jeudi, 31 mai 2007
Struggle for time
"Je réponds simplement "oui, oui, non, non", un peu oui, un peu non, ça l'occupe, il y a longtemps que j'ai renoncé à expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit, à justifier mon grain de folie, mon struggle for time. Jamais assez de temps pour sentir le temps. Un quart d'heure est un pays. Une demi-heure un continent parcourable."
Philippe Sollers, Le Lys d'or
03:04 Publié dans temps | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, art, peinture, Frédérique Azaïs, Philippe Sollers, Le Lys d'or, temps
lundi, 28 mai 2007
On entre dans le vrai théâtre des soirs
« Comme toujours, ici, vers le dix juin, la cause est entendue, le ciel tourne, l’horizon a sa brume permanente et chaude, on entre dans le vrai théâtre des soirs. Il y a des orages mais ils sont retenus, comprimés, cernés par la force. On marche et on dort autrement, les yeux sont d’autres yeux, la respiration s’enfonce, les bruits trouvent leur profondeur nette. Cette petite planète par plaques, a son intérêt. »
Philippe Sollers, La fête à Venise, (début du texte)
Bona Mangangu, Huile sur toile
18:42 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art, peinture, littérature, Bona Mangangu, Philippe Sollers, La fête à Venise
Pour le maître parfait...
Pour le maître parfait
Ciel et terre ne durent qu'un matin
Les dix mille temps, un seul instant.
Soleil et lune sont ses fenêtres,
Les huit déserts forment sa cour.
Ses pas ne laissent nulle trace,
Nulle part il ne demeure.
Plafond du ciel, tapis de la terre,
Il suit son bon plaisir.
Son repos : saisir la coupe.
Son mouvement : vider la cruche.
Le vin est son seul travail ;
Il ne sait rien d'autre.
Lieou Ling, 221-300
00:00 Publié dans Chine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, Chine, Taoisme, Lieou Ling
samedi, 26 mai 2007
Les quatre...
Rebondissant sur le blog de Dominique Autié, voici ma réponse (un peu rapide) au jeu des quatre, aux suivants...
Les quatre livres de mon enfance (avant 15 ans)
Tintin ; albums lus et relus, notamment les premiers en ma possession, car les autres ont mis du temps avant d’arriver jusqu’à moi : L’étoile mystérieuse, Le Trésor de Rackham le rouge…
Jules Verne ; c’est avec lui que j’ai commencé à vraiment lire, et à voyager… Mes préférés : L’Ile mystérieuse, Le Tour du monde en 80 jours, le Chancellor ; La mer, la mer toujours recommencée…
L’Encyclopédie « Tout l’univers », et les atlas en tous genres…
L’Adieu aux armes de Ernest Hemingway : le livre qui m’a rendu antimilitariste, et je n’ai plus quitté Hem depuis.
Les quatre livres que j'emporterais sur une île déserte
La Bible, le roman des romans, là tout est dit, depuis le début jusqu’à la fin, pourquoi aller plus loin ?
Les Poésies de Rimbaud ; ma préférence va aux Illuminations, le joyau absolu, peut-être le livre que j’emporterai s’il n’en fallait qu’un, mais tout Rimbaud, mince en poids, est infini dans sa perspective…
Le Yi-King, autrement dit la philosophie en action ; il concentre pour moi tout l’esprit de la Chine, mais avec un peu plus de place, j’y ajouterais volontiers L’art de la guerre, les 36 stratagèmes et Tchouang-Tseu…
A la Recherche du temps perdu : C’est le Grand Œuvre bien sûr, le chef d’œuvre absolu, la source inépuisable, sans doute mon plus grand choc de lecture, quand un peu avant la fin, on perçoit d’un coup toute la logique de l’ensemble, sa force, sa pertinence, son évidence…
Les quatre écrivains que je lirai et relirai encore
Baudelaire, toujours recommencé, et jamais épuisé…
Nietzsche : s’il fallait choisir un philosophe, ça serait lui. En le lisant j’ai toujours l’impression que lui a vraiment pensé. Et quel style ! Et pour l’éternel retour…
Flaubert : Sa Correspondance, le début de Salammbô, Les Trois contes et la Bovary en entier…
Jack Kerouac, le grand choc de mes dix-huit ans, là, tout d’un coup, se dévoilait une autre façon de vivre, et d’écrire…
Les quatre auteurs que je ne relirai plus jamais
Plus jamais ? Non, je n’ai pas de cette sorte de ressentiment, je ne lis que par plaisir, et puis demain est incertain par définition…
Les quatre premiers livres de ma pile à lire
Les Mémoires de Saint-Simon, le grand style, une vraie leçon d’écriture, la meilleure antidote à la mauvaise littérature…
Un des livres de Philippe Sollers ; le seul auteur contemporain que je relis régulièrement, là je ne sais pas lequel je vais reprendre, mais il s’en trouvera forcément un adapté au moment…
L’Histoire de ma vie, de Casanova, toujours en lecture, un des livres les plus vivants et les plus profonds que je connaisse…
Les livres de mes amis ; j’adore lire les livres de mes amis…
Les derniers mots d'un de mes livres préférés
"En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841, ma fenêtre, qui donne à l'ouest sur les jardins des Missions étrangères, est ouverte : il est six heures du matin ; j'aperçois la lune pâle et élargie ; elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l'Orient : on dirait que l'ancien monde finit, et que le nouveau commence. Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse ; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l’éternité. » Mémoires d’Outre-tombe, Chateaubriand
Quatre lecteurs dont j'aimerais connaître les quatre livres qui…
Pas quatre là, tous ceux qui en ont envie me paraît plus intéressant…
Picasso, Portrait de Dora Maar
19:46 Publié dans littérature | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, île déserte, les quatre
La rose est sans pourquoi
Pourquoi une histoire ? La rose est sans pourquoi. Le vent s’est calmé. L’air ici à Montpellier est doux comme le printemps, perpétuel. Là, tout près, la Méditerranée, celle d’Homère, des débuts. Je la sens qui frémit, les vagues frissonnent, caressent le sable, ces millions de grains, ces coquillages qui lentement s’amenuisent, se dispersent, reviennent.
Extrait de "Solaire", Raymond Alcovère, roman en cours d'écriture
Triptyque de Jean-Louis Bec00:05 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art, littérature, Raymond Alcovère, photo, Jean-Louis Bec, Solaire
vendredi, 25 mai 2007
Donnons-nous du bon Temps...
Depuis quelques mois, il ne se passe pas une semaine sans que nous apprenions la disparition d’une revue de création littéraire ou celle d’un éditeur. Les systèmes de diffusion et de distribution, la concentration aux mains des mêmes industries de la chaîne du livre, l’incurie des médias concernant la création condamnent beaucoup à cesser leur production. S’il ne s’agit pas de faire le procès des uns ou des autres, il est devenu nécessaire, nous semble-t-il, d’opposer un refus à cet état de fait. Aujourd’hui, nous vous faisons donc parvenir un appel lancé par les éditions Le Temps qu’il fait dont nous avons souvent souligné l’excellence. Pourquoi faire suivre cet appel et non ceux lancés précédemment par d’autres éditeurs ? Parce que Le Temps qu’il fait est aussi un symbole : celui de l’indépendance, celui du soin apporté à la qualité des livres, de leur impression, de leur réalisation.
Soyons clairs : il ne s’agit pas tant de venir en aide au Temps qu’il fait en achetant leurs ouvrages que dire, par nos actes, combien nous répugne aujourd’hui la disparition de tout un pan de l’édition de création.
Alors, levons-nous plus tôt que tôt, faisons joyeusement nos heures supplémentaires pour gagner plus d’argent. Et offrons ces livres qui peu ou prou ont changé nos vies, nous ont aidé à y trouver du sens.
Bonnes lectures
15:00 Publié dans Edition | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, photo, le temps qu'il fait, le matricule des anges, Gildas Pasquet
jeudi, 24 mai 2007
C'est que je me regarde diversement
« Si je parle diversement de moi, c'est que je me regarde diversement. Toutes les contrariétés s'y trouvent selon quelque tour, et en quelque façon : honteux, insolent, chaste, luxurieux, bavard, taciturne, laborieux, délicat , ingénieux , hébété , chagrin, débonnaire , menteur , véritable , savant, ignorant et libéral , et avare et prodigue. »
Montaigne
08:13 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, Montaigne, Philippe Sollers
L'harmonie chez Poussin
Voir c’est capter l’esprit du monde, le sensible. Peindre, saisir du regard l’ensemble, le devenir. Ce sera la vibration chez Cézanne, l’amour ingénu chez Chagall, la sensualité, sa finesse chez Titien, la compassion chez Greco, l’harmonie chez Poussin. Regard qui perce l’univers, trouve le lien, le point nodal. Rembrandt l’ombre, Caravage la rage, Fragonard la volupté. Cézanne la plénitude.
(Extrait de "Le Sourire de Cézanne")
Raymond Alcovère, n & b éditions, 2007
Nicolas Poussin : "Le onzième Travaux d'Hercule"
03:10 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art, littérature, Raymond Alcovère, peinture, Le sourire de Cézanne, Poussin
mercredi, 23 mai 2007
Dans la campagne aixoise
Dans la campagne aixoise, ce début janvier a les couleurs d’un automne tardif. Ocelles claires des chênes verts, fauve des feuilles caduques, dans les arbres touches mélangées de jaune, ocre, vermillon, rouille, reflets ombrés, aspect frêle des feuilles sur le point de chuter, translucides et légères, puis s’effondrant en poussière. Partout la végétation, en flot inépuisable, dégorge de gigantesques vasques sur les collines, les combes et les ravines. Bientôt les arbres dessineront des pinceaux, dressant leurs nervures dans le gris du ciel. Au milieu, clairsemés, les oliviers. Lumineux et purs comme des incendies, les seuls à irradier de l’éclat quand l’horizon se couvre de gris, décharnés, noueux, rivés à la terre. Le vent se mêle aux forêts dans des vapeurs blanchâtres, traînées de gaze qui couronnent la Sainte-Victoire. Miracle, en cette saison les journées sont courtes, rares les promeneurs, lumière d’or étalée, formes étagées en volumes.
Extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, Raymond Alcovère, n & b éditions, mai 2007
Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire vue des Lauves
06:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, littérature, Raymond Alcovère, peinture, Le sourire de Cézanne
mardi, 22 mai 2007
Par l’expérience
"L’homme est un animal qui ne peut être endoctriné que par l’expérience. Cette loi fait que le monde existera toujours dans le désordre et dans l’ignorance car les doctes n’en forment tout au plus que la centième partie"
Casanova
18:34 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philosophie, Casanova, Philippe Sollers
dimanche, 20 mai 2007
L'Ile singulière
L’horizon se couvre, en masses spongieuses, absurdes, menaçantes. Gaétan ne comprend pas, ils sont là tous les deux, si bien ensemble et puis un abîme béant ; ces portes n’ouvriraient sur rien ? Et s’il était une marionnette entre les mains de Léonore ? Aujourd’hui, il a envie de la retenir : “ Si tu ne pars que demain, on pourrait aller à Sète, tu connais ? ” “ Non ” “ Un lieu magique, il y a des bateaux partout, la mer qui encercle la ville, on l’appelle L’Ile singulière. Peuplée par des pêcheurs, ils venaient de Salerne, sur la côte amalfitaine. Un monde à part, tout près d’ici en plus ”… L’atmosphère est fraîche. Lumière diffuse. Ils marchent jusqu’au Môle. Le monde extérieur passe lointain devant eux, comme un décor de théâtre. Le vent souffle en rafales. Ils s’assoient sur un rocher. En parlant aussi, elle a l’impression de se fondre avec lui, de s’oublier. Un calme profond se pose. La soirée s’étire, la séparation du lendemain approche à grands pas. Ils sont dans le vague, malheureux. Gaétan ne peut plus dormir. Léonore tombe de sommeil, reste à la lisière ; mélange acide de plaisir et de souffrance. Lui ne supporte plus cette chambre étouffante, veut sortir, aller jusqu’au Mont Saint-Clair. Milieu de la nuit. Là-haut, atmosphère blanche. Un épais brouillard les entoure. On ne distingue même pas la côte. Une immense croix blanche se dresse dans la brume. Ils sont troublés par la fatigue, l’étrangeté du lieu, et leur tristesse. Gaétan se dit vaguement il faut lui faire confiance, mais l’inquiétude le gagne. L’humidité transperce tout. Ils rentrent à l’hôtel, n’ont la force de rien. Une grande lassitude s’est déposée. Nuit de mauvais sommeil, incertain. Un vent âpre souffle le matin. Il la raccompagne à la gare. Ne se disent plus un mot jusqu’au départ.
Extrait de "Le Sourire de Cézanne", roman, Raymond Alcovère, n & b éditions, mai 2007
02:35 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Le Sourire de Cézanne, littérature, roman, Raymond Alcovère
samedi, 19 mai 2007
L'inévitable descente du ciel
Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit.
Rimbaud
Photo : Gildas Pasquet
00:10 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, art, photo, Gildas Pasquet, Rimbaud
vendredi, 18 mai 2007
Esprit français, es-tu là ?
Le parti le plus difficile ou le plus gai est toujours celui que je prends ; et je ne me reproche pas une bonne action, pourvu qu'elle m'exerce ou m'amuse...
Baudelaire
03:15 Publié dans illuminations | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, Baudelaire
jeudi, 17 mai 2007
Le temps...
Le temps est un enfant qui joue
Héraclite
15:39 Publié dans Papillote | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature, temps, Héraclite
mercredi, 16 mai 2007
En lisant Le Sourire de Cézanne
21:10 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, critique, Jean-Louis Kuffer, Le sourire de Cézanne
Le Sourire de Cézanne (vient de sortir)
Elle se lève tôt le lendemain matin, ouvre la fenêtre. L’air, étonnamment doux, palpite au-dessus des toits. L’ombre est grise encore. Une trouée dans le ciel orgeat, derrière Saint-Sauveur, plus ocre et violente au fil des minutes. Des vols de moineaux décrochent des toits avant de plonger dans les rues vides. Sa vie commence. Elle a dix-huit ans, mais avec le calme en plus. Elle ira posément dans la direction fixée, une certaine forme de doute n’a plus sa place. Gaétan dort tranquillement. Ses affaires, posées sur une chaise, sont animées d’une vie propre. Elle déborde d’un amour absolu envers lui, un amour qui ne remet pas en cause sa liberté. Le plus improbable est arrivé, il en est ainsi depuis les origines de l’univers. La même sorte de probabilité qu’un Cézanne existe.
Léonore a quarante ans ; au moment où tout semblait l’abandonner, elle rencontre Gaétan, vingt ans. Le père de Léonore, atteint par la maladie d’Alzheimer, vit ses derniers instants. Léonore, qui a pris une année sabbatique, écrit un livre sur la peinture, sur le regard des peintres ; elle parcourt l’œuvre de Piero della Francesca, Poussin, Miro, Zao Wou Ki ; au fur et à mesure, Cézanne y prend une place centrale. Le Sourire de Cézanne, c’est celui du peintre, à la fin de sa vie, devant son tableau «Les grandes baigneuses ». Et aussi le sourire qu’adresse son père à Léonore, avant de mourir. Cézanne a passé sa vie à fuir les contraintes sociales de son époque pour peindre, envers et contre tout. Les deux personnages du roman, eux, entre Aix-en-Provence et Montpellier, vont aller à la recherche d’eux-mêmes, jusqu’au bout de leur passion…Roman mai 2007, éditions n& b 108 p – 13 €
Photo de couverture : Jean-Luc Aribaud
16:45 Publié dans Le Sourire de Cézanne | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature, Le Sourire de Cézanne, roman
lundi, 14 mai 2007
Ils n’en veulent plus de la lecture !
Je fis aussi la connaissance de Roch. Ancien musicien et maintenant écrivain. Très secret, d’une intelligence foudroyante. Le personnage le plus étonnant et le plus atypique que j’ai jamais rencontré. Il ne quittait pratiquement jamais Montpellier. Depuis une dizaine d’années il avait abandonné toute activité sociale. Une écriture précise, profonde et désabusée. Chacune de ses phrases pouvait se lire de mille façons, en contenait d’autres. Devenu très ami avec Guilhem, je me mêlais à leurs conversations, avec l’impression qu’on devenait des conspirateurs : « Ils n’en veulent plus de la lecture, pas rentable, quand tu lis un livre, tu sors du système, la seule chose que tu développes c’est ton esprit critique, dangereux ! tu ne consommes plus, tu bloques la machine ! Au contraire, tout est fait pour divertir en permanence, abreuver les gens d’images, désagréger toute forme de pensée. Regarde l’éducation, l’école, l’apprentissage de la lecture, ils sont en train de tout casser, pour faire de nous des consommateurs, disponibles, obéissants ! ».
Raymond Alcovère, extrait de "Solaire", roman en cours d'écriture
Image de Roy Lichtenstein
04:16 Publié dans En cours d'écriture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, art, peinture, Roy Lichtenstein, Solaire, Raymond Alcovère
vendredi, 11 mai 2007
Portrait du joueur
Début du texte :
Eh bien, croyez-moi, je cours encore ... Un vrai cauchemar éveillé ... Avec, à mes trousses, la horde de la secte des bonnets rouges... Ou verts... Ou marron... Ou caca d’oie... Ou violets... Ou gris... Comme vous voudrez... Le Tibet de base... Singes, hyènes, lamas, perroquets, cobras... Muets à mimique, tordus, érectiles... Hypermagnétiques... Venimeux... Poulpeux... Un paquet de sorciers et sorcières ; un train d’ondes et de vibrations... Moi, pauvre limaille... J’ai cru que je n’en sortirais jamais, j’ai pensé mille fois devenir fou comme un rat dans les recoins du parcours... Ils ont tout, ils sont partout, ils contrôlent tout, ils avalent tout...
Mais qui ça, ils ?
Ah, voilà !
Tout simplement, eux. Ils. Ils et elles, bien sûr...
Fin du livre :
Je referme les yeux, et je me vois tout à coup pousser mon attelage, là-bas, jusqu’au bout, vers l’ouest, là où les avions descendent et clignotent, des chevaux de vent et de nerfs, souples, rapides, écumants, volontaires, leurs crinières brillent dans le couchant, personne ne les remarque, ils galopent au milieu des bateaux, chevaux et bateaux, le rêve, ils se faufilent et foncent vers l’horizon rouge, sur le mercure déjà nocturne de l’eau, je les tiens à peine maintenant, ils m’échappent, ils ont leur idée, leur cri d’attraction muet, ils se sont débarrassés de moi, ils filent, ils sont ivres, je sens leurs muscles jouer sans efforts, leurs encolures impatientes, vibrantes, ils se sont réfugiés ici avec moi, en moi, ils vont se fracasser sur la ligne invisible, mais peut-être pas, comment savoir, ils frôlent à peine le canal bouillonnant du soir, je les laisse, je lâche les rênes, ils veulent passer eux aussi, et peut-être vont-ils passer, malgré tout, museaux et naseaux comme directement vaporisés dans l’envers.
Philippe Sollers, Portrait du joueur, Folio
09:08 Publié dans Grands textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, Philippe Sollers, Portrait du joueur
jeudi, 10 mai 2007
La Théorie du K.O.
"Il n'en reste pourtant pas des masses, des endroits où les pauvres persistent à s'entraider." Ce polar de Lilian Bathelot clôt le cycle sétois entamé par Avec les loups et poursuivi par Spécial Dédicace. La Théorie du K.O. c'est le nom de code d'une opération décidée par le ministère de l'intérieur. Le nom a été trouvé par un des chefs des services spéciaux qui a fait ses classes à La Havane, il y a bien des années de là, et pour d'autres causes, tout passe... De fait quelques péquenots sétois comme les appellent les superflics parisiens vont leur donner du fil à retordre. Tout ceci se passe sur fond de manipulation bien sûr. Les services de sécurité du Président du Conseil local, noyautés par un parti fasciste, ont commis quelques bavures, du coup c'est un véritable chaos qui enflamme L'île singulière. Priorité sera donnée à la protection du président, et toute l'opération sera maquillée en règlement de comptes de mafias rivales. Lilian Bathelot articule son polar de main de maître, les scènes d'action, la description du dessous des cartes de la politique locale, tout s'imbrique judicieusement comme la manipulation qu'il décrit. On en a le souffle coupé tout du long et on réfléchit en même temps à l'enchaînement des faits et des causes, au rapport entre les médias et le pouvoir, entre l'histoire secrète et l'histoire officielle. C'est bien un regard politique que nous livre ici Lilian Bathelot.
Collection Sombres climats, éditions Climats, 1999.
Voir ici le site de l'écrivain
20:21 Publié dans Critique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, politique, Lilian Bathelot
Sans que nous le sachions
“Quelquefois l’avenir habite en nous sans que nous le sachions”
Marcel Proust
08:10 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, Marcel Proust, politique