dimanche, 06 avril 2008
Flaminia
Chère Flaminia
J’ai fini ton portrait aujourd’hui, ta hanche, la pureté de tes jambes, les lignes si sublimes de ton corps, tout y est – et j’ai même réussi à cacher ce qui devait l’être. Ton visage enchanteur aussi, mais j’ai pu le dissimuler. La grâce de ta coiffure, pour le rêve. Ton image sera une trouée dans le temps mais je garderai le secret de ton voluptueux regard. Je te le jure, au nom de mes sentiments, infinis, pour toi, c’est le premier et le dernier tableau de la sorte que je peindrai. A ton image, unique, irréel - comme ta beauté est irradiante, bouleversante. Aucune femme ne m’a transporté aussi loin dans l’univers des sens ; ma vie à tes côtés :un vertige inespéré. Un jour, l’Inquisition ne sera plus qu’un mauvais souvenir - encore que j’en doute parfois - alors tu resplendiras comme tu le mérites, tu seras l’admiration du monde ; mais pour l’instant ce tableau doit rester caché. Il sera une fenêtre vers le ciel, un L’art de la dissimulation permet seul d’exister dans ce monde obtus et fermé… Tu sais combien j’aime les paradoxes du visible et du caché, qui regarde et qui est regardé : en réalité le caché est le visible et réciproquement. Quand tout a commencé, mon talent était d’imiter le réel ; sens de l’observation, justesse, précision du détail m’ont gagné la reconnaissance, l’admiration de ce prince. Pressentait-il que son règne serait marqué du sceau de la fatalité et que, peut-être, grâce à moi, lui et les siens vivraient longtemps dans la mémoire des hommes ? J’ai été son double en quelque sorte (comme Rembrandt a été le double de lui-même), son confident. Nous avons si longuement parlé, sa simplicité malgré les apparences m’a aidé à vivre, à comprendre le monde derrière sa façade opaque et rugueuse. En observant le réel je l’ai vu se déplacer, se transformer. D’autres vérités sont apparues… Depuis, je cherche où peuvent me mener ces déplacements successifs. La surface du tableau devient un miroir, un point d’interrogation, un abîme… Pourquoi m’en aller alors que j’étais heureux près de toi ? J’y suis contraint bien sûr. J’écris ces mots la mort dans l’âme. J’ai tout fait pour retarder ce départ, mais tu le sais, ma naissance ne m’a pas permis d’être libre. Toute ma vie, j’ai dû accepter des compromis, suivre ce prince, voyager et ainsi croiser ta route, cara mia. Je voulais te dire Flaminia adorée, j’ai vécu ici en Italie à tes côtés le meilleur de mes jours, le plus sacré de mon existence. Combien l’Espagne me paraîtra triste après toi, ces après-midi dans la douce lumière romaine, les parfums mauves des jacarandas, le velours du soir au son des mille églises. Tu seras dans mes pensées chaque jour, jusqu’à celui béni où je reviendrai.
A toi, pour toujours, Diego
Raymond Alcovère, Nouvelle parue dans La licorne d’Hannibal, n°6, mai 2004
00:15 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, raymond alcovère, vélasquez, flaminia
vendredi, 28 septembre 2007
Un espagnol, un anglais et un chinois...
XVI ème, XX ème et XXI ème, à travers les siècles donc...
08:50 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : peinture, art, Vélasquez, Bacon
dimanche, 28 janvier 2007
L'oeil, la main et les Menines de Vélasquez
On croyait avoir épuisé les interprétations de ce tableau magique, pourtant il recèle encore des mystères, voir et lire ici
17:33 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, Vélasquez
vendredi, 22 décembre 2006
Don Manet y Zurbaran de las Batignollas
Il admirait les italiens, Titien, le Tintoret et surtout Véronèse, Rubens, les Hollandais, mais par-dessus tout les Espagnols ; il venait souvent au Louvre copier Vélasquez : « C’est le peintre des peintres (…) J’ai trouvé chez lui mon idéal en peinture ; la vue de ses chefs-d’œuvre m’a donné grand espoir et pleine confiance. » Au point que la critique l’appelle (finement) : « Don Manet y Zurbaran de las Batignollas ».
00:30 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, peinture, Manet, Espagne, Vélasquez
mardi, 19 décembre 2006
Une mutation métaphysique
Dès lors qu'une mutation métaphysique s'est produite, elle se développe sans rencontrer de résistance jusqu'à ses conséquences ultimes. Elle balaie sans même y prêter attention les systèmes économiques et politiques, les jugements esthétiques, les hiérarchies sociales. Aucune force humaine ne peut interrompre son cours, aucune autre force que l'apparition d'une nouvelle mutation métaphysique. On ne peut pas spécialement dire que les mutations métaphysiques s'attaquent aux sociétés affaiblies, déjà sur le déclin. Lorsque le christianisme apparut, l'Empire romain était au faîte de sa puissance; suprêmement organisé, il dominait l'univers connu; sa supériorité technique et militaire était sans analogue; cela dit, il n'avait aucune chance. Lorsque la science moderne apparut, le christianisme médiéval constituait un système complet de compréhension de l'homme et de l'univers; il servait de base au gouvernement des peuples, produisait des connaissances et des oeuvres, décidait de la paix comme de la guerre, organisait la production et la répartition des richesses; rien de tout cela ne devait l'empêcher de s'effondrer.
Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, prologue
Vélasquez, Les Menines
01:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, Houellebecq, peinture, mutation, Vélasquez
mardi, 17 octobre 2006
Flaminia

Chère Flaminia
J’ai fini ton portrait aujourd’hui, ta hanche, la pureté de tes jambes, les lignes si sublimes de ton corps, tout y est – et j’ai même réussi à cacher ce qui devait l’être. Ton visage si enchanteur est là mais j’ai pu le dissimuler. La grâce de ta coiffure, pour le rêve. Ton image sera une trouée dans le temps mais je garderai le secret de ton voluptueux regard.
Je te le jure, au nom de mes sentiments, infinis, pour toi, c’est le premier et le dernier tableau de la sorte que je peindrai. A ton image, unique, irréel - comme ta beauté est irradiante, bouleversante. Aucune femme ne m’a transporté aussi loin dans l’univers des sens, du plaisir ; ma vie à tes côtés a rencontré un vertige inespéré. Un jour l’Inquisition ne sera plus qu’un mauvais souvenir - encore que j’en doute parfois - alors tu resplendiras comme tu le mérites, tu seras l’admiration du monde ; mais pour l’instant ce tableau doit demeurer dissimulé. Il sera une fenêtre vers le ciel, un morceau de paradis.
L’art de la dissimulation permet seul d’exister dans ce monde obtus et fermé, tu sais combien j’aime les paradoxes du visible et du caché, qui regarde et qui est regardé : en réalité le caché est le visible et réciproquement. Quand tout a commencé, mon talent était d’imiter le réel ; sens de l’observation, justesse, précision du détail m’ont gagné la reconnaissance, l’admiration de ce prince. Pressentait-il que son règne serait marqué du sceau de la fatalité et que, peut-être, grâce à moi, lui et les siens vivraient dans la mémoire des hommes ? J’ai été son double en quelque sorte (comme Rembrandt a été le double de lui-même !), son confident. Nous avons si longuement parlé, sa simplicité malgré les apparences m’a aidé à vivre, à comprendre le monde derrière sa façade opaque et rugueuse. En observant le réel je l’ai vu se déplacer, se transformer, d’autres vérités sont apparues ; depuis je cherche sans cesse où peuvent me mener ces déplacements successifs. La surface du tableau devient un miroir, un point d’interrogation, un abîme…
Pourquoi m’en aller alors que j’étais heureux près de toi ? J’y suis obligé bien sûr. J’écris ces mots la mort dans l’âme. J’ai tout fait pour retarder ce départ, mais tu le sais, ma naissance ne m’a pas permis d’être libre. Toute ma vie, pour peindre j’ai dû accepter des compromis, suivre ce prince, voyager et ainsi te rencontrer, cara mia. Je voulais te dire Flaminia adorée, j’ai vécu ici en Italie à tes côtés le meilleur de mes jours, le plus sacré de mon existence. Combien l’Espagne me paraîtra triste après toi, ces après-midi dans la douce lumière romaine, les parfums mauves des jacarandas, l’air du soir, sensuel à en devenir palpable, au son des mille églises. Il reste en toi le fruit de notre amour. L’enfant que tu portes sera dans mes pensées chaque jour, jusqu’à celui béni où je pourrai, revenir près de vous.
Ton dévoué, fervent et éternellement amoureux, Diego
14:23 Publié dans Nouvelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, art, nouvelle, Vélasquez, Flaminia