vendredi, 31 mars 2006
— Raconte, ça te soulagera, ils disent. Tu parles !
À tantôt soixante piges, après s’être enfilé tout le sale boulot de vivre jusque-là, surtout quand on a commencé croupignoteux comme moi, et devoir encore buriner dur dans la clownerie pour tenter de faire bouillir l’amère marmite du quotidien, à peine de-ci de-là un instant pour trinquer un coup tranquille entre copains en guise de maigre consolation, vous pouvez imaginer que ce n’est pas dégoiser à l’infini toujours les mêmes salades sur mes interminables tourments et traques multiples qui va pouvoir m’alléger l’âme de tous les crimes et pataquès alentour. Non plus me donner à voir sous meilleur angle les crapoteux obsédés par l’idée de me chercher sans cesse des charrettes de chiens enragés dans la tête, pas davantage les regarder comme moins lâches et moins Marius, eux, et leurs bonnes femmes mieux bêtes qu’un morceau de bois, tous délirants qu’ils sont à me traiter d’individu aviné et vain guignol tant est fielleuse leur cervelle et crasse leur inculture.
Alors raconter encore et encore …
Pierre Autin-Grenier, Friterie-Bar Brunetti, début du texte
Gallimard, col L'Arpenteur, 2005
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