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mercredi, 31 janvier 2007

Carnets indiens, avec Nina Houzel (23)

medium_P.jpgCar sans le grain de poivre, ce qui s'achève aujourd'hui en Orient et en Occident n'aurait peut-être jamais commencé. Ce fut le poivre qui amena les grands navires de Vasco de Gama sur l'océan, depuis la tour de Belem à Lisbonne jusqu'à la côte de Malabar ; tout d'abord à Calicut et, plus tard, à cause de son port en forme de lagon, à Cochin. Les Anglais et les Français cinglèrent dans le sillage de ce Portugais arrivé le premier, de façon que dans cette période dite de la Découverte-de-l'Inde - mais comment pouvions-nous être découverts puisque nous n'étions pas couverts auparavant ? - nous étions "moins un sous-continent qu'un sous-condiment", comme disait ma distinguée mère. "Depuis le début, ce que le monde voulait de cette sacrée mère Inde était clair comme le jour, ajoutait-elle. Ils venaient chercher des choses épicées, comme n'importe quel homme qui va voir une putain."

Salman Rushdie, Le dernier soupir du Maure.

Photo : Nina Houzel

L'allée des pins

medium_les_arbres_et_la_terre.jpgElle part se promener. Soleil éclatant, vent froid qui balaie la ville, épure l’atmosphère, disperse le figé. Arbres tordus, déchirés. Elle revoit L’allée des pins, la route de son enfance, près de Fos-sur-mer : deux colonnades de pins parasols, statufiés, algues séchées, effilochées, prêts d’être arrachés par le vent, mais enracinés dans le sol.

Raymond Alcovère, Le sourire de Cézanne, à paraître, mai 2007, éditions n&b

Peinture de Lambert Savigneux

mardi, 30 janvier 2007

Chroniques d'une élection (18)

(Pris sur le blog de Jacques Attali) :

Pour la première fois dans l'histoire de la cinquième république, les deux candidats les mieux placés pour être présents au second tour de l'élection présidentielle tentent leur chance pour la première fois; malgré leurs qualités, ils sont tombés, l'un et l'autre, et tomberont encore, dans d'innombrables pièges que l'expérience avait appris à leurs prédécesseurs à éviter.  

Pour la première fois aussi, des milliers de médias, de blogs, de journaux, de sites, de radios, de télévisions les scrutent, les interrogent, les analysent, les critiquent, les interpellent. Chaque jour, circulent dans ces médias d'innombrables informations, vraies ou fausses; des interviews exigent d'eux des réponses, de façon de plus en plus agressive, à des questions de plus en plus précises.

Les conséquences de ces deux nouveautés contradictoires sont faciles à prévoir: les deux principaux candidats finiront la campagne en charpie. Tout, alors, deviendra possible.

L'art des matelots

medium_Grenade_vu_de_dedans.JPG« Les Sages quelquefois, ainsi que l’Ecrevisse, marchant à reculons, tournent le dos au port. C’est l’art des matelots. C’est aussi l’artifice de ceux qui, pour couvrir quelque puissant effort, envisagent un point directement contraire, et font vers ce lieu-là courir leur adversaire. »

La Fontaine

Photo : Gildas Pasquet

lundi, 29 janvier 2007

POUR SOUTENIR L’EDITION INDEPENDANTE

POUR SOUTENIR L’EDITION INDEPENDANTE
reproduisez, signez et faites circuler
la PÉTITION


“Soutien
aux Éditeurs indépendants
et aux revues littéraires”


La Poste est un des outils privilégiés de diffusion des livres et revues littéraires des éditeurs indépendants, auprès des libraires, des bibliothèques et du public. 
Or, les transformations de La Poste, l’abandon des tarifs particuliers ou intermédiaires, la libéralisation des services, les fermetures de bureaux, mettent aujourd’hui leur existence en danger.
Des centaines de petites structures éditoriales sont aujourd’hui contraintes à réduire ou à cesser leur activité.
Ceci porte préjudice aux écrivains, à la création littéraire, aux éditeurs, aux libraires, aux lecteurs, comme à toute la chaîne du livre, graphiste, photographe, imprimeur...

Des tarifs postaux abusifs, la réduction programmée des tarifs “presse” ou des nouvelles contraintes administratives, l’abandon des tarifs réduits (“coliéco” “sacs postaux de librairies”…  le refus de la Poste d’appliquer le tarif  “livres et brochures” sur le territoire national), etc…  remettent en question la pérennité de l’édition indépendante, et par voie de conséquence, entravent le droit d’expression, réduisent l’économie du livre et affaiblissent la démocratie.

les soussignés s’inquiètent de cette situation et demandent à l’État, aux ministères concernés et à la direction de l’entreprise publique La Poste de créer un tarif préférentiel pour les livres et les revues (indépendamment, pour celles-ci, de l’attribution, ou non, d’un numéro de commission paritaire), afin de garantir pour demain la diversité culturelle et la libre circulation des idées.


Envoyer à : ATELIER DU GUÉ - 11300 VILLELONGUE D’AUDE

Carnets indiens, avec Nina Houzel (22)

medium_COORG_5_082.jpgLa méditation est un des arts majeurs dans la vie, peut-être «l'art suprême», et on ne peut l'apprendre de personne: c'est sa beauté. Il n'a pas de technique, donc pas d’autorité. Lorsque vous apprenez à vous connaître, observez-vous, observez la façon dont vous marchez, dont vous mangez, ce que vous dites, les commérages, la haine, la jalousie —être conscients de tout cela en vous, sans option, fait partie de la méditation.

La méditation ne consiste pas à suivre un système; ce n'est pas une constante répétition ou imitation; ce n'est pas une concentration. Une des méthodes favorites de certaines personnes qui enseignent la méditation est d'insister auprès de leurs élèves sur la nécessité de se concentrer, c'est-à-dire de fixer leur esprit sur une pensée et d'expulser toutes les autres. C'est la chose la plus stupide, la plus nocive que puisse faire n'importe quel écolier, lorsqu'on l'y oblige. Cela veut dire que pendant tout ce temps on est le lieu d'un combat entre la volonté insistante de se concentrer et l'esprit qui vagabonde, tandis qu'il faudrait être attentif à tous les mouvements de la pensée, partout où elle va. Lorsque votre esprit erre à l'aventure, c'est que vous êtes intéressé par autre chose que ce que vous faites.

Photo : Nina Houzel

Jiddu Krishnamurti

Coquillages

medium_Gildas1.2.jpgC’est une histoire de mots

Que l’on travaille

Dans l’antichambre du jour.

Au commencement était le vide.

Et les lettres comme des coquillages

Peu à peu se réunissent.

Tableau de perles

Epines d’oursins

Branches d’algues

Forment un paysage Inventé.

Peu à peu la révolte

Comme la vase

Se dépose au fond.

Peu à peu le silence

Avec seulement, parfois,

Un bâillement de poisson,

Une ride

Dans la texture de l’eau.

Valérie Canat de Chizy

Vous pouvez lire ici l'ensemble du recueil : "Qui_mene_la_barque.3.doc"

Photo : Gildas Pasquet

Carnets indiens, avec Nina Houzel (21)

medium_Bombay_2_073.2.jpgLes dieux, tout ce qui est de l’ordre du divin, sont là pour signifier aux hommes la gratuité.

Philippe Sollers, Le Coeur absolu

Photo : Nina Houzel

dimanche, 28 janvier 2007

La méditation

medium_surgissement_de_l_homme_en_son_paysage.jpgLa méditation consiste à être conscient de chaque pensée, de chaque sentiment; à ne jamais les juger en bien ou en mal, mais à les observer et à se mouvoir avec eux. En cet état d'observation, on commence à comprendre tout le mouvement du penser et du sentir. De cette lucidité naît le silence.

Jiddu Krishnamurti

Lambert Savigneux : Surgissement de l'homme en son paysage

L'oeil, la main et les Menines de Vélasquez

On croyait avoir épuisé les interprétations de ce tableau magique, pourtant il recèle encore des mystères, voir et lire ici

17:33 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, Vélasquez

Chroniques d'une élection (17)

On est sans doute pas au bout de nos surprises. La montée en puissance de Bayrou, le tassement de Ségolène, distribuent différemment les cartes. On pourrait avoir 5 morceaux d'électorat ; de gauche à droite : l'Extrême gauche, Royal, Bayrou, Sarko et Le Pen.  Si chacun de ces blocs se situent entre 15 et 20 %, ça se jouera à très peu pour désigner les deux champions...

Jean-Louis Bec, photographe

medium_diptyque.jpgLes lieux sont nos aides, nos compagnons de voyages, nos conteurs et nos confidents ; des passeurs toujours prêts à nous prendre à leur bord, à nous guider pas à pas dans le dédale délirant de notre monde intérieur, à nous aider à voir un peu plus clairement en nous. Les lieux parlent et racontent si nous savons entendre, si nous savons nous entendre.

© Jean-Louis Bec ; Diptyque

site à visiter ici

09:00 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : art, photo, Jean-Louis Bec

Carnets indiens, avec Nina Houzel (20)

medium_DSCN4342.JPGLe vent joue en ton visage

Comme un vent frais dans un ciel clair

Baudelaire

Photo : Nina Houzel

samedi, 27 janvier 2007

Anagrammatiquement vôtre !

Repéré grâce à Philippe Lipcare, ici, une carte du métro parisien, où le nom des stations est remplacé par leur anagramme ; fabuleux !

13:58 Publié dans humour | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Métro, humour, Oulipo

Gaudenzio Ferrari à Varallo

Vu sur le superbe site : La route des Fresques.
En cliquant ici, vous accédez à une gigantesque image haute définition que vous pourrez examiner jusque dans les moindres détails en zoomant. Ce serait, d'après la presse, la plus grande image mise en ligne (8,6 Go)! (le chargement, avec l'ADSL, ne dure que quelques dizaines de secondes) :

Gaudenzio FERRARI a réalisé en 1513 à Varallo Sesia (Provence de Vercelli) un ensemble de fresques. Dans l'église Santa Maria delle Grazie le cycle de la Vie du Christ est constitué d'une vaste scène de la Crucifixion encadrée de vingt sujets de plus petit format.

La lune, posée comme un gros gâteau

medium_AVEYRON_2004.JPGPhoto : Gildas Pasquet

00:10 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : photo, Gildas Pasquet

vendredi, 26 janvier 2007

Glissant

Le pavé était glissant, la nuit tomba.

Ponson du Terrail

Carnets indiens, avec Nina Houzel (19)

medium_DSCN4454.JPGKIPLING L’ENCHANTEUR

Donnant la parole aux enfants, orphelins ou abandonnés, aux déclassés, exilés, soldats éreintés ou errants, aux amants broyés par l’implacable Destin (Mère Gunga et Empire colonial), Kipling a créé un monde et, simultanément, annoncé sa mort : le monde anglo-indien. Authentique métissage dont l’impossibilité n’est pas sans préfigurer l’extinction de l’Empire victorien quelques années après la mort de l’écrivain, qu’il n’a certainement pas souhaitée (il y tenait comme à “un paradis perdu”, dit A. Tadié, préface de Kim en Folio). L’image réductrice qui le faisait chantre de l’époque victorienne, ne tient pas devant le génie des textes, des contes aux nouvelles et à Kim, terme de la patiente élaboration d’un monde à venir, sa tragédie. Les fictions de Kipling, louées par Borges, explorent une intimité qui n’existe que par elles. Ce faisant, elles révèlent ce qui déjà bascule au coeur des êtres, tissent la passerelle entre un monde finissant et celui qui, lui succédant, n’a de visage que fantasmé. Kipling dévisage l’inconnu, jusqu’à lui donner une âme. Ni de l’anglais, ni de l’indien. Une âme bigarrée, mêlée mais partagée. Pour cela, il faut être visionnaire, voir au-delà de ce que d’ordinaire on perçoit. Tel ce personnage qui, dans La cité de l’épouvantable nuit, observe la ville endormie :“C’était là, en réalité, tout ce qu’il y avait à voir ; mais pas tout ce qu’on était capable de voir”. La prémonition, en l’occurrence, exige que soient franchies les bornes étroites de la sensation, que s’ouvrent des voies esthétiques inexplorées. Lieu de visions : l’Inde, où se joue le destin d’une humanité “à cru, tannée, toute nue, sans que rien s’interpose entre elle et le ciel de feu, sans rien sous les pieds que la terre vieillie, surmenée…” (La conversion d’Aurélien Mac Goggin). Terre soumise aux terribles coups du Destin. Les personnages sont pris dans les remous d’un “univers bouleversé” (Aurore trompeuse), dans “un sacré pays. Un pays sacrément pas ordinaire. Une espèce de pays fou” (Mulvaney, incarnation de Krishna). Kipling projette les personnages, et nous avec, “le plus loin possible de tous les êtres, de toutes les personnes” (Sa chance dans la vie). Rein ne vaut l’extase de l’amour : un musulman aime une “veuve d’hindou” (En temps d’inondation), une indigène un blanc (Lispeth, La noire et la blanche), un anglais une indigène (Hors du cercle, À mettre au dossier, Comment Mulvaney épousa Dina Shadd, Sans bénédiction nuptiale). Le trouble prémonitoire est d’une puissance rare dans les récits qui se déroulent dans la “zone frontière”, où “les relations se compliquent de la façon la plus bizarre entre le Noir et le Blanc” (Sa chance dans la vie), véritable mutation, annonciatrice d’un être inouï. Génie de l’écrivain qui donne vie et mort, dans le même temps, l’une doublée de son autre, sans laquelle rien n’aurait lieu. Lieu du texte, géo-graphie tissée de rêves et d’angoisses, de morts annoncées, de vies jetées au vent et au soleil. Inde brûlée, “grille où le feu est remplacé par le soleil”(Mulvaney, incarnation de Krishna), mais aussi “étroit et noir cul-de-sac où le soleil ne venait jamais” (Hors du cercle). Menace d’apocalypse : “une lueur dansait à l’horizon au grondement heurté d’un tonnerre lointain”(Sans bénédiction nuptiale). Fin annoncée ? Non. Les enfants seuls (Mowgli, Tod, Kim, etc.) portent ce qui, embryonnaire, n’est pas encore viable et reste à bâtir, par-delà misère, maladies et morts violentes que l’Histoire sécrète. L’essence de la prémonition, c’est le possible incarné par ceux qui, au seuil de l’ouvert, parlent comme Tod une langue aux accents cosmopolites, encore inhabitée.

Jean-Jacques Marimbert

Photo : Nina Houzel

Carnets indiens, avec Nina Houzel (18)

medium_DSCN4275.JPGImagine que tu coupes un grand bambou en deux ;

De la partie basse, façonne une femme,

De la partie haute, un homme;

Frotte-les ensemble

Jusqu'à ce qu’ils s’enflamment :

Dis-moi maintenant,

Le feu qui naît,

Est-il mâle ou femelle,

O Ramanatha ?

- il est désir.

 

Devara Dasimayya

(traduit du kannada par A.K. Ramanujan)

 

Photo : Nina Houzel

jeudi, 25 janvier 2007

Un inédit de Jean-Jacques Marimbert

J’ai connu Manuel Portales. C’est le fait du hasard. Enfin, je ne suis plus sûr de rien. J’invoque le hasard par lâcheté intellectuelle, peut-être.

Certaines nuits, tiré de mon lit par l’idée qu’une puissance se jouerait de nous, je me précipite dans la salle de bains et, agrippé au lavabo, je plante mon regard dans la glace mouchetée de dentifrice. J’interroge mon visage, au cœur, pleines pupilles. Je scrute mon front, mes joues, mes paupières et sous le néon hollywoodien, me frayant un chemin spirituel entre la mousse hypoallergénique et la brosse échevelée, tel un idiot épris de métaphysique, je suis à l’affût. Rien jamais ne se passe, bien sûr, pas le moindre frémissement hormis l’agacement ironique des commissures, pas le plus petit signe d’un au-delà circulant dans mes rides, à moins de considérer que cette esquisse au coin des lèvres… Balivernes ! N’empêche. Une fois, perdu dans cette contemplation stupide, hagard à force de benzodiazépine, j’ai basculé de la lisière des cils au désert de dunes frangé de touffes sèches au nord du Sahara et, manque de sommeil ou larmoiement blafard, je me suis retrouvé à la sortie d’El Golea une fin d’après-midi. Soleil déclinant, j’ai vingt-cinq ans face à l’horizon de sable aux allures de mer rouge, ou mieux, m’étais-je dit appuyé sur l’aile cabossée de ma 2CV, d’océan asséché, me remémorant le fond sablonneux d’une plage de mon enfance tangéroise, quand par le hublot du masque, dans le crachottement salé du tuba, j’observais la tôle ondulée où venaient fondre de pâles rayons habités d’algues et de plancton. Je n’ai opposé aucune résistance au phénomène, trop heureux de pouvoir justifier ma lubie. Par jeu plus que par conviction, je m’engouffrai dans l’hallucination pour nourrir des idées du genre “tout est dans tout”, “le temps ne s’écoule pas sinon il s’écoulerait en lui-même”, “l’éternité est l’implosion du temps”, et autres absurdités qu’aussitôt remis sur rails je balayai d’un café serré. Profitant tout de même de l’entre-deux qui blanchit le ciel, je revisitai ce coin paisible de l’oasis d’El Golea, œil creusé en bordure de l’erg, au moment où, de la palmeraie, le parfum des tomates et des orangers fait de l’espace un écrin de roseaux. De là à admettre que notre vie ne tiendrait qu’à un fil agité par je ne sais quoi ou qui, Destin, Dieu ou Génie, toutes ces sottises de bibliothèque médiévale et de chapelle bourdonnante, il y a loin. Pourtant, qui a connu Manuel Portales comprendra mes doutes et mon inquiétude. Je rapporte ce qui suit pour les autres, tout autant que pour moi, je l’avoue.

À l’hôpital, nous étions voisins de chambre. Moi, pour une hernie ombilicale. Lui, je n’ai jamais su avec certitude. Il attendait des résultats d’examens qui, à ma connaissance, ne lui ont jamais été communiqués. J’ai alors su ce qu’attendre veut dire. Mieux vaut se pendre ou partir en courant.

Jean-Jacques Marimbert