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dimanche, 20 janvier 2008

J’étais plus heureux qu’un dieu

6650a7e835171265d366e402b057e6f2.jpgElle est repartie. J’écoutais les Partitas de Bach, le temps m’apparaissait circulaire. De temps en temps l’alcool m’aidait. Etourdi, je voyais, je sentais presque physiquement l’amour des gens, le sien, le mien. J’étais plus heureux qu’un dieu. Ou bien, ma plume s’épanchait, j’aimais ce sillon tracé, ténu mais inattaquable. Embarqué, avec le sentiment vague que ce chemin mène à bon port.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Photo : Madagascar, Ile Sainte-Marie, août 2007

jeudi, 27 décembre 2007

A voir changer la couleur des pierres

baf808b6d0379ab6f2f744e3c69e2089.jpgA voir changer la couleur des pierres, retrouver la lumière crue et acide du Sud, l’âpreté qui annonce les rivages de la Méditerranée, je revivais. L’odeur des aiguilles de pin brûlées, leur bruit sec, craquant sous le pas, la torpeur pendant la canicule, l’attente interminable des siestes sans sommeil de l’enfance, le temps arrêté, puis le soir, vent marin qui s’insinue, rédemption, flots de fraîcheur à travers les rues, fluidité et mouvement partout, toutes ces sensations remontaient à la surface. Heureux du chemin parcouru. S’y mêlait l’apaisement du retour. Une envie de repos, de quiétude. Et il y avait une suite. Michel était le meilleur ami de mon oncle. Avant mon départ, il m’avait dit que sa porte serait toujours ouverte. Il m’hébergea le temps que je m’installe. C’était bon de parler ma langue, avec son accent, retrouver les phrases, les intonations de l’enfance. Pendant toute une semaine, temps humide et doux, partir à la pêche au petit matin, casser la croûte avec un verre de vin clairet à la première chaleur, puis rentrer dès que le vent tourne au Nord, la mer devenue une plaque incandescente, criblée de moutons bondissants, tranches d’un bleu pimpant, respirer les odeurs de sel comme un peu de soi, imaginer cette côte encore sauvage, avec les moustiques, les macreuses aux reflets myosotis qui glissent sous leurs flancs le bleu du ciel, les étangs regorgeant d’anguilles, sans le bruit des avions, des voitures et des bateaux à moteur.

Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture

H. Matisse. Le rideau égyptien. 1949

mardi, 18 décembre 2007

Une expérience du corps

1fb8444ac2704863b486b48fb8132df1.jpgTu sais ce qui m’est arrivé un jour ? J’étais au Musée d’Orsay, je prenais des notes devant un tableau de Manet, tiens justement, ce Manet que tu vénères, ce maître absolu en effet ! Eh bien en écrivant tout d’un coup, j’ai vu les mots se détacher, devenir solides, sortir de la page, j’ai compris qu’ils s’inscrivaient en moi d’une façon bien plus aiguë que je n’avais cru, ils étaient bien plus que des mots, ils étaient la vie tout simplement, avec un pouvoir de transformation total ! C’était terrible, j’ai su qu’à cet instant, une ère nouvelle de ma vie commençait et pour toujours… Une expérience du corps et une percée dans le temps !

Raymond Alcovère, Extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent" : roman en cours d'écriture

Vase de pivoines sur piedouche, Musée d'orsay, Edouard Manet

samedi, 15 décembre 2007

La destruction de la nature en cours

11054668622343571f703ec153b4e838.jpg- Peut-être qu’il n’y a rien finalement… Après avoir fait le tour de tout, revenir au point de départ, dans le cercle, qui tourne sur lui-même… Et si c’était la vérité dernière, passée sous silence ? Sinon, tu imagines, ils s’arrêteraient tous de courir, de tuer, d’envier, de travailler ! Alors, la question est : comment remplir le vide ? Avec le vent dans les arbres, la jouissance de l’instant, l’extraordinaire beauté de la nature, la contemplation, le plaisir ? Comment, tout ça pour rien ? Le fin du fin, le summum de l’absurdité est peut-être atteint avec la destruction de la nature en cours, elle nous rapproche trop des sensations sans doute, alors supprimée !

Raymond Alcovère, Extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

"The Key" [1946] by Jackson Pollock.

vendredi, 14 décembre 2007

L'invité de la dernière heure

Perdus on est dans une banlieue de la galaxie, un recoin de l’univers en expansion. Pour Dieu probablement, des milliers d’années passent en une seconde... Il est le passager clandestin, l’invité de la dernière heure. De temps en temps, il file comme une comète vers d’autres cieux, laissant au passage une traînée d’étoiles, musiques, livres écrits en lettres de feu et la grande peinture, Leonardo, Titien, Véronèse, Rembrandt, Greco, Poussin, Vélasquez, Fragonard, Goya, Delacroix, Cézanne, Picasso…

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

samedi, 08 décembre 2007

En pleine nuit

69106ff1fdfa2600a421978f5cc03148.jpgIl y a une expérience, un voyage (le seul que j’ai fait) que je ne t’ai jamais raconté, je suis allée une fois avec des amies en Grèce. Et le souvenir le plus fort est arrivé au début du voyage, sur la route : une halte à Venise, en pleine nuit. Il était trois heures du matin, on est reparties au lever du jour. Traversée de la ville, ses ombres et ses lumières comme une fête. Personne dans les rues, plongée dans un décor de théâtre, le plus fabuleux qui soit, et c’était vrai, tant de beauté réunie : jamais depuis je n’ai ressenti d’émotion aussi forte en un endroit de la terre. Ce n’était pas le jour mais la nuit et Venise n’est pas sur terre, mais dans le ciel …

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Claude Monet, Le Palais de Mula

lundi, 03 décembre 2007

Des rêves d'Orient

468817aca70fa0528f816e0d1528e09d.jpgLe Midi a ses plaisirs décalés, la plage en hiver et le cœur des villes en été. Écrasées par la chaleur d’août, assoupies, on peut saisir leur substance, le rythme des pierres, s’y promener sans se presser, ne penser à rien. Seulement des notes de musique en tête, ou un désir d’architecture. Les rues vides, tout souci de rendement a disparu. Ces villes du Sud redeviennent les cités antiques qu’elles n’ont jamais cessé d’être, des rêves d’Orient.

Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent" : roman en cours d'écriture

Photo : Nina Houzel

 

mercredi, 31 octobre 2007

Mon questionnaire de Proust

Ma vertu préférée : l’humanité

Le principal trait de mon caractère : l’indépendance

La qualité que je préfère chez les hommes : l’intelligence

La qualité que je préfère chez les femmes : la sensualité et l’intelligence

Mon principal défaut : le manque d’ambition

Ma principale qualité : le discernement

Ce que j'apprécie le plus chez mes amis : le sens de l’amitié

Mon occupation préférée : l’art

Mon rêve de bonheur : un lieu de rêve avec les gens que j’aime

Quel serait mon plus grand malheur : perdre les gens que j’aime

A part moi -même qui voudrais-je être  : un génie

Où aimerais-je vivre : au bord de la mer

La couleur que je préfère : le bleu et le vert

La fleur que j'aime : toutes

L'oiseau que je préfère : tous

Mes auteurs favoris en prose : Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, Nietzsche, Proust, Sollers

Mes poètes préférés : Homère, La Fontaine, Rimbaud, Baudelaire

Mes héros dans la fiction : Les Trois Mousquetaires

Mes héroïnes favorites dans la fiction : celles de mes romans

Mes compositeurs préférés : Vivaldi, Bach, Mozart, Chopin

Mes peintres préférés : Titien, Véronèse, Vélasquez, Poussin, Fragonard, Manet, Cézanne

Mes héros dans la vie réelle : ceux qui aident les autres sans faire parler d’eux

Mes héroïnes préférées dans la vie réelle : les mêmes

Mes héros dans l'histoire : Mazarin, Jean Moulin

Ma nourriture et boisson préférée : les pommes de terre et le (bon) vin

Ce que je déteste par-dessus tout : la méchanceté

Le personnage historique que je n'aime pas : les tyrans sanguinaires

Les faits historiques que je méprise le plus : les génocides

Le fait militaire que j'estime le plus : les batailles pour la liberté

Le don de la nature que je voudrais avoir : le talent sans effort

Comment j'aimerais mourir : paisiblement

L'état présent de mon esprit : la curiosité intellectuelle

La faute qui m'inspire le plus d'indulgence : celles qui font seulement du tort à ceux qui les commettent

Ma devise : « Le plus beau des courages, celui d’être heureux »

 

mardi, 30 octobre 2007

Le désordre des éléments

 

c35b6a252f2b70f8fa0dc7c8a26a2b94.jpgJ’ai marché plus d’une heure à la frange de la terre et de l’eau, à respirer l’atmosphère du dehors. J’aime ce temps vague, incertain, le désordre des éléments, ce gris lumineux, profond, le tumulte extérieur en harmonie avec l’intérieur. J’avais envie de retourner la voir maintenant, inquiet qu’elle soit partie, tenaillé par une furieuse envie d’être près d’elle, goûter à nouveau ses lèvres, tout son corps. Une brume opaque couvrait le ciel. Il n’y aurait pas de crépuscule mais une nuit lourde, installée comme chez elle.

Raymond Alcovère, Extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture 

Photo : Madagascar, Ile Sainte-Marie, août 2007 

jeudi, 25 octobre 2007

L'amour

0b052436ee1602dd207051ef4fabc84d.jpgFinalement, la joie, l'amour, le plaisir, sont peu abordés par les écrivains, c'est dommage !

Photo de Nina Houzel

jeudi, 11 octobre 2007

Dans cette ville minérale

f49bd355e67d7ff10c005abb12ab28cf.jpgDans cette ville minérale, de méandres, replis, fuites, retournements, les tableaux de Caravaggio sont une pure merveille, absolue présence. Il y a ce cou, miracle d’équilibre, douceur et étrangeté, ce cou si sublime de la Madone de Lorette à Sant’Agostino, impossible de m’en détacher. A un moment, à Rome on oublie tout. Le temps, l’histoire sont tellement inscrits dans le marbre, les rues, les corps, qu’un matin on se réveille différent. Subrepticement, on a glissé hors du temps. Avec lui,  peines et remords sont envolés, c’est surprenant et voluptueux. Luminosité frêle et coupante, les contours des êtres se dessinent mieux. Le reste du monde peut s’écrouler et il s’écroule d’ailleurs, comme toujours depuis les siècles des siècles, peu importe, un abîme s’est creusé. Une certaine lassitude n’a plus lieu d’être. Inutile de rejouer la sempiternelle comédie, début du mouvement, andante, aurore, or du temps. Les chemins balisés sont des impasses. La partition se joue scherzo ou adagio, mais l’essentiel est ailleurs, les gens à Rome sont discrets, chacun se sent libre. Le regard sur l’autre, tour à tour perçant, léger, ironique ou rêveur, reste distancié. Le jeu est conscient, quintessence de l’esprit latin. L’emphase et le raccourci engendrés dans une ondulation vibrante. Le baroque aura été une vague déferlante, agitée par une tempête venue d’Extrême-Orient. Claude Monet, l’œil sublime, plus tard, à Giverny, en découdra sur la toile. Tu as déboulonné ma vie, Laure. J’ai payé le prix, bourlingué dans les eaux grises et acidulées du sentiment, jalousie, admiration, ressentiment, vénération, apaisement... J’en ai fait cent fois le tour, persuadé que tu ne m’aimais pas… Rome flotte sur un nuage, à chaque pas, dans chaque geste, la musique, les voix, on frôle cette vérité archaïque, la vie n’est pas si pesante. Pas de gravité. Ceux qui disent le contraire sont des imposteurs. Les empereurs, les catins, les martyrs, les nonnes, les hérétiques, les malfrats, les philosophes, les poètes, les alchimistes, les esclaves modernes croisent votre route, pénombre et lumière mêlées, parfois on les effleure dans ce dédale de ruines et d’illusions qu’est devenu le monde aujourd’hui, ombres furtives d’une arène étroite et désertée, où peu à peu l’imaginaire se délite, tout est ramené à son moindre dénominateur, à la portion congrue. Mais ici la fantasmagorie est vivante, alliée à l’art elle sculpte une vérité fondamentale. Un sourire fin, détaché, rêveur, se dessine sur les lèvres. A travers ce malstrom de désirs, de frustrations, d’éclats de rire, une harmonie paradoxale, reflet inverse d’un vertige ancien  filtre : le monde est fait de vide, d’une immensité de vide, secret énorme et récurent. Inutile de chercher un sens là où il n’y en a pas. Perdus on est dans une banlieue de la galaxie, un recoin de l’univers en expansion. Pour Dieu probablement, des milliers d’années passent en une seconde... Il est le passager clandestin, l’invité de la dernière heure. De temps en temps, il file comme une comète vers d’autres cieux, laissant au passage une traînée d’étoiles, musique, livres écrits en lettres de feu et la grande peinture, Leonardo, Botticelli, Rembrandt, Greco, Poussin, Vélasquez, Véronèse, Fragonard, Goya, Delacroix, Cézanne, Picasso… Et Rome. Ville creuset, ville cristal. Ville matrice. Ombre portée. Ici les limites entre soi et les autres se dissolvent. On peut divaguer à loisir en vespa, cheminer des heures durant ou cultiver l’immobilité à la terrasse d’un café devant le plus stupéfiant des spectacles ou même cloîtré dans sa chambre avec la rumeur de la ville tout autour, peu importe, le voyage ne cesse pas. La vie se justifie par elle-même. Ainsi nous furent donnés Bernini, Borromini, Canova, Michelangelo et L’extase de Sainte-Thérése. Tendresse sculpturale. Matière désir. L’Italie est notre rêve à tous. Tu es la sensualité même Laure, cette sensualité sans égale des brunes. En toi couve un brasier de convulsions, de délices, de pureté, de trahisons, de sagesse et de désirs. Comment ne pas imaginer d’autres plaisirs avec une femme aussi voluptueuse. Une femme enfant, rêveuse, douce et fervente en même temps. Tu n’as qu’à paraître, autour le monde s’émiette, réduit en lambeaux ou subitement illuminé. Comment as-tu pu tomber amoureuse de moi, ne pas m’abandonner malgré mes caprices, ma bêtise ? Le bonheur est un drôle de serpent. Avec toi j’ai la sensation de retrouver le temps perdu, l’âge d’or, l’évidence des sentiments. Une femme possède en elle toute l’histoire de l’humanité, comme si vous étiez là avant, ou toujours. Corps sacré de la langue, il y a les mots, les mots entre le ciel et toi, les mots pour ne pas mourir. A un moment il ne reste que ce lien, fil ténu mais irrésistible.

Rome est cette ville hyperbolique dans les goûts, les saveurs, l’hérésie du baroque, ce rêve fou devenu réalité, balcons joufflus, débordant de clématites, roses thé, murs ocres délavés, défraîchis, crevassés, granuleux, brillants, palette chaude de couleurs - carte du tendre - ors, arabesques, extases, élévations, annonciations, effractions, assomptions, anges musiciens, mosaïques, effigies, brocarts, trompe-l’œil, bas reliefs, enjambements, stucs, travertins, bustes, porphyres, rocailles, frontispices, acanthes, treilles, couronnes, guirlandes, entrelacs, tourbillons, gargouilles, néréides, tritons, coquillages, naïades, fontaines jaillissantes, murmures de la pierre et de l’eau égrenant la ville en chapelets de plaisirs, glissando, flots de lumière en tranches napolitaines autour des sept collines avec le Tibre aux reflets céladon comme une couleuvre lovée à ses pieds, en veilleur impassible, gardien du temple.

 

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Bernini, L'enlèvement de  Proserpine

lundi, 01 octobre 2007

Raconter

J’ai compris que les choses devaient venir d’elles-mêmes à soi. Toutes ces rencontres et Laure. Et que mon rôle était de raconter. Raconter par la peinture. Les rencontres sont métaphysiques bien sûr et l’art est la manifestation, la concrétisation, à un moment, de cette métaphysique.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture 

mardi, 17 juillet 2007

Une fois de plus...

0c3ca4e8cbb8f9b45462be4cd32e3c29.jpgJe n’ai fait qu’une escale d’un jour ou deux à Paris. C’était le mois d’avril. Il pleuvait par intermittence sur le Jardin du Luxembourg, une pluie irritante et chaude. Les allées désertées bruissaient des odeurs du printemps et de l’énervement des parisiens. Une fois de plus, les beaux jours étaient gâchés par le mauvais temps.

Sur le Pont des Arts, j’écoutais le grondement de la ville rouler comme une houle, le bruit de ces millions de vies qui s’entrechoquent. Au-dessus, les nuages défilaient en accéléré. Elle était là, sans doute, au milieu de ce grouillement. Ce matelas d’ouate, cette fourmilière m’empêchaient de la rencontrer. J’étais étonné de l’ambiguïté de mes sentiments. Par-dessus tout, heureusement, flottait le parfum de l’inédit. Et une envie de temporiser.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Photo de Louise LeGreslay

 

mardi, 03 juillet 2007

Ainsi le ciel

cfe09335b3529e7ad18c2f7adf03a68e.jpgLe ciel était une lutte, un amas de lances, un combat fratricide. Ainsi le ciel. Une symphonie du nouveau monde. Même si c’est vers l’ancien que je me dirigeais. Terrifiante cette immensité sauvage - encore plus que la Sierra -, ces vagues gigantesques dans le désordre de la nuit, ces remous effrayants, terrifiante et rassurante à la fois avec le bruit continu du bateau, les odeurs de machines, ce bloc de métal monstrueux, fumant et rugissant, traçant son sillon imperturbable à travers les flots déchaînés. Je me prenais à rêver que mon âme était pareille, un bloc insubmersible. J’assistais à un ballet de fin du monde, une danse macabre des éléments ; plaisir redoublé par le sentiment de sécurité, sur ce bâtiment qui fendait la mer, sourd aux hurlements de la tempête. Tout ce chemin parcouru en si peu de temps ! Comme au Mexique, malgré ou à cause de l’absurdité du lieu, je me sentais à la bonne place, au cœur de cette rhapsodie bleu nuit de la pluie et du vent.
Raymond Alcovère, extrait de Solaire, roman en cours d'écriture

Photo de Jean-Louis Bec

mardi, 26 juin 2007

La vérité s’y trouvait

bc374190d4fd737568abd492c3873631.jpgLe ciel se couvre de nuages. L’océan s’en mêle. L’horizon, profond et immense, est subjugué, défait, anéanti. Je suis heureux, touché par cette éternelle beauté qui affleure partout. Ici au bout du monde, je l’ai trouvée. Finalement, je n’ai fait que découvrir des bouts du monde, et la vérité s’y trouvait.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Photo : Michèle Fuxa

vendredi, 22 juin 2007

C'était selon

Les journées ressemblaient à des gâteaux gorgés de meringues et de cerises confites, avec la saveur acide d’un alcool fort ou douceâtre, c’était selon. Puis la nuit descendait son octave mineure. Et le jour nous réveillait de sa lumière crue, surnaturelle. Entre ces instants des millions de vies avaient défilé. Des milliers de vérités toutes simples, cachées sous les choses, maintenant en plein jour. Sa présence ou son absence était une certitude, installée en douce. Je me coulais dans ce rythme, ce va-et-vient. Chaotiques au début, l’habitude avait fini par me les rendre acceptables. J’avais eu quelques aventures au début, maintenant je n’y pensais plus. Je trouvais toujours des défauts aux autres qu’elle n’avait pas. Malgré nos points de désaccord, la tranquillité qui se dégageait d’elle, de ses sentiments, des miens, effaçait le reste. J’entrais doucement, sans faire de bruit, dans un autre âge.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

samedi, 02 juin 2007

Ainsi le ciel

Le ciel était une lutte, un amas de lances, un combat fratricide. Ainsi le ciel. Une symphonie du nouveau monde ; même si c’est vers l’ancien que je me dirigeais. Terrifiante cette immensité sauvage - encore plus que la Sierra -, ces vagues gigantesques dans le désordre de la nuit, ces remous effrayants, terrifiante et rassurante à la fois avec le bruit continu du bateau, les odeurs de machines, ce bloc de métal monstrueux, fumant et rugissant, traçant son sillon imperturbable à travers les flots déchaînés. Je me prenais à rêver que mon âme était pareille, un bloc insubmersible. J’assistais à un ballet de fin du monde, une danse macabre des éléments ; plaisir redoublé par le sentiment de sécurité, sur ce bâtiment qui fendait la mer, sourd aux hurlements de la tempête.

Extrait de "Solaire", Raymond Alcovère, roman en cours d'écriture

samedi, 26 mai 2007

La rose est sans pourquoi

0af756444bc3730f4b8a77ccfabe6dc1.jpgPourquoi une histoire ? La rose est sans pourquoi. Le vent s’est calmé. L’air ici à Montpellier est doux comme le printemps, perpétuel. Là, tout près, la Méditerranée, celle d’Homère, des débuts. Je la sens qui frémit, les vagues frissonnent, caressent le sable, ces millions de grains, ces coquillages qui lentement s’amenuisent, se dispersent, reviennent.

Extrait de "Solaire", Raymond Alcovère, roman en cours d'écriture

Triptyque de Jean-Louis Bec

lundi, 14 mai 2007

Ils n’en veulent plus de la lecture !

medium_mustbetheplace.2.jpgJe fis aussi la connaissance de Roch. Ancien musicien et maintenant écrivain. Très secret, d’une intelligence foudroyante. Le personnage le plus  étonnant et le plus atypique que j’ai jamais rencontré. Il ne quittait pratiquement jamais Montpellier. Depuis une dizaine d’années il avait abandonné toute activité sociale. Une écriture précise, profonde et désabusée. Chacune de ses phrases pouvait se lire de mille façons, en contenait d’autres.  Devenu très ami avec Guilhem, je me mêlais à leurs conversations, avec l’impression qu’on devenait des conspirateurs : « Ils n’en veulent plus de la lecture, pas rentable, quand tu lis un livre, tu sors du système, la seule chose que tu développes c’est ton esprit critique, dangereux ! tu ne consommes plus, tu bloques la machine ! Au contraire, tout est fait pour divertir en permanence, abreuver les gens d’images, désagréger toute forme de pensée. Regarde l’éducation, l’école, l’apprentissage de la lecture, ils sont en train de tout casser, pour faire de nous des consommateurs, disponibles, obéissants ! ».

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture

Image de Roy Lichtenstein

lundi, 02 avril 2007

Combattre une chose

medium_IMG_4242.jpgEst-ce que combattre une chose, ce n’est pas être pris dans son mouvement ? N’est-ce pas vouloir inconsciemment la régénérer ?

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire" : roman en cours d'écriture

Tableau de Frédérique Azaïs