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vendredi, 02 mars 2007

Des rêves d’Orient

medium_ABSTRAIT-CREATIONS_16_.JPGIl y a deux plaisirs dans le Midi, la plage en hiver et le cœur des villes en été. Écrasées par la chaleur d’août, endormies, on peut saisir leur substance, le rythme des pierres, s’y promener sans se presser, ne penser à rien, seulement des notes de musique en tête, ou un désir d’architecture. Les rues vides, tout souci de rendement a disparu. Les villes du Sud redeviennent les cités antiques qu’elles n’ont jamais cessé d’être. Des rêves d’Orient.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", texte en cours d'écriture

Photo : Gildas Pasquet

mercredi, 28 février 2007

Sur la route

medium_ACOTE.NB_5_.JPGJe suis serveur dans cet hôtel, logé, nourri. Venu ici à cause d’un livre, Sur la route, de Jack Kerouac, peut-être à cause de l’arrivée au Mexique, vers la fin, qui ressemble un peu au paradis. Un jour j’ai eu envie de partir. J’ai pris le train, le bateau, l’autocar, fait du stop. Comme dans le livre, tout peut arriver et tout arrive d’ailleurs, d’un instant à l’autre, du noir désespoir au bonheur absolu. Tout ce dont on peut rêver à dix-huit ans, là, à portée de main. On passe à travers les villes, les pays, comme une étoile filante, de vagues ombres se profilent, on aperçoit des reflets, des lignes se dessinent, furtives. Il est trop tôt pour s’arrêter, on est parti pour savoir comment était fait le destin, en explorer les contours. Le jeu est dangereux mais on ne le sait pas encore, ou on en rêve secrètement.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", texte en cours d'écriture

Photo : Gildas Pasquet

samedi, 17 février 2007

Peut-être avais-je atteint

medium_DSCN4902.JPGPeut-être avais-je atteint cet état mystérieux, insondable, ce trouble léger qu’on appelle bonheur. Cet état, cette limite plutôt qui était ma quête, que j’étais venu chercher ici au bout du monde, que tant d’autres avant moi avaient poursuivi et si peu atteint, cette fêlure dans le réel qui fait oublier la rumeur des jours pour nous plonger transis dans une extase fragile et passagère que l’on cherche à recréer sans cesse sans y parvenir souvent.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", texte en cours d'écriture

Photo : Nina Houzel (Rajasthan, désert du Thar)

jeudi, 15 février 2007

Un matin...

medium_DSCN4940.JPGUn matin, dans cet état de béatitude et de légèreté un peu irréelle quand je viens de terminer un dessin dont je ne suis pas trop mécontent, avec cette envie de ne penser à rien, d’écouter les gens parler, leur voix rauque - et tous ces siècles d’histoire qu’elles charrient - de regarder le soleil se lever sur la Sierra, le vent soulever la poussière des rues vides, de laisser l’amertume de la bière me brûler la gorge, d’écouter un disque de John Coltrane, bref d’être heureux comme un oiseau au vent du matin - le moment le plus accompli, celui où la fatigue se mêle à l’allégresse, au sentiment d’avoir donné le meilleur de moi-même - , il me restait à faire l’ouverture du café avant de me coucher, quand là, de son pas léger, sa démarche souple, avec ses gestes qui coulaient dans l’air, sa grâce et sa beauté qui ondulaient jusque dans ses cheveux, elle est entrée.

Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", texte en cours d'écriture

Photo : Nina Houzel (Rajasthan, désert du Thar)

 

 

dimanche, 21 janvier 2007

Jetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit

 medium_BRUXELLES_62_.3.JPGJetée d’étoiles dans le ciel bleu nuit. Il fait presque toujours doux à Montpellier. Soudain il comprend à quel point il aime cette ville. Pas de façon exclusive, mais à cause de son ouverture, de sa légèreté, cette façon de ne pas être vraiment à soi. Rien de pesant, de trop enraciné ici.

 

Raymond Alcovère : "Le sourire de Cézanne", à paraître, mai 2007, n&b éditions.

Photo : Gildas Pasquet

 

 

jeudi, 28 septembre 2006

Un laboratoire du futur

medium_montpellier.jpgMontpellier est une ville idéale, ouverte, légère, vivante et désordonnée. Un laboratoire du futur. Le quartier d’Antigone. La Grèce et une ouverture vers la Chine. Tout est là.

vendredi, 15 septembre 2006

Jours d’une légèreté extraordinaire

medium_ferry.2.jpgJours d’une légèreté extraordinaire, tout à coup, par effraction, un coin de ciel entrevu, un tableau de Ruysdael, voluptueux, vaporeux, tourmenté, translucide, vrai. Une coupe de fruits et ses volumes comme les a vus Cézanne, un ami rencontré, la vraie beauté est simple, sans fioritures, évidente, la voix de Louis Armstrong  It’s a wonderful world , la révolution va se dérouler ainsi, furtivement et dans la beauté, le vieux monde s’affaissera comme un château de cartes.

samedi, 29 avril 2006

Oublier Barcelone

- Tu te souviens de Barcelone, cette ville cristallise les passions, les extrêmes ? On n’y est jamais retournés ?
-  Trop douloureux, Barcelone c’est une brûlure de l’âme, un voyage à travers la folie…
-  Il y avait les Ramblas, le chant des oiseaux comme une cathédrale, cette ville pousse à la déraison, tu crois qu’elle est encore vivante aujourd’hui ?
-  Et cette prostituée, vieille comme la mort, dans le Barrio Chino  ?
-  C’est comme si on avait pris la réalité en pleine figure tous les deux, on était des enfants, d’un coup on est devenus adultes… C’est l’époque où on a vu le film de Pasolini, Salo ou les 120 journées de Sodome, après rien ne pouvait plus être comme avant…
- Et puis on a regardé de l’autre côté…
-  L’Italie ?
-  Là l’enfance est partout, le baroque est la preuve tangible que le bonheur existe, malgré tout…
-  Et aujourd’hui ?
-  En plein décomposition, il ne reste guère que Venise, où tout flotte, sans murailles la ville a survécu à tout, la décomposition aujourd’hui ne l’atteindra pas… Comme Naples d’ailleurs qui est bien plus ancienne…
- Les peintres…
- Malgré la prolifération des images, c’est leur regard qui nous sauve… Cézanne si tu vas au fond de ses toiles, un autre monde se dessine. Il réunit en lui les vénitiens et les espagnols, comme il l’a dit, toute la peinture s’est retrouvée concentrée à travers lui, un moment, avant la grande déflagration…
- Le XX ème siècle ?
- Feu et sang, Picasso…
- Tout est parti de Barcelone ?
- Oui cette ville a aimanté le siècle…
- Et maintenant ?
- Tout recommencera ailleurs, c’est déjà fait sans doute…
- Alors on y retourne ?
- Légers…

jeudi, 27 avril 2006

Je suis peintre

medium_cezanne1b.jpgJe suis peintre mais personne ne me connaît ou presque. Le monde m’est toujours apparu si immense, profond et sombre que j’ai préféré rester dans l’ombre. On dirait plutôt que c’est l’ombre qui m’a choisi. Toujours mes actions, mon caractère m’ont poussé hors de cette fausse lumière. Tout ce que je suis, vois, comprends, éprouve, est dans ma peinture et cela a suffi à mon bonheur. Oui j’ai été heureux. Ce que j’ai vu de ce monde ne m’a guère donné l’image du bonheur, aussi j’ai cherché à le poursuivre seul. Une femme et un fils m’ont apporté de grandes joies et finalement mon fils aura été la plus grande, même s’il ne me ressemble pas, s’il est différent, tant mieux après tout. La quête que j’ai poursuivie est celle du mystère de la lumière. La lumière est dans les choses, elle est le cœur de la vie et ne s’éteindra jamais. Oui l’éternité est la permanence de la lumière. Le reste n’est que littérature. J’aime la littérature parce qu’elle raconte le monde, elle dit sa folie, sa démesure. Comme un cercle ce que je cherche c’est le centre, le point nodal. Je crois l’avoir trouvé : il est dans l’éternité que certains appellent « Dieu ». La lumière et donc la peinture en est la traduction, celle que j’ai tentée en tout cas.
Paul Cézanne

samedi, 11 mars 2006

Istanbul

Rappelle-toi Istanbul, ces heures passés sur la terrasse de notre hôtel, moi à regarder le ballet des bateaux et le mouvement du ciel, toi en train de lire, tout s’était arrêté, sur cette frontière parfaite et aquatique entre l’orient et l’occident. Ces bateaux qui glissent comme des hannetons dans le couloir du Bosphore pour on ne sait où, on y déjà est allés et on ira toujours, vers l’Asie, car c’est là qu’il faut aller. Le voyage de Rimbaud, Mouvement on était dans ce texte inouï, le ciel avec son déluge de couleurs et le calme en plus. La rive asiatique, étrange, décalée, comme une périphérie, d’un autre temps, un autre espace, qui ne ressemblait pas au nôtre. Istanbul est une ville circulaire, criblée d’eau et de chemins dont certains ne mènent nulle part, une frénésie constante y règne, tout le monde va si vite qu’on se sent pris de lenteur au coeur de ce fourmillement. Dans l’œil du cyclone, il en est ainsi de tous les endroits vraiment centraux, à Rome j’ai eu la même sensation, inutile d’aller plus loin, un secret, un mystère se sont posés là, une contraction, une cristallisation très particulières. Quand tout est à portée de main, pourquoi se presser ?

Explorer le temps

Je veux explorer le temps. La grande erreur est de penser que le temps est comme l’espace, une ligne qui avance, homogène, “ spatialisable ”. Du tout ! Il est le “ lieu ” des émotions, des sentiments, des états de conscience, ils se déplacent sans limites dans nos vies, non quantifiables, ils s’interpénètrent : Voilà “ l’espace ” illimité de liberté, là est la vie, notre vrai milieu… Le temps est là devant moi, c’est la seule chose dont je dispose, je peux en jouir si je veux, si je le décide, avec mes sens, mes émotions, ma pensée. La beauté, les sensations, l’amour. Et s’il n’y a rien de tout ça je peux fermer les yeux, et rêver ; les souvenirs, les émotions, les mots qui flottent dans mon esprit, ils m’ont construit, je m’y déploie librement, vivement et très calmement aussi ; le temps, ma vie me paraissent plus amples, plus riches : multiplication des points de vue, comme dans le baroque ou le cubisme. Il est fluide le temps, glissant, changeant. Les états de l’âme s’interpénètrent mais ne sont pas successifs. La durée est une synthèse mentale dont nous avons besoin, un repère, une aide, rien de plus, elle nous induit en erreur, car elle n’a pas d’existence réelle.

mercredi, 08 mars 2006

Les voyages que je ne ferai jamais

J’aime surtout les voyages que je ne ferai jamais. Ils sont immenses, pleins. Désordonnés, chaotiques, nés de l’enfance, de mes rêves, de mes déceptions, je ne les connais même pas tous ! Mais je vis bien avec ! Parfois au milieu de la nuit, ou en pleine journée - au moment où je m’y attends le moins -, ils m’emmènent, on fait un bout de chemin ensemble. Je n’ai qu’à me laisser guider, et voyageur sans bagages, je pars loin, libre, léger, heureux.

 

mardi, 14 février 2006

1984

1984, la gauche était aux affaires, Hugues quittait la fac de lettres de Montpellier et son esprit libertaire pour plonger dans les allées du pouvoir et l’arrivisme triomphant de ces années-là. Trois ans après l’élection de François Mitterrand, l’euphorie des débuts était passée, le parti socialiste était le parti au pouvoir, attirant un nombre incalculable de gogos et autres margoulins aussi incompétents qu’inefficaces qui hantaient les corridors dans le seul but de se remplir les poches en étalant la bêtise la plus crasse. Ce joli monde dépensait toute l’énergie et le savoir faire à sa disposition uniquement pour se mettre en avant …

Dans ce labyrinthe, on vivait au quotidien parmi les Caractères de La Bruyère. Tel Robin, ami de la femme d’un ministre d’Etat, brillant causeur, il passait au bureau deux fois par jour, lire la presse et régler par téléphone les affaires de son ami qui travaillait chez un des plus grands couturiers de Paris. Sa grande force, outre son persiflage incessant, était son carnet d’adresses, sa capacité à organiser des dîners. Considérable valeur ajoutée, vu le fonctionnement de cette microsociété, à qui les palais de l’Etat allaient comme un gant, dans ce salmigondis d’huissiers et de courtisans. Les pires coups de Trafalgar résonnaient dans un univers feutré, digne de l’Ancien Régime. Ouvrant les fenêtres on découvrait l’Hôtel des Invalides à gauche, le pont Alexandre III puis le Grand Palais à droite. Balzac est éternel.

Un peu plus tard, sur l’autre bord politique, Hugues découvrait avec stupeur ce chef de service issu d’un ministère prestigieux ; dissimulant sous un teint rougeaud une intelligence très vive, il ne pouvait hélas supporter une heure de réunion sans le secours de quelque boisson alcoolisée. Ensuite il fut nommé consul de France à Shanghai. Et puis ce secrétaire général, lui de quel côté était-il, impossible de le savoir, même pas lui, opportunisme et bêtise crasse avant tout. On était alors entré dans la phase incertaine des " cohabitations " ; dans son bureau flamboyant, il pérorait au téléphone à propos des " avions renifleurs " qui défrayaient la chronique à ce moment-là, histoire de montrer qu’il était dans le coup ; il n’y avait pourtant pas de quoi, ce fut un des plus lamentables scandales de la République.

mercredi, 08 février 2006

Le temps

Il y a simultanéité des temps, une infinité de temps, de " vécus ". Dieu, sa résurrection et le mal sont simultanés. L’instant c’est saisir tous ces temps ensemble, qui n’en font qu’un. Le temps n’est pas de l’espace, il ne peut être compris avec les mêmes critères, il est autre, une concentration, un " être ensemble " de tous ces états qui coexistent : il devient librement vécu et extensible.

jeudi, 29 décembre 2005

Tout est dans la nuit et nous y sommes encore

medium_ecosse_202002_20002.jpgTout est dans la nuit et nous y sommes encore, tout est dans la nuit et je me débats. Mon âme est en friche, je cours après quelque chose que je ne rattraperai jamais et rien ne peut m’empêcher de courir, de poursuivre ce but insensé, ce paradoxe est une clé, quelque chose m’échappe encore mais je le découvrirai, je n’ai d’autre issue que de chercher, que de chercher l’inaccessible étoile. Et si c’était Léonore cette étoile, ou une des branches de l’étoile, jamais je n’avais rencontré quelqu’un comme elle, j’ai l’impression en la voyant de regarder le temps, tout en elle est aérien, limpide et sacré, son âme est comme une forêt balayée par le vent, elle ressemble à ces paysages de l’Écosse puissants et lumineux, souvent le soir pour m’endormir je m’imagine être un brin d’herbe bercé par le vent, sur cette lande, entre deux lochs, pays merveilleux, sublime, c’était mon premier voyage, j’avais dix-huit ans, je ne savais pas où j’allais, je l’ai découvert en avançant, je voulais seulement aller en Angleterre, puis la route a déroulé son ruban...

jeudi, 17 novembre 2005

Des visions seulement, des éclairs

Le temps nous encercle, nous sommes au centre, nous sommes ce temps. Il tourne autour de nous comme un kaléidoscope, on peut jouer avec. Les émotions, les désirs le traversent comme des étoiles filantes, ondulent sans cesse, vibrent, l’art est là pour les relier, pour construire un monde autour. De ce voyage fugace nous nous tenons éloignés, nous avons des visions seulement, des éclairs. Sauf à plonger dans cet océan, s’y noyer pour en ressortir, haletant, surpris, éveillé, différent.