vendredi, 07 avril 2006
Perdido Street
Premiers froids
A l'angle de la 72nd et de Colombus Avenue
Il joue du saxophone et bat ses semelles décollées
en suivant le rythme
Cheveux noirs, barbe blanche, sans âge
Le son est aussi beau qu'un velours très ancien
répercuté par la cage de ces maisons
de briques rouges
Les ménagères posent leurs filets pleins de maïs
ou de patates douces et écoutent
L'une se signe, une autre a les larmes qui perlent
Un livreur s'arrête, pose son vélo contre un acacia
et se met, les yeux fermés, à onduler
comme un cobra
J'ai retrouvé l'air qu'il joue: Perdido street blues
Le chapeau bosselé et crasseux qu'il a posé
devant lui se remplit de dollars
America...!
Quand le vent lui chipe un billet, il pose
le pied dessus sans cesser de jouer
Les boutiquiers coréens, vietnamiens, portoricains,
sont tous sur leur seuil pour ne rien perdre
de ce miracle et se mettent à tortiller du cul
Ma jeunesse m'est revenue comme une gifle
Ma tête était devenue une ruche d'abeilles dorées
Suis resté là, longtemps, avec cette musique
qui emportait mon temps perdu
comme billes de bois flotté
New York, 1992
Nicolas Bouvier, Le dehors et le dedans, Extraits, Editions Zoé, 1997
14:54 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Tiens tiens, je connais bien cet air...
Écrit par : Calou | vendredi, 07 avril 2006
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