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dimanche, 07 janvier 2007

Une obscurité de raisins

medium_Klee_20-_20Remembrance_20of_20a_20Garden_20-1914.jpgLes anges ont déployé leurs ailes. Ivres d’air, ils s’éloignent. Tout se concentre en un instant. Puis le temps s’étire. Il y aura encore nuit, fracas et douleur. Émiettement du monde dans la déraison, les ombres pélagiques. Déchirement, haine, honte. Les pièces du puzzle se dispersent puis se rassembleront à nouveau. J’irai jusqu’au bout du langage, c’est le destin de l’homme, sa plénitude et son silence.        

 

Paul tes couleurs sont des fanaux, des lanternes dans le soir mauve, la cime étoilée des songes. Des cris, des hurlements, alliant l’ombelle au plus noir de la nuit, l’or au soufre, l’obscur à l’éclat. Ton amitié est là, par delà le temps, les embruns et les flammes. Ton œuvre perdurera, comme un soleil noir.

Être le mouvement ou ne pas être. Le ciel a pris sa hauteur, dans une obscurité de raisins.  Vivre en pleine lumière. Se jeter dans l’abîme. Les écrans de fumée se dissipent, vite. La pluie drue et fine distille les vagues. Le jour se lève.

Chuchoter des mots pour apprivoiser le silence. Long Island. Villes imaginaires. La vie est un songe, accompli. Aurore, or du temps.

 

Raymond Alcovère

Paul Klee

samedi, 06 janvier 2007

Ciel de pagodes

medium_startseite.jpgBlanc de l’aube. Tremblement du temps. Les nuages s’éloignent. Des signes apparaissent, à peine tangibles, un alphabet nouveau, frôlements de mer, odeurs de sauvagine, remuement des vagues.             

 

La brume se mêle au soleil. Océan de neige, un grand calme. Je changerai non de vie, mais d’identité. Je bois l’aube. Tremblements, orages, luxuriance. Ordalie de vents. Bégaiement du temps.          

 

Tout peut s’arrêter car rien ne s’arrêtera jamais. L’abîme est un fracas. Ivre de colère, il s’abandonne. Les anges y volent obscurément, symphonie bleu nuit de la pluie et du vent.

Un virage s’amorce. La grande mue de la mer de nuages. Le vent s’efface pour laisser la place au jour. Ciel de pagodes, échelles vers le soleil.  

 

Arrivée de toujours, qui t’en ira partout. La lumière chez Rimbaud, Cézanne, est partout présente, donnée, irradiante, primordiale.

Je devine un trois-mâts au mouillage, dans un mitan de bonace, illuné, la clairière des Antilles. Parfums frêles de vanille et de jasmin. Les palétuviers plongent leurs racines dans notre mémoire myosotis, aux reflets vert sauge.    

Va-et-vient de l’aurore. Élévation. Hêtres pourpres, en robe garance. Le seul mot de liberté est tout ce qui m’exalte encore.  

 

Grand désordre de  neige. Les météores s’effacent, perdues en circonvolutions.

 

Page blanche, moment de l’exaltation. La recherche du sens est peut-être la plus grande erreur, finalement.

Raymond Alcovère

 

vendredi, 05 janvier 2007

L’édition étant, pour mon cas, une forme particulière de création

"Et c’est bien parce que j’écris moi-même (avec des mots ou la lumière), que je suis venu à l’édition: je désirais œuvrer pour d’autres et je ne comprends toujours pas pourquoi tous les artistes vivants sur cette planète n’ont pas une démarche similaire. Il y a donc, au bout du compte, peu de heurt, entre les joies et les peines de l’édition et – c’est bien le mot juste – la tyrannie de l’écriture. Je vois là, plutôt, une continuité, et j’évoquerais volontiers une existence unifiée, l’édition étant, pour mon cas, une forme particulière de création: œuvrer pour que d’autres écritures émergent, qui pour une multitude de raisons, ne verront jamais le jour entre mes mains..."

A lire ici, sur le blog de Dominique Autié, une interview de Jean-Luc Aribaud, poète, photographe et éditeur. De quelques considérations sur l'édition, la poésie et internet...

lundi, 01 janvier 2007

Tenir le monde entre mes doigts de silence

medium_Copia_20de_20klee_205.2.jpgTerre de collines. Ocre et rouge. Achevalé sur ma monture, je parcours les steppes. Les ombres jouent avec les replis de la terre, le gris de la roche avec le bleu des montagnes.

 

Alpha et oméga du monde, rien ne semble avoir été posé ici par hasard. Ni les vallées, ni les lacs, ni les temples. Vallées fumeuses de brume, étagées de rizières. Pays cosmique. Vérité inscrite dans les pierres. Élan de la pensée. Le tumulte s’est arrêté.

 

Le dénuement de la pierre, de la terre ici, me plaît, j’aime ce désordre lent des vallées, l’air de solitude qui flotte sur les collines.

 

Reflets velours, incarnat du couchant, montagnes au loin, calquées en lignes bleues. Grand remuement de vagues, statufiées.

 

Oiseaux blancs qui couvent la terre spongieuse, virevoltant. D’autres lignes, d’autres montagnes donnent de l’épaisseur au ciel safran, une profondeur de champ.

Les grandes étendues désertiques de la Chine du Nord sont le lit de mes rêves. Une harmonie bienveillante s’est posée ici. Je peux rester des  heures entières seul au milieu des plaines, à fouir du regard les détours de l’horizon.

 

Blondeur des collines. Pureté froide, odeurs de sapins. Grandes étendues dorées du pays des glaces. Vagues de givre giflant la peau tendue de froid. Lucidité coupante de l’air.

 

Voici un temple taoïste,  juché sur une colline. Encorbellements de la pierre. Les rizières au loin dessinent leurs courbes lentes. Après-midi tiède et vert.

 

Seuls les temples, juchés sur des collines, tracent le passage de l’homme. Le désir d’immobilité et de silence innervé dans cette terre est proche de l’hallucination. Mon existence tout d’un coup me semble artificielle. L’action que je mène bien vaine. Découverte de l’espace. Le temps est une pluie de guirlandes sur la mer.

 

Pourquoi être si près du monde et si loin des siens ? Rien ne peut me retenir à la terre. Devant cette solitude étoilée, mes pensées vont vers vous, si loin, et que j’aime. Puissé-je traverser ces océans et tenir à nouveau le monde entre mes doigts de silence.

 

Raymond Alcovère

Paul Klee

 

A vous tous je souhaite une année 2007 pétillante et chaleureuse...

Je m'éclipse pour quelques jours, à bientôt...

La peinture de Lambert Savigneux : une symphonie colorée

medium_Numeriser0053.jpgmedium_Numeriser0023.jpgmedium_baiser_des_arbres_a_la_terre.jpg

Peintures de Lambert Savigneux

Une cathédrale de songes...

medium_216_2020-04-03_20Long_20Island_20vu_20de_20l_avion.jpgLe 14 juillet 1940, Saint-John Perse est sur un cargo en vue des côtes de l’Amérique. Dans sa jeunesse, il avait commencé d’écrire des poèmes. Puis obligé d’entrer dans la vie active, il choisit la carrière diplomatique. A la veille de la guerre il est Secrétaire Général du Quai d’Orsay. Dès 1936 favorable à l’intervention contre Hitler ,  il ne sera pas suivi.  Limogé de son poste en mai 40, déchu de la nationalité française, ses biens seront confisqués. Il est obligé de fuir, de quitter son pays. Commence l’exil. Il abandonnera la diplomatie pour se consacrer tout entier à la poésie.

La veille de ce 14 juillet, il a appris par câble la mort de son ami Paul Klee. Incapable d’aller dormir, il a passé la nuit seul sur le pont du bateau, envahi de pensées,  d’images. Le jour se lève…

 

Ciel de lave et de cendre. Tout est gris sur Long Island. Le cargo file imperturbable, sillon effiloché dans la brume. Noyé de lune, je peux rêver encore.

La côte est un gisant d’écume. Le sel de la terre monte, irrésistibles odeurs d’érable et de limon. Des paysages cotonneux se dessinent, à peine.

Tout est plat, sombre et sobre à perte de vue. Les plumes de la nuit vont bientôt s’affaisser et plonger dans le ciel incarnat. Il y a de quoi se perdre dans ce silence mauve.

Univers de méandres, indifférencié. Toujours un début de limpidité émerge. J’avais cru fuir et j’arrive.

Je tisserai les mots dans un poème léger, fluide et sonore, une pluie de coquillages. Il aura la précision et la pureté du cristal.

Les sons, la musique, pour se substituer à la lumière. Que chaque mot soit une porte, une perte et un refuge. En finir avec cette existence de calculs, de détours et de peines.

Le ciel s’éveille comme une marmotte au sortir de l’hiver. Je pars et n’abandonne rien. Infinis tons de gris. Le vent plisse le ciel. La nuit va glisser, subreptice, l’atmosphère spongieuse irriguer la terre.

Le ciel et la mer sont de la même eau. Des murs de mer viennent se briser contre la coque, dans un fracas neigeux. Paysage japonais d’ombre et de lumière. Les images de Claude Monet sont là, devant mes yeux, nappes de blanc, ondées, nymphéas, lumière frêle et placide du bassin parisien.

Je ne suis plus rien ni personne et aujourd’hui tout m’appartient. Il reste ma langue, repos et plénitude. J’en ferai une cathédrale de songes.  

Perche appressando se al suo disire

Nostro intelleto si profonda tanto

Che dietro la memoria non puo ire.

La vie n’est qu’une incarnation passagère, un instant de lumière.

L’écriture frôle les ailes du désir.

 

Raymond Alcovère