu’il ne faut pas faire, les singularités chimiques de vautour mystérieux qui guette la charogne de quelque illusion morte, les expériences précoces et avortées, les obscurités à carapace de punaise, la monomanie terrible de l’orgueil, l’inoculation des stupeurs profondes, les oraisons funèbres, les envies, les trahisons, les tyrannies, les impiétés, les irritations, les acrimonies, les incartades agressives, la démence, le spleen, les épouvantements raisonnés, les inquiétudes étranges, que le lecteur préférerait ne pas éprouver, les grimaces, les névroses, les filières sanglantes par lesquelles on fait passer la logique aux abois, les exagérations, l’absence de sincérité, les scies, les platitudes, le sombre, le lugubre, les enfantements pires que les meurtres, les passions, le clan des romanciers de cours d’assises, les tragédies, les odes, les mélodrames, les extrêmes présentés à perpétuité, la raison impunément sifflée, les odeurs de poule mouillée, les affadissements, les grenouilles, les poulpes, les requins, le simoun des déserts, ce qui est somnambule, louche, nocturne, somnifère, noctambule, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe, les heures soûles du découragement taciturne, les fantaisies, les âcretés, les monstres, les syllogismes démoralisateurs, les ordures, ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant, la désolation, ce mancenillier intellectuel, les chancres parfumés, les cuisses aux camélias, la culpabilité d’un écrivain qui roule sur la pente du néant et se méprise lui-même avec des cris joyeux, les remords, les hypocrisies, les perspectives vagues qui vous broient dans leurs engrenages imperceptibles, les crachats sérieux sur les axiomes sacrés, la vermine et ses chatouillements insinuants, les préfaces insensées, comme celles de Cromwell, de Mlle de Maupin et de Dumas fils, les caducités, les impuissances, les blasphèmes, les asphyxies, les étouffements, les rages, — devant ces charniers immondes, que je rougis de nommer, il est temps de réagir enfin contre ce qui nous choque et nous courbe si souverainement. 

Lautréamont, Poésies, extrait

18:30 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lautréamont

lundi, 08 mai 2023

Que disent les vieux textes ?

Philippe Sollers« Qu’il faut atteindre la calme fermeté du corps. Qu’il convient de choisir un endroit bien pourvu en eau, agrémenté de toutes sortes de fleurs, riche en racines et en fruits, et qui produit même spontanément toutes sortes de fruits. Qu’il n’y a pas de différence entre se trouver dans un temple ou près d’une rivière, ou encore dans un village, ou même dans une ville. Il suffit que le lieu soit agréable et permette de faire garder conscience de tout. Que l’important est de rester toujours satisfait du style de vie qu’on a choisi. Que, par la méditation, on peut percevoir parfaitement le remède décisif contre la servitude. Que les signes, à l’intérieur et à l’extérieur, indiquent le moment opportun. Que la racine du mot « homme » signifie jouer, s’amuser. Qu’il faut ouvrir le crâne, élever le chant. Que le chant de la syllabe est analogue à la régulation du souffle. Que si la pratique orale n’est pas transmise par ceux qui chantent à voix basse, et si le chant n’est pas d’abord une écoute, il ne pourra y avoir de fruits. Que l’être favorable et subtil, plein de félicité, se trouve dans une chambre secrète, plein de lumière. Que la libération procède du secret. »

Philippe Sollers, l’Étoile des amants.

Photo : Luisa del Valle

samedi, 06 mai 2023

Philippe Sollers

Philippe SollersOn s’en rendra compte probablement plus tard, il est l’écrivain français le plus important de la période. Il propose une vision du monde complète et homogène, sans rien laisser de côté, en rassemblant et harmonisant des univers aussi vastes et divers que la Chine, la Grèce, le 18ᵉ, la peinture, la poésie, la musique, la religion catholique, la sexualité ou la politique. Toujours sous forme d’ouverture, il offre à lire ou regarder, notamment grâce à un sens consommé de la citation, nombre d’écrivains, penseurs et artistes : « Il n’y a qu’une seule expérience fondamentale à travers le Temps. Formes différentes, noms différents, mais une même chose. Et c’est là, précisément le roman. » Audace de pensée, originalité, esprit critique, sens de la formule, de l’esquive et de l’attaque. Avec lui, la poésie n’est pas séparée de la pensée, ni de l’action. Il ajoute, provoquant : « La poésie, c’est la guerre. » S’inspirant de Sun Tzu : « Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. » Sa stratégie est clairement posée : « Ce que l’ennemi attaque, je le défends, ce qu’il défend je l’attaque. » Le difficile bien sûr est de connaître l’ennemi. Il le décrit dans Éloge de l’Infini : « Car l’Adversaire est inquiet. Ses réseaux de renseignement sont mauvais, sa police débordée, ses agents corrompus, ses amis peu sûrs, ses espions souvent retournés, ses femmes infidèles, sa toute-puissance ébranlée par la première guérilla venue. Il dépense des sommes considérables en contrôle, parle sans cesse en termes de calendrier ou d’images, achète tout, investit tout, vend tout, perd tout. Le temps lui file entre les doigts, l’espace est pour lui de moins en moins un refuge. Les mots « siècle » ou « millénaire » perdent leur sens dans sa propagande. Il voudrait bien avoir pour lui cinq ou dix ans, l’Adversaire, alors qu’il ne voit pas plus loin que le mois suivant. On pourrait dire ici, comme dans la Chine des Royaumes combattants, que « même les comédiens de Ts’in servent d’observateurs à Houei Ngan ». Le Maître est énorme et nu, sa carapace est sensible au plus petit coup d’épingle, c’est un Goliath à la merci du moindre frondeur, un Cyclope qui ne sait toujours pas qui s’appelle Personne, un Big Brother dont les caméras n’enregistrent que ses propres fantasmes, un Pavlov dont le chien n’obéit qu’une fois sur deux. Il calcule et communique beaucoup pour ne rien dire, l’Adversaire, il tourne en rond, il s’énerve, il ne comprend pas comment le langage a pu le déserter à ce point, il multiplie les informations, oublie ses rêves, fabrique des films barbants à la chaîne, s’endort devant ses films, croit toujours dur comme fer que l’argent, le sexe et la drogue mènent le monde, sent pourtant le sol se dérober sous ses pieds, est pris de vertige, en vient secrètement à préférer mourir. » Son livre fondateur, outre Paradis, est Femmes, avec cette fameuse phrase : « Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là-dessus, tout le monde ment. » Le Cœur absolu, Le Secret, Les Voyageurs du temps, l’Étoile des amants, Guerres secrètes sont les autres sommets de son œuvre. Ses recueils d’articles : La Guerre du goût, Éloge de l’infini, Discours parfait, Fugues, Complots, permettent d’explorer son univers et la diversité de ses sources d’inspiration. Son écriture déborde de légèreté et d’ironie quand il écrit pour la presse (textes regroupés pour certains dans Littérature et politique). Son but, toujours, inciter à lire : « Mauvais rapport avec le langage, mauvais rapport avec l’Être : c’est la même chose. » La question est centrale : « C’est dans les textes que s’opèrent les identifications décisives. » « Savoir lire, c’est aussi pouvoir tout lire sans rejets et sans préjugés : Claudel et Céline, Artaud et Proust, Sade et la Bible, Joyce et Mme de Sévigné. Prouvez-le, montrez que vous n’êtes pas un esprit religieux. Savoir lire, c’est vivre le monde l’histoire et sa propre existence comme un déchiffrement permanent. Savoir lire, c’est la liberté ». Il n'a de cesse de bousculer les idées reçues, ce qui lui vaut tant d'ennemis, notamment avec « le catholicisme comme négation de la religion » que Jean-Hugues Larché commente ainsi : « L'écrivain maintient que le catholicisme est un athéisme et que la religion catholique est celle qui contient le moins de religion. » Ces mots dans Le Secret le résument bien : « J’aime écrire, tracer les lettres et les mots, l’intervalle toujours changeant entre les lettres et les mots, seule façon de laisser filer, de devenir silencieusement et à chaque instant le secret du monde. N’oublie pas, se dit avec ironie ce fantôme penché, que tu dois rester réservé, calme, olympien, lisse, détaché ; tibétain en somme… Tu respires, tu fermes les yeux, tu planes, tu es en même temps ce petit garçon qui court avec son cerf-volant dans le jardin et le sage en méditation quelque part dans les montagnes vertes et brumeuses, en Grèce ou en Chine… Socrate debout toute la nuit contre son portique, ou plutôt Parménide sur sa terrasse, ou encore Lao-Tseu passant, à dos de mulet, au-delà de la grande muraille, un soir… Les minutes se tassent les unes sur les autres, la seule question devient la circulation du sang, rien de voilé qui ne sera dévoilé, rien de caché qui ne sera révélé, la lumière finira bien par se lever au cœur du noir labyrinthe. Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux, ta vie ne ressemble à aucune autre dans le sentiment d’être là, maintenant, à jamais, pour rien, en détail. Ils aimeraient tellement qu’on soit là pour. Qu’on existe et qu’on agisse pour. Qu’on pense en fonction d’eux et pour. Tu dois refuser, et refuser encore. Non, non et non. Ce que tu sais, tu es le seul à le savoir. » Il exalte la poésie, la gratuité, l’amour pour s’opposer à l’Adversaire : « La règle générale est de raconter des amours impossibles, des impasses, des drames, des récriminations, des échecs, et moi je fais le contraire. » Comme il l’a écrit lui-même dans Passion fixe, ses livres ressemblent à des tableaux cubistes, où la réalité est montrée sous des angles différents qui se multiplient avant de se rassembler de sorte que l’apparent désordre laisse peu à peu place à une savante construction. Selon une technique chinoise très ancienne : « Quand on le déroule, ce livre remplit l’univers dans toutes ses directions, et, quand on l’enroule, il se retire et s’enfouit dans son secret. Sa saveur est inépuisable, tout y est réelle étude. Le bon lecteur, en l’explorant pour son plaisir, y a accès ; dès lors, jusqu’à la fin de ses jours, il en fait usage, sans jamais pouvoir en venir à bout. » Dans un entretien avec Philippe Lejeune en 2009, il précise : « Il est fort possible – mais le temps seul le dira – qu'il s'agisse d'une entreprise métaphysique portant sur une expérience très singulière, dont les rapports avec la littérature seraient tangents, épisodiques, dépendant des situations historiques et en tout cas où l'essentiel ne serait pas là. Il ne s'agirait pas de littéraire à proprement parler et peut-être même pas de littérature. » Roland Barthes l'a noté dans  Sollers écrivain : « celui-ci, pratique, de toute évidence, une écriture de vie. »
Raymond Alcovère

Photo : Jean-Luc Bertini / Pasco

vendredi, 24 mars 2023

C'est une délicieuse chose que d'écrire !

FaXssIYWIAUSk9Q.jpg« J'ai un casque de fer sur le crâne. Depuis 2 heures de l'après-midi (sauf 25 minutes à peu près pour dîner), j'écris de la Bovary. Je suis à leur Baisade, en plein, au milieu. On sue et on a la gorge serrée. Voilà une des rares journées de ma vie que j'ai passée dans l'Illusion, complètement, et depuis un bout jusqu'à l'autre. Tantôt, à six heures, au moment où j'écrivais le mot attaque de nerfs, j'étais si emporté, je gueulais si fort, et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que j'ai eu peur moi-même d'en avoir une. (...) N'importe, bien ou mal, c'est une délicieuse chose que d'écrire ! que de ne plus être soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. Aujourd'hui, par exemple, homme et femme tout ensemble, amant et maîtresse à la fois, je me suis promené à cheval dans une forêt, par un après-midi d'automne, sous des feuilles jaunes, et j'étais les chevaux, les feuilles, le vent, les paroles qu'ils se disaient et le soleil rouge qui faisait s'entre-fermer leurs paupières noyées d'amour. »

Gustave Flaubert

A Louise Colet. 23 décembre 1853

dimanche, 12 mars 2023

Harmonie

142089615.jpg« A la fin du mois de septembre, les tempêtes d’équinoxe faisaient rage ; leur violence était exceptionnelle. Toute la journée, le vent avait hurlé et la pluie avait battu les fenêtres. Même en plein cœur de Londres, nous étions contraints de hisser nos pensées au-dessus de la routine quotidienne, et de nous soumettre à la présence de ces grandes forces élémentaires qui s’attaquent à l’homme à travers les barreaux de la civilisation. Au fur et à mesure que la nuit approchait, la tempête grandissait : le vent sanglotait dans la cheminée comme un enfant en pénitence. Maussade, Sherlock Holmes était assis à côté du feu et mettait à jour ses notes tandis que je me délectais dans les belles histoires d’aventures en mer de Clark Russel : le grondement de la tempête à l’extérieur s’harmonisait parfaitement avec le texte, et les rafales se pluie se mêlaient au clapotis des vagues. »

Les 5 pépins d’orange, Conan Doyle

19:31 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conan doyle

samedi, 11 mars 2023

Bonne conscience

FqQBYe_WcAIXDuI.jpg« La mauvaise conscience générale permet à chacun de se gratifier d’une bonne conscience individuelle : ce n’est pas moi qui suis responsable, puisque tout le monde l’est. »
Simone Veil

16:08 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : simone veil

dimanche, 05 mars 2023

Le sens de la mécanique quantique

Mécanique quantique, Carlo RovelliLes priorités d'un objet sont la façon dont il agit sur d'autres objets. L'objet lui-même est un ensemble d'interactions avec d'autres objets. La réalité est ce réseau d'interactions, en dehors duquel nous ne comprenons même pas de quoi nous sommes en train de parler. Au lieu de considérer le monde physique comme un ensemble d'objets aux propriétés définies, la théorie quantique nous invite à voir le monde physique comme un réseau de relations dont les objets sont les nœuds.

Carlo Rovelli, Helgoland, le sens de la mécanique quantique.

Photo de Paul Almasy

dimanche, 26 février 2023

Baudelaire Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal

baudelaireTranquille comme un sage et doux comme un maudit,
J’ai dit :
Je t’aime, ô ma très belle, ô ma charmante…
Que de fois…
Tes débauches sans soif et tes amours sans âme,
Ton goût de l’infini
Qui partout, dans le mal lui-même, se proclame,
Tes bombes, tes poignards, tes victoires, tes fêtes,
Tes faubourgs mélancoliques,
Tes hôtels garnis,
Tes jardins pleins de soupirs et d’intrigues,
Tes temples vomissant la prière en musique,
Tes désespoirs d’enfant, tes jeux de vieille folle,
Tes découragements ;
Et tes feux d’artifice, éruptions de joie,
Qui font rire le Ciel, muet et ténébreux.
Ton vice vénérable étalé dans la soie,
Et ta vertu risible, au regard malheureux,
Douce, s’extasiant au luxe qu’il déploie.
Tes principes sauvés et tes lois conspuées,
Tes monuments hautains où s’accrochent les brumes,
Tes dômes de métal qu’enflamme le soleil,
Tes reines de théâtre aux voix enchanteresses,
Tes tocsins, tes canons, orchestre assourdissant,
Tes magiques pavés dressés en forteresses,
Tes petits orateurs, aux enflures baroques,
Prêchant l’amour, et puis tes égouts pleins de sang,
S’engouffrant dans l’Enfer comme des Orénoques,
Tes anges, tes bouffons neufs aux vieilles défroques.
Anges revêtus d’or, de pourpre et d’hyacinthe,
Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or.

07:52 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : baudelaire

samedi, 11 février 2023

Le sens artistique

Marcel Proust, Linda Moro« Le sens artistique, c’est-à-dire la soumission à la réalité intérieure. »

Marcel Proust

Photo de Linda Moro