dimanche, 16 novembre 2008
Lisbonne est une île
J’étais happé par la mélancolie et la lenteur de Lisbonne. Le temps s’était arrêté. Je compris d’un coup à quel point ma vie d’avant était vide et fausse. Là, maintenant, il n’y avait rien à attendre et précisément dans ce rien résidait mon bonheur. Cette sérénité nouvelle m’accaparait. J’avais ôté comme une vieille peau mes doutes, mon ennui, mes divagations, oui ma vie d’avant était une divagation, une errance sans but, une erreur continue, un trompe l’œil. Je courais après quelque chose de si inconsistant que je ne pouvais pas le rattraper. Dans cette ville en apparence lugubre, j’avais trouvé plus de vie qu’ailleurs et surtout un début d’éclaircissement. Ce que je recherchais venait à moi, avec l’évidence des certitudes. Ici, dans cette luminosité légère et persistante qui caresse l’air et tamise le soleil.
Je reçus cette lettre d’Eva :
Mon prochain voyage est littéraire. Il a pour nom Rimbaud. Rimbaud n’a pas cessé de voyager, il a eu plusieurs vies, on prétend qu’il fut agent secret : ses pérégrinations à travers l’Europe (Londres, Bruxelles, Vienne, Milan, Stuttgart, Stockholm, etc.) dont on parle peu, toutes ces langues apprises, enfin le départ plus fameux vers Aden et l’Ogadine. Il est le voyageur par excellence, il a échappé à toutes les explications, les mises au pas, personne ne l’a jamais rattrapé, c’est sans doute ce qu’il voulait.Je plonge dans son œuvre et je voyage. Peu importe où je suis, mais je ne t’oublie pas et tu auras bientôt de mes nouvelles.
Je revis Veroes, il me trouva une location bon marché dans l’Alfama et un travail. Mes compétences en informatique et ma connaissance de l’anglais m’assureraient un revenu et la possibilité de continuer mon errance. Ainsi comme Pessoa, je travaillais une partie de la journée, obscur et tranquille, et le reste de la journée, je me laissais aller au rythme de la ville et de mes lectures. J’éprouvais cette sensation délicieuse de sentir le temps s’écouler comme le sang dans mes veines. Lisbonne est fille d’Ulysse et c’est bien ici que devait commencer mon périple. Lisbonne est une île et je m’y sentais bien.
Raymond Alcovère, roman en cours d'écriture
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mercredi, 03 septembre 2008
Flor de luna
Du côté de mes amis, c’était plutôt la dispersion. On avait vécu si près les uns des autres pendant des années, dans les mêmes appartements, que par un mouvement naturel sans doute, chacun avait volé de ses propres ailes. Valentin - j’avais partagé tant d’aventures avec lui - se laissait lentement envahir par l’alcool. Pourtant il en avait du talent, pour la musique, l’amitié. Un humour, une ironie mordantes. Il ne pouvait s’empêcher de regarder l’autre côté des choses. Et presque uniquement celui-là. Ce « presque » l’avait rattaché à la vie, mais pas longtemps. Un jour, à force de tutoyer le néant, il l’avait rejoint.
Parti vivre aux Pays-Bas, à son retour il n’était plus le même. Il pouvait se passer de boire, mais s’il avait le malheur de commencer, il ne s’arrêtait qu’ivre mort. Son regard si pétillant devenait hagard, il répétait les mêmes phrases, bientôt il titubait et c’était fini. Tout le temps de mon absence, il avait demandé de mes nouvelles. Et je n’en avais donné à personne. C’était terrible de le voir ainsi, à l’occasion de ses rares passages à Montpellier.
Il jouait divinement de la guitare. Quand j’entends Sampa pa ti, son morceau fétiche, je vois ses doigts courir sur le manche. Souvent, on finissait nos soirées au London Tavern. Fabrice, au piano, flottait au-dessus des événements, sourire fin à travers ses verres épais. On buvait, on parlait avec n’importe qui au London, tout était vrai, parce qu’on ne jugeait rien. Sauf dans les moments où l’alcool l’égarait, j’avais une complicité stupéfiante avec Valentin. Aujourd’hui, j’écoute Flor de luna et je pense à lui.
Raymond Alcovère, extrait d'un roman à paraître
Quant au fabuleux solo de batterie de Michael Shrieve à Woodstock, c'est là
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jeudi, 03 avril 2008
La peinture est effraction
La peinture est effraction, solitude, dévastation. Pour peindre comme pour écrire, il faut d’abord tout détruire, tout effacer, tout déconstruire. Vouloir tout recommencer, reprendre le fil de la création. La peinture est incarnation et l’incarnation c’est l’éternel retour.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
Peinture de Frédérique Azaïs : Tous les matins du monde
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vendredi, 21 mars 2008
Je vis un moment de temps pur
Je vis un moment de temps pur, je sens autour de moi les ramifications du monde, ses ondes nerveuses, toute cette énergie. La capter, la traduire, la rendre ! La plus grande beauté est éphémère, et pourtant permanente. J’ai trouvé l’angle, l’arme fatale, pour déjouer le complot : le temps ! Quitter celui de la consommation, de la culpabilité, de la haine, du ressentiment. Le temps c’est l’art tout simplement. Seul il permet de sortir du cercle. Là est le satori, caché sous la cendre, retenu prisonnier sous des couches de civilisation. Le monde s’illumine, s’ouvre, aérien, léger et dense… Comme la matière, faite de vide. Nous ne sommes que des particules. Un bloc de temps pur, vivace, intense, sulfureux, tremblant dans la fine lumière du soir, vent coulis instillé à l’intérieur des fuseaux horaires retrouvés, vivable tout d’un coup, jouissif, sensuel.
Raymond Alcovère, extrait de "Le bonheur est un drôle de serpent", roman en cours d'écriture
Photo de Gildas Pasquet (Albi)
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mercredi, 12 mars 2008
Parfois c’est ainsi
Parfois c’est ainsi, rien ne peut m’apporter la paix, seulement ton image, ton image vraie, hors de tout désir conscient, alors miracle c’est en rêve que je la trouve. J’ai hâte de dormir pour pouvoir rêver de toi. Là je caresse tes cheveux sans fin, tu me parles, tu me souris, tes yeux illuminent tout, je bois ton visage, il s'illumine en moi comme il rayonne partout où ton regard se pose. Tout à l’heure je dormirai et pourvu que je te retrouve… Nous serons à Lisbonne, dans les rues sombres qui descendent vers le Tage, au milieu d’ombres erratiques, avec cette lumière blanche qui baigne toujours la ville et puis à l’hôtel Borges on fera l’amour encore, on ne verra pas le soleil mais aucune importance, avec cet air humide qu’on ne trouve que là-bas, les immeubles délabrés, cette atmosphère anglaise et surannée, Fernando Pessoa avec son chapeau et son parapluie seul dans la nuit grise, ici on perd tout sentiment de la réalité.
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
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lundi, 02 avril 2007
Combattre une chose
Est-ce que combattre une chose, ce n’est pas être pris dans son mouvement ? N’est-ce pas vouloir inconsciemment la régénérer ?
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire" : roman en cours d'écriture
13:24 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art, peinture, littérature, en cours d'écriture, Frédérique Azaïs