dimanche, 02 novembre 2025
Le chant du monde
La nuit. Le fleuve roulait à coups d'épaules à travers la forêt... D'un côté l'eau profonde, souple comme du poil de chat, de l'autre côté les hennissements du gué. Antonio toucha le chêne. Il écouta dans sa main les tremblements de l'arbre. C'était un vieux chêne plus gros qu'un homme de la montagne, mais il était à la belle pointe de l'île des Geais, juste dans la venue du courant et, déjà, la moitié de ses racines sortaient de l'eau.
— Ça va ? demanda Antonio.
L'arbre ne s'arrêtait pas de trembler.
— Non, dit Antonio, ça n'a pas l'air d'aller.
Il flatta doucement l'arbre avec sa longue main.
Loin, là-bas, dans les combes des collines, les oiseaux ne pouvaient pas dormir. Ils venaient écouter le fleuve. Ils le passaient en silence, à peine comme de la neige qui glisse. Dès qu'ils avaient senti l'odeur étrangère des mousses de l'autre côté, ils revenaient en claquant éperdument des ailes. Ils s'abattaient dans les frênes tous ensemble, comme un filet qu'on jette à l'eau. Cet automne dès son début sentait la vieille mousse.
Jean Giono, Le chant du monde, 1934, début du livre.
Photo de Mark Littlejohn
15:56 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean giono, mark littlejohn
samedi, 25 octobre 2025
Henri Bosco, lettre à Jean Steinmann
Henri Bosco, lettre à Jean Steinmann en 1948 : « J'ai écrit des récits. Le récit m'est indispensable pour atteindre indirectement à la poésie. C'est la poésie que je cherche, c'est-à-dire la création de fictions, tirées du plus profond de l'âme et dont la vie fictive, observée, analysée avec soin, me permette d'étudier et de connaître cette âme elle-même, par cette sorte de reflet. Or pour que ces reflets soient bien vivants, pour qu'ils s'animent, il faut mettre l'âme en présence de ces points magnétiques du monde qui, par leurs radiations, excitent le plus intensément les puissances intérieures : la terre, les bêtes, le vent, l'eau, le feu, l'air, certaines créatures privilégiées, intermédiaires étranges entre nous et l'inconnu. C'est la quête des secrets. Or que nous laissent supposer ces secrets multiples, sinon que tout se tient, que tout voit, que tout communique, que tout a un sens, et qu'on erre à ne pas croire en cette unité de la vie ; bien plus que vie et mort sont deux branches d'un même tronc, et que finalement tout aboutit à l'unité de l'être, qui, lui-même, fondu dans le non-être, est mystérieusement contenu par Dieu. Tout mythe poétique est un mythe religieux. Chercher à travers ces secrets, découvrir les communications invisibles au commun c'est aller vers ce que j'appelle le Paradis terrestre. »
Photo : Mark Littlejohn
23:13 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri bosco, mark littlejohn
dimanche, 28 septembre 2025
On était en septembre
"On était en septembre. Dans les dernières journées, quand les choses deviennent tristes sans raison.09:41 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ray bradbury, mark littlejohn
jeudi, 10 avril 2025
Vitesses différentes
Pour parcourir les jours, les natures un peu nerveuses, comme était la mienne, disposent, comme les voitures automobiles, de « vitesses » différentes. Il y a des jours montueux et malaisés qu'on met un temps infini à gravir et des jours en pente qui se laissent descendre à fond de train en chantant.09:56 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel proust, mark littlejohn
samedi, 07 septembre 2024
Depuis l'aube des temps
« A l’homme de profond désir, un signe suffit, et les signes sont, depuis l’aube des temps, le langage des dieux. »
Hölderlin
Photo : Mark Litteljohn
17:38 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hölderlin, mark littlejohn
mercredi, 31 juillet 2024
Les nuages s’effilochèrent avant de se retirer comme un rideau de théâtre pour découvrir un paysage nouveau
Au bout d’un moment, il remarqua que les nuages moutonnant aperçus la veille gonflaient insensiblement et épaississaient. Ils se déplaçaient lourdement en larges volutes, s’amoncelant à l’horizon. Le vent qui l’éloignait toujours de Guayaquil redoubla d'intensité.
Il sentait son aille ployer sous sa force. Au sol, la végétation revenait, par touffes de buissons, puis par petits bosquets. Mais il n'eut pas le temps de l'observer plus longtemps. Les météores s’agitaient, le vent soufflait maintenant en rafales.
Puis tout alla très vite, trop vite. En un rien de temps, le ciel fut pris de folie. Précédés de roulements de tonnerre, les nuages se rapprochèrent à une vitesse hallucinante. Il perdit de l’altitude mais il n’y avait rien d’autre à faire. Le sol était plat : se poser c’était à coup sûr ne plus pouvoir décoller, autrement dit une mort certaine. Mais l’aurait-il pu seulement, rien n’était moins sûr ! Il était bousculé à présent par les bourrasques ; le courant était tel qu’il ne maîtrisait plus aucun mouvement de son aile, ballotté comme un fétu de paille. Des éclairs zébrèrent le ciel. L’horizon s'était enténébré, on ne distinguait même plus le sol. Le tonnerre claqua violemment, il eut l'impression que le ciel allait s'entrouvrir et l’avaler ; sa dernière heure était arrivée, il pensa aux siens, à son village et envoya une prière au ciel.
Alors, dans cette air de fin du monde, d'un coup, les trombes d’eau se déversèrent en véritables torrents. Il était dans l’œil du cyclone. Les gouttes, froides et dures, lui criblaient le visage. De peur d’être projeté et fracassé au sol, dans un sursaut, il actionna son aile le plus fort possible. Soulevé dans les airs, il jeta toutes ses forces dans la lutte. Jamais il n’avait volé aussi vite. Il ne sentait plus ses muscles, il lui sembla être devenu un oiseau.
Alors que, à bout de forces, il allait lâcher prise, enfin la pluie et le vent se calmèrent. Aussi vite qu'ils étaient venus, les nuages s’effilochèrent avant de se retirer comme un rideau de théâtre pour découvrir un paysage nouveau.
Photo : Mark Littlejohn
La Découverte de Xénon, Raymond Alcovère, nouvelle, extrait.
Gros Textes éditions, 74 pages, 8 €, format 14 x 10 cm
Peut être commandé sur le site de l'éditeur :
https://grostextes.fr/publication/la-decouverte-de-xenon/
Ou bien :
raymond.alcovere@gmail.com
09:56 Publié dans La découverte de Xénon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la découverte de xénon, mark littlejohn
vendredi, 10 novembre 2023
Jour
"Et il allait, semblable à la nuit."09:50 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homère, l'iliade, mark littlejohn
mercredi, 03 août 2022
Le combat
« Rien ne nous plaît que le combat mais non pas la victoire. On aime à voir les combats des animaux, non le vainqueur acharné sur le vaincu. Que voulait‑on voir sinon la fin de la victoire et dès qu’elle arrive on en est saoul. Ainsi dans le jeu, ainsi dans la recherche de la vérité. On aime à voir dans les disputes le combat des opinions mais de contempler la vérité trouvée ? Point du tout. Pour la faire remarquer avec plaisir il faut la faire voir naître de la dispute. De même dans les passions il y a du plaisir à voir deux contraires se heurter, mais quand l’une est maîtresse ce n’est plus que brutalité.
Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses. Ainsi dans les comédies les scènes contentes, sans crainte, ne valent rien, ni les extrêmes misères sans espérance, ni les amours brutaux, ni les sévérités âpres. »
Blaise Pascal
Photo de Mark Littlejohn
16:41 Publié dans Grands textes, illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal, mark littlejohn
jeudi, 23 juin 2022
Musique
« Je pense souvent en musique. Je vis mes rêveries en musique. Je vois ma vie en termes de musique »
(Albert Einstein, à l’un de ses amis, en 1929)
Photo : Mark Littlejohn
19:19 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : albert einstein, mark littlejohn
dimanche, 19 juin 2022
Soir historique
"Le moment de l’étuve, des mers enlevées, des embrasements souterrains, de la planète emportée, et des exterminations conséquentes, certitudes si peu malignement indiquées dans la Bible et par les Nornes et qu’il sera donné à l’être sérieux de surveiller. — Cependant ce ne sera point un effet de légende !"08:09 Publié dans Grands textes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rimbaud, mark littlejohn
dimanche, 05 juin 2022
Je marche mieux
« Je ne sais où va mon chemin, mais je marche mieux quand ma main serre la tienne. »
Alfred de Musset
Photo de Mark Littlejohn
09:28 Publié dans amour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alfred de musset, mark littlejohn
mercredi, 04 mai 2022
Vis-à-vis
« Votre œuvre peut-elle faire vis-à-vis à la pleine campagne et au bord de la mer ? »
Walt Whitman
Photo : Mark Littlejohn
19:03 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : walt whitman, mark littlejohn
vendredi, 15 avril 2022
Noble
« Noble, se camoufler de banal pour ne vexer personne. Noble, la fraternité envers les solitaires. Noble, le goût du silence, de la nature, des voluptés précises, du secret amoureux. Noble, l’arbre des pensées qui pousse en soi. Noble, la douceur intraitable. Noble, l’amitié avec la vie. Noble, mettre le soleil en lumière. Noble, la générosité quand on est généreux comme la lumière est en soleil. Noble, la discrétion pas remarquable. Noble, la responsabilité envers ses dons. Noble, considérer l’honorabilité d’un honneur en fonction de l’honorabilité de la personne qui vous le fait. Noble, ne viser qu’à concevoir ce qui dure. Noble, distinguer les prétentieux des ambitieux. »
Mathieu Terence, De l’avantage d’être en vie
Photo : Mark Littlejohn
09:33 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mathieu terence, mark littlejohn
samedi, 09 avril 2022
Entre l'auteur et le lecteur
"Dans une œuvre d'imagination de premier ordre le conflit n'est pas entre les personnages, mais entre l'auteur et le lecteur."
Nabokov
Photo : Mark Littlejohn
09:52 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nabokov, mark littlejohn
vendredi, 08 avril 2022
Lien
Tout ce qui compte dans la vie, ce sont les liens : avec soi, avec les humains, avec les autres qu'humains, et avec ce qui nous dépasse (le sacré).
Pablo Servigne
Photo : Mark Littlejohn
19:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pablo servigne, mark littlejohn
dimanche, 03 avril 2022
L’ensemble de la Littérature forme un seul continuum
« L’ensemble de la Littérature forme un seul continuum, une vaste trame sans commencement ni fin, où les individualités que seraient les écrivains n’existent pas ; mieux, où la distinction auteur/lecteur est à la limite dépourvue de fondement, car si tout est un et si tout est dans tout, tout est aussi un texte et ce texte est dans tous les textes, au sein d’une bibliothèque totale qui se relit et se réécrit sans cesse, et qui, si elle n’est pas le monde, le rend au moins nettement accessoire. »
Borges
Photo : Mark Littlejohn
03:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : borges, mark littlejohn
vendredi, 01 avril 2022
Les crises
« Les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d'indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie."
Carl Gustav Jung
Photo : Mark Littlejohn
17:50 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carl gustav jung, mark littlejohn
mardi, 08 mars 2022
à demi-mot
Les vérités qui nous importent le plus s'offrent toujours à demi-mot
Baltasar Gracian
Photo de Mark Littlejohn (3 cerfs)
11:06 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mark littlejohn, baltasar gracian
samedi, 19 février 2022
évoluer parmi les avalanches
Ne croyez pas quelqu'un qui vous dit qu'une phrase ne pourra jamais transformer quoi que ce soit. C'est un flic. Le temps historique continue de se scander au calendrier des impostures politiques ; il s'est définitivement résorbé, sur l'ensemble de la planète, en guerre.12:15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yannick haenel, mark littlejohn
samedi, 12 février 2022
Mark Littlejohn

18:39 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mark littlejohn

















