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mercredi, 12 février 2025

Le mot juste

KafkaIl est parfaitement concevable que la splendeur de la vie se tienne prête à côté de chaque être et toujours dans sa plénitude, mais qu’elle soit voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine. Elle est pourtant là, ni hostile, ni malveillante, ni sourde ; - qu’on l’invoque par le mot juste, par son nom juste, et elle vient. C'est là l'essence de la magie, qui ne crée pas, mais invoque.

Franz Kafka, Journal. 18 octobre 1921

19:19 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kafka

mardi, 11 février 2025

Une suite de nuances vraies

Ernst Haas.jpg"Voilà son style, dont il dit lui-même qu'il est "horriblement difficile à imiter, car il n'est qu'une suite de nuances vraies."
Philippe Sollers, à propos de Stendhal, dans "Trésor d'amour"
Photo de Ernst Haas

samedi, 08 février 2025

Les femmes respirables

Philippe Sollers, Auguste Renoir"Un jour, alors que personne ne s'y attend, une marée de beauté envahit l'espace. Des types bizarres, qu'on nomme vite "impressionnistes", se mettent à célébrer la nature, l'existence, les pins, les peupliers, les roses, les coquelicots, les pivoines, les nymphéas, les déjeuners sur l'herbe, les femmes respirables et sans voiles, les enfants. On les couvre d'injures, ils insistent. Et puis, ils disparaissent dans l'atmosphère, après avoir prouvé que les ombres ne sont pas noires mais bleues. La nature a rapidement révélé sa beauté. Il est stupéfiant qu'on l'oublie."
Philippe Sollers, Beauté
Renoir, les parapluies, 1881

mercredi, 05 février 2025

Rendez-vous avec un sphinx dont je dois comprendre le sens secret

Ondrej Holub.jpg« Depuis longtemps, je me lève de bonheur. Je bondis du tremplin des rêves rigoureux vers la réalité bizarre. De même, je plonge dans le sommeil comme dans une eau lustrale où se refaire une santé. Si jamais l’insomnie me dépose sur la rive de mon lit, angoissé parfois, je sais que j’ai rendez-vous avec un sphinx dont je dois comprendre le sens secret. Je ne quitte rien en m’endormant, je vais au-devant d’autres rencontres. »
Mathieu Terence, De l'avantage d'être en vie.
Photo : Ondrej Holub

mardi, 04 février 2025

Si la musique est la nourriture de l'amour

GOH5SgBWQAAD1jm.jpg« Si la musique est la nourriture de l'amour, jouez toujours, donnez-m'en à l'excès, que ma passion saturée en soit malade et expire ! Cette mesure encore une fois ! Elle avait une cadence mourante. Oh ! elle a effleuré mon oreille comme le suave zéphyr qui souffle sur un banc de violettes, dérobant et emportant un parfum... Assez ! pas davantage ! Ce n'est plus aussi doux que tout à l'heure. Ô esprit d'amour, que tu es sensible et mobile ! Quoique ta capacité soit énorme comme la mer, elle n'admet rien de si exquis et de si rare qui ne soit dégradé et déprécié au bout d'une minute, tant elle est pleine de caprices la passion, cette fantaisie suprême ! »

Shakespeare, La nuit des rois.

16:44 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : shakespeare

dimanche, 26 janvier 2025

L'athéisme est, finalement, si peu érotique

Richard Avedon2.jpg"L'art, la littérature, contrairement à ce qu'on vous a appris, n'ont jamais été des choses "humaines", et ni le marxisme ni la psychanalyse ne peuvent les ramener à une trame anthropologique - historique, physique, biologique ou pulsionnelle - commune. Ni les "masses", ni l'"inconscient" ne peuvent les contenir. C'est bien le moins que le diable se mette quelque part, à découvert, au service de Dieu. Dans la religion de la science, c'est plutôt le contraire : mais Dieu n'étant pas mort, et la mort étant devenu votre dieu, le moment est venu de se demander pourquoi l'athéisme est, finalement, si peu érotique."
Ph Sollers, Grand beau temps
Photo de Richard Avedon

samedi, 25 janvier 2025

Odette Swann

Mondrian, Marcel ProustTout d'un coup, sur le sable de l'allée, tardive, alentie et luxuriante comme la plus belle fleur et qui ne s'ouvrirait qu'à midi, Mme Swann apparaissait, épanouissant autour d'elle une toilette toujours différente mais que je me rappelle surtout mauve ; puis elle hissait et déployait sur un long pédoncule, au moment de sa plus complète irradiation, le pavillon de soie d'une large ombrelle de la même nuance que l'effeuillaison des pétales de sa robe.

(Marcel Proust, Autour de Mme Swann)

Image : Piet Mondrian - Chrysanthème - 1909

vendredi, 17 janvier 2025

Fragilité

Christian Bobin, Brassaï"La vraie force, c’est celle qui sait prendre soin de la fragilité. Être fort, ce n’est pas écraser les autres sous le poids de ses certitudes ou de ses ambitions. Être fort, c’est être capable de douceur dans un monde qui ne l’est pas. C’est accueillir le doute, le vide, le silence, et continuer d’avancer, sans jamais céder à l’amertume. La vraie force est invisible, elle se niche dans les gestes simples, dans les regards bienveillants, dans la patience des jours."

Christian Bobin
Photo : Brassaï, le Pont-Neuf sous le brouillard

samedi, 11 janvier 2025

L'inconnu

Fernando Pessoa“Nous attribuons généralement à nos idées sur l’inconnu la couleur de nos conceptions sur le connu: si nous appelons la mort un sommeil, c’est qu’elle ressemble, du dehors, à un sommeil; si nous appelons la mort une vie nouvelle, c’est qu’elle paraît être une chose différente de la vie. 

C’est par le jeu de ces petits malentendus avec le réel que nous construisons nos croyances, nos espoirs — et nous vivons de croûtes de pain baptisées gâteaux, comme font les enfants pauvres qui jouent à être heureux.”

Fernando  Pessoa (Le livre de l’intranquillité )

Photo : Antanas Sutkus

samedi, 30 novembre 2024

Superstition

Hypathie.jpg

11:26 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hypathie

vendredi, 08 novembre 2024

On vit avec quelques idées familières. Deux ou trois.

E92-3hxXEAQimiD.jpgOn vit avec quelques idées familières. Deux ou trois. Au hasard des mondes et des hommes rencontrés, on les polit, on les transforme. II faut dix ans pour avoir une idée bien à soi dont on puisse parler. Naturellement, c’est un peu décourageant. Mais l’homme y gagne une certaine familiarité avec le beau visage du monde. Jusque-là, il le voyait face à face. Il lui faut alors faire un pas de coté pour regarder son profil. Un homme jeune regarde le monde
face à face. Il n’a pas eu le temps de polir l’idée de mort ou de néant dont pourtant il a mâché l’horreur. Ce doit être cela la jeunesse, ce dur tête-à-tête avec la mort, cette peur physique de l’animal qui aime le soleil. Contrairement à ce qui se dit, à cet égard du moins, la jeunesse n’a pas d’illusions. Elle n’a eu ni le temps ni la piété de s’en construire. Et je ne sais pourquoi, devant ce paysage raviné, devant ce cri de pierre lugubre et solennel, Djémila, inhumaine dans la chute du soleil, devant cette mort de l’espoir et des couleurs, j’étais sûr qu’arrivés à la fin d’une vie, les hommes dignes de ce nom doivent retrouver ce tête-à-tête, renier les quelques idées qui furent les leurs et recouvrer l’innocence et la vérité qui luit dans le regard des hommes antiques en face de leur destin.
Albert Camus, Le vent à Djémila, dans Noces.

16:36 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : albert camus

dimanche, 27 octobre 2024

Seule l’impression

FYUzQgeXgAAUnG5.jpg« Les idées formées par l’intelligence pure n’ont qu’une vérité logique, une vérité possible, leur élection est arbitraire. Le livre aux caractères figurés, non tracés par nous, est notre seul livre. Non que les idées que nous formons ne puissent être justes logiquement, mais nous ne savons pas si elles sont vraies. Seule l’impression, si chétive qu’en semble la matière, si invraisemblable la trace, est un critérium de vérité et à cause de cela mérite seule d’être appréhendée par l’esprit, car elle est seule capable, s’il sait en dégager cette vérité, de l’amener à une plus grande perfection et de lui donner une pure joie. L’impression est pour l’écrivain ce qu’est l’expérimentation pour le savant, avec cette différence que chez le savant le travail de l’intelligence précède et chez l’écrivain vient après. Ce que nous n’avons pas eu à déchiffrer, à éclaircir par notre effort personnel, ce qui était clair avant nous, n’est pas à nous. Ne vient de nous-même que ce que nous tirons de l’obscurité qui est en nous et que ne connaissent pas les autres. »

Marcel Proust, Le temps retrouvé

samedi, 26 octobre 2024

Et c’est là, précisément, le roman

Felix Thiollier, Philippe Sollers« - Vous faites beaucoup de citations.
- Ce ne sont pas des citations, mais des preuves.
- Des preuves de quoi ?
- Qu’il n’y a qu’une seule expérience fondamentale à travers le temps. Formes différentes, noms différents, mais une même chose. Et c’est là, précisément, le roman. »
Philippe Sollers
Photo : Felix Thiollier (1899)

mercredi, 16 octobre 2024

Et à la mauvaise habitude de parler de soi

Marcel Proust, Jean Rochefort"Et à la mauvaise habitude de parler de soi et de ses défauts il faut ajouter, comme faisant bloc avec elle, cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à ceux qu'on a. Or, c'est toujours de ces défauts-là qu'on parle, comme si c'était une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s'absoudre celui d'avouer."
Marcel Proust

vendredi, 11 octobre 2024

Humour de Franz Kafka

KafkaPoséidon était assis à son bureau et comptait. L’administration de tous les océans représentait une somme de travail infinie. Il aurait pu avoir autant d’assistants qu’il aurait voulus, et il en avait beaucoup, mais comme il prenait sa charge très au sérieux, il recomptait tout lui-même, et ainsi les assistants ne lui étaient pas d’un grand secours. On ne peut pas dire que son travail le réjouissait, et il ne l’accomplissait à vrai dire que parce qu’il lui était imposé. Il avait déjà postulé souvent à des emplois plus joyeux (c’est ainsi qu’il s’exprimait), mais à chaque fois qu’on lui faisait différentes offres, il s’avérait que rien ne lui convenait mieux que son poste actuel. Il était aussi très difficile de trouver quelque chose d’autre pour lui. Il n’était bien sûr pas possible de l’affecter à une mer déterminée, car, sans parler du fait qu’ici aussi le travail comptable n’était pas moindre, mais seulement plus vétilleux, le grand Poséidon ne pouvait avoir qu’un poste de responsabilité. Et si on lui proposait un poste hors de l’eau, il se sentait mal rien qu’à se l’imaginer, son souffle divin s’accélérait, son buste d’airain vacillait. D’ailleurs on ne prenait pas ses plaintes vraiment au sérieux ; quand un puissant ne cesse de se lamenter, il faut essayer de faire semblant de lui céder, même dans les situations sans issue ; personne ne songeait vraiment à le suspendre de sa charge, car il avait été destiné depuis le début des temps à être le dieu des océans et devait le rester. Ce qui l’énervait le plus – et provoquait son insatisfaction à son poste –, c’était d’entendre parler des images qu’on se faisait de lui, comme celle par exemple où il conduisait sans cesse son char à travers les flots tenant son trident. Pendant ce temps-là, il restait assis au fond de l’océan et n’arrêtait pas de compter, cette activité monotone étant uniquement interrompue de temps à autre par un voyage à Jupiter, voyage dont il revenait d’ailleurs furieux la plupart du temps. Ainsi il avait à peine vu les océans, juste de manière fugitive lorsqu’il montait en se dépêchant à l’Olympe, et il ne les avait jamais réellement traversés. Il avait coutume de dire qu’il attendait pour cela la fin du monde, alors il y aurait bien un moment de calme où il pourrait encore, juste avant que tout s’achève et après avoir contrôlé son dernier compte, faire rapidement un petit tour.
"Poséidon" dans "La Muraille de Chine", Folio

20:06 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kafka

mercredi, 25 septembre 2024

Temps

Héraclite, Lothar ReichelLe temps est un enfant qui joue
Héraclite
Photo : Lothar Reichel

mercredi, 18 septembre 2024

L'amour fou

Inox Lord.jpg« La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. »
André Breton, L'amour fou
Photo : Inox Lord

lundi, 16 septembre 2024

Le grand sommeil

GOH5SgBWQAAD1jm.jpgIl était environ onze heures du matin, à la mi-octobre, le soleil ne brillait pas et une pluie forte et pénétrante s’annonçait dans la clarté des collines au pied des montagnes. Je portais mon costume bleu poudre, avec chemise, cravate et pochette bleu foncé, brogues noires, chaussettes de laine noire à motifs bleu foncé. J’étais net, propre, rasé, je n’avais pas bu et je n’avais pas honte qu’on le sache. J’étais tout ce que doit être un détective privé élégant. Je rendais visite à quatre millions de dollars.
Début du Grand Sommeil, de Raymond Chandler, film de Howard Hawks ce soir sur Arte...

samedi, 07 septembre 2024

Depuis l'aube des temps

Mark Littlejohn11.jpg« A l’homme de profond désir, un signe suffit, et les signes sont, depuis l’aube des temps, le langage des dieux. »

Hölderlin

Photo : Mark Litteljohn

dimanche, 01 septembre 2024

Pas d'avant

Franck Gerard.jpg"Il n'y a pas d'avant dans la naissance simultanée de l'espace et du temps."
Philippe Sollers, Centre
Photo : Franck Gerard