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vendredi, 03 novembre 2006

Un ogre dans la ville

medium_scan_couverture_1_Ogre.2.jpg

Marseille est une ville sublime, étonnante. Onirique même. Au contraire de l'idée de ceux qui ne la connaissent que de loin, la ville qui vit naître Artaud et mourir Rimbaud est pleine de mystères, d'étrangeté. Cendrars en a parlé magnifiquement dans "L'homme foudroyé" : "Marseille, presque aussi ancienne que Rome, ne possède aucun monument. Tout est rentré sous terre, tout est secret." Mireille Disdero nous plonge dans une autre ville encore, loin de tous les clichés, tour à tour solaire et terrifiante. L'orage approchait, dans les aigus. L'orage ici c'est l'ogre. Il s'appelle Angelo. Il harcèle la narratrice, veut la dévorer, lui dévorer sa vie. Il est son double en quelque sorte. Tour à tour Marie et Angelo évoquent chacune des faces de l’histoire, la médaille et son envers. Cet ogre est un monstre affectueux et dangereux. Quelque chose bouge et se lève tout autour. Respiration haletante de fantômes sans au-delà des vies. Larmes rouges du tatoueur pour un amour de peau. Bruit des existences loin, autour, dans les rues. Battements d’ailes noires des secondes qui nous escortent. La ville s’éveille, grandit de ses tentatives sans apaisement. J’ai toujours peur.C’est une ville souvent crépusculaire, venteuse, presque vide (une atmosphère à la De Chirico) qui déroule ses méandres. Et si c’est à un suspens haletant que nous convie Mireille Disdero, rythmé par les encres de Catherine Carruggi, le vrai fil conducteur du roman c’est la poésie : Je m’allonge sur la pierre chaude, les yeux vers le ciel. J’écoute les vagues se jeter contre l’île. Shhhhhhhhuuuuuuuu… Des mouettes tournoient au-dessus de moi pour m’inviter au voyage. La lumière est presque palpable. Je la sens me toucher, m’aimer. Je suis bien. Aujourd’hui, il n’y a personne, pas un seul touriste. J’aime cet endroit. Je pense à la première fois que je suis arrivée à Marseille avec mes parents. On devait atterrir à Marignane mais l’avion est venu faire un demi-tour au-dessus de Marseille et du Frioul, en fin d’après-midi. L’ombre des ailes frôlait les vagues. Ce jour-là, j’ai été heureuse d’avoir des yeux capables de découvrir cette ville adossée à la mer. Je garde encore la marque de sa beauté, même des années après, en traversant ses quartiers aux murailles écorchées. J’aime Marseille, je l’ai dans les yeux, comme une couleur.

 

Références ici

Voir aussi le blog de Mireille Disdero

À cet accès soudain de calme

medium_Weiss.jpgÀ quoi reconnaît-on ce que l'on aime. À cet accès soudain de calme, à ce coup porté au coeur et à l'hémorragie qui s'ensuit - une hémorragie de silence dans la parole. Ce que l'on aime n'a pas de nom. Cela s'approche de nous et pose sa main sur notre épaule avant que nous ayons trouvé un mot pour l'arrêter, pour le nommer, pour l'arrêter en le nommant.
(Une petite robe de fête, Christian Bobin)

Photo : Sabine Weiss

jeudi, 02 novembre 2006

Fil

medium_mantegna-andrea-camera-degli-sposi-2402378.jpgIl y a ce fil

Où s’accrochent les plumes

Fil aux facettes miroitantes

La couleur jette des flaques

Sur d’invisibles murs

Et les ballerines dansent

Au vertige

Nénuphar issu des limbes

Le cœur en offrande

Tendre comme une chair de figue

Aux ailes

Cède la nuque

Une mèche glisse

 

Valérie Canat de Chizy

Andrea Mantegna

mercredi, 01 novembre 2006

Emploi du temps

medium_balzac_rodin_paris_b.jpg« je me couche à six heures du soir ou à sept heures comme les poules ; on me réveille à une heure du matin et je travaille jusqu’à huit heures ; à huit heures, je dors encore une heure et demie ; puis je prends quelque chose de peu substantiel, une tasse de café pur et je m’attelle à mon fiacre jusqu’à quatre heures ; je reçois, je prends un bain, ou je sors, et après dîner, je me couche » 

Balzac

Balzac par Rodin

 

 

 

mardi, 31 octobre 2006

Qu’est-ce donc que la vie ordinaire

medium_IcoArtista1a.gif« Ma vie est semblable à l’enfant tumultueux de retour à la maison, gagné par l’ardeur d’un jeu au dehors : elle me quitte très souvent, elle me revient de loin en loin, encombrée par une émotion que les premiers mots apaisent. Je n’écris que très peu, et ce peu est encore trop, en regard des quelques instants qui éclairent le chemin où je vais : il y a très peu d’événements dans une vie. Parfois il n’y a que l’événement de son désastre, de son lent engloutissement dans le désastre quotidien. Ainsi perd-on toutes forces, dans l’impur mélange des jours. Qu’est-ce donc que la vie ordinaire, celle où nous sommes sans y être ? C’est une langue sans désir, un temps sans merveille. C’est une chose douce comme un mensonge. »

Christian Bobin, Le huitième jour de la semaine.

Modigliani

The Queen

medium_20061027ho_thequeen_450.jpgStephen Frears a réalisé là un film à la fois intense et sobre. Crépusculaire. On y suit jour après jour la famille royale anglaise la semaine qui a suivi la mort de Lady Di. Le soutien que va lui apporter Tony Blair, qui vient d'être élu, alors que dépassée par l'engouement et l'émotion mondiale qu'a provoqué ce deuil, elle reste d'abord campée dans son refus de le reconnaître, de comprendre ce qu'il représente et les évolutions qu'il signifie. Au point de se mettre en danger et de menacer tout l'équilibre des pouvoirs dans le pays. D'où ce mano a mano avec le jeune premier ministre qui joue là son baptême du feu. Helen Mirren porte bien la dimension tragique du personnage de la reine, notamment dans cette très belle scène, où, seule dans la nature, sa voiture en panne, elle se retrouve face à un cerf magnifique, celui que les chasseurs poursuivent, qu'elle incite à s'enfuir...

Transports en Chine

medium_transport_en_chine_03.jpgmedium_transport_en_chine_04.jpg

00:20 Publié dans Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, Chine

lundi, 30 octobre 2006

Cristaux de roche

medium_yred.jpgLes heures,

Tu les traînes dans ton sillage

Dans l’attente

D’une prochaine éclipse.

Le sucre te mange.

Se fige le temps

Couleur de caramel.

Sous ta peau

Se forment

Les cristaux

Et les morceaux de roche

Dévalent

Des sommets.

 

Valérie Canat de Chizy

Yves Klein

dimanche, 29 octobre 2006

"Tu m'as tué... mais, comme toi, j'ai oublié de mourir."

Arabian love song: "Mahmoud Darwich, malade d'espoir!"

 A lire ici

samedi, 28 octobre 2006

La profondeur du sentiment pour sillon

medium_n45_klein_l.jpgUne fois le chandail ôté, l'offrande d'une poitrine rouge

Conséquence possible d'un coup de soleil,

Trace probable d'une vieille peinture de guerre

Une fois notre chant sur pilotis

suspendu entre brume et feutre

la profondeur du sentiment pour sillon

Que savoir d'autre de la vie ?

Jean Azarel, extrait de Passage du mortel

Yves Klein

 

Chroniques d'une élection (8)

medium_lichtenstein-pour_la_france.gifStrauss-Kahn, vrai rival de Royal?

Lire ici

vendredi, 27 octobre 2006

Textes peu sérieux, de Max Laire

medium_n45_lichtenstein_l.jpgLes rêves choisissent leur compagnie une gomme à la main

J’ai tellement de rêves que parfois j’ai la sensation de vivre en dormant

Ne donnez des conseils éclairés que le soir

Max Laire,

Roy Lichtenstein, Spray 

Lisez d'autres perles de cet auteur, ici sur le blog de la revue Casse, qui l'a publié

On vous mène en bateau depuis quarante ans.

Allez, Françaises, Français, citoyens, camarades, compagnons, il est l'heure de s'attabler et de cracher le morceau : on vous mène en bateau depuis quarante ans.

A lire ici, à propos du documentaire de Patrick Rotman sur Jacques Chirac

jeudi, 26 octobre 2006

Chroniques d'une élection (7)

"Si l’on pense que tout va bien et qu’il faut continuer comme ça, alors continuons ! Mais moi je pense que tout ne va pas bien !"

Ségolène Royal

à lire ici l'édito de Jean-Marcel Bouguereau

Si écrire ne pouvait pas me servir à aimer, autant tout arrêter

medium_christine-angot-rendez-vous.2.jpgJe n'étais pas faite pour abattre des cartes, je n'étais pas stratège, je n'étais pas séductrice, je n'y arrivais pas. Ou je ne disais rien ou j'étais trop directe. La seule chose qui me convenait c'était le poker, écrire, tout écrire, et faire lire, ça je savais le faire, tout jouer d'un coup. Miser tout sur un seul chiffre qui a peu de chances de sortir, mais s'il sort c'est mieux que tout. C'était le chiffre que j'avais choisi.

« Rendez-vous » de Christine Angot est un roman déroutant : vif, efficace, percutant. Dès les premières pages on est emporté. Son écriture ne ressemble à aucune autre, surtout, rarement on aura été aussi loin dans le regard au scalpel sur soi-même, dans le désir, le désir d'une vérité des choses. Sa quête est éperdue, elle déstabilise le lecteur, par moments on reste à l’extérieur, sur la défensive,  puis on est bousculé, happé, l’émotion est là, la machine s’emballe: Si écrire ne pouvait pas me servir à aimer, autant tout arrêter. Elle va jusqu'au bout, la littérature et la vie, tout s'entrecroise, les époques, sa vie réelle. Le livre est circulaire, les personnages réapparaissent, au fur et à mesure le regard du lecteur se précise, s'affine. L'utilisation des temps est  surprenante, celle de l'imparfait, à contretemps en apparence, mais qui questionne, transforme la lecture. Il y a de l’extrême, on est toujours à la limite de la folie, de l’inconcevable ici dans la relation amoureuse et le livre va toujours plus loin que ce qu’on avait imaginé : c’est sa force . On peut ne pas entrer dans cet univers, le refuser, mais une chose est sûre, il n’est pas ce qu’il semble être. Pas de stratégie d'évitement ici, de contournement, et pourtant  (justement plus que jamais) on est dans la littérature, de celle qui bouscule, bouleverse, la seule vraie en quelque sorte.

Quand j’écris, je vois  bien moi, la syntaxe n’a pas d’importance, les négations, les conditionnels, les conjonctions, ce n’est que des présentations pour masquer plus ou moins ce qu’on pense, les si, les bien que, pour amoindrir les mots, atténuer les valeurs. Ca ne change pas le contenu, le sens ni les images qui viennent avec. Il n’y a pas de conditions, pas de si dans la vérité.

mercredi, 25 octobre 2006

Jusqu’à ce que jaillisse le plaisir

medium_arum-lily.jpgChaleur humide, couchée nue sur le lit. Caresse des arums, délicats pétales blancs sur ma peau, aurores de plaisir. La pointe recourbée parcourt ma cheville, ma jambe, ma cuisse, coule sur mon ventre lisse où un léger duvet se réveille, titillé par cet effleurement, glisse dans la vallée magique, remonte jusqu’au mamelon, monticule soyeux, puis se pose sur mes lèvres.  Main dans mes cheveux, puis sur tout le corps, rondeurs, velouté turgide, blondeur de l’épiderme, pianotement des doigts sur la peau. Usant de la tige ensuite, entre mes cuisses ouvertes, jusqu’à ce que jaillisse le plaisir.

Raymond Alcovère, Extrait de Fugue baroque, éditions N & B

Comme des outils divinatoires

medium_koons.jpg"La parole appelle, ne nomme pas. Le français le dit : nous ne nommons pas les choses, nous les appelons. Nous les appelons parce qu'elles ne sont pas là, parce que nous ne savons pas leur nom." "La pensée n'utilise pas les mots, ne cherche pas ses mots. Ce sont les mots qui cherchent, qui traquent la pensée. Nous nous dépouillons des mots en parlant. Celui qui parle, celui qui écrit, c'est un qui jette ses mots comme des outils divinatoires, comme des dés lancés."

Valère Novarina

Image : Jeff Koons

mardi, 24 octobre 2006

Les statistiques

Si l’on en croit les statistiques, on peut avancer que depuis l’irruption sur la terre de l’homme, ce mammifère intelligent, le nombre des naissances est à peu près équivalent à celui des décès parmi sa race. A noter toutefois un très léger excédent des naissances, dû probablement à leur antériorité sur les décès ; il aurait fallu en effet que l’agent recenseur comptabilise par anticipation les morts à intervenir pour ne pas fausser la balance.
Mais le lecteur aura rectifié de lui-même.

Jean-Jacques Nuel

(D'autres textes à lire sur le blog de la revue Casse)

Chroniques d'une élection (6)

"Avec cette distinction bourgeoise qui semble dissimuler quantité de secrets inavouables, Sego ressemble déjà à un personnage Chabrolien."

Arlette Laguillier

Chroniques d'une élection (5)

Le scénario est désormais bien rodé. Centres militaires pour jeunes délinquants, 35 heures, carte scolaire ou «surveillance populaire» des élus : «Ségolène Royal regarde ce qui monte dans l'opinion sur un sujet précis, elle attaque la ligne socialiste, elle se fait attaquer en retour par son camp, résume un sondeur. Puis elle attend le sondage qui montre qu'elle a le soutien de l'opinion.» Le tout dans un timing soigné...

Article à lire ici